Le cercle de lecture pour améliorer la compréhension du récit littéraire

Éléments de définition de la compréhension en lecture littéraire

La compréhension en lecture est un thème qui a nourri de nombreuses recherches, ce qui va me permettre de confronter les propos de plusieurs experts qui ont réfléchi à cette question : qu’est-ce que comprendre ? Selon la définition du dictionnaire donnée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNTRL), lire c’est « la capacité à établir des relations entre les séquences de signes graphiques d’un texte et les signes linguistiques propres à une langue naturelle (phonèmes, mo ts, marques grammaticales), mais c’est aussi la prise de connaissance du contenu d’un texte écrit ». Dans son ouvrage Apprendre à lire à l’école (2006), Roland Goigoux, professeur et chercheur spécialiste de l’enseignement de la lecture, précise que la lecture est une activité qui requiert plusieurs habiletés. Ces habiletés relèvent de la culture écrite, de la compréhension de phrases et de textes, de la lecture de mots et de la production de textes. Mi chel Fayol, professeur de psychologie et chercheur en langue écrite, explique également que lire, c’est reconnaître des mots et comprendre des phrases écrites (2003). Marie Gaussel, membre de L’Institut Français de l’Éducation, reformule les propos de Michel Fayol et explique que quand le lecteur lit, il traite doublement l’information. Il traite d’abord les mots écrits puis il en comprend le contenu. Le lecteur construit sa représentation en interprétant le texte en fonction de ses expériences et de ses connaissances. Marie Gaussel amorce donc l’idée que le lecteur est une entité qui agit sur le texte pour lui donner du sens. Cette idée est reprise par Jocelyne Giasson dans La compréhension en lecture (2008). Pour elle, il existe trois variables dans le modèle de compréhension en lecture qu’elle défend. D’abord, le texte. Les textes peuvent se classer selon trois axes : l’intention de l ‘auteur, la structure et le contenu.
Ensuite, le lecteur qui influe sur le texte grâce à ce qu’il es t et ce qu’il fait. En effet, le lecteur a des connaissances sur la langue et sur le monde. Qua nd il lit, il « fait des ponts » entre ce qu’il lit et ce qu’il sait. Jocelyne Giasson parle également des structures affectives qui entrent en jeu lors de la lecture, les thèmes soulevés par le texte par exemple. Si ceux ci sont en lien avec ce qu’aime le lecteur dans la vie courante , alors son intérêt va s’accroitre lors de la lecture et sa motivation ne sera pas la même. Elle développe également les cinq catégories de processus mises en route lorsqu’un lecteur expert comprend un texte mais celles-ci seront développées ultérieurement. La troisième variable qui intervient est le contexte, psychologique (intérêt, motivation du lecteur) et social (interactions, lecture à haute voix ou silencieuse). La compréhension se joue donc dans l’interaction de ces trois variables, il faut que celles-ci soient en adéquation. Ainsi, si le texte est inadapté aux ressources du lecteur, il ne peut y avoir compréhension. Selon Jocelyne Giasson, il faut donc veiller à ce que le lecteur soit dans de bonnes dispositions pour qu’il comprenne (texte adapté, contextes psychologique et social favorables).
