Le CECRL : Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues
Le CECRL est un outil pour répondre à l’objectif général du Conseil de l’Europe qui est de « parvenir à une plus grande unité parmi ses membres » grâce à « l’adoption d’une démarche commune dans le domaine culturel ». Il apparait clairement une volonté de réfléchir à un ensemble cohérent qui permet à l’Europe de s’ouvrir à la mondialisation et de lutter contre l’ethnocentrisme. Cette démarche se manifeste par l’affirmation d’une compétence unique, la compétence « plurilingue et pluriculturelle ». Elle est évaluée à chaque étape de l’apprentissage d’une langue par l’apprenant. Plus précisément, elle se définit comme « la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures ». L’apprenant est un locuteur par son acte de langage et un acteur social parce qu’il agit au sein d’un groupe social dans lequel il est reconnu. Il est amené inévitablement à élargir son groupe social, dans le contexte de mondialisation qui est le nôtre aujourd’hui et donc à s’ouvrir à d’autres langues que sa langue maternelle ; ces langues sont interdépendantes de cultures inhérentes. Communiquer est une expérience de la langue par son apprentissage en réception puis en production. Mais cette expérience est possible en contexte, autrement dit en contact avec un groupe social qui la partage et qui en comprend les enjeux. Le CECRL évoque cette approche au chapitre 1 : « il faut restituer le plurilinguisme dans le contexte du pluriculturalisme. La langue n’est pas seulement une donnée essentielle de la culture, c’est aussi un moyen d’accès aux manifestations de culture ». L’individu possède un langage et vit dans un environnement culturel qui lui est propre. L’autre, l’étranger, pour communiquer, découvre la langue, construit son expérience en reproduisant du lexique mais doit aussi saisir des stratégies culturelles intériorisées par l’individu avec lequel il entre en communication. La découverte de la langue doit donc être contextualisée dans son environnement culturel. Le CECRL met en avant la citoyenneté démocratique comme objectif d’enseignement car il s’agit de « promouvoir des méthodes d’enseignement des langues vivantes qui renforcent l’indépendance de la pensée, du jugement et de l’action combinée à la responsabilité et aux savoir-faire sociaux ». Ainsi, le CECRL affirme une volonté de donner des repères sur le sens de l’identité de chaque individu et sur l’ouverture à l’altérité. Cela implique d’accompagner les apprenants à développer un esprit citoyen. Le cadre introduit quatre nouveautés :
– Des niveaux communs de références (de A1 à C2) : ces niveaux sont eux-mêmes étalonnés afin de faciliter l’élaboration de référentiels cohérents pour chaque langue, permettant aux enseignants d’adapter leurs contenus d’enseignement.
– Des actions de communication langagière : la réception (écouter et lire) ; la production (s’exprimer à l’oral en continu, écrire) ; l’interaction langagière (prendre part à une conversation) ; la médiation qui concerne les activités de traduction et d’interprétation.
– La notion de tâche comme réalisation de quelque chose. L’individu est locuteur et acteur social, il associe le dire au faire.
– La compétence de communication est précisée et met en évidence des composantes des niveaux A1 à C2 : la composante linguistique, la composante sociolinguistique et la composante pragmatique.
Communiquer induit d’utiliser un code (la composante linguistique) associé à une tâche, un but précis (composante pragmatique) et dans un contexte socio-culturel car la langue est un phénomène social (composante sociolinguistique). La langue est celle que l’on perçoit d’abord mais elle véhicule une dimension plus profonde car elle traduit des modes de pensées propres à ses contenus culturels. On peut affirmer qu’il existe une véritable synergie entre la langue et la culture. Le chapitre 5 du CECRL définit les compétences générales qui mettent en avant la langue comme outil de développement (pluri)culturel. Ces compétences sont déclinées selon le déroulé suivant :
– Le savoir, considéré dans sa dimension socioculturelle et interculturelle. La langue vivante n’est pas seulement un savoir mais une compétence qu’un individu développe en lien avec l’altérité, pour mieux vivre ensemble.
– Les aptitudes et savoir-faire interculturels expriment clairement une volonté de viser des compétences plurilingues et pluriculturelles.
– Le savoir-être et le savoir-apprendre mettent en évidence des compétences dans le savoir et l’action, permettant à l’individu d’acquérir des compétences linguistiques et culturelles dans le but d’entrer en communication avec l’autre, affirmant ainsi son identité, sa place dans le monde.
Le Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture a été souhaité comme un cadre référentiel permettant à tout élève de réussir sa scolarité obligatoire et de se projeter en tant que citoyen européen ouvert sur le monde. Une volonté d’unicité est là encore prégnante, prenant en compte le vécu de l’enfant, son identité linguistique et culturelle.
