Langue étrangère
Là encore, les locuteurs s’accordent en général sur le caractère étranger ou non ?d’une langue pour eux. Le dictionnaire Larousse définit le mot étranger ainsi : « qui n’appartient pas à la nation où on vit ou par rapport à laquelle on se place ». Cette définition comporte là encore des limites, par exemple pour les locuteurs d’une langue qui vivent dans un pays où cette langue n’est pas parlée par les autres habitants. Par ailleurs, une langue peut être plus ou moins étrangère, « ce degré d’étrangeté variant à la fois dans le temps et dans l’espace » (Dabène, 1994, citée par Castellotti, 2001 : 25) : ainsi l’anglais est souvent considéré comme une langue plus familière aux oreilles des jeunes Français, qui la côtoient via les films, chansons et autres jeux vidéos, que le chinois par exemple.
Terminologie utilisée pour ce mémoire
Pour éviter ces écueils terminologiques, on peut préférer les expressions de « langue source », qu’on oppose à « langue cible » dans le cadre de l’apprentissage d’une langue ; ou encore « langue native », « langue de référence », « langue première » (ibid : 23). Mais aucun terme ne sera entièrement satisfaisant car chacun comporte des biais.
Ce travail portera notamment à l’utilisation et la perception des langues par les enseignants. Les termes les plus employés par ces enseignants eux-mêmes seront donc privilégiés : « langue maternelle » pour désigner la langue utilisée avec aisance, couramment et quotidiennement par les locuteurs, et « langue étrangère » pour les autres langues, quel que soit le degré d’étrangeté.
Plurilinguisme, répertoire verbal
Parler de langue étrangère et de langue maternelle amène à évoquer le bilinguisme et le plurilinguisme. Ces notions sont souvent des objectifs affichés de l’apprentissage, mais sont rarement envisagées de la même façon par tous les acteurs. Leur définition a évolué au cours du temps.
Bilinguisme et compétence plurilingue
Le bilingue idéal existe-t-il ? Tout comme le locuteur natif était déclaré « mort » par Paikeday (1985), le locuteur bilingue maîtrisant parfaitement deux langues comme des langues maternelles, au sens explicité plus haut, est quasiment introuvable – alors même que les cas de bilinguisme sont extrêmement fréquents dans le monde. Au début des années 1980, des chercheurs élargissent l’acception de ce terme : « est bilingue la personne qui se sert régulièrement de deux langues dans la vie de tous les jours et non qui possède une maîtrise semblable (et parfaite) des deux langues » (Grosjean, 1984 : 16).
Répertoire verbal
Le sujet plurilingue, au sens exposé ci-dessus, a donc à sa disposition une palette de ressources langagières dans laquelle il peut puiser en fonction de ses besoins et des situations de communication : il s’agit de ce que Gumperz définit comme le « répertoire verbal ». Castellotti (2001 : 24) l’explicite ainsi :
Cette notion, définie par Gumperz (1972), permet d’englober l’ensemble des compétences langagières de l’individu, qui s’organisent et se structurent selon un éventail d’utilisations liées aussi bien aux statuts des différentes langues qu’à leurs fonctions dans la communication et dans les choix identitaires des locuteurs. Ce répertoire n’est pas constitué au moyen de l’addition des langues en présence, mais s’organise plutôt en fonction d’opérations de combinaisons, diverses selon les sujets, les situations et les différentes langues, dont la maîtrise n’est pas nécessairement équivalente.
Ainsi, une enseignante française vivant en Turquie, parlant bien l’anglais et ayant des notions de turc pour les situations du quotidien, pourra utiliser le français quand elle parle à sa famille au téléphone, le turc quand elle fait ses courses en ville, l’anglais quand elle s’adresse au directeur de l’université, et un mélange de turc et d’anglais quand elle échange avec des amis turcs. Et dans sa classe de français ? C’est l’objet de ce travail et on voit, comme le souligne Castellotti (ibid), que cette notion de répertoire verbal, mobilisée par l’ethnographie de la communication et la sociolinguistique, intéresse également les didacticiens des langues, dans la mesure où elle permet de rendre compte de l’appropriation qui se construit dans la classe, à travers un jeu entre les différentes langues qui peut, là aussi, s’organiser de façon complexe.
