Le champ de travail des enseignants
La condition des enseignants non permanents
La problématique de l’insertion professionnelle est une préoccupation quotidienne dans pratiquement toutes les professions et emplois. Chaque champ d’activité ou lieu de travail possède des caractéristiques d’entrée dans le milieu différentes, et les nouveaux arrivants dans ce champ d’activité doivent s’y adapter et s’y conformer pour pouvoir s’épanouir en tant que professionnels accomplis. Ils doivent comprendre les différentes règles, les enjeux, les codes et les lois de sorte à faciliter leur insertion. Selon Karsenti (2006), ainsi que Makamurera (1998), débuter dans la profession enseignante peut être difficile pour certains nouveaux praticiens, et ce, pour plusieurs raisons, principalement en lien avec les besoins du milieu où il se situe ainsi que le nombre de postes à combler par les différents établissements scolaires. Le contexte économique et social de la ville et de la région aura aussi une influence considérable sur cet accès à l’emploi. Souvent considérée comme étant une étape de survie, surtout en raison de la complexité du travail à accomplir, l’insertion professionnelle dans le domaine de l’éducation se définit comme étant la transition de la pratique supervisée par un milieu de formation à la prise en charge autonome des différents aspects de la profession enseignante (Ministère de l’Éducation, 1996).
Porte lance, Makamurera, Martineau et Gervais (2008) donnent à ce concept une autre définition. Pour eux, l’insertion professionnelle est l’entrée dans la fonction enseignante, au tout début de la carrière. Il s’agit donc de la première expérience de vie professionnelle rémunérée. Elle nécessite différentes étapes d’adaptation et d’évolution chez l’enseignant non permanent pour l’aider à s’insérer dans son nouveau milieu de travail. Dans le cadre de notre recherche, le concept d’insertion professionnelle désigne plus spécifiquement la période entre la fin de la formation universitaire et l’obtention d’un poste et d’une permanence dans le milieu de travail. Comme il s’agit ici d’un aspect important de l’évolution et de l’accomplissement d’un enseignant, nous souhaitons donc comprendre les différents mécanismes qui participent à l’insertion professionnelle de l’enseignant non permanent dans son nouveau champ d’activité.
Nous avons aussi statué que pour les besoins de cette recherche, le terme « enseignant non permanent » est défini selon les caractéristiques suivantes: être diplômé du baccalauréat en enseignement au secondaire et avoir obtenu son brevet d’enseignant, posséder moins de quinze années d’expérience, travailler présentement au sein de la Commission scolaire de Rouyn-Noranda (CSRN) et finalement ne pas avoir obtenu de poste ou de permanence depuis son entrée dans la profession. Afin de mieux délimiter notre problématique, nous nous attarderons dans un premier temps à la place de l’insertion professionnelle dans le programme de formation des nouveaux maîtres. Ensuite, nous survolerons le processus d’embauche par la CSRN et l’entrée de l’enseignant dans son milieu de travail. Finalement, nous traiterons de la relation de l’enseignant avec les différents agents avec qui il partage son champ d’activité.
La formation et l’insertion professionnelle
Durant son processus de formation, le jeune enseignant ignore, la plupart du temps, les difficultés pouvant être reliées à son entrée dans le milieu de travail. Comme c’est à cette étape que le novice se développe et acquiert les aptitudes nécessaires au bon exercice de sa profession, on peut se demander si la place de l’insertion professionnelle y joue un rôle important. Suivant les États généraux sur l’éducation de 1995-1996, il a été convenu que la formation des maîtres devait être améliorée afin de mieux préparer les enseignants à affronter le monde de l’éducation dans un monde de changements constants. Ce nouveau programme de formation, qui a été mis en place dès 2001 1 sous la direction du ministre de l’Éducation François Legault, devait mieux préparer les enseignants aux réalités québécoises du 21 e siècle. Pourtant, avant même que les changements aient été apportés dans la formation des maîtres au Québec par le ministre Legault et son Ministère, Lessard (1997) constatait déjà que le fait d’allonger la formation universitaire n’est peut-être pas la meilleure façon de former la relève enseignante.
Il se questionnait sur le rôle de l’institution universitaire en tant qu’outil de formation et d’insertion des enseignants. Il se demandait également si du personnel non universitaire, comme des enseignants d’expérience, pouvait jouer un rôle plus important dans la formation des enseignants et ainsi leur donner plus d’outils afin de leur permettre une meilleure insertion dans le milieu de l’éducation (Lessard, 1997). De plus, comme le constate une étude de Gervais, Martineau, Lacourse et Nault (2011 ), l’insertion professionnelle aurait dû être l’un des concepts les plus importants de la réforme de la formation des enseignants. Malheureusement, le constat qui peut en découler suggère que les mesures de soutien envers les enseignants non permanents qui devaient être mises en place n’ont pas été instaurées comme on aurait pu le souhaiter. C’est d’ailleurs une des raisons qui a poussé le Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (COFPE) à déclarer que la réforme du programme de formation des enseignants n’avait pas été achevée complètement.
