Le cholestérol : structure, distribution intracellulaire et origine

Le cholestérol : structure, distribution intracellulaire et origine 

Le cholestérol est un lipide de la famille des stérols. Son nom dérive du grec chole- (bile) et de stereos (solide), car il fut découvert sous forme solide dans les calculs biliaires en 1758 par François Poulletier de La Salle.

Structure

La molécule de cholestérol est une molécule amphiphile : elle est formée d’une tête hydrophile et d’un corps hydrophobe. Cependant, le corps de la molécule, constitué d’un noyau cyclo-pentano-phénanthrénique, est prédominant et confère au cholestérol une nature hydrophobe. Le noyau correspond à quatre cycles carbonés noté A, B, C et D (Figure 1). La tête polaire est limitée à un groupement hydroxyle sur le carbone 3 (C3). Cette fonction peut être estérifiée par un acide gras ce qui rend la molécule totalement insoluble dans l’eau. Malgré la présence de 8 carbones asymétriques, un seul stéréo-isomère est présent naturellement : le 3β-ol lévogyre.

Distribution intracellulaire

Le cholestérol étant une molécule fortement hydrophobe, il est presque exclusivement présent dans la cellule sous forme libre au sein des membranes ou bien sous forme d’esters dans les gouttelettes lipidiques. Le fait que le cholestérol libre cytoplasmique soit toxique explique aussi cette répartition (Tabas, 2002). Les deux pools de cholestérol (libre et estérifié) sont en équilibre. Au niveau des différentes membranes cellulaires, le cholestérol n’est pas réparti de façon égale. La majorité du cholestérol est localisée dans la membrane plasmique. Selon les études et selon le type cellulaire étudié, la proportion de cholestérol estimée à la membrane plasmique varie de 40 à 90% du cholestérol cellulaire total (Liscum and Munn, 1999). Les différentes techniques permettant d’évaluer la concentration de cholestérol à la membrane plasmique sont :
• le fractionnement subcellulaire couplé au dosage du cholestérol,
• l’extraction du cholestérol de la membrane plasmique par la méthyl betacyclodextrine couplée au dosage du cholestérol,
• et le dosage du cholestérol membranaire oxydé (cholesténone) par la cholestérol oxydase (Lange, 1992).

Au niveau du réticulum endoplasmique (RE), la concentration en cholestérol est très basse et ne représente pas plus de 0,5 à 1 % du cholestérol cellulaire (Lange et al., 1999). Ce gradient de cholestérol entre la membrane plasmique et le RE est indispensable pour assurer une régulation fine de l’homéostasie cellulaire du cholestérol, mais aussi pour de nombreuses fonctions cellulaires. Le cholestérol est aussi réparti de façon hétérogène dans le système endocytique. On trouve une quantité importante de cholestérol dans le compartiment de recyclage (ERC, endosomal recycling compartment) alors que des concentrations plus faibles sont retrouvées dans les endosomes et les lysosomes (Maxfield and Wustner, 2002). Cette différence peut être expliquée par le fait que le cholestérol a une plus grande affinité pour les membranes riches en sphingolipides et en phospholipides saturés, comme celles de l’ERC (Mesmin and Maxfield, 2009). Malgré sa capacité à diffuser au sein des bicouches lipidiques (latéralement ou entre les feuillets grâce à des flipases), le cholestérol n’est pas distribué de façon homogène au sein de la membrane plasmique (Mesmin and Maxfield, 2009). Il est réparti de façon asymétrique de part et d’autre de la bicouche permettant ainsi la génération de la courbure membranaire. Il existe également des hétérogénéités de répartition du cholestérol au sein d’un même feuillet. Le cholestérol et certains phospholipides s’associent préférentiellement entre eux au niveau de nanodomaines de la membrane appelés raft ou au niveau d’invaginations appelées cavéoles.

Origine 

Le cholestérol cellulaire a deux origines : l’apport exogène via les lipoprotéines et la synthèse endogène. Les besoins cellulaires en cholestérol sont majoritairement assurés par les apports endogènes (environ 75%), la différence étant couverte par les apports exogènes.

La synthèse endogène

Toute cellule nucléée de l’organisme peut synthétiser du cholestérol (Dietschy et al., 1993). La synthèse débute dans le cytoplasme des cellules et nécessite environ une quarantaine d’étapes. De nombreuses enzymes sont impliquées mais 4 phases principales peuvent être distinguées :
• la condensation de 3 molécules d’acétylCoA en hydroxy-méthyl-glutarate, puis la réduction en mévalonate,
• l’activation du mévalonate en isoprène par décarboxylation,
• la condensation de 6 molécules d’isoprène en squalène,
• la cyclisation du squalène en lanostérol puis la transformation en cholestérol.

