Généralités
Le programme national nutrition santé (PNNS), plan de santé publique lancé en France en 2001, vise à améliorer l’état de santé de la population. L’un des axes stratégiques est d’augmenter l’activité physique à tous les âges. Depuis 2004, le nombre de licenciés, tous sports confondus, a augmenté de 23%, avec près de 19 millions de licences sportives délivrées en 2017 (1). Le tir sportif, discipline sportive comportant l’utilisation d’armes à feu, connait un réel essor avec une augmentation de 70% de licenciés affiliés à la Fédération Française de Tir (FFTir) en 13 ans : environ 129 000 licenciés en 2004 contre environ 220 000 licenciés en 2017 (2), (Annexe 1). D’après la règlementation française, un certificat médical de non contre-indication à la pratique du sport (CMNCI) est nécessaire pour l’obtention d’une licence sportive. Ce CMNCI est délivré dans la majorité des cas par le médecin généraliste au cours d’une consultation dédiée après un examen médical spécifique et approfondi. En effet, comme il est mentionné dans le règlement médical de la FFTir : « le médecin traitant, de par la connaissance qu’il a de son patient, est le mieux à même de réaliser cette visite médicale de non contre-indication (CI). Cette visite peutégalement être pratiquée par un médecin généraliste, ou par tout autre médecin possédant une qualification reconnue par l’Ordre National des Médecins » (3). Ainsi, la réalisation d’un CMNCI est un acte quotidien pour les 102 000 médecins généralistes en activité en France au 1 er janvier 2018 (4). La circulaire 2014-009 du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) met en évidence les difficultés des médecins généralistes lors de la rédaction d’un CMNCI de tir sportif (5). Des modifications récentes des textes de loi encadrant le CMNCI (6) et la classification des armes à feu (7) ainsi que l’article A 231-1 du code du sport (8) fixant les caractéristiques de l’examen médical spécifique relatif à la délivrance du CMNCI pour les disciplines sportives à contraintes particulières parmi lesquelles est classé le tir sportif, ont pu générer de nouvelles incertitudes. Cette problématique a d’ailleurs fait l’objet d’une publication récente par un médecin tireur et chasseur, membre du Conseil de l’Ordre des Médecins(9). Le médecin généraliste n’a pas d’accès facile à une fiche récapitulative des CI absolues et relatives à la pratique du tir sportif. Celles-ci sont citées dans un paragraphe du règlement médical de la FFTir en fin de la page 10 sur 12 (3) . La délivrance par le médecin généraliste d’un certificat médical, avec le cas particulier du CMNCI de tir sportif pour notre étude, engage sa responsabilité civile, pénale et disciplinaire : « Le médecin sous-estime souvent les risques d’un certificat non conforme : plus de 20% des plaintes enregistrées auprès des chambres disciplinaires de première instance concernent des certificats médicaux » (10).
