INTRODUCTION
La linguistique est une science qui étudie les langues dans leurs différents usages. Selon Martinet, la linguistique est «…l’étude scientifique du langage humain. Une étude est dite scientifique lorsqu’elle se fonde sur l’observation des faits et s’abstient de proposer un choix parmi ces faits au nom de certains principes éthiques et moraux. » p.6. Pour lui tout comme Descartes le langage est essentiellement « humain ». La linguistique parait être assimilée à la grammaire moderne qui vise l’étude systématique des éléments constitutifs de la langue. Elle opte pour une vision descriptive contrairement à la grammaire traditionnelle qui, par un souci de bon usage, est normative et prescriptive d’où la nécessité de la fondation de l’Académie Française en 1635 chargée de codifier, de promouvoir et de réguler la langue. Cette structure a pour rôle de surveiller la langue et d’établir les règles grammaticales, et la lexicographie (Dictionnaires, Editions). C’est la langue valorisée et enseignée dans les établissements élémentaires, moyens, secondaires et supérieurs. Cependant, la langue est un code auquel un groupe d’Individus fait recours pour communiquer entre eux. Autrement dit, « la langue est notre « outil » de communication privilégié. Chaque langue est un système de signes conventionnels et de règles de combinaison de ces signes, qui forment un tout complexe et structuré » Polguère A. (1985 : p.16). Un système désigne un tout organisé et cohérent. Dans un système, les constituants n’ont pas de significations en eux-mêmes. Leur sens se rapporte à l’ensemble car toute modification d’un élément du système désorganise et transforme le système. En ce sens, les éléments combinés appelés morphèmes sont doués de sens et de formes que Ferdinand de Saussure appelle le « signe linguistique ». Ces deux faces, en d’autres termes, sont respectivement la « sémantique lexicale » et la « morphologie lexicale ». En ce sens, trouvant son actualisation dans la parole, la langue est constituée d’éléments appelés d’une part la grammaire (phonétique, morphologie et syntaxe) et le lexique d’autre part. A cet effet, le lexique est le domaine dans lequel s’inscrit l’objet de notre sujet de recherche, « Le Champ Lexical de la Politique en Français du Sénégal ». Bien circonscrit, l’objet du sujet convoque une étude descriptive d’autant plus que le Sénégal est plurilingue et le domaine d’activité concerné, la politique est socioprofessionnelle. Dans cette première partie du mémoire, il sera question de dégager un cadre théorique et méthodologique. Pour les deux dernières parties, nous nous focaliserons premièrement sur la description de la formation des lexies avant de terminer par une analyse de leurs structurations sémantiques.
Le Structuralisme
Le structuralisme fondé par Ferdinand de Saussure est la théorie d’une école qui étudie la langue comme un système de signes. Ces signes sont des structures décomposables en morphèmes, phonèmes, syntagmes, paradigmes. Ainsi, la linguistique structurale comme son nom l’indique est une structure d’un ensemble de relations entre les éléments constitutifs de la langue. Selon la conception de Ferdinand de Saussure, l’élément est appelé « signe linguistique » (sa définition se fera dans la partie conceptuelle). Son analyse décèle deux types de rapport que sont le rapport syntagmatique et le rapport paradigmatique. Pour notre travail, le structuralisme est une théorie que nous mettons en avant et sur laquelle se concentrera l’ensemble des travaux même si, les linguistes partent d’un même objectif qui est l’étude du langage. Il est important de souligner qu’ils ne traitent pas le problème d’un commun point de vue. La valeur de cette étude repose sur le choix des hypothèses formulées dans la problématique pour décrire les relations structurales du lexique de la politique.
