LE CINÉASTE PENSEUR
DÉFINITION DU NUMÉRIQUE
Du côté matériel, l’informatique regroupe l’ensemble des techniques qui contribuent à numériser l’information (entrée), à la stocker (mémoire), à la traiter automatiquement, à la mettre à la disposition d’un utilisateur final, humain ou mécanique (sortie). Ces distinctions sont conceptuelles. Les appareils ou les composants concrets mêlent toujours plusieurs fonctions.6 Interfaces. Tous les appareillages qui permettent l’interaction entre l’univers de l’information numérisée et le monde ordinaire.7 Il y a d’une part la manipulation numérique d’images captées dans le réel, mais d’autre part, il y a l’apparition de l’image de synthèse. Il y a effectivement une distinction à faire entre les images de synthèse et les autres images numériques. Il y a d’abord les images-trace.
Ce sont les images numériques qui prennent forme en interaction avec la réalité par la prise d’images sous forme de tournage cinéma ou vidéo. Par extension, ce sont aussi les images issues de la manipulation d’outils virtuels par un artiste, à l’aide d’un logiciel de peinture ou de dessin, c’est-à-dire des outils informatisés (caméra ou tablette graphique) qui sont des interfaces entre le réel et la numérisation de celui-ci sous forme d’image. Il y a ensuite les images de synthèse. Des images qui simulent la réalité et créées par la manipulation d’algorithmes à l’aide d’un logiciel! Les outils qui permettent de les produire sont des interfaces entre l’imagination de l’artiste et le monde virtuel ainsi crée. Analogique. Qui représente, traite ou transmet des données sous la forme de variations d’intensité continues. Numérique (ou digital). Qualifie les systèmes ou dispositifs n’employant que des signaux binaires. De synthèse. Calculée de part en part à partir de modèles mathématiques ou abstraits, l’image de synthèse est donc numérique.
L’image « de synthèse » constitue donc, dans cette perspective, une souscatégorie de « l’image numérique ».8 Toute image de synthèse est numérique, mais toute image numérique n’est pas nécessairement « de synthèse ». Le mode numérique permet une combinaison de toutes les sources d’images et de les fusionner d’une façon si parfaite qu’il est impossible de voir la démarcation entre chacune des sources de l’image finale. Thibaut Garcia, dans Qu’est-ce que le «virtuel» au cinéma, l’adaptation de la première partie d’une thèse de doctorat rédigée entre 2002 et 2007, adopte un point de vue résolument sociologique et critique sur le message véhiculé par le cinéma postmoderne.
Il choisit de parler de l’impact des nouvelles images numériques en ciblant plus particulièrement les oeuvres cinématographiques où le « virtuel » s’incarne dans la diégétique de celles-ci. Cette approche lui permet par la suite d’élargir ses conclusions à l’ensemble des images consommées dans le contexte postmoderne actuel. Garcia critique les théoriciens des nouveaux médias qui isolent la technique du message véhiculé par celle-ci. Il déconstruit la prétention transpirant des écrits de plusieurs auteurs à savoir que le message existerait dans les technologies numériques elles-mêmes plutôt que dans les propos de ceux qui utilisent ces nouveaux outils. Garcia traite plus particulièrement de l’impact des nouvelles images numériques et de synthèse sur le langage du cinéma postmoderne :
CULTURE, SOCIÉTÉ ET TECHNOLOGIE
Ma recherche et ma création se déroulent dans un lieu théorique qui relève avant tout du langage cinématographique. Ce sont les limites d’un médium et ses difficultés propres qui déterminent ses règles de fonctionnement. La façon dont le cinéma se construit détermine donc ce qu’on peut exprimer à travers ce dernier. Les particularités du médium cinéma déterminent aussi comment le spectateur interprète l’information qu’il reçoit. Ces limites perceptibles du cinéma : les deux dimensions de l’image, l’écran et la vitesse de défilement des images sont-elles aussi transformées par les technologies numériques du point de vue du spectateur? Les possibilités de modifier, d’altérer, de déconstruire et de recomposer toutes les images (images de synthèse, modification en temps réel) sont aujourd’hui faciles d’accès; le médium se démocratise. Depuis son apparition, le cinéma a toujours eu un rôle prépondérant dans notre façon de percevoir le monde; de comprendre ce que certains nomment la réalité. Sa large diffusion a un impact important sur notre imaginaire collectif. Comment, en se transformant, le cinéma transforme-t-il notre société? Comment le cinéma, médium analogique au départ, nous transforme-t-il en devenant numérique?