Au-delà de la définition de la compréhension en lecture, je voudrais également définir ce qu’est la compréhension en lecture littéraire spécifiquement. Selon le théoricien de la littérature française Hans Robert Jauss, et sa théorie de la réception (dans Pour une esthétique de la réception en 1990), le lecteur est au centre de l’activité de compréhension.
Celui-ci a « un horizon d’attente » et c’est cela qui réactive le texte dès qu’un nouveau lecteur s’y confronte. Le lecteur oriente et subit la lecture. Dans Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe (200 5), Jean-Louis Dufays confronte trois définitions non conciliables de la lecture littéraire. Si l’on considère l’objet texte seulement, la lecture littéraire ne serait alors que la lecture d’un texte littéraire. Mais JeanLouis Dufays va plus loin et met en lumière deux termes : distanciation et participation. La lecture littéraire serait d’abord une activité de distanciation, dans laquelle le texte serait un objet de transmission qu’il faudrait analyser sous toutes s es facettes et lire permettrait de décoder les symboles, de s’approprier une culture commune. Jean-Louis Dufays parle également de la lecture littéraire comme une activité de participation, qui implique davantage le lecteur mais en lui demandant moins d’analyses . C’est une lecture plus ordinaire, dans laquelle le lecteur peut se plonger en s’identifiant aux personnages, en mettant en relief ses émotions et sa subjectivité de lecteur. Finalement, Jean-Louis Dufays soulève le fait que la compréhension en lecture est plurielle et ce qu’il développe dans ses travaux permet de comprendre que c’est la réception du texte qui permet de le définir comme littéraire. Dans Les chemins de la littérature au cycle 3, est reprise par les auteurs la théorie de Michel Riffaterre, linguiste français, qui parle lui aussi de la lecture littéraire comme d’un mélange entre participation et distanciation. I l appelle « lecture heuristique », la lecture ordinaire dans laquelle le lecteur se plonge en s’identifiant aux référents du texte.
Cette lecture est encouragée à l’école mais, selon Michel Riffaterre, elle ne permet pas d’acquérir des compétences en compréhension. Pour ce faire , il faut également enseigner la « lecture herméneutique » qui permet d’aller en profondeur dans le texte, d’en comprendre tous les tenants et aboutissants. C’est une lecture qui demande de la rigueur pour aller au delà de ses premières représentations. C’est une lecture seconde qui permet d’acquérir de réelles compétences en compréhension. Il s’agit de mettre à distance ses émotions pour être plus attentifs aux effets de sens, à l’esthétique du texte afin de dégager des interprétations multiples. Jean-Louis Dufays encourage les enseignants à trouver des activités pédagogiques qui permettent le va-et-vient entre lecture distanciée et lecture impliquée afin de permettre aux élèves d’apprécier la lecture et d’acquérir de réelles compétences en compréhension. Les élèves doivent comprendre que lire, c’e st s’abandonner au plaisir de la lecture mais que c’est également acquérir des compétences p our devenir des lecteurs experts.