La Composition avec un trait d’union
Exemple 1: « L’argent que l’on vous donne pour la réfection ou la construction de vos mosquées, c’est de l’argent de la franc-maçonnerie » VOX POPULI du Mardi 29 janvier 2019 « Je suis devenu le porte-parole de mes camarades progressistes » p.26 Le Sénégal au cœur « … comme moi, un social-libéral et admirer le grand Timonier. » p.28 Le Sénégal au cœur « Je veux qu’il devienne un partenariat gagnant-gagnant » L’OBS N°4619 « Des garde-fous s’imposent » L’AS N°3913 « …Et du coté des sapeurs-pompiers, il n’y a pas de problème » p.5 Vox Populi N°563 « Certains partis de l’opposition rament à contre-courant de ce que nous faisons pour ne pas entraver le dialogue national » L’OBS N°4736
Ces lexies soulignées : Franc-maçonnerie : formé d’un adjectif + nom, franc-maçonnerie désigne une organisation dans laquelle les membres se reconnaissent à travers des signes spécifiques et dont chacun prête serment lors de la cérémonie de son initiation et de son intégration dans le groupe. C’est une secte strictement bannie par la religion à priori musulmane. C’est l’image du mal ; raison de plus pour justifier son usage par le locuteur.
Porte-parole (nom + nom) : est une personne qui représente une association ou groupement de personnes pour tout ce qui touche au discours (les interviews etc.). En gros, le porte-parole est la voix du peuple qu’il représente.
Social-libéral (adj. + adj.) : est une personne qui prône la doctrine du socialisme dans le libéralisme.
Gagnant-gagnant (adj. + adj.) : renvoie à la satisfaction des deux parties qui coopèrent entre elles. Que chaque parti voit une rentabilité participative dans ladite coopération.
Garde-fous (n + adj.) : les garde-fous sont des lois ou règles régies pour assurer le bon fonctionnement et la bonne gestion ou le bon usage d’une chose. Ce sont des interdictions qui obligent les personnes concernées à se soumettre à cette norme idéalisée.
Sapeurs-pompiers (n + n) : sont un corps militaire en vue d’assurer les secours des biens et personnes lors d’incendie, d’accident, de péril etc.
Contre-courant (pré + n) : sens opposé, contraire… Sont des lexies issues de la composition de deux morphèmes autonomes (cf. définition morphème dans la partie définition concepts linguistiques) reliés entre eux par un tiret encore appelé trait d’union. Ce n’est pas juste leurs formes qui nous permettent de déduire leurs valeurs morphologiques mais l’unité sémantique à laquelle renvoie l’élément composé. Pour être plus explicite, porte-parole n’est pas la somme des signifiés comme suit : Porte (ouverture d’une enceinte permettant l’entrée ou le passage) et parole (le discours…) Mais, il désigne une personne choisie par un quelconque groupe pour s’occuper de tout ce qui est communication (personne morale). Comme tel procèdera l’ensemble des autres éléments qui fait l’objet de composition.
Exemple 2 : « Que l’on ne me mette pas dans le lot des traîtres … qui ont quitté le désert bleu-jaune » p.6 Le Quotidien du Vendredi 1er février 2019 L’isolement de cette illustration n’est rien d’autre que le traitement de l’élément souligné est plus spécifique que ceux précédents. La composition bleu-jaune est obtenue par combinaison de signifiants renvoyant à la couleur. L’objectif n’est pas la définition de l’images mais la connotation de celle-ci. Cette composition sémantiquement renvoie au Pds, un parti politique crée par le président Abdoulaye Wade.
La Restriction de sens
Exemple 1 : « … nous allons envahir le ministère » p.12 Quotidien N°4714 Envahir n’a pas son aspect sémantique originel. C’est-à-dire qu’il y a une restriction de sens du mot. Envahir c’est pénétrer par la force dans un espace différent du sien et l’occuper anarchiquement. Ce qui remonterait au temps des expansions, colonisations, des guerres de religion etc. Dans ce cadre précis, l’utilisation des armes est omniprésente d’où la loi du plus fort. Ce qui marque presque une rupture entre si nous pouvons le dire le sens 1 et celui de l’exemple sens 2.
Exemple 2 : « … barrer la route à ce projet de révision constitutionnelle » Babacar Diop VOX POPULI N° 702 L’élément souligné est l’équivalent de rejeter avec mépris. Le locuteur fait recourt à cette expression pour manifester son désaccord, son refus total face à ce projet.
Le Silence
C’est une expression qui permet de limiter la parole. Autrement dit le locuteur s’abstient de terminer son discours préférant plutôt se taire.