Le choix de la langue d’enseignement dans l’histoire de la didactique : de constants revirements
Commençons ce chapitre par un constat incontestable : « quiconque fréquente régulièrement des classes de langue étrangère en milieu institutionnel alloglotte aura pu constater cette présence constante de la langue première, se manifestant toutefois d’une manière très hétérogène d’une classe à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’un enseignant à l’autre » (Castellotti, 2001 : 55). Cette variabilité s’observe même d’une séquence didactique à l’autre pour un même enseignant : « Des variations importantes dans les pratiques s’observent entre les différents enseignants, mais aussi pour un même enseignant à différents moments de la classe » (Moore, 1996 : 18). Comment expliquer ces différences d’usage entre classes, établissements, enseignants, moments ? Le choix de la langue d’enseignement et notamment l’utilisation de la langue maternelle des apprenants en classe de langue a fait couler beaucoup d’encre tout au long de l’histoire de la didactique.
Bref historique des courants didactiques jusqu’aux années 2000
Les langues étrangères dans l’Antiquité : différentes méthodes
Les premiers enseignements-apprentissages de langue étrangère avérés remontent à l’Antiquité, et on y distingue déjà des différences de traitement de la langue maternelle. Germain (1993) fait remonter les premières preuves d’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère à « l’enseignement de la langue sumérienne aux Aldcadiens, à partir de l’an 3000 environ avant notre ère » (p. 10). Cet enseignement se fait au moyen notamment de lexiques bilingues : la langue maternelle est donc essentielle dans l’apprentissage.
A l’inverse, dans l’Antiquité romaine, les aristocrates romains employaient des Grecs qui ne parlaient aux enfants romains qu’en grec : c’est donc un apprentissage par immersion, sans avoir recours à d’autres langues.
Jusqu’au XVe siècle : rôle central de la langue maternelle
Les langues enseignées en Europe jusqu’au XVe siècle sont essentiellement le grec, le latin et l’arabe. La méthode utilisée est celle de la « grammaire-traduction » : en se basant sur la lecture de textes d’auteurs classiques, l’apprentissage se fait via des récitations par cœur, la traduction et l’explicitation des règles grammaticales. La langue maternelle tient donc là encore une place essentielle.
Du XVIe au XIXe siècle : la « méthode traditionnelle » et la « méthode naturelle », oppositions sur le statut de la langue maternelle
La période du XVIe au XIXe siècle voit s’affronter deux courants quant à l’enseignement des langues – à l’époque, essentiellement les langues « mortes » : latin et grec.
La « méthode traditionnelle » ou « grammaire-traduction » reprend la méthode évoquée plus haut.
A l’opposé, la « méthode naturelle » consiste en une immersion totale de l’enfant dans un bain de langue étrangère. Une grande figure de ce courant est Montaigne, qui « nous raconte que pendant son enfance son père avait imposé comme ‘règle inviolable’ que personne ne parle avec son fils si ce n’est en latin, depuis le précepteur allemand spécialement engagé à cet effet jusqu’à la chambrière » (Puren, 1988 : 25).
XIXe siècle : généralisation de la « méthode traditionnelle » ou « grammaire-traduction », la langue maternelle est essentielle
Le XIXe siècle voit se développer le besoin de maîtriser non plus les langues « mortes » mais les langues « vivantes », essentiellement dans une visée élitiste et humaniste. La méthode appliquée est la même que pour le latin. L’apprentissage est basé sur l’écrit, sur une grammaire très normative, avec un rôle primordial des traductions et donc de la langue maternelle. Mais le manque de pratique orale notamment a généré des critiques sur cette méthode dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Début du XXe siècle : la méthode directe, la langue maternelle devient proscrite
Un tournant s’amorce à la fin du XIXe siècle avec les changements d’objectifs de l’enseignement des langues, qui se veulent plus orientés sur la pratique notamment orale. Twight (1894, cité par Puren, 1988 : 52) note qu’ « une nouvelle idée domine la fin du XIXème siècle : les langues vivantes sont faites pour être parlées, et pour être comprises oralement ; c’est la pratique qu’on vise aujourd’hui ». Lichtenberger explique ainsi le principe fondateur de la méthode directe :
On ne comprend et on ne parle une langue vivante que lorsque la liaison entre les mots et les idées, au lieu de se faire par un effort de réflexion, est devenue purement instinctive, lorsque la phrase allemande ou anglaise, entendue ou lue, prend sur le champ un sens dans l’esprit de l’élève et qu’inversement il trouve immédiatement, pour exprimer ses pensées, les termes anglais ou allemands qui lui sont nécessaires (Lichtenberger, 1903, cité par Puren, 1988 : 66).