Le rapport entre le milieu universitaire et les établissements scolaires Selon les travaux de recherche de Gervais (2011 ), plusieurs artisans qui ont participé de près ou de loin à la conception du programme de formation des enseignants non permanents sont de l’avis que cette formation ne peut être complétée dans le cadre des quatre années du baccalauréat. En effet, ils considèrent que la formation continue devrait venir jouer un rôle majeur dans le développement de l’enseignant non permanent en venant consolider ses acquis. Par contre, ils étaient aussi de l’avis cet enseignant se devait d’avoir différentes mesures de soutien durant cette phase pour l’aider et l’accompagner dans son insertion. Ce soutien s’apparente à une forme de mentorat. Gervais (2011) souligne aussi que l’une des problématiques de la place de l’insertion professionnelle dans la formation se retrouve dans la relation et de la communication entre le milieu universitaire et scolaire.
Selon elle, le fait que les deux institutions reconnaissent mutuellement leurs forces et leurs caractéristiques pouvant aider à l’intégration professionnelle des enseignants non permanents pourrait venir améliorer ce processus. Les deux milieux axant ainsi leurs efforts sur leurs forces, et ce, sans nécessairement empiéter sur la compétence de l’autre. La chercheuse est aussi de l’avis qu’une meilleure implication des universitaires dans l’insertion professionnelle ne pourrait être que bénéfique, car cela pourrait venir augmenter les chances des enseignants non permanents de bien réussir leur intégration dans le milieu de travail. De plus, comme le constate Lessard (1997), nous pouvons nous questionner à savoir si les gestionnaires d’universités sont plus intéressés par le principe de garder le plus grand nombre d’étudiants à temps plein jusqu’à la diplomation, plutôt que de leur offrir tous les outils formatifs nécessaires afin de leur donner des munitions lors de leur premiers pas dans le marché du travail.
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Table des matières
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
1.PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
1 .1 Les préoccupations de départ
1.2 La formation et l’insertion professionnelle
1.2.2 Les conditions d’insertion à la sortie de l’université
1.3 Le processus d’embauche à la commission scolaire
1.3.1 Le dossier et l’entrevue d’embauche
1.3.2 La liste de priorité d’embauche
1.3.3 L’accès aux différents types de contrats et la tâche complémentaire
1.4 L’entrée dans le milieu professionnel
1.5 Les relations avec les autres agents dans le champ d’activité
1.5.1 La relation avec les autres enseignants
1.5.2 La relation avec la direction d’école
1.5.3 La relation avec le personnel de soutien
1.5.4 Avec les élèves (et leurs parents)
1.6 Objectif de la recherche
1.7 Pertinence de la recherche
1.8 Les limites de la recherche
2.CADRE THÉORIQUE
2.1 L’habitus de l’enseignant
2.2 Le champ de travail des enseignants
2.3 Les différentes formes de capital
2.4 Le concept de sens pratique chez les enseignants
2.5 Question spécifique et hypothèse
3.MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.1 Recherche descriptive et ethnographie
3.2 Observation participante
3.3 Entrevue se mi-dirigée
3.4 Type de population et stratégie d’échantillonnage.
3.5 Retombées attendues.
4.DÉMARCHE ANALYTIQUE ET STRATÉGIE D’ANALYSE
4.1 Le chercheur et son rapport à l’objet d’étude
4.2 Un double travail d’analyse : la méthode situationnelle phénoménologique et structurale ainsi que l’analyse des récits chez Lévi-Strauss
4.2.1 L’analyse des récits de Lévi Strauss
4.2.1 L’analyse phénoménologique de Paillé et Mucchielli
4.2.3 Le double travail d’analyse
4.3 Interprétation des résultats à l’aide de l’analyse structurale
4.3.1 Le profil personnel de l’enseignant
4.3.2 Le profil professionnel de l’enseignant
4.3.3 Occupation des proches
4.3.4 Le rapport à la formation et l’insertion professionnelle. .
4.3.5 Le processus d’embauche de la CSRN
4.3. 6 L’entrée dans le milieu professionnel
4.3.7 Rapport au travail et insertion professionnelle
4.3.8 Modèle de base à l’aide de l’analyse structurale
4.4 Interprétation des résultats à l’aide de la méthode situationnelle phénoménologique et structurale
4.4.1 Premier groupe : «Les enseignants pessimistes face à leur insertion professionnelle»
4.4.2 Deuxième groupe : «Les enseignants résignés face à leur insertion professionnelle »
4.4.3 Troisième groupe : «Les enseignants indifférents face à leur insertion professionnelle»
4.5 Discussion sur les résultats
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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