Reproduction et cycle biologique de l’espèce
La reproduction chez les Crustacés est un processus complexe et la clé dans la stratégie biologique qui interagit avec d’autres aspects biologiques, comme la croissance, le comportement et l’alimentation et dépend de divers facteurs environnement (Aiken et Waddy, 1980; Sastry, 1983; Conan, 1985b, Sinclair, 1988, Ligas et al., 2011). Il existe une abondante littérature sur les différents aspects biologiques de la langoustine de reproduction dans différents domaines (Figueiredo et Thomas, 1967a; Farmer, 1975 et Sarda, 1995, Arnold et al., 2009), bien que les mécanismes physiologiques et environnementaux régulation du cycle reproduction restent encore largement méconnus.
Les sexes sont séparés et les glandes génitales, situées au-dessus de l’intestin, forment de longs cordons recourbés latéralement en crosse et unies au niveau du coeur par une bandelette transversale, et d’où partent les canaux évacuateurs des produits génitaux : les spermiductes chez les mâles et les oviductes chez les femelles.
Lors de la copulation, le sperme est déposé sous forme de spermatophore (sorte de paquets de spermatozoïdes englués dans une pâte nutritive), La copulation s’effectue ventre à ventre, et ne peut avoir lieu qu’entre un mâle mur et une femelle qui vient de muer (Talidec, 2003). Le mâle, attiré vraisemblablement par une phéromone émise par la femelle venant de muer et qui inhiberait tout cannibalisme, déposerait à l’aide des deux premières paires de pléopodes un seul spermatophore dans la spermathèque de la femelle (Farmer, 1974).
Le spermatophore se présente sous la forme d’une gelée dans laquelle se trouvent pris des spermatozoïdes. Le spermatophore, initialement mou, durcit en l’espace de quelques heures. La spermathèque de la femelle porte le nom de « thelycum ». C’est une logette située entre les deux dernières paires de péréiopodes; elle est formée par les sternites des deux dernières paires de segments thoraciques. La présence d’un spermatophore dans le thelycum n’est pas décelable extérieurement. La femelle portera le spermatophore jusqu’à la prochaine mue où elle le perdra avec l’exuvie. La femelle adulte mue une fois par an au printemps (Farmer, 1974).
Au moment de la ponte, les femelles doivent donc déjà porter un spermatophore. Les oeufs, après la ponte, sont fixés aux soies ovigères sous l’abdomen où ils sont incubés. L’incubation dure environ 8 mois. Au cours de l’incubation, les femelles ovigères disparaissent des captures. (Poulsen, 1946 ; Karlovac, 1953 ; Figuueiredo et Thomas, 1967 ; Rice et Chapman, 1971 ; Conan, 1978). Selon ces dernies auteurs les femelles ovigères sont néanmoins capturées durant les premiersjours d’incubation.
Les larves éclosent au stade pré-zoé (Farmer, 1975). L’éclosion se produirait essentiellement en mars-avril (Conan, 1978) et coïnciderait donc avec le bloom phytoplanctonique du printemps. La phase larvaire durerait 2 à 3 semaines selon (Poulsen 1946). Elle est pélagique et favorise ainsi une dissémination des larves et un meilleur ensemencement des fonds. Les post-larves mèneraient une vie benthique semblable à celle des adultes (Farmer, 1975) (Fig. 5).
Le développement larvaire de la langoustine diffère dans la littérature, avec entre 3 et 5 stades larvaires séparés suggérés. Trois stades pélagiques nage libre ont été historiquement documentée (Andersen, 1962; Farmer, 1974; Jorgenson, 1925; Karlovak, 1955; Santucci, 1926; Sarda, 1984; Nicosa et Lavalli, 1999, Burton, 2003) et ont été décrits comme: stades I-III; Zoé I-III; Zoé I, Mysis I et II Mysis. Stade IV est généralement considéré comme la première étape post larvaire.