C’est pourquoi la langue maternelle est évincée de l’enseignement à cette époque.
Non seulement on ne recourt plus à la traduction de texte, mais l’explication du lexique se fait par des images ou des métaphrases. La langue maternelle perd son statut central et est au contraire envisagée comme un obstacle à l’acquisition de la langue étrangère.
1940-1980 : les méthodes audio-orale, SGAV et l’analyse contrastive ; la langue maternelle est perçue comme perturbatrice
La méthode audio-orale, apparue dans les années 1940, repose sur la théorie structuraliste et le behaviorisme qui émergent à cette époque. L’oral est à l’honneur, aussi bien en compréhension qu’en production. On se base sur l’écoute d’enregistrements. Dans la continuité de cette méthode, les méthodes structuro-globales audio-visuelles se basent sur l’image et le son d’un dialogue. Les apprenants doivent utiliser les morceaux de dialogue découverts pour produire de nouveaux échanges.
On cherche à éviter au maximum les erreurs afin que l’apprenant bénéficie d’un maximum de renforcements positifs. Pour éviter les erreurs, on utilise l’analyse contrastive : en comparant la langue cible et la langue source, on identifie quels points linguistiques sont les plus semblables et donc les moins susceptibles de générer des erreurs.
On travaille sur ces points en priorité.
Les arguments pour ou contre l’utilisation de la langue maternelle
Les arguments contre l’utilisation de la langue maternelle
Puren (1995) liste ainsi les arguments qui s’opposent à la traduction dans la classe de langue :
1) le risque de voir la traduction utilisée systématiquement comme solution de facilité par les uns et les autres ;
2) la nécessité de maintenir une place importante à la communication orale en classe pour respecter l’objectif institutionnel correspondant ;
3) la nécessité de maintenir une certaine harmonisation entre les pratiques des différents enseignants (Puren, 1995 : 20-21).
On peut y ajouter l’importance du temps d’exposition à la langue, dans un contexte scolaire notamment où le nombre d’heures consacrées à l’enseignement des langues étrangères est limité, et le fait que, quand il ne peut pas recourir à la langue maternelle, l’apprenant n’a d’autre choix que de développer des stratégies d’écoute pour dégager du sens dans un discours qui n’est pas compris dans ses détails (Abry, 2012).
Les arguments pour l’utilisation de la langue maternelle
Puren (1995 : 7) ouvre la porte à une utilisation de la langue maternelle raisonnée et limitée. Il précise les séquences didactiques qui justifient le recours à la traduction en langue maternelle :
Actuellement, aucun argument didactique ne peut plus être opposé à un professeur qui aurait construit par exemple, en premier et second cycle, les séquences didactiques suivantes intégrant des exercices de traduction :
1. Traduire d’emblée lui-même en français un texte informatif proposé à la fin d’un dossier sur un thème qui aurait intéressé les élèves – ceux-ci suivant des yeux la traduction sur le texte en langue étrangère –, à la seule fin de leur fournir rapidement de nouvelles idées pour le débat final.
2. Demander aux élèves, sur un texte linguistiquement dense et culturellement riche, d’abord une traduction littérale après une phase d’explication sémantique (à titre de contrôle de cette explication), puis, après la phase de commentaire détaillé, une traduction « en bon français » où il s’agira cette fois pour les élèves de s’efforcer de rendre les effets stylistiques, les registres de langue, les connotations.
3. Demander aux élèves, à titre de contrôle de compréhension globale, le résumé en français d’un texte présentant de nombreuses formes que l’on considère inutiles de leur faire réemployer (vocabulaire spécialisé, régionalismes, structures se situant au-delà de la progression grammaticale prévue, etc.).