Histoire du CMNCI
La relation entre le médecin et le sportif existe depuis des millénaires (Egypte antique, Grèce antique). En 1921, les liens entre la santé et le sport se resserrent avec la création de la Société Médicale Française d’Education Physique et de Sport (11). L’arrêté du 2 octobre 1945, donne un rôle majeur de prévention au médecin en créant un certificat médical d’aptitude au sport visant à « ne donner accès aux compétitions sportives [que les] sujets capables d’y prendre part sans risque pour leur santé » et « surveiller la santé des sportifs et sportives, titulaires de licences, en dehors des périodes de délivrance ou renouvellement de celle-ci » (12). De nombreux arrêtés encadrent ce certificat médical, dont celui du 22 février 1946 qui le rend obligatoire pour la pratique de certaines disciplines sportives en compétition et en fonction de l’âge (13). C’est le 29 octobre 1975, que la loi n°75-988, relative au développement de l’éducation physique et du sport, rend obligatoire la visite médicale d’aptitude pour la pratique de tout sport en compétition (14), (15). Le certificat médical de non contre-indication à la pratique du sport (CMNCI), pour les compétiteurs, voit le jour dans l’article 35 de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (16). Ce CMNCI est rendu obligatoire, tous les ans à tous les licenciés même hors compétition, et périodiquement aux non licenciés en compétition, par la loi Buffet n° 99-223 du 23 mars 1999 (17). La loi n° 2006-405 du 5 avril 2006, relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, assouplit la réglementation : le CMNCI est obligatoire pour toute première délivrance d’une licence sportive, mais le rythme du renouvellement est fixé par chaque fédération (18). Devant l’augmentation du nombre de licences sportives en France (18 498 784 licences en 2016) et dans un but de simplification, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, et les décrets n° 2016-1157 du 24 août 2016 relatif au certificat médical attestant de l’absence de CI à la pratique du sport, et n° 2016-1387 du 12 octobre 2016 modifiant les conditions de renouvellement du certificat médical attestant de l’absence de CI à la pratique du sport, bouleversent les conditions de délivrance du CMNCI (6), (19), (20) :
– La délivrance d’un seul CMNCI est possible pour plusieurs activités sportives ;
– Le rythme de délivrance du CMNCI est fixé à tous les 3 ans (21) ;
– Dans l’intervalle des 3 ans de validité du CMNCI, un auto questionnaire de santé doit être rempli à chaque renouvellement de licence ;
– Dans un cadre scolaire, l’accès aux activités sportives est possible sans CMNCI ;
– Dans le cas de licence « loisir » hors compétition, les fédérations peuvent allonger la durée de délivrance du CMNCI ;
– Une liste de disciplines sportives qui présentent des contraintes particulières est établie.
L’arrêté du 20 avril 2017, relatif au questionnaire de santé exigé pour le renouvellement d’une licence sportive, crée le « QS-SPORT » (Annexe 2), un auto-questionnaire de santé permettant de sursoir au CMNCI si toutes les réponses sont négatives (22), (23). L’arrêté du 24 juillet 2017, relatif à la délivrance du CMNCI pour la pratique des disciplines sportives à contraintes particulières, fixe par l’article A 231-1 du code du sport les caractéristiques de l’examen médical spécifique devant être mené par le médecin au cours de sa consultation dédiée (8), (24). Cette consultation est hors nomenclature. Il s’agit donc d’une consultation non remboursée par la sécurité sociale.
Obligations du tireur sportif FFTir
Au regard de la loi, le tir sportif est une discipline à contraintes particulières. Pour les assurances et pour la FFTir, le tir sportif n’est pas considéré comme une discipline à risque, compte tenu du très faible nombre d’accidents (26). Le tireur sportif FFTir sera nommé tireur sportif tout au long de cette étude. Pour obtenir sa première licence de tir sportif, le futur tireur doit fournir au club un CMNCI de tir sportif, rédigé sur une ordonnance. Parallèlement, le président du club a le devoir de vérifier que toute personne accédant à un stand de tir n’est pas inscrite au Fichier National des Personnes Interdites d’Acquisition et de Détention d’Armes (FINIADA) (27).Dès réception de la licence et pour être valable, son verso dit « contrôle médical obligatoire » doit, après examen clinique, être daté, signé et tamponné par le médecin traitant. (Annexe 1) Ce contrôle médical obligatoire constitue :
– Le CMNCI de tir sportif réglementé par le code du sport ;
– Le certificat médical de non incompatibilité avec la détention des armes et munitions, réglementé par le code de la Sécurité Intérieure.
Depuis le décret du 6 mai 1995, le tireur sportif doit obtenir un carnet de tir qui est indispensable pour la détention d’une arme de catégorie B. Il n’est délivré qu’après un examen de contrôle de connaissances composé de questions éliminatoires liées à la sécurité et nécessitant une note minimale de 12/15. Ce carnet prouve par la suite l’assiduité du tireur (nécessité de 3 séances detirs contrôlés par an, espacées de 2 mois minimum chacune) (28), (Annexe 4). Le transport des armes détenues par un tireur sportif est réglementé. L’article R311-1 du code de la Sécurité Intérieure définit la différence entre le port d’armes et le transport d’armes (29) :
– Port d’armes : fait d’avoir une arme sur soi utilisable immédiatement ;
– Transport d’armes : fait de déplacer une arme en l’ayant auprès de soi et inutilisable immédiatement.