Les apports de la didactique fonctionnelle et des neurosciences
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues s’est inspiré de la linguistique fonctionnelle. Michael Halliday, linguiste britannique, un de ses fondateurs les plus connus, définissait trois grands domaines de recherche :
– Le domaine contextuel : les rôles sociaux, les rapports qu’entretiennent entre eux les interlocuteurs
– Le domaine sémantique : qui rassemble les idées, la perception du monde, la manière d’influer sur l’autre et la façon dont un individu structure son discours par rapport au message qu’il souhaite transmettre.
– Le domaine lexico-grammatical : précisément la façon dont les énoncés sont organisés selon si l’individu est locuteur, interlocuteur, observateur.
Le linguiste britannique s’intéresse au fonctionnement de la langue en situation, la langue est considérée comme un instrument social de communication. La linguistique fonctionnelle apparait dans les années 60 et inspire largement la sociolinguistique, notamment américaine par l’intermédiaire de John J. Gumperz, père de la sociologie actionnelle. Il pose que l’acte du discours c’est interagir : il existe une intention dans l’acte de langage, ce qui engage des stratégies de la part des interlocuteurs pour entrer en communication. Aujourd’hui, la neurolinguistique enseigne que l’apprenant est actif dans son apprentissage. La langue est un système organisé et l’apprenant doit procéder à une réorganisation dans ce qu’il reçoit comme information pour se l’approprier. Cela nécessite un besoin de curiosité, de motivation pour gérer l’inconnu et construire du sens. En effet, la psychologie a montré l’importance d’un climat affectif favorable, de tâches variées, stimulantes, d’objectifs clairs et explicites qui concourent à favoriser la motivation des apprenants. Ceux-ci, dans un tel contexte, font l’expérience d’un « flow » (un flux) qui donne du sens aux apprentissages. On retrouve donc la notion d’intention de la part de l’apprenant motivé par un sentiment d’empathie, vis-à-vis de l’autre.
Le choix de l’album comme support d’apprentissage
L’album est connu de l’enfant, il est support de langage et de développement de son imaginaire depuis son entrée en maternelle. La découverte d’un album est pour l’enfant une activité pleine de sens. Il écoute pour comprendre l’histoire, il observe les images pour faire le lien avec le texte, il anticipe un évènement, ressent des émotions en rapport avec le récit ou les personnages. Progressivement, l’enfant met en place des stratégies d’apprentissage qui évoluent, s’affinent au fur et à mesure des lectures qu’il rencontre. Il construit une expérience que l’enseignant rend explicite pour lui et pour le groupe social auquel il appartient. Cette expérience rendue explicite, l’aide à appréhender d’autres rencontres littéraires et notamment celles appartenant à une langue vivante étrangère. Gail Ellis nous dit que : « la littérature enfantine leur permet de prendre confiance en eux, favorise l’estime de soi. Par-dessus tout, elle développe une attitude positive envers l’apprentissage d’une langue étrangère et accroit la motivation. » La découverte d’albums développe des valeurs socio-culturelles qui s’inscrivent dans un processus en devenir que l’adulte accompagne.
La position de l’enseignant
L’enseignant en primaire est polyvalent, il enseigne plusieurs disciplines avec pour support les programmes qui indiquent les attendus de fin de cycle, les connaissances et compétences à acquérir par les élèves et des exemples d’activités en lien avec les compétences visées. Des repères de progression lui permettent de construire une progression cohérente sur les cinq périodes de l’année scolaire. Cependant, il est libre de concevoir sa manière d’enseigner, il adapte et fait évoluer ses supports. Je pense la progression comme flexible car la pratique de l’enseignant évolue sans cesse en réponse aux besoins des élèves. Pour cela, il est indispensable de définir des objectifs pédagogiques précis rendus explicites auprès des élèves, qui savent ce qui est attendu d’eux. L’enseignant choisit des activités pertinentes en lien avec les programmes, il en énonce les objectifs et le déroulement pour les atteindre et il anticipe les erreurs et les difficultés. Particulièrement soucieux du climat de classe, il entretient un environnement favorable aux échanges, il ajuste son enseignement, se remet en question avec bienveillance dans l’intérêt de ses élèves. Les élèves arrivent à l’école avec des représentations, l’enseignant a pour rôle de créer des situations dans lesquelles, les enfants réfléchissent, s’émancipent de leurs croyances pour reconstruire de nouvelles représentations. L’anglais fait l’objet de représentations sociales très fortes, elle est la langue première d’un certain nombre de pays, ce qui suppose des idées préconçues sur la perception de la réalité. Il s’agit donc de faire acquérir aux enfants une vraie compétence culturelle en dépassant la croyance que l’anglais est une langue internationale. Elle est la langue de peuples précis qui présentent des cultures différentes (Les américains, les britanniques, les irlandais, les australiens…). « Mener la leçon d’anglais en anglais, c’est à la fois montrer que la langue n’est pas une discipline scolaire mais un outil de communication et exposer les élèves à des situations réelles dans lesquelles la langue est présentée dans un contexte. » Cela implique pour l’enseignant des connaissances solides dans la langue enseignée, des références culturelles non stéréotypées et donc une ouverture d’esprit à l’altérité. L’enseignement des langues vivantes exige un intérêt pour la langue et la culture du ou des pays dans lequel ou lesquels la langue est parlée. L’enseignant suscite la curiosité et la motivation de ses élèves. Les élèves sont sensibles à l’attitude de leur enseignant, celui-ci est donc dynamique, créatif, il a confiance en ses compétences et en sa légitimité d’enseigner une langue vivante étrangère.