4. Mettre les élèves dans des situations simulées de traduction : servir d’interprète à un ami français et un ami étranger, résumer pour un ami étranger un article en français au cours même de la lecture, etc.
Il avance trois facteurs qui justifient le recours à la version (ibid) :
• « les limites de l’explication directe » pour les notions abstraites ou les constructions complexes ;
• « l’absence de procédé spécifique de contrôle de compréhension » : l’enseignant qui n’utilise que la langue cible utilisera les mêmes procédés pour expliquer et valider la compréhension des apprenants ;
• « la prégnance des objectifs formatifs et culturels » : l’utilisation de la version permet plus de rigueur dans la compréhension, et l’exploitation de textes littéraires dès les premiers niveaux d’apprentissage.
Il remarque aussi que « ce sont les élèves les plus en difficulté qui ont le plus besoin de traduire » (ibid : 21) : dans un contexte de « centration sur l’apprenant » et de « respect de ses stratégies d’apprentissage », l’interdiction de la traduction devient difficilement défendable.
Dans la même lignée, Castellotti met en avant plusieurs raisons d’utiliser la langue maternelle. D’un point de vue cognitif, elle souligne le « rôle essentiel des représentations et conceptions des apprenants ainsi que la place prépondérante de leurs acquis antérieurs dans la construction de nouveaux savoirs et savoir-faire » (Castellotti, 2001 : 47). La langue maternelle « figure au centre de leurs représentations et, à ce titre, constitue toujours un point d’ancrage » ; elle peut donc jouer un rôle constructif dans l’apprentissage : « elle peut aussi représenter, à condition de l’accepter comme point de départ, un auxiliaire de premier plan dans l’accès à d’autres langues » (ibid). De plus, l’utilisation de la langue maternelle permet d’enrichir les interactions : « l’usage des changements de langues, loin de représenter une solution de facilité, permet à l’inverse d’enrichir la gamme des possibilités discursives et de favoriser le développement d’interactions plus diversifiées et plus complexes, ce qui renforce ainsi l’efficacité communicative et le potentiel acquisitionnel de la classe de langue » (ibid : 65). Enfin, elle permet d’atteindre un objectif de compétence plurilingue et d’élargissement du répertoire verbal au sens explicité plus haut : « ce bénéfice se traduit à la fois par l’accès à une compréhension renforcée, plus sûre et plus juste, mais surtout par l’élaboration progressive d’un parler bilingue ou, plus exactement, de la constitution d’un répertoire verbal plurilingue » (ibid).
C’est ce que souligne Simon : « est-ce vraiment ‘en communiquant en langue étrangère que l’on apprend à communiquer’ ou n’est-ce pas plutôt ‘en exploitant ses compétences bilingues que l’on apprend à communiquer en langue cible’ ? » (Simon, 1997 : 455).
Position dominante aujourd’hui : la langue maternelle mais aussi les autres langues ont une place légitime
La position du Cadre européen commun de référence
Les travaux du Conseil de l’Europe, concrétisés dans le CECR, ont sensiblement modifié les objectifs de l’enseignement des langues étrangères. D’une vision monolingue avec pour objectif final la même maitrise de la langue étrangère qu’un « natif », on est passé à une vision plurilingue, avec un objectif de développement de la compétence plurilingue au sens défini dans le premier chapitre :
De ce point de vue, le but de l’enseignement des langues se trouve profondément modifié. Il ne s’agit plus simplement d’acquérir la « maîtrise » d’une, deux, voire même trois langues, chacune de son côté, avec le « locuteur natif idéal » comme ultime modèle. Le but est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités linguistiques trouvent leur place. Bien évidemment, cela suppose que les langues offertes par les institutions éducatives seraient diverses et que les étudiants auraient la possibilité de développer une compétence plurilingue (Conseil de l’Europe, 2001 : 11).
Dans cette perspective, la langue maternelle change de statut, car sa maitrise est étroitement liée à celle des langues étrangères en cours d’apprentissage :
L’apprenant d’une deuxième langue (ou langue étrangère) et d’une deuxième culture (ou étrangère) ne perd pas la compétence qu’il a dans sa langue et sa culture maternelles. Et la nouvelle compétence en cours d’acquisition n’est pas non plus totalement indépendante de la précédente. L’apprenant n’acquiert pas deux façons étrangères d’agir et de communiquer. Il devient plurilingue (ibid : 40).
De ce fait, au-delà de la langue maternelle, c’est la perception de l’utilisation de toutes les langues autres que la langue cible qui est tolérée voir encouragée :
Il est possible de procéder à des changements de codes en cours de message, de recourir à des formes de parler bilingue. Un même répertoire, plus riche, autorise donc aussi des choix, des stratégies d’accomplissement de tâches, reposant sur cette variation interlinguistique, ces changements de langue, lorsque les circonstances le permettent (ibid : 105).
Des représentations souvent négatives
Malgré ces recommandations, force est de constater que l’usage de la langue maternelle est souvent mal vécu par l’enseignant. Moore en parle comme d’un « tabou tenace » : « les productions mixtes des apprenants (parfois des enseignants) continuent d’être évaluées extrêmement négativement » (Moore, 1996 : 1). En utilisant la langue maternelle, l’enseignant se sent souvent coupable : « l’enseignant de langue qui recourt à la langue maternelle en classe le fait dans nombre de cas avec un soupçon de mauvaise conscience » (Coste, 1997, cité par Castellotti, 2001 : 53). L’utilisation serait donc à la fois inéluctable mais indésirable : « la référence à la langue première est donc le plus souvent considérée comme essentiellement négative, comme un mal vers lequel on est irrésistiblement attiré, auquel on ne peut s’empêcher de succomber, mais qu’il convient de combattre fermement si l’on veut progresser (Castellotti, 2001 : 34).
Pourtant, l’enseignement d’une langue étrangère a beaucoup à gagner d’une utilisation raisonnée de la langue maternelle des apprenants, pour les différents arguments évoqués plus haut. Mais cette utilisation sera d’autant plus fructueuse qu’elle sera assumée et non pas perçue comme une rupture du contrat didactique, qu’elle sera réfléchie et décomplexée, et non considérée comme la conséquence de l’échec d’autres moyens didactiques.
En acceptant la présence d’autres langues, on considère donc la classe de langue étrangère comme un espace plurilingue, dans lequel plusieurs langues se rencontrent.
Enseignants et apprenants sont amenés à employer un « parler bilingue », dont Lüdi et Py soulignent qu’il est « un véritable choix de ‘langue’ dans la mesure où tous les interlocuteurs interprètent la situation comme également appropriée pour l’usage des deux idiomes ou, plus précisément, pour leur usage plus ou moins simultané » (1986 : 141). Le troisième chapitre est consacré à un phénomène caractéristique de ce parler bilingue : l’alternance codique.
Observation de classe
Le déroulé des séances observées a été récapitulé dans un synopsis global (voir annexe 2, volume 2, page 4), et le détail des parties analysées a fait l’objet d’une transcription écrite (voir annexe 3, volume 2, page 7). Pour pouvoir analyser l’impact de la biographie langagière de l’enseignant sur ses pratiques en classe, trois classes de la même université ont été observées : les séances portent sur le même contenu, mais avec trois enseignants différents. Le contexte de l’observation est détaillé dans le chapitre 5.
L’observation de classe implique une approche écologique, dans le sens où on observe la classe, avec ses apprenants et son enseignant, dans son milieu naturel, sans interférer sur le déroulement des séances. Le fait d’effectuer l’observation avant les entretiens permet d’ailleurs d’éviter que l’enseignant soit influencé dans sa pratique par le contenu de l’entretien, qui pourrait le pousser à réfléchir aux langues qu’il utilise en classe et pourrait donc modifier son comportement.
Entretiens semi-directifs
On s’intéresse à trois enseignants : ce faible nombre permet de procéder à des entretiens qualitatifs pour échanger sur leur biographie langagière et sur leurs motivations et perceptions dans l’utilisation des langues en classe. L’avantage de l’entretien semidirectif ou compréhensif est qu’il permet de réconcilier deux objectifs en apparence opposés :
• « permettre à l’interviewé de structurer lui-même sa pensée autour de l’objet envisagé » ;
• « approfondir des points que l’enquêté n’aurait pas envisagés par luimême » (Ruquoy, 1995, cité par Millet, 2016).