L’étape limitante de la synthèse endogène du cholestérol est la conversion de l’HMGCoA (3- hydroxy-3-méthylglutaryl Coenzyme A) en mévalonate par l’HMGCoA réductase (HMGCoAR). Cette enzyme est une protéine résidante du RE. Elle contient un domaine catalytique et un domaine SSD (sterol sensing domain) qui lui permet d’être régulée par les concentrations de stérol présentes dans la membrane du RE (Brown and Goldstein, 1999). La dégradation de la protéine est régulée par les produits finaux du métabolisme du mévalonate (détaillée dans le chapitre IV. 2.). Comme indiqué dans la figure 2, les statines sont des inhibiteurs pharmacologiques de l’HMGCoAR. Cette propriété leur permet d’inhiber la synthèse endogène du cholestérol et d’être utilisées dans le traitement de l’hypercholestérolémie.

Les apports exogènes 

Bien que les cellules soient capables de synthétiser le cholestérol dont elles ont besoin, il existe des mécanismes parallèles de capture du cholestérol présent dans le milieu extérieur. Ces voies, représentées par le métabolisme des lipoprotéines, permettent aux cellules d’épargner le coût énergétique de sa synthèse. Les lipoprotéines sont des particules sphériques de taille et de composition variables dont le rôle est d’assurer le transport des lipides dans la circulation sanguine. Elles sont toutes composées d’un cœur lipidique, contenant des esters de cholestérol (EC) et des triglycérides, entouré d’une enveloppe amphiphile composée de phospholipides, de cholestérol libre et d’apolipoprotéines (apo) (Lagrot et al., 2005). Les lipoprotéines sont caractérisées par l’apo majoritaire qui les compose ainsi que par leur densité (rapport protéines/lipides). Elles sont classifiées selon leur taille, leur densité et leur charge. Ainsi, on distingue des moins denses au plus denses :
• les chylomicrons (CM),
• les lipoprotéines de très basse densité (VLDL, very low density lipoproteins),
• les lipoprotéines de densité intermédiaire (IDL, intermediate density lipoproteins),
• les lipoprotéines de basse densité (LDL, low density lipoproteins),
• et les lipoprotéines de haute densité (HDL, high density lipoproteins).

Les CM sont formés dans les entérocytes à partir des lipides alimentaires. Ils apportent les lipides exogènes jusqu’au foie. A partir des CM, le foie synthétise des lipoprotéines de plus petite densité, les VLDL qu’il libère dans la circulation sanguine. Le catabolisme des VLDL dans la circulation aboutit à la formation des IDL et des LDL. Ce sont ces lipoprotéines qui apportent le cholestérol, qu’il soit endogène ou d’origine alimentaire, jusqu’aux tissus périphériques. En échange, lorsque les cellules périphériques ont du cholestérol en excès, elles peuvent le céder aux HDL qui l’acheminent jusqu’au foie, seul organe capable d’éliminer le cholestérol et aux tissus stéroïdogènes. Cette étape est appelée le transport inverse du cholestérol (TIC). Les LDL sont les lipoprotéines principales transportant le cholestérol vers tous les tissus périphériques. Elles sont composées majoritairement de EC et d’apo B (Lagrot et al., 2005). Leur capture se fait grâce aux récepteurs des LDL (LDL-R, LDL receptor) présents à la surface de toutes les cellules nucléées. Les cellules internalisent les LDL liées à leurs récepteurs par la voie d’endocytose dépendante de la clathrine (Brown and Goldstein, 1979).

Lorsque les concentrations de LDL circulantes sont élevées, celles-ci peuvent passer dans l’espace sous-endothélial. Ce phénomène est plus particulièrement localisé au niveau des courbures et des bifurcations des artères de gros calibre où le flux sanguin est perturbé. Ces LDL sont alors modifiées, principalement par oxydation et internalisées par les macrophages dont le rôle est de limiter localement l’accumulation des lipoprotéines pro-athérogènes (Figure 3). Les LDL oxydées activent les cellules endothéliales et provoquent le recrutement de monocytes circulants, qui se transforment en macrophages dans l’espace sousendothélial. Lorsque la quantité de LDL modifiées dans cet espace augmente, les macrophages forment de très nombreuses gouttelettes lipidiques et se transforment ainsi en cellules spumeuses ou « foam cells » qui donnent les stries lipidiques. C’est la première étape de la formation de la plaque d’athérosclérose. Le phénomène inflammatoire s’amplifie avec le recrutement d’autres types cellulaires (cellules endothéliales, cellules musculaires lisses et cellules immunitaires) et évolue vers un état chronique. Ces premières étapes de progression de la plaque sont généralement silencieuses. Cependant, la croissance de la plaque peut conduire à la diminution et à l’obstruction de la lumière artérielle ou à sa rupture entraînant la formation d’un thrombus (Moore and Tabas, 2011). La survenue de complications aiguës est le processus physiologique majeur pouvant rendre une plaque brutalement symptomatique. Ainsi, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral ou la mort subite coronaire sont des manifestations cliniques liées à l’athérosclérose compliquée.

