Le changement climatique et ses conséquences
La Terre reçoit en permanence de l’énergie du soleil. Une partie de cette énergie, qui n’est pas réfléchie par l’atmosphère, reste retenue, contribuant pour la formation d’une couche composée par les gaz à effet de serre (GES). Cette couche a un rôle essentiel dans la régulation du climat. Cependant, depuis de la révolution industrielle, les activités anthropiques ont contribué à une augmentation artificielle des GES. La quantité de chaleur retenue dans l’atmosphère augmente, ce qui provoque comme conséquence le réchauffement de la planète.
L’équilibre naturel de la Terre ou homéostasie est modifié par ce réchauffement : températures extrêmes, régimes forts de vents et de pluies, diminution de la biodiversité, acidification des océans, etc. Dans les hypothèses les plus pessimistes, le changement du niveau d’eau des océans provoquera une vague de réfugiés climatiques, vers des régions moins impactées (près de 500 millions de réfugiés en 2050, selon les prévisions) (Allen, et al. 2019). De plus, l’augmentation de la température terrestre accentue l’évaporation de l’eau. De ce fait, le cycle d’eau se modifie, générant plus de pluies au nord de la planète et de sécheresse au sud. Ceci aura comme résultat des événements climatiques extrêmes et plus fréquents (crues, cyclones, incendies, etc.). Avec l’augmentation de l’émission de CO2, il y aura un accroissement de l’acidification de l’eau, réduisant la disponibilité d’eau potable, ce qui amènera une désertification des sols, et par conséquent une diminution de la biodiversité (20 % à 30 % de la faune et flore terrestre risquent de disparaître), entre autres. Cette dérégulation climatique aura des conséquences pour la santé. Plus encore, certains insectes, comme le moustique Tigre, apparaîtront dans de nouvelles régions, amenant avec eux des maladies comme le chikungunya ou la dengue (Allen, et al. 2019).
Bien que les informations sur ce sujet soient très répandues, la perception des conséquences du changement climatique ne semble pas être perçue de la même manière pour toutes les personnes. Peut-elle être influencée par les phénomènes sociaux, tels que la comparaison sociale ?
Soi et autrui
Les réactions des autres nous fournissent des feedbacks sur nos comportements et nos pensées. Selon la théorie de la comparaison sociale (Festinger, 1954), l’être humain a un besoin fondamental d’évaluation de soi. Cette évaluation serait en lien avec la connaissance de l’appartenance d’un individu à certains groupes sociaux (Doise, 1990). Les personnes se comparent à autrui lorsqu’elles n’ont pas assez de moyens objectifs pour évaluer leurs opinions et attitudes personnelles. Nous pouvons distinguer cette comparaison sociale en trois processus cognitifs distincts (Deschamps & Moliner, 2012) :
Ego-centrés : concernent le traitement d’information relatif aux individus, en renforçant le sentiment de similitude ou d’unicité par rapport à autrui ;
Intermédiaires : concernent les informations relatives aux individus, mais à un niveau groupal, comme une forme d’attribution sociale1. Ils peuvent être influencés par des phénomènes de dépersonnalisation ;
Socio-centrés : regroupent les informations relatives aux groupes sociaux.
Les processus intermédiaires vont conduire à une uniformité et une homogénéité des comportements et des représentations de soi et d’autrui dans l’endogroupe, lors d’une confrontation à un exogroupe. Mais avant d’approfondir ce processus, il semble pertinent d’expliquer l’influence des processus identitaires et de formation d’un groupe.
Un groupe, selon Allport (1924), est une collection d’individus indépendants entre eux. Plus tard, Fisher (1990) identifie un groupe comme un ensemble social, identifiable et structuré, caractérisé par un nombre restreint d’individus et à l’intérieur duquel ceux-ci établissent des liens réciproques. Il joue un rôle selon les normes et les valeurs communes, dans la poursuite d’un but commun. S’il n’existe pas de but commun, alors il est considéré comme un agrégat. Pour être perçu comme une identité dotée d’une essence, un groupe doit être inaltérable, cohérente, imperméable, avec capacité de diagnosticité et exclusive (Yzerbyt, Rocher, & Schadron, 1997). Une large part de l’identité personnelle des individus découle de l’identité de leur groupe.
L’identité est un phénomène subjectif et dynamique, qui résulte d’un équilibre entre similitudes et différences entre soi, autrui et certains groupes, selon le processus de comparaison. Elle peut être considérée comme un continuum entre deux pôles opposés : d’un côté l’identité sociale définie par les sentiments de similitude à autrui, contribuant à la formation d’une indifférenciation collective (« Mon groupe et moi sommes tous égaux ») ; et de l’autre, l’identité personnelle définie par les sentiments de différence par rapport à autrui, contribuant à la formation d’une différenciation individuelle (« Moi, je suis unique dans mon genre ») (Deschamps & Moliner, 2012).
La théorie de l’identité sociale (TIS) met en évidence que les individus seraient à l’origine d’une identité sociale positive au travers d’une comparaison à autrui. Il existerait un favoritisme endogroupe qui les amènerait à valoriser son propre groupe et à dévaloriser l’exogroupe (Tajfel & Turner, 1986). Cet effet est plus important chez les individus qui s’identifient fortement à leur groupe. C’est-à-dire que le plus un individu s’identifie à son propre groupe, et plus il lui attribue des traits positifs, afin de valoriser son identité. Cette distinction pourrait être liée au fait que la perception d’une faible différenciation entre son groupe et l’exogroupe induirait une menace à l’identité de l’individu. Cette menace motive l’individu à distinguer son groupe de celui d’autrui par un favoritisme endogroupe (Jetten & Spears, 2003). Ceci va à l’encontre du besoin de l’individu d’avoir une conformité supérieure de soi (voir effet Primus Inter Pares, Codol, 1975). L’individu est partagé entre donner une image favorable de soi-même (c’est-à-dire de se présenter en conformité avec les normes de la situation sociale) et préserver une certaine originalité ou différenciation sociale. Pour résoudre cette contradiction, l’individu se déclare différent d’autrui tout en respectant la conformité aux normes de la situation, selon le point de référence, comme démontré par des expériences réalisées sur la comparaison soi-autrui (Codol, 1987; Hoorens, 1995).