L es différents processus en jeu lors de la compréhension en lecture

Comprendre en lecture est donc un acte qui nécessite une adhé sion du lecteur. Il meparaît maintenant important de définir les processus mis en place lors de la compréhensionen lecture. Je m’appuierai pour cela des travaux de Jocelyne Giasson dans La compréhension en lecture (2008). Elle-même a repris les tra vaux de classification de Judith Irwin (Teaching Reading Comprehension Processes, 1986). A insi, Jocelyne Giasson dégage cinq catégories de processus que le lecteur met en pla ce pour comprendre un texte littéraire. D’abord, les microprocessus qui permettent un e compréhension de la phrase. Les processus d’intégration créent du lien entre les phrases. C ‘est l’ensemble des stratégies qui permettent de repérer les connecteurs et les référents pour comprendre le schéma narratif.
Les macroprocessus, quant à eux, aident à appréhender le texte comme une entité cohérente. Il existe également des processus permettant de dépasser le texte et de faire desinférences, ce sont les processus d’élaboration. Enfin, le s processus métacognitifs aident à contrôler sa compréhension. Ces travaux m’ont permis de constater qu’à l’école il faudrait enseigner l’ensemble de ces processus.

Les difficultés des élèves à comprendre lorsqu’ils lisent

Dans Enseigner la compréhension : principes didactiques, exemples de tâches et d’activités (2003), Roland Goigoux, Sylvie Cèbe et Serge Thomazet reviennent sur les difficultés en compréhension rencontrées par les élèves, car comprendre ces difficultés est essentiel pour agir sur elles et essayer d’y apporter des sol utions. Ils distinguent trois catégories de difficultés. D’abord, celles liées au décoda ge des mots. Un élève qui prend beaucoup de temps et d’énergie pour identifier les mots ne prendra aucun plaisir à lire. Sa motivation va s’estomper et ses ressources cognitives ne se ront mobilisées qu’à des fins de décodage et non pas de compréhension. Certaines difficulté s sont, quant à elles, liées aux « traitements locaux et globaux ». En effet, quand on lit, il fa ut d’abord comprendre les mots puis la phrase puis l’enchainement des phrases qui forment le texte. Les élèves doivent, pour ce faire, mobiliser des stratégies qui sont loin d’être toutes acquises. Ainsi, maitriser la syntaxe, repérer les informations importantes, comprendre les enchainements et l’organisation du texte sont quelques-unes de ces stratégi es et il est compliqué pour un élève de les maitriser dans leur totalité. Enfin, la troisiè me catégorie de difficultés se trouve être dans le contrôle de la compréhension. Roland Goi goux, Sylvie Cèbe et Serge Thomazet soulèvent le fait que beaucoup de faibles lecteurs ne comprennent pas l’intérêt de se poser des questions et de remettre en cause leurs représen tations initiales. Ils sont habitués à un modèle du type « lecture – questionnaire de lecture » et pensent que comprendre, c’est répondre à des questions dont les réponse s sont dans le texte. Il est nécessaire de confronter ces élèves à d’autres dispositifs pour qu’ils comprennent l’intérêt de la lecture et de la compréhension.

Un enseignement nécessaire

L’enseignement de la compréhension en lecture est nécessaire parce que comprendre est une activité cognitive qui s’apprend. De plus, lire des textes littéraires et les comprendre aide les élèves à comprendre le monde, à comprendre la société dans laquelle ils vivent.
Roland Goigoux, dans Apprendre à lire à l’école (2006), dégage quatre objectifs de cet enseignement. Ainsi, pour l’élève, apprendre à comprendre un texte lui permet de développer des compétences linguistiques, textuelles, encyclopédiques et stratégiques. Ces compétences lui seront utiles dans l’ensemble de son parcours scolaire. Il est capital de doter tous les élèves de ce capital de compétences. Dans le même ouvrage, Roland Goigoux définit également le rôle de l’enseignant dans cet enseignement de la compréhension en lecture. D’abord, il est essentiel que l’enseignant aide les élèves à prendre conscience que comprendre, c’est pouvoir traduire les idées portées par le texte.
L’auteur met en garde les enseignants. Il ne faut surtout pas croire que comprendre va de soi, que si l’on identifie les mots, on a compris le texte. Dan s son article « Comprendre et interpréter le littéraire à l’école : du texte réticent au te xte proliférant » (1999), Catherine Tauveron, didacticienne de la littérature et spécialiste de l’école primaire, soutient la même idée que Roland Goigoux puisqu’elle affirme que comprendre n’est pas un acte naturel chez l’individu. Il faut absolument que les enseignants compren nent que leur rôle est d’apprendre à comprendre. Pour l’instant, elle déplore le f ait que l’on cherche juste à vérifier que les élèves aient compris « de quoi ça parle ». Elle insiste également sur un autre paramètre : la segmentation de cet enseignement. Pour elle, les maitres segmentent compréhension littérale et compréhension inférentielle, ce qui est une erreur. Ainsi, faudrait-il apprendre aux élèves du cycle 2 à comprendre uni quement ce qui est dit dans le texte, puis aux élèves du cycle 3 à comprendre ce qui n’est pas dit dans le texte, puis aux élèves de cycle 4 à interpréter. Catherine Tauveron soutient l’idée que cette segmentation est néfaste et qu’il faut apprendre aux élèves, dès le plus je une âge, à comprendre ce qui n’est pas dit, à faire des inférences et à interpréter.

Un enseignement évolutif

Selon Jocelyne Giasson, l’enseignement de la compréhension a lui aussi évolué, en même temps que la conception de la compréhension. En effet, a vant les enseignants pensaient que comprendