LE CERVEAU, UN ORGANE VITAL, GOURMAND ET FRAGILE
Le cerveau est indissociable de notre être, il contient notre personnalité, notre créativité et notre intelligence. Le Code de la santé publique utilise l’arrêt du fonctionnement cérébral comme définition de la mort. Ainsi, même chez les personnes ne présentant plus d’activité respiratoire spontanée, le Code de la santé publique impose “d’attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique” (article R. 1232-2 du Code de la santé publique). Le cerveau est un organe vital et irremplaçable. Il doit être préservé pour maintenir la vie. Physiquement, le cerveau est protégé des coups et des chocs par les os du crâne, mais les facteurs qui le protègent biologiquement et chimiquement n’ont pas encore été totalement élucidés.
Notre cerveau n’occupe que 2 % de la masse corporelle mais il consomme respectivement 20 % et 25 % de la consommation totale en oxygène et en glucose de notre organisme. Cette “surconsommation” est permise par un vaste réseau vasculaire estimé à une longueur totale de 600 km chez l’humain (Wong et al. 2013; Abbott et al. 2010) De plus, le cerveau est un organe particulièrement sensible à l’ischémie. En effet, tandis que la mort des myocytes cardiaques et des cellules rénales nécessite un arrêt de la circulation sanguine supérieur à 20 min, l’interruption du flux sanguin cérébral induit une mort neuronale en seulement 5 min.
Le cerveau est également sensible aux hémorragies, qu’elles soient macroscopiques ou microscopiques. Plusieurs études récentes tendent en effet à montrer un lien entre saignements cérébraux et déclin neuronal et cognitif (Bergeron et al. 2019; Joutel et al. 2010) et l’avancée des techniques d’imagerie a permis d’observer une plus forte prévalence de démence chez les patients présentant des micro saignements cérébraux (Ungvari et al. 2017). Le système nerveux central doit donc être protégé par un système permettant à la fois de préserver des substances et organismes toxiques tout en maintenant les apports nécessaires à son bon fonctionnement et l’élimination efficace des déchets. C’est la fonction principale de l’unité gliovasculaire.
L’UNITE GLIOVASCULAIRE LE GARDE DU CORPS DU CERVEAU
L’unité gliovasculaire est une unité fonctionnelle participant à la protection mais aussi à l’homéostasie cérébrale. Elle est composée des vaisseaux sanguins cérébraux et des pieds astrocytaires périvasculaires (PAPVs) (Figure 1).
Les composants de l’unité gliovasculaire
Le système vasculaire cérébral
Le système vasculaire cérébral est constitué de plusieurs types cellulaires séparés par des matrices extracellulaires spécifiques (Figure 1) : un endothélium continu, une lame basale continue, dans laquelle se trouvent des cellules murales (péricytes, cellules musculaires lisses) et parfois des fibroblastes et des macrophages, et une couverture astrocytaire quasiment complète (constituée par l’apposition directe des PAPVs sur la lame basale). Dans ce chapitre je présente les différents composant cellulaires de l’unité gliovasculaire ainsi que la lame basale sans traiter des astrocytes qui font l’objet d’un chapitre à part.
Anatomie
Les vaisseaux sanguins sont les composants majoritaires du système cardiovasculaire et constituent un ensemble de canalisations tubulaires organisées en système et permettant la circulation du sang entre le cœur et les différents organes. Ces canaux, selon leur localisation et la composition du sang qu’ils transportent, présentent une grande variété de fonctions ce qui induit une grande diversité de leur composition et de leurs propriétés cellulaires. Depuis le cœur, le sang circule tout d’abord dans des vaisseaux de gros calibre appelés artères. Chez l’Homme et la souris, le sang artériel atteint le cerveau par les artères carotides internes et les artères vertébrales. Sur la face ventrale du cerveau, ces artères se joignent pour former un réseau complexe d’anastomoses dit « cercle » ou « polygone de Willis ». Le cercle de Willis donne naissance à des artères cérébrales véhiculant le sang de la base du cerveau vers la surface du cortex cérébral. Ces artères se ramifient en artères pie-mériennes qui cheminent parallèlement à la surface du cortex, dans l’espace sous-arachnoïdien (espace entre pie-mère et arachnoïde). Ces artères présentent de nombreuses anastomoses, c’est-à-dire des connexions entre elles. Elles forment donc un “filet” entourant le cerveau, tandis que dans la plupart des tissus, les artères se présentent en arborescence. Ensuite, les artères pie mériennes émettent perpendiculairement à leur axe des artérioles pénétrantes qui se ramifient en artérioles puis en capillaires. Les capillaires sont des vaisseaux extrêmement fins (de 3 à 10 µm). Ce sont les plus petits vaisseaux de l’organisme et aussi les plus nombreux. Ainsi dans le cerveau, ce sont les vaisseaux capillaires qui contribuent très majoritairement aux échanges entre le sang et le parenchyme. Les capillaires cérébraux se rejoignent pour former des veinules qui elles-mêmes serejoignent en veines. Ces veines ressortent du cortex parallèlement aux artérioles, rejoignant ainsi les veines pie-mériennes. A l’instar des artères de ce compartiment, les veines pie-mériennes forment également un réseau anastomotique. Les veines pie-mériennes se jettent dans les veines jugulaires internes permettant d’évacuer le sang du cerveau vers le cœur.