Conclusion
Au cours de cette étude, et comme base de mon propos, j’ai choisi comme mots clés culture et album. La culture est un concept dans lequel tout individu se construit, s’engage à révéler ce qu’il représente et la langue est un vecteur, elle lui permet de rencontrer l’autre, de communiquer avec lui. L’album est un support universel, connu et aimé des enfants, il délivre un message et notamment par ses illustrations. Ce message, il s’agit de le rendre réel, de lui donner du sens pour qu’il soit perçu comme tel par l’apprenant d’une langue vivante étrangère. La relation, le lien qui se crée entre l’enseignant et ses élèves est fondamental. L’enseignant développe au contact de ses élèves les compétences attendues dans le référentiel des professeurs (B.O. du 26 Mars 2015), c’est un processus continu enrichi par une démarche individuelle de remise en question de sa pratique. L’enseignant possède comme l’élève une zone proximale de développement. On peut en effet être loin et avoir besoin de s’approprier des compétences. Il s’agit de se remettre en question, de cheminer pour adapter. Pour cela, il est indispensable d’élargir ses connaissances et surtout de conscientiser ses gestes professionnels. Observer, s’intéresser à la diversité des élèves, apprendre à les connaitre en tant qu’individus et comprendre leurs processus d’apprentissage, comme j’ai essayé de le faire tout au long de ce projet, m’a permis de mieux appréhender leurs différences, leurs angoisses, leurs besoins. Le dialogue interculturel se construit progressivement et de préférence en interdisciplinarité afin que l’élève puisse faire des liens, se mettre en position de réflexion au contact de ses pairs. L’enseignant guide, accompagne, ajuste avec l’objectif permanent de favoriser l’ouverture à l’altérité. L’apprentissage d’une langue étrangère à l’école n’est pas choisi par les élèves, donner du sens aux apprentissages leur permet donc de s’investir dans les tâches qui leur sont proposées. L’élève doit se sentir acteur de son apprentissage dans une réalité qui a été explicitée grâce à des objectifs clairs. L’album de jeunesse authentique, à savoir ici en anglais est un support essentiel à l’apprentissage d’une langue étrangère, il témoigne de la culture d’un peuple par ses illustrations, ses textes…et surtout par ce qu’il représente, sa valeur culturelle. Il permet avec certitude aux enfants de découvrir un dialogue interculturel, qui leur est clairement présenté. L’aspect culturel d’un album est une découverte, une perception individuelle, presque intime, je dirais. C’est dans ce sens aussi que la place que l’enseignant lui donne dans une démarche d’apprentissage, dépend de la capacité des élèves à être prêts à l’accueillir comme tel. Acquérir une véritable compétence culturelle implique de dépasser des idées préconçues et permet d’accéder à une meilleure perception de la réalité. Cette perception se construit et amène les élèves à initier une analyse culturelle qu’ils pourront utiliser euxmêmes au cours de leur scolarité. Mais pour accompagner ce processus, l’enseignant doit être sensibilisé et sérieusement formé.
|
Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : APPORTS THEORIQUES
1- Un cadre européen
1.1. Le CECRL
1.2. Le SCCCC
2- Les programmes
2.1. L’enseignement des langues à l’école
2.2. L’interdisciplinarité
3- La didactique des langues
3.1. Les apports de la didactique fonctionnelle et des neurosciences
4- La notion d’empathie
5- Mon cheminement
DEUXIEME PARTIE : APPROCHE PRATIQUE
1- L’album de jeunesse
1.1. Le choix d’un album comme support d’apprentissage
1.2. L’album comme objet culturel
1.3. L’illustration
1.4. Etablir une progression à partir d’albums
2- La position de l’enseignant
2.1. Les difficultés rencontrées
2.1.1. La formation
2.1.2. Construire une progression linguistique et culturelle
2.2. Un support d’enseignement : l’album. Comment le choisir et quels objectifs viser ?
3- Du côté de l’élève
3.1. Sa perception de l’apprentissage d’une Langue Vivante Etrangère
3.2. La motivation
TROISIEME PARTIE : ANALYSE
1- Analyse générale
1.1. Quelle approche ?
1.2. Croisement entre les disciplines
2- Retour sur les projets de séquences
Conclusion
Bibliographie/Sitographie
Annexes
Télécharger le rapport complet