Le chômage des théories aux politiques

Le chômage : des théories aux politiques 

Le travail constitue un vecteur d’intégration économique et sociale de tout individu. L’histoire de celui-ci montre toutefois que cette conception n’a pas toujours été admise (Ferréol et Deubel, 1990, cité dans Leclerc, 2011). D’une simple activité de subsistance dans les sociétés primitives, le travail se transforme en une activité productive « dominée » à travers l’esclavage et le servage dans la cité grecque. Cette première domination productive se prolonge jusqu’au Moyen Age où elle prendra fin à la période préindustrielle menant à une dissolution des anciens liens de dépendance. Le travail devient dès lors obligatoire pour tous mais ce n’est qu’à partir de la révolution industrielle qu’il acquiert une dimension productive. De nos jours, le travail représente le fondement du lien social, il symbolise l’autonomie des individus car il permet à la fois l’émancipation et l’enrichissement individuel. Partant de là, toute personne en situation de chômage se voit exclue socialement et privée de cette liberté créatrice que le travail permet d’accomplir. L’histoire récente peut témoigner des ravages induits par l’inactivité : marginalisation, perte d’estime de soi, perte de repères, etc. (Blanchard, 2005 ; Gautié, 2009) et la problématique du chômage a pris de plus en plus d’importance dans les travaux économiques modernes faisant du travail un argument central des politiques publiques contemporaines. Le premier chapitre associe une approche historique et une approche économique. Il présente une synthèse des représentations théoriques du chômage  puis un panorama des politiques de l’emploi .

Le chômage dans les théories du marché du travail 

Cette première section est consacrée aux principales théories traitant de la question du chômage à travers les différents courants de la pensée économique. Nous proposons dans un premier temps de présenter brièvement les ébauches explicatives du phénomène de chômage durant la période dite « traditionnelle » qui oppose le courant orthodoxe, conduit par les classiques et les néoclassiques, et le courant hétérodoxe représenté par Marx et Keynes. Nous traitons par la suite des représentations contemporaines des différentes réactualisations de la théorie traditionnelle. Il ne sera évidemment pas question de prétendre en faire une présentation exhaustive, nous nous concentrerons essentiellement sur les théories ayant trait à notre objet de recherche (théorie du capital humain et les modèles d’appariement). Mais il convient au préalable de revenir, dans une partie préliminaire, sur la genèse de la catégorie de chômeur puisqu’elle constitue l’histoire du chômage. Ceci afin d’aboutir à une définition du chômage au sens du BIT .

Introduction au concept de chômage 

La définition ainsi que la mesure du chômage selon les normes internationales requièrent un rappel de la façon dont l’histoire a placé le travail au cœur de toutes les problématiques, économique, politique et sociale qui n’est pas à écarter car elle constitue le point de départ des premières revendications salariales suite à la grande dépression de 1930 qui a touché les États-Unis, puis s’est propagée au reste du monde.

De l’âge du paupérisme à l’invention du chômage 

L’accélération de l’industrialisation s’est accompagnée, dès le début du XIXe siècle, d’une croissance quasi continue des effectifs ouvriers, d’un accroissement de la misère et la précarité des classes laborieuses. Est ainsi apparue la « question sociale » focalisée sur les dysfonctionnements sociaux liés à la société industrielle. Proudhon (1846) estime le phénomène de prolétariat comme conséquence des contradictions économiques de la société (division du travail, progrès technique, etc.) qui entraineraient des inégalités de fortunes entre ouvriers et capitalistes. Tout en remettant en question l’analyse de Proudhon, Marx (1847) admet que ce « qui est la source de tant de misère est en même temps la source de tout progrès » (Marx, 1847, 44) et d’ajouter « A mesure que la bourgeoisie se développe, il se développe dans son sein un nouveau prolétariat : un prolétariat moderne » (Marx, 1847, 88). Les travaux historiques dédiés à la question du chômage (Salais et al., 1986 ; Topalov, 1994) attribuent ainsi l’« invention du chômage » à celle du salariat moderne. Le chômage acquiert un statut à travers les premiers travaux économiques (Marshall, Lazard, Beveridge). Les préoccupations focalisées jusqu’alors sur les pauvres se dessinent autour du chômage, conduisant préalablement à une catégorisation et un classement des indigents à partir du double critère de l’aptitude physique et du rapport au travail.