La TIS répond au problème sur des conditions de naissance des antagonismes collectifs (Lorenzi-Cioldi, 2009). Ceci peut être mis en évidence par le paradigme des groupes minimaux, dont même le simple fait de catégoriser eux/nous conduit à un biais de favoritisme endogroupe (Tajfel, Billing, Bundy, & Flament, 1971).
La catégorisation est un processus cognitif qui tend à organiser l’environnement en catégories, pour une utilisation plus rapide de l’information (Corneille & Leyens, 1994). Elle est faite en deux temps : d’abord l’élaboration de catégories, selon les propriétés communes aux objets, où le choix des catégories est propre à l’individu ; puis leur utilisation pour une appréhension de l’environnement. La catégorisation sociale est le processus par lequel nous classons les autres dans des groupes, sur la base du genre, origine, âge, etc. Notons qu’un groupe est différent d’une catégorie sociale. Tandis qu’un groupe possède un objectif commun, la catégorie sociale est un concept qui existe seulement à un niveau cognitif, comme un processus de simplification de l’environnement. Elle permet à l’individu de se définir comme membre d’un groupe, tout en se distinguant d’autrui (Deschamps & Moliner, 2012). Nos comportements et attitudes dépendent plus fortement du fait que nous nous définissons en tant que membre d’un groupe que de nos caractéristiques individuelles (Lorenzi-Cioldi, 2009).
Selon la théorie de l’autocatégorisation (TAC), l’individu peut se catégoriser en 3 niveaux de soi (Turner, Hogg, Oakes, Reicher, & Wetherell, 1987) :
Niveau supra-ordonné : le plus élevé. L’individu se conçoit comme un être humain, indépendamment de son groupe, par opposition aux autres espèces animales (ce qui correspond à une comparaison intergroupe) ;
Niveau intermédiaire : il met en valeur l’identité sociale. La différence saillante est celle entre les catégories auxquelles l’individu appartient (ce qui correspond à une comparaison exogroupe) ;
Niveau subordonné : l’identité personnelle se forme par différenciation entre soi et les autres membres d’une catégorie d’appartenance (ce qui correspond à une comparaison endogroupe).
Il existe une incompatibilité entre les différents niveaux de catégorisation. L’activation de l’un implique la désactivation des autres. Cette théorie met en évidence le fait que nous nous identifions d’abord à un groupe par les similitudes et différences entre les membres de ce même groupe. Ceci va créer un prototype du groupe, qui représente le groupe de référence (Hyman, 1942). Nous nous attribuons à nous-mêmes les caractéristiques de ce prototype, qui vont définir le niveau d’identification au groupe. En d’autres mots, plus un individu s’aperçoit ayant les caractéristiques de son groupe de référence, et plus il va s’identifier à lui. La TIS et la TAC se rejoignent sur le fait que l’individu recherche une identité distincte et positive. Et qui le conduit à favoriser soi-même ou son propre groupe, selon son engagement dans une différenciation inter ou intragroupe (Tafani & Haguel, 2009).
Les biais de comparaison
La catégorisation peut être fonctionnelle, car elle peut aider à simplifier le monde, à agir de manière adaptée, à réduire l’incertitude ou à se souvenir rapidement. Mais elle est aussi une source de biais due aux effets d’assimilation intracatégories et de contraste intercatégories. Les biais d’assimilation traduisent une minimisation des différences et maximisation des similitudes à l’intérieur d’une catégorie ou d’un groupe, pendant que les biais de contraste maximisent les différences et minimisent les similitudes entre des catégories ou groupes distincts (Deschamps & Moliner, 2012). Ce sont ces biais d’assimilation et de contraste qui vont être à l’origine des processus de comparaison sociale intermédiaires, et surtout lors d’une confrontation à un autre groupe (Tafani & Deschamps, 2004). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que, lorsqu’une identité sociale est rendue saillante, la perception de soi tend à devenir dépersonnalisée ou désinviduée (Lorenzi-Cioldi, 2009). C’est-à-dire que les individus tendent à se percevoir et à se définir moins en tant que personnes individuelles différant les unes des autres, et plus comme de représentants interchangeables d’une catégorie sociale partagée (Pinto & Marques, 2008). Comme conséquence, le fait d’appartenir à un groupe, lorsque celle-ci est rendue saillante, conduit à percevoir les membres d’un groupe comme semblables, par une accentuation des biais d’assimilation. Les individus vont surestimer les ressemblances à l’intérieur des groupes, ce qui va créer un effet d’homogénéité (Lorenzi-Cioldi, 2009). Ainsi, quand les individus sont soumis à une comparaison entre nous et eux, ils auront tendance à voir plus de ressemblances à l’égard de son propre groupe que d’un autre. De ce fait, pour maintenir une identité positive, ils vont privilégier l’endogroupe (et par conséquent soi-même) en attribuant des caractéristiques plus positives à son groupe, ce qui est en accord avec un favoritisme endogroupe (Tajfel & Turner, 1986). Cependant, lors d’une comparaison intergroupe, il pourrait avoir un effet de la pression normative, défini par le statut social (Chokier & Moliner, 2006). Ceci pourrait mener l’individu à accentuer des er