Stade 1 (Zoea)
De ce stade les 13 premières paires d’appendices sont complètement développées. Vers la fin de la scène, les appendices des deuxième et cinquième segments abdominaux peuvent être considérés comme de petits bourgeons (Jorgensen, 1925). Chromatophores orange sont présents avec des taches jaunes sur les bases et les articulations des péréiopodes. Ces taches jaunes sont visibles au moment du développement des stades larvaires et disparaissent dans la phase post larves (Farmer, 1974). La longueur moyenne des larves à ce stade a été signalée à environ 6,5 mm (Jorgensen, 1925).
Stade 2 (Protozoe)
Les appendices des deuxième et cinquième segments abdominaux sont présents sous forme de petites structures, mais il n’y a aucun signe des appendices du premier segment. Au moment de l’approche de la seconde mue, les uropodes en développement deviennent visibles sous la nouvelle cuticule en face de la fourche caudale. La taille moyenne d’une larve à ce stade est d’environ 8 mm (Jorgensen, 1925).
Stade 3 (Zoea)
Les pléopodes des deuxième et cinquième segments abdominaux sont pleinement développés comme le sont les uropodes, mais le premier segment abdominal n’a pas d’appendices. La fourche caudale devrait maintenant être segmentée hors du dernier segment abdominal. Les larves de cette moyenne des étapes d’environ 10 mm de longueur (Jorgensen, 1925).
Stade post larvaire (Mysis)
Une fois le troisième stade achevé, la larve entame le premier stade post larvaire. Les jeunes juvéniles de petite taille, possèdent de longues pinces et ont toutes les caractéristiques d’un adulte (Jorgensen, 1925), (Farmer, 1975) suggèrent, que durant la mue qui transforme la larve en un jeune adulte, les juvéniles semblent focaliser leurs énergies dans la production d’une nouvelle forme, en plus d’une petite réserve pour la croissance. Leur taille moyenne est d’environ 11 mm (Jorgensen, 1925).
La métamorphose
Au cours de sa croissance, la langoustine abandonne sa carapace qui devient un peu plus étroite pour la renouveler d’une autre; c’est le phénomène de mue ou exuviation (Quero et Vayne, 2004).
La croissance chez Nephrops norvegicus varie géographiquement et, est négativement corrélée avec la densité de terriers (Tuck et al, 1997). Elle est également liée à la disponibilité de la nourriture, à la température de l’eau, et au type du sédiment (Tuck et al, 1997 ; Talidec, 2003).
En absorbant le carbonate de calcium (CaCO3) contenu dans l’eau, mais aussi dans une moindre mesure à partir du calcium des gastrolithes contenus dans l’estomac, les Crustacés fabriquent leur nouvelle carapace. Pendant ce temps, leur
corps mou et fragile devient la proie des prédateurs. La croissance est donc discontinue, par paliers; on note une brusque augmentation du poids et de la longueur à chaque mue. Les mues sont plus ou moins régulières, mais s’espacent avec l’âge, ce qui correspond à un ralentissement de croissance (Petit, 2004 in Mouffok 2008).
Comportement et déplacement
Migration
Cette espèce qui mène une vie benthique à des profondeurs variant de 15m à plus de 800m préférerait un substrat vaseux (Farmer, 1972). Cette préférence est sans doute liée au fait que la langoustine creuse des terriers dans lesquels elle s’abrite. Elle quitte le terrier pour rechercher de la nourriture. Ces périodes d’activité dans la recherche de nourriture se situent à la tombée de la nuit (elle se retire la nuit dans le faux corail) et au lever du jour (Chapman et Howard, 1979).
La langoustine est sédentaire, et n’effectue aucune migration. Elle peut cependant se déplacer si des facteurs défavorables agissent sur son habitat, telle que la mise en suspension de la vase lors d’une tempête (Marine Institute, 2012).
Distribution géographique, et habitat
Beaucoup d’incertitudes persistent concernant ce Crustacés Nephropidae. Pour certains auteurs la langoustine serait une espèce relique glaciaire et recherchait les eaux plutôt froides. Pour d’autres, il s’agit au contraire d’une espèce méditerranéenne dont l’aire de distribution aurait progressée vers le Nord grâce au Gulf Stream (Barquin et al., 1998).