Du dénombrement des chômeurs à la mesure du chômage 

Dans un contexte de crises économiques et sociales et des insurrections ouvrières de la fin du XIXe siècle, est apparue la nécessité de dénombrer les chômeurs, cette catégorie de la population longtemps répertoriée parmi les sans-professions aux côtés des vagabonds, des personnes âgées et des infirmes (Teulon, 1996). Ces premiers dénombrements sont venus apporter une vision positiviste et objective du chômage (Topalov, 1994 ; Reynaud, 2013) et seront le point de départ de débats divisés quant à sa conceptualisation. Ce qui a suscité Ŕ en réponse à la « question sociale » Ŕ la création d’associations internationales, en l’occurrence l’Office International du Travail (OIT) en 1919, transformé en Bureau International du Travail (BIT) en 1931. Les avancées en termes de techniques de sondage, notamment celles pratiquées par les États-Unis durant les années 1930, marquent le passage effectif de la comptabilité des chômeurs à la mesure du chômage (Gautié, 2002). Est ainsi apparu le « taux de chômage » en rapportant le nombre de demandeurs d’emploi à l’ensemble de la population active. Il devient désormais l’indicateur de référence. Son caractère particulier et la difficulté de le délimiter a imposé de définir de manière claire la catégorie de « chômeur » aux contours tant difficiles à cerner. En 1954, les experts du BIT ont instauré une première définition internationale à des fins de comparaisons entre pays. La mesure unique du « chômage au sens du BIT » n’est adoptée qu’en 1982 par la 13e Conférence Internationale des Statisticiens du Travail (CIST). L’apparition du chômage de masse et la multiplication des formes de travail dites « atypiques » (contrats à durée déterminée (CDD), intérim, travail à temps partiel) incitent le BIT à actualiser et réviser les normes statistiques internationales afin d’interpréter au mieux les évolutions des différents marchés du travail. Les récentes réflexions (BIT, 2013b) marquent une avancée significative en ce sens, elles consistent à affiner le concept et la mesure de l’emploi et par conséquent à améliorer la mesure du chômage jugée fort restrictive.

Ainsi et tenant compte de ces révisions, est considéré « chômeur au sens du BIT » tout individu dépassant un âge spécifié répondant aux critères suivants : (i) « Être sans travail » durant la période de référence, ce qui exclut les personnes dans l’emploi, même pour quelques heures ; (ii) « Être à la recherche d’un travail », c’est-à-dire avoir pris des dispositions spécifiques au cours d’une période récente pour chercher un emploi, qu’il soit rémunéré ou indépendant mais également un emploi informel, occasionnel, à temps partiel, saisonnier ou d’autres emplois temporaires, suivant la nouvelle définition du BIT (cf. annexe 1.1, § 160) ; (iii) « Être disponible pour travailler » dans un emploi durant la période de référence.

Les interprétations traditionnelles du chômage 

L’accroissement du nombre d’individus sans activité et la persistance de la pauvreté durant la révolution industrielle ont fait apparaitre les ébauches explicatives du chômage. Le débat sur la nature du chômage oppose traditionnellement deux approches : la première considère que les contraintes d’offre (rigidité du salaire réel, rentabilité du capital insuffisante) sont à l’origine du chômage, et la seconde estime que le chômage résulterait plutôt d’une insuffisance de la demande. Il est ici proposé une présentation succincte des premières tentatives d’explication du phénomène.