Les vaisseaux sanguins sont composés de 3 couches ou tuniques :
– L’intima, couche la plus interne est composée d’une monocouche de cellules endothéliales entourant le lumen, et recouvert d’une lame basale plus ou moins recouverte d’un tissu conjonctif lâche. C’est cette couche qui va déterminer le degré de perméabilité des vaisseaux.
– La tunica media est composée de lame basale et de cellules musculaires lisses. Elle détermine la capacité de vasoconstriction et vasodilatation des vaisseaux. Ainsi dans les artères, la tunica media est la couche la plus épaisse, elle est composée de plusieurs couches de cellules musculaires lisses vasculaires concentriques. Elle est plus fine dans les artérioles, mais reste prédominante. En revanche, les veines et les veinules possèdent une tunica media relativement fine comprenant peu de cellules musculaires lisses vasculaires en comparaison avec des artères de même calibre. Dans les capillaires, cette couche est particulièrement fine et ne comporte pas de cellules musculaires lisses vasculaires mais des péricytes.
– La tunica externa ou adventis composée de fibroblastes et de tissus conjonctifs (DeSisto et al. 2020; Strauss et Rabinovitch 2000; Vanlandewijck et al. 2018). Elle détermine la déformabilité des vaisseaux. Elle est la couche la plus épaisse des veines et veinules. Elle est absente des capillaires.
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Table des matières
Introduction
1. Le cerveau, un organe vital, gourmand et fragile
2. L’unité gliovasculaire le garde du corps du cerveau
2.1. Les composants de l’unité gliovasculaire
2.1.1. Le système vasculaire cérébral
2.1.1.1. Anatomie
2.1.1.2. Les cellules endothéliales
2.1.1.3. Les cellules murales
2.1.1.3..1. Les péricytes
2.1.1.3..2. Les cellules musculaires lisses vasculaires
2.1.1.4. Les fibroblastes vasculaires
2.1.1.5. Les macrophages résidents
2.1.1.6. La lame basale
2.1.2. Les astrocytes : des cellules d’une grande diversité
2.1.3. Hétérogénéité morphologique
2.1.4. Hétérogénéité moléculaire
2.1.5. Polarité morphologique et moléculaire, l’hétérogénéité intracellulaire
2.2. Les astrocytes au sein de l’unité gliovasculaire
2.2.1. Les PAPVs
2.2.2. Les fonctions astrocytaires au sein de l’unité gliovasculaire
2.2.2.1. Les astrocytes, les cambusiers du cerveau
2.2.2.2. Les astrocytes, les Messieurs Propre du cerveau
2.2.2.3. Les astrocytes, les gardes du corps du parenchyme
3. Le développement de l’unité gliovasculaire : de l’embryogénèse au stade mature
3.1. L’angiogenèse
3.2. Les voies moléculaires impliquées dans l’angiogenèse
3.3. Maturation vasculaire post-angiogénique
3.3.1. La différenciation artério-veineuse
3.3.2. La colonisation par les cellules murales
3.3.3. La maturation des cellules murales
3.3.4. La maturation des cellules endothéliales
3.4. L’astrogénèse
3.5. Participation des astrocytes à la maturation de l’unité gliovasculaire
3.6. La formation de la lame basale
4. Les leucodystrophies
4.1. Les astrocytopahties
4.1.1. La MLC
4.1.1.1. Le phénotype classique de MLC
4.1.1.2. Le phénotype résolutif de MLC
4.1.1.3. Modifications génétiques associées à la MLC
4.1.1.4. MLC1
4.1.1.5. GlialCAM
4.1.1.6. Les modèles d’étude de la MLC
4.1.1.6..1. Les modèles cellulaires de MLC
4.1.1.6..2. Les modèles murins de MLC
4.1.2. Autres astrocytopathies
4.1.2.1. La maladie d’Alexander
4.1.2.2. Le syndrome CACH
4.1.2.3. La leucoencéphalopathie liée à CLC2
4.1.2.4. La dysplasie occulodentodigitale et le syndrome de Hallermann-Streiff
4.2. Les leucodystrophies vasculaires
4.2.1. Le CADASIL
4.2.2. Le CARASIL
4.3. Autres leucodystrophies
4.3.1. Les altérations oligodendrocytaires ou troubles myéliniques
4.3.2. Les leuco-axonopathies
4.3.3. Les Microgliopathies
Conclusion