La licence FFTir en cours de validité est un titre de transport légitime et donne le droit de transporter une arme utilisée pour ce sport (30). L’arme doit être transportée de manière à ne pas être immédiatement utilisable, par un dispositif technique ou en démontant un de ses éléments (31).
Généralités sur le CMNCI de tir sportif
La consultation en vue de délivrer un CMNCI de tir sportif est une situation qui s’est présentée pour près de 70% des participants, bien que notre effectif soit jeune. Ce chiffre est plus élevé chez les femmes (78% versus 57%, p < 0.05) et bien inférieur pour les médecins hospitaliers (40%). Ainsi, la majorité des médecins généralistes participants ont déjà été confronté à ce motif de consultation. Cette consultation peut être une source de stress puisque près des deux tiers(64%) des praticiens ont déjà ressenti des difficultés en la pratiquant. Plus de la moitié (56%) des médecins effectuent une consultation dédiée pour la délivrance d’un CMNCI de tir sportif. Seuls les médecins hospitaliers réalisent moins souvent une consultation dédiée (33% versus plus de 70% pour les autres statuts, p < 0.05). Effectivement, les sportifs ne prennent probablement pas un rendez-vous avec un médecin hospitalier dans le but de réaliser un CMNCI de tir sportif, mais profitent plutôt d’une autre consultation pour faire valider le contrôle médical obligatoire. Il existe des médecins généralistes qui refusent systématiquement de réaliser un CMNCI de tir sportif : dans notre étude, neuf praticiens (7%) le refusent soit par manque de connaissance du patient (remplaçant, hospitalier), soit par méconnaissance des CI au tir sportif, soit par besoin d’un autre spécialiste (psychiatre), soit par refus d’engager leur responsabilité. La signature du CMNCI tous sports confondus engage la responsabilité civile, pénale et disciplinaire du médecin (48). Le médecin est seul juge de la nécessité d’examen complémentaire et seul responsable de l’obligation de moyen (49), (50). Le CMNCI ne doit jamais être pratiqué sur un coin de table mais au cours d’une consultation médicale et le certificat médical de complaisance est interdit (51), (52). Cette responsabilité est d’autant plus engagée lors du remplissage du « contrôle médical obligatoire » de la licence de tir sportif. Dans notre étude, seuls 15% des praticiens pensent que le médecin traitant ne devrait pas faire ce type de certificat, pour cause de responsabilité trop importante et que celui-ci ne devrait être réalisé que par un psychiatre ou un médecin agrée. D’autres médecins jugent que cette consultation ne doit être effectué que lorsque le patient est connu. Les médecins ayant un lien avec les armes pensent que le médecin traitant est apte à réaliser ce certificat (95%). Différentes études mentionnent la création d’un statut de médecin agréé pour la validation d’un certificat de non incompatibilité avec la détention d’armes et de munitions (53), (54). Or, le règlement médical de la FFTir pour le tireur sportif stipule que le médecin traitant est le plus approprié à détecter les CI de par sa connaissance du patient, (3). L’article A 231-1 du code du sport indique que l’examen médical lors de la recherche de CI au tir sportif doits’appuyer sur les recommandations de la SFMES. Néanmoins deux tiers des praticiens interrogés n’utilisent pas cette fiche (parmi lesquels 25% ne connaissent pas la SFMES) et un tiers utilise les fiches proposées par la fédération de sport concernée. La FFTir indique les CI à la pratique du tir sportif uniquement au sein de son règlement médical, une information qui parait difficile à trouver. En effet, seulement 7% des médecins de l’étude pensent connaitre ces CI. Seulsles médecins déclarant avoir un lien avec les armes pensent mieux connaitre les CI (75% les connaissant toutes ou en partie). Plus de la moitié des médecins ont cherché des informations autour de cette consultation, mais seulement 32% les ont trouvées. Ainsi, Il semble important d’aider les médecins généralistes à pouvoir accéder à ces informations plus facilement et rapidement, comme le souhaitent 92% des participants à l’enquête qui demandent un outil d’aide à la réalisation de cette consultation. Nous en concluons que le médecin traitant est le médecin le plus apte à délivrer un CMNCI de tir sportif ou un certificat de non incompatibilité avec la détention d’armes et de munitions, si ce dernier possède des outils pour l’aider.