L’espèce recherche les fonds de vase ou de sable vaseux pour y creuser un terrier (Vincent, 2005 ; Kilada et al., 2012). Ceux-ci peuvent être morphologiquement assez simples (Rice et Champman, 1971) ; d’autres apparaissent beaucoup plus complexes (Pampoulie, 2011). Nephrops norvegicus est une espèce marine boréale, vivant en mer Méditerranée et sur le plateau continental du Nord-Est de l’océan Atlantique.
La langoustine est présente depuis la bordure orientale de l’Atlantique Nord avec le sud de l’Islande et le nord des côtes norvégiennes jusqu’en Mauritanie. La langoustine est présente à la côte, en Écosse, et plus généralement entre 20 et 800 m environ.Elle fréquente aussi sur les côtes méditerranéennes (Morizur, 1982; Missaoui, 1984; Whithead et al, 1986 ; Quéro et Vayne, 1998). Cependant, cette espèce est absente en Méditerranée orientale, mais très répandue dans tout le bassin occidental, notamment en Espagne, en Sicile, dans l’Adriatique sur les côtes italiennes et en Algérie où on la retrouve abondamment à l’extrême Ouest des côtes de Ghazaouet à Bouzedjar dans les milieux du faux corail plus précisément de la région de Ghazaouet ,aux Iles Habibas, la langoustine est rare ou presque inexistante au fur et à mesure en se déplaçant a partir de ces îles vers les côtes est du pays (Bekrattou, 2010).
Environnement
Elle vit sur des fonds de -15 à -800 m (Quéro et Vayne, 1998). Sa répartition est davantage déterminée par la nature du fond que par la profondeur (Chapman & Bailey, 1987 ; Tully et Hillis, 1995). La langoustine est un animal sédentaire, donc les juvéniles et les adultes viennent dans les mêmes zones géographiques (Chapman, 1980 , Tuck et al, 1994). La langoustine vit seule dans un terrier creusé dans le sédiment qu’elle peut partager avec d’autres espèces comme le gobie (Gibson & Erzi, 1978 ; Tuck et al, 1994). Les terriers présentent un nombre variable d’orifices, selon la taille de l’individu et la région. Ceux des femelles disposent, en plus, d’orifices d’oxygénation, pour permettre une meilleure circulation de l’eau autour des oeufs (Talidec, 2004). Cet animal préfère des sédiments meubles de type sablo-vaseux (Tuck et al., 1997 ; Leotte et al., 2005). Ainsi, les fortes densités de langoustines sont présentes sur les bancs de sédiments fins comme la grande vasière située au Nord du golfe de Gascogne (Abbes, 1991).
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Table des matières
Introduction
PARTIE I: BILAN DES CONNAISSANCES : PRESENTATION DE L’ESPECE
I POSITION SYSTÉMATIQUE ET DIAGNOSE DE L’ESPÈCE
1 Systématique
1-1 Noms vernaculaires
2 Description et diagnose
II Reproduction et cycle biologique de l’espèce
La métamorphose
III Comportement et déplacement
Migration
IV Distribution géographique et habitat
a Environnement
b Position dans la chaîne trophique de la langoustine
V Prédateurs de l’espèce Nephrops norvegicus
PARTIEI: BILAN DES CONNAISSANCES: CARACTERISTIQUE DE LA ZONE D’ETUDE
I Caractéristiques générales du Littoral algérien
1-1 Géomorphologie du Littoral algérien
II FACIES SÉDIMENTAIRES ET PEUPLEMENTS BENTHIQUES
II-1 Couverture sédimentaire
II-2 Hydrologie
2-1 Eaux atlantiques modifiées (MAW, Modified Atlantic Water)
2-2 Eaux intermédiaires levantines (L.I.W: Levantine Intermediate Water)
2-3 Eaux profondes (WMDW Western Mediterranean Deep Water)
a Le courant algérien
4-1 Salinité
4-2 Températures
4-3 Précipitations
4-4 Vents
III Aperçu des ports de la zone d’étude
1 Situation de la zone
1-1 Le port de Béni Saf
1-2 Le port de Bouzedjar