Le chapitre 6 détaille la méthodologie de recueil des données issues des entretiens.
Elles ont fait l’objet d’une transcription (voir annexe 6, volume 2, page 53).
Tonalité
Modalités de l’action didactique
Le travail est essentiellement organisé selon deux modalités : il est collectif, quand l’enseignant interroge l’ensemble de la classe notamment juste avant et juste après la lecture, ou individuel, quand les apprenants répondent chacun aux questions des différentes activités du manuel et du cahier d’exercices. Le synopsis ci-dessus donne le détail de ces modalités par séquence.
Les consignes sont en général assez explicites : ce sont celles données par le manuel, accompagnées des éclaircissements et explications de l’enseignant.
Dimension interculturelle
La dimension interculturelle est intéressante sur les séances observées puisque le premier texte étudié a pour thème la culture française, ce qui donnera lieu à des échanges sur ce sujet notamment entre l’enseignante native et les apprenants.
Canaux
On est dans le cadre d’un oral polygéré. L’enseignant intervient dans la majorité des tours de parole, les différents apprenants interviennent plus ponctuellement.
Les apprenants interviennent en général en turc, sauf quand ils répondent directement aux questions des activités. Les enseignants utilisent essentiellement le français, mais aussi le turc et d’autres langues : c’est ce que j’analyserai dans la troisième partie.
Normes
Le contrat didactique est implicite.
Les normes linguistiques sont loin d’être strictes. D’abord, l’alternance codique est largement présente et tolérée. Bien souvent, les apprenants s’expriment en turc. D’autre part, les erreurs des apprenants sont rarement reprises. Les normes interactionnelles et comportementales sont celles habituelles en classe selon l’habitus turc. Les apprenants s’adressent respectueusement à leur enseignant et les interactions semblent assez fluides. L’objectif est visiblement d’encourager la parole des apprenants en évitant tout blocage. Ils interviennent de façon variée ; il y a rarement un jugement explicite.
Genre
On travaille d’une part sur un document authentique, un texte écrit extrait d’un blogue internet avec les commentaires qui lui sont associés.
Méthodologie d’analyse des AC Sur la base des transcriptions des séances observées, les différentes alternances seront relevées puis analysées en plusieurs étapes.
Détail des AC
Toutes les AC apparues pour chaque enseignant ont été classées dans un tableau où elles sont numérotées par ordre d’apparition pour les trois enseignants, et pour les deux activités pédagogiques. C’est ce tableau (voir annexe 4, volume 2, page 40) qui servira de base à l’analyse.
Nombre d’AC et langues observées
La première étape sera une analyse quantitative globale qui consiste à observer la langue principale utilisée, le nombre d’AC observées pour chaque enseignant et chaque activité, et les langues de ces AC. La langue des AC est indiquée dans la troisième colonne du tableau.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 – Cadre théorique
Chapitre 1. Définition des notions clés
Chapitre 2. Le choix de la langue d’enseignement dans l’histoire de la didactique : de constants revirements
Chapitre 3. Les alternances codiques en classe de langue
Partie 2 – Cadre méthodologique
Chapitre 1. Choix méthodologiques : articulation d’une observation de classe et d’entretiens compréhensifs
Chapitre 2. Observation de classe : contexte et méthode d’analyse
Chapitre 3. Entretiens semi-directifs auprès de trois enseignants
Partie 3 – Analyse des résultats
Chapitre 1. Les trois enseignants et leur biographie langagière : des trajectoires riches et diverses pour des répertoires verbaux étendus
Chapitre 2. Alternances codiques utilisées par chaque enseignant : des pratiques variées
Chapitre 3. Motivation des alternances codiques : éviter les incompréhensions
Chapitre 4. Plusieurs incohérences entre les discours des enseignants et la pratique observée
Conclusion
Bibliographie
Table des figures
Table des tableaux
Table des matières
Annexes
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