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Table des matières

Introduction générale
1. Le cadre global de l’économie algérienne
2. Contexte de l’étude : persistance du chômage des jeunes sur fond de crise
3. Problématique et hypothèses de recherche
4. Approche méthodologique
5. Plan de la thèse
Chapitre 1 : Le chômage : des théories aux politiques
Introduction
Section 1 : Le chômage dans les théories du marché du travail
1. Introduction au concept de chômage
1.1. De l’âge du paupérisme à l’invention du chômage
1.2. Du dénombrement des chômeurs à la mesure du chômage
2. Les interprétations traditionnelles du chômage
2.1. Les classiques et l’impossibilité de chômage
2.2. Marx et l’armée industrielle de réserve
2.3. Les néoclassiques et la théorie du chômage volontaire
2.4. Keynes et la première théorie de l’emploi
3. Les interprétations contemporaines du chômage
3.1. Des assouplissements aux dépassements du modèle néoclassique de base
3.1.1. La théorie du job search
3.1.2. La théorie du capital humain
3.1.3. Les modèles de tri
3.2. L’emprunt de l’économie du travail au courant hétérodoxe
3.2.1. Dualisme et segmentation du marché du travail
3.2.2. Négociations et chômage
3.3. Les prolongements du modèle keynésien
3.3.1. Le courant du déséquilibre
3.3.2. Les théories du salaire d’efficience
3.3.3. La théorie des contrats implicites
3.3.4. La théorie insider-outsider et le phénomène d’Hystérèse
3.3.5. Le modèle WS-PS et le chômage d’équilibre
3.4. Les récents apports de l’économie à la compréhension du chômage
3.4.1. Les modèles d’appariement
3.4.2. Les chocs macroéconomiques et les institutions du marché du travail
Section 2 : Les politiques de l’emploi
1. Une construction récente
2. Des politiques variées
2.1. Les politiques de demande de travail
2.1.1. L’allègement du coût de travail
2.1.2. La flexibilisation du marché du travail
2.2. Les politiques d’offre de travail
2.2.1. La restriction des prestations de chômage
2.2.2. L’incitation au retour à l’emploi : la tendance à « l’activation »
2.3. Les politiques mixtes
2.3.1. Les politiques d’appariement
2.3.1.1. L’organisation institutionnelle du marché
2.3.1.2. L’adaptation des qualifications
2.3.2. La « flexicurité » : nouvelle stratégie de réforme du marché du travail
Conclusion
Chapitre 2 : Les jeunes et le chômage : une analyse descriptive
Introduction
Section 1 : Évolution du marché du travail sur la période 2000-2016
1. Caractéristiques du marché du travail algérien
1.1. Une population active en hausse constante
1.2. Une mutation dans la structure de l’emploi
1.3. Une baisse du taux de chômage
2. Insertion des jeunes et inégalités face au chômage
2.1. Les inégalités fondées sur l’âge
2.1.1. Répartition de la population algérienne en fonction de l’âge
2.1.2. Évolution du chômage des jeunes
2.1.3. Durée du chômage et sortie précoce du marché du travail
2.2. Les inégalités fondées sur le niveau de capital humain
2.2.1. Une population jeune de plus en plus scolarisée
2.2.2. Évolution des effectifs inscrits au niveau du SEF
2.2.3. Analyse du chômage des jeunes selon le niveau d’instruction
2.2.4. L’insertion économique des jeunes diplômés
2.3. Les inégalités fondées sur le genre
2.3.1. De faibles taux d’activité féminine
2.3.2. Des taux d’emploi déguisés
2.3.3. Un chômage massif et sélectif dans un contexte de repli général
2.3.4. Des statistiques biaisées
3. Les facteurs déterminants du chômage des jeunes en Algérie
3.1. Les facteurs démographiques
3.2. Les facteurs politico-économiques
3.3. Les facteurs socioculturels
Section 2 : Promotion de l’emploi et lutte contre le chômage des jeunes en Algérie
1. L’action des pouvoirs publics
1.1. Les ébauches d’une politique de l’emploi
1.2. Les dispositifs relevant du Ministère de la Solidarité Nationale et de la Famille
1.2.1. Les dispositifs gérés par l’Agence de Développement Social (ADS)
1.2.2. Les dispositifs gérés par l’Agence Nationale de Gestion du Micro crédit (ANGEM)
1.3. Les dispositifs relevant du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale
1.3.1. L’Agence Nationale de l’Emploi (ANEM)
1.3.2. L’Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes (ANSEJ)
1.3.3. La Caisse Nationale d’Assurance Chômage (CNAC)
1.3.4. Les organismes privés de placement agréés par l’État
1.4. Les autres partenaires intégrant la politique de promotion de l’emploi
1.4.1. Les partenaires du secteur bancaire
1.4.2. Les fonds de garantie
1.4.3. L’encouragement à l’investissement
2. Impact de la politique nationale de l’emploi sur l’évolution du marché du travail
2.1. Réalisations des différents dispositifs
2.1.1. Activité d’intermédiation de l’ANEM et les programmes pour l’emploi des jeunes
2.1.2. Création d’emploi dans le cadre du filet social
2.1.3. Aide à la création de micro-entreprises
2.2. L’effet des dispositifs publics sur la dynamique du chômage en Algérie
2.3. Les limites observées à la mise en œuvre et suivi des dispositifs
Conclusion
Chapitre 3 : Chômage des jeunes et participation des femmes au marché du travail
Introduction
1. Présentation et sources des données mobilisées
1.1. L’échantillon de chômeurs
1.1.1. Présentation des enquêtes ménages
1.1.2. Précisions d’ordre méthodologique
1.2. L’échantillon de la wilaya de Tizi-Ouzou
2. Caractéristiques et typologie des jeunes chômeurs
2.1. Caractéristiques descriptives de l’échantillon de chômeurs
2.2. Typologie des demandeurs d’emploi enquêtés
2.2.1. L’Analyse des Correspondances Multiples (ACM)
2.2.2. La Classification Ascendante Hiérarchique (CAH)
2.2.3. Confrontation des typologies des jeunes demandeurs d’emploi et des adultes
3. Les déterminants du chômage des jeunes
3.1. Identification des variables et étapes de réalisation de l’étude
3.2. Résultats et interprétations
3.2.1. L’effet « caractéristiques sociodémographiques »
3.2.2. L’effet « capital humain »
4. De la participation des femmes au marché du travail
4.1. Les théories explicatives des inégalités de genre
4.2. Analyse de la décision de participation des femmes au marché du travail
4.2.1. Choix des variables
4.2.2. Résultats et interprétation
4.3. Discussion
Conclusion
Conclusion générale

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