Le transport intracellulaire du cholestérol 

Le transport intracellulaire du cholestérol et sa distribution correcte au niveau des différentes membranes sont essentiels pour le maintien du gradient de cholestérol. Les différentes voies de transport du cholestérol et plus encore les mécanismes contrôlant leurs régulations restent encore mal connus. La difficulté résulte des interconnexions entre les différents pools intracellulaires de cholestérol ainsi que de la variabilité des mécanismes qui peuvent opérer simultanément pour leur transport. Plusieurs études ont néanmoins démontré le rôle concomitant de deux processus : le transport vésiculaire et le transport non vésiculaire. Dans les deux cas, le cholestérol est pris en charge par des transporteurs car il ne peut diffuser librement dans le cytoplasme. Le transport vésiculaire du cholestérol reste le processus le plus étudié. Ce mode de transport permet de véhiculer le cholestérol au sein de vésicules et nécessite l’intégrité du cytosquelette le long duquel les vésicules se déplacent grâce à des moteurs moléculaires et de l’énergie fournie par l’ATP (adénosine triphosphate) (Mesmin and Maxfield, 2009). Le transport vésiculaire participe aux voies d’endocytose mais aussi aux voies de sécrétion. Concernant le transport non vésiculaire, il s’agit d’un transfert direct de cholestérol entre deux membranes proches ou en contact (Figure 4). Pour permettre ce transport, le cholestérol est pris en charge par des protéines transporteuses des stérols. Il existe deux grandes familles de protéines transporteuses diffusibles :
• les ORP (OSBP related proteins) qui regroupent l’OSBP (oxysterol-binding protein) et ses apparentées,
• et les protéines de la famille START (StAR-related lipid transfer).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Le cholestérol : structure, distribution intracellulaire et origine
I. 1. Structure
I. 2. Distribution intracellulaire
I. 3. Origine
I. 3. a. La synthèse endogène
I. 3. b. Les apports exogènes
II. Le transport intracellulaire du cholestérol
II. 1. Du réticulum endoplasmique à la membrane plasmique
II. 2. Vision globale du transport du cholestérol dérivé des LDL
II. 3. Les voies d’entrées du cholestérol dans la cellule
II. 3. a. L’endocytose par des voies dépendantes de la clathrine
L’endocytose par les récepteurs aux LDL
Les récepteurs scavengers : la voie de surcharge des macrophages
II. 3. b. L’endocytose par des voies indépendantes de la clathrine
II. 4. Le transport endosomal
II. 4. a. Etapes précoces du transport intracellulaire : endosomes précoces et endosomes de recyclage
II. 4. b. Conversion des endosomes précoces en endosomes tardifs
II. 4. c. Transport rétrograde directement vers l’appareil de Golgi
II. 4. d. Endosomes tardifs et lysosomes
II. 5. La sortie du compartiment endosomal
II. 6. Le devenir du cholestérol après la sortie du compartiment endosomal
III. Les Rab GTPases, des acteurs privilégiés du transport vésiculaire
III. 1. Généralités
III. 1. a. Le cycle des Rab GTPases
III. 1. b. Localisation des Rab GTPases
III. 1. c. Protéines effectrices des Rab GTPases
III. 1. d. Rab GTPases et cholestérol
III. 2. Rab7
III. 2. a. Fusion endosomale
III. 2. b. Mobilité des endosomes tardifs
III. 2. c. Maturation endosomale
III. 2. d. Recrutement du complexe rétromère
III. 2. e. Pathologies associées aux mutations de Rab7
III. 3. Rab9
III. 4. Les SNARE, des effecteurs indispensables
IV. La régulation de l’homéostasie du cholestérol
IV. 1. Le complexe SREBP/SCAP
IV. 2. L’HMGCoA réductase
IV. 3. L’ACAT1 et l’hydrolase neutre des esters de cholestérol
IV. 4. Les oxystérols
IV. 5. Les facteurs nucléaires
IV. 5. a. Les liver X receptors (LXRs)
IV. 5. b. Les peroxisomeproliferator-activatedreceptors (PPARs)
CONCLUSION

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