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Table des matières
I) INTRODUCTION
1) Généralités
2) Réglementation du CMNCI
2.1 Histoire du CMNCI
2.2 Recommandations de la Société Française de Médecine de l’Exercice et du Sport
2.3 CMNCI de tir sportif
3) Fédération Française de Tir (FFTir)
3.1 Histoire de la FFTir
3.2 La FFTir en quelques chiffres
3.3 Obligations du tireur sportif FFTir
4) Réglementation des armes à feu en France
4.1 Histoire du contrôle des armes à feu en France
4.2 Classement actuel des armes à feu en France
4.3 Accès aux armes à feu pour un tireur sportif FFTir
5) Objectifs de l’étude
5.1 Objectif principal
5.2 Objectifs secondaires
II) MATERIELS ET METHODES
1) Type d’étude
2) Population
3) Recueil des données
4) Questionnaire
5) Analyse statistique
III) RESULTATS
1) Population
2) Données socio-démographiques
2.1 Sexe
2.2 Age
2.3 Statut professionnel
2.4 Zone d’exercice
2.5 Lieu géographique d’exercice
2.6 Formation médicale complémentaire
2.7 Lien avec les armes à feu
2.8 Analyses descriptives croisées
3) Généralités face à une demande de CMNCI de tir sportif
3.1 Consultation dédiée au CNMCI de tir sportif
3.2 Recommandations de la SFMES
3.3 Généralités sur les CI à la pratique du tir sportif
3.4 Médecin généraliste et CMNCI de tir sportif
4) Interrogatoire et examen clinique à la recherche de CI au tir sportif
4.1 Sur le plan ophtalmologique
4.2 Sur le plan auditif
4.3 Si vous demandez un audiogramme, à quelle fréquence ?
4.4 Sur le plan cognitif
4.5 Sur le plan rhumatologique
4.6 Sur le plan sensitif
4.7 Sur le plan de la marche, l’équilibre et la coordination
4.8 Sur le plan des troubles du comportement et de la vigilance
4.9 Sur le plan des addictions ou mésusages
4.10 Sur le plan psychiatrique
4.11 Sur le plan cardio-vasculaire et pulmonaire
4.12 Sur le reste de l’examen clinique
4.13 Demande systématique d’examens complémentaires ou avis spécialisés
IV)DISCUSSION
1) Population de l’étude
2) Analyse et synthèse des résultats
2.1 Généralités sur le CMNCI de tir sportif
2.2 L’examen médical
3) Comparaison avec les CI d’autres disciplines utilisant des armes
3.1 Pentathlon
3.2 Biathlon
3.3 Ball-trap
3.4 Chasse
4) Outils d’aide à la consultation dédiée au CMNCI de tir sportif
4.1 Auto-questionnaire
4.2 L’outil d’aide à la consultation
5) Limites méthodologiques et biais
V) CONCLUSION
VI)BIBLIOGRAPHIE
VII) ANNEXES
1) Annexe 1 : La Licence FFTir 2018-2019
2) Annexe 2 : QS-SPORT
3) Annexe 3 : Fiche SFMES
4) Annexe 4 : Carnet de tir FFTir
5) Annexe 5 : Tableau de classement des principales armes par catégorie
6) Annexe 6 : Questionnaire informatisé
7) Annexe 7 : Auto-questionnaire préalable à la consultation
8) Annexe 8 :Outil d’aide et conduites à tenir
VIII) LISTE DES ABREVIATIONS
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