Une technique est produite dans une culture, et une société se trouve conditionnée par ses techniques. Je dis bien conditionnée et non pas déterminée. La différence est capitale. L’invention de l’étrier a autorisé la mise au point d’une nouvelle forme de cavalerie lourde, à partir de laquelle se sont édifiés l’imaginaire de la chevalerie et les structures politiques et sociales de la féodalité. Pourtant, l’étrier, en tant que dispositif matériel, n’est pas la « cause » de la féodalité européenne. Il n’y a pas de « cause » identifiable d’un état de fait social ou culturel, mais un ensemble infiniment complexe et partiellement indéterminé de processus en interaction qui s’y auto-entretiennent ou s’inhibent. On peut dire en revanche que sans l’étrier, on voit mal comment des chevaliers en armure auraient pu tenir sur leurs destriers et charger lance en avant… L’étrier conditionne effectivement la chevalerie et, indirectement, toute la féodalité.
Que la technique conditionne, cela signifie qu’elle ouvre certaines possibilités, que certaines options culturelles ou sociales ne pourraient être sérieusement envisagées sans leur présence. Mais plusieurs possibilités sont ouvertes, et toutes ne seront pas saisies.10 Avec le développement du numérique, assistons-nous à une transformation ou à une simple évolution du monde dans lequel nous vivons? Est-il exagéré de parler de « choc » numérique? La technologie et le langage sont apparus sur notre planète avec les premiers humains et continuent d’évoluer depuis ce jour. La technologie est indissoluble de la culture et de la société. Il y a par contre un phénomène important d’accélération; les connaissances techniques des humains actuels doivent être constamment « mises à jour ». Pour la première fois depuis le début de notre histoire, les connaissances acquises à l’école pour accomplir une tâche ou un emploi seront obsolètes au moment de la retraite, voire bien avant…
En somme, plus le changement est rapide, plus il semble venir de l’extérieur. De plus, le sentiment d’étrangeté croît avec la séparation des activités et l’opacité des processus sociaux. C’est ici qu’intervient le rôle central de l’intelligence collective, qui est l’un des principaux moteurs de la cyberculture.11 Comme le précisait Manfred Mohr, un pionnier de l’art numérique, l’ordinateur « est, du point de vue de l’intellect, un amplificateur d’idée; du point de vue mécanique, un dessinateur sans égal. »12 La vitesse à laquelle on peut manipuler les images est aussi un des aspects importants de l’évolution de la technologie numérique. Cependant, la façon d’exploiter les possibilités qui s’y rattachent est différente selon les motivations de l’utilisateur. Prenons pour exemple le montage au cinéma. Les logiciels de montage numérique non linéaires permettent d’assembler et de manipuler les plans et les séquences beaucoup plus facilement que lorsqu’il fallait couper et coller physiquement la pellicule. Tandis que l’artiste y verra la possibilité de faire une multitude d’essais explorant de multiples possibilités, le producteur d’un cinéma de type industriel y verra, quant à lui, une façon de produire plus rapidement donc, de réduire ses coûts.
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Table des matières
RESUME
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
CHAPITRE I : RUPTURE, ÉVOLUTION ET CONTINUITÉ _
1.1 CONTEXTE
1.2 DÉFINITIONS DU NUMÉRIQUE
1.3 CULTURE, SOCIÉTÉ ET TECHNOLOGIE
1.4 FILIATION CINÉMA ET NOUVEAUX MÉDIAS
1.5 MULTIPLICITÉ DU CINÉMA
1.5.1 Définition du cinéma
1.5.2 Scénarisation et écriture cinématographique
1.5.3 Art ou industrie?
1.5.4 Quête de sens
CHAPITRE II : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE^
2.1 LE CINÉASTE PENSEUR
2.1.1 Introduction
2.1.2 La réalité du cinéma
2.1.3 Image-mouvement et image-temps
2.1.4 Lieu de réflexion
2.2 UN EXEMPLE : LOCH NESS DE STEVE LYON
2.2.1 Le message, c’est le médium
2.2.2 Description de l’oeuvre
2.2.3 Montrer plutôt que dire
2.3 HERVÉ HENRI : UN DOUBLE IMMATÉRIEL
2.3.1 Origine
2.3.2 Hervé Henri : Pataphysicien
2.3.3 Analyse du projet de Michel Murray par Hervé Henri
CHAPITRE III : L’HOMME À LA CAMÉRA NUMÉRIQUE
3.1 GENÈSE
3.2 MODUS OPERANDI
3.3 IDÉE ET INTENTION DE DÉPART
3.4 CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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