Exemples : « A un moment donné, il y a moitié-moitié et à la fin… » Me El Hadji Diouf p.6 Le Quotidien du Vendredi 1er février 2019 « Idrissa Seck dans le parti, il est très aimé. On lui souhaite… » Le Quotidien du Vendredi 1er février 2019 Dans ces exemples, le silence est synonyme de méfiance. Le locuteur a préféré s’abstenir que de continuer sa phrase. Il veut être plus prudent dans son discours pour éviter de choquer quelqu’un dans l’assemblée. Il s’agissait d’un moment crucial, de faire un choix avec ses militants entre deux candidats. Ce qui implique un équilibre momentanément de voix avant le basculement des chiffres. Et par conséquent, même si son candidat gagne, il est tenu de ne pas trop être diverti afin d’avancer des propos qui choqueraient l’autre (le partisan de Idrissa Seck).
CONCLUSION
Le sujet de recherche intitulé « Le Champ Lexical de la Politique en Français du Sénégal » avait retenu notre attention du fait de son originalité. L’objectif de notre recherche était de nous imprégner en tant que chercheur dans le domaine et de voir et de tenter d’appliquer notre sujet en s’appuyant sur le ou les théories linguistiques. Dans la première partie, nous avons abordé l’aspect théorique et méthodologique du sujet en procédant par des choix d’étude parmi ces théories et une définition de l’ensemble des concepts (linguistiques et politiques) afin d’éclaircir et d’éviter toute ambiguïté. Sans oublier la Revue critique, nous sommes passé de la contextualisation à la justification tout en soulevant le problème auquel est confronté le sujet de recherche. Dans la partie pratique, nous avons traité les questions de formes et de sens du lexique que sont respectivement la deuxième et la troisième partie du mémoire. Dans cette deuxième partie ont été décrits les différents procédés morphologiques. Toutefois, la dernière partie restitue l’analyse des relations lexicales tout en tentant une analyse sémique et l’étude du champ sémantique ainsi qu’une description de certains néologismes et figures de style. D’après nos analyses, le lexique de la politique englobe des sous-champs lexicaux tels que l’administration, la violence, le judiciaire… Ce qui justifie son vaste champ lexical. Par conséquent, l’égarement de cette norme exogène et cette volonté des politiques sénégalais à « tordre » le coup à la langue française n’exprime-t-il pas un sentiment de dégout ou de rejet de cette langue.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE 1 : LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
1.1.CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.2.PROBLEMATIQUE
CHAPITRE 2 : LA REVUE LITTERAIRE
CHAPITRE 3 : LE CADRE THEORIQUE, CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
3.1. LE CADRE THEORIQUE
3.2. LE CADRE CONCEPTUEL
3.3. LA METHODOLOGIE
DEUXIEME PARTIE : LA FORMATION DES LEXIES
CHAPITRE 1 : LA DERIVATION
1.1.LA PREFIXATION
1.2.LA SUFFIXATION
1.3.LA REGRESSION
1.4.LA PARASYNTHESE
CHAPITRE 2 : LA COMPOSITION
2.1. LA COMPOSITION AVEC BLANC
2.2. LA COMPOSITION AVEC LA PREPOSITION « DE »
2.3. LA COMPOSITION AVEC TRAIT D’UNION
2.4. LA COMPOSITION AVEC SOUDURE
CHAPITRE 3 : LA DERIVATION IMPROPRE
TABEAU RECAPITULATIF DES PROCEDES DE FORMATIONS MORPHOLOGIQUES
TROISIEME PARTIE : LA STRUCTURATION DU LEXIQUE
CHAPITRE 1 : LES RELATIONS LEXICALES
1.1.L’ETUDE DU CHAMP SEMANTIQUE
1.2.L’ANALYSE SEMIQUE
1.3.LES RELATIONS LEXICALES
APPLICATION ELARGIE DU CORPUS
CHAPITRE 2 : LES NEOLOGISMES
2.1. LES NEOLOGISMES DE FORME
2.2. LES NEOLOGISMES DE SENS
CHAPITRE 3 : DESCRIPTION DE QUELQUES FIGURES DE STYLE
3.1. LA LITOTE
3.2. L’HYPERBOLE
3.3. LA METAPHORE
3.4. LA COMPARAISON
3.5. LE SILENCE
3.6. LA SYNECDOQUE
3.7. LA METONYMIE
CONCLUSION
QUELQUES PARTIS POLITIQUES DU SENEGAL
LE CORPUS
BIBLIOGRAPHIE
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