1-3 Evaluation de la flottille et des débarquements au niveau des deux ports
PARTIEI: BILAN DES CONNAISSANCES : TECHNIQUES DE PECHE ET REGLEMENTATION
I GÉNÉRALITÉS
II Les chaluts
1 Manoeuvre des chaluts utilisés
1-1 Relevés bathymétriques
2 Différent types de chalut de fonds (ou différents gréements)
2-1 Le chalut espagnol (MINIFALDA)
2-2 Le chalut de fond à quatre faces (semi pélagique) (G.O.V)
2-3 Le chalut sélectif
3 Caractéristiques des chaluts
3-1 Equipements complémentaires
a Le treuil
4 Equipements de navigation et de télédétection
III REGLEMENTATION
1 Autorisation de pêche
2 Zones de pêche
3 Engins de pêche
4 Tailles minimales marchandes
PARTIE II: ETUDE DE LA REPRODUCTION
I MATERIEL ET MÉTHODES
1 Sex-ratio
1-1 Sex-ratio global
1-2 Sex-ratio en fonction de la taille
1-3 Sex-ratio en fonction des saisons
2 Ecart-réduit
3 Etude des stades de maturité sexuelle
3-1 Etude macroscopique des ovaires
4 Indice gonadosomatique (I.G.S)
5 Étude du facteur de condition
6 Taille à la première maturité sexuelle
II RÉSULTATS
1 Sex-ratio global
2 Ecart-réduit
3 Etude des stades de maturité sexuelle
3-1 Etude macroscopique des ovaires
4 Etude du facteur de condition
5 Taille de première maturité sexuelle
III SYNTHESE ET DISCUSSION
1 Distribution des sexes et Ecart-réduit
2 Echelle de maturité et période de ponte
3 Taille de première maturité sexuelle
PARTIE III: DEMOGRAPHIE, CROISSANCE, ET AGE
I MATERIEL ET METHODES
1 Echantillonnage
1-1 Protocole d’échantillonnage
1-2 TRAITEMENTS DES ÉCHANTILLONS
1-2-1 Détermination du sexe
1-2-2 Mensurations
2 Démographie
3 Etude de la croissance
3-1 Croissance linéaire
3-1-1 Principe de base de l’équation de croissance de Von Bertalanffy (1938)
3-1-2 Méthode ELEFAN (Electronic Length Frequency Analysis)
3-2 Croissance relative (relation taille-poids)
II RESULTATS
1 Démographie
2 Etude de la Croissance
2-1 Méthode ELEFAN
2-2 2-2 Croissances relatives (Relation taille- poids)
III SYNTHESE ET DISCUSSION
1 Croissance et âge
2 Relation taille-poids
PARTIE IV: PECHERIE
I MATERIEL ET METHODES
1 Flottille et effort de pêche
2 Répartition spatiale et bathymétrique de la langoustine Nephrops norvegicus (Linnaeus, 1758)
3 Abondance, biomasse et faune associée à la langoustine Nephrops norvegicus (Linnaeus, 1758)
II RESULTATS
1 Flottille chalutière de la wilaya maritime d’Aïn Témouchent
1-1 Flottille et effort de pêche
1-2 Effort de pêche et capture par unité d’effort
2 Répartition spatiale et bathymétrique de la langoustine Nephrops norvegicus (Linnaeus, 1758)
3 Faune associée
III SYNTHESE ET DISCUSSION
1 Flottille et effort de pêche
2 Répartition spatiale et bathymétrique
3 Faune associée
PARTIEV: EXPLOITATION DE STOCK
1 Introduction à l’exploitation des stocks
2 Mortalité
2-1 Estimation de la mortalité totale (Z)
2-2 Estimation de la mortalité naturelle (M)
2-3 Estimation de la mortalité par pêche (F)
3 Recrutement et sélection
4 Analyse virtuelle de la population de langoustine N. norvegicus
4-1 Rendement par recrue (Y/R)
4-2 État d’exploitation de la ressource
5 Résultats
5-1 Estimation de la mortalité
5-1-1 Mortalité totale Z
5-1-2 Mortalité naturelle M
5-1-3 Mortalité par pêche F
5-2 Recrutement et sélection
5-3 Analyse de population virtuelle (Virtual Population Analysis)
5-3-1 Données de capture de la langoustine N. norvegicus
5-3-2 Évaluation du rendement par recrue
5-3-3 État d’exploitation de la ressource
6 Synthèse et discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
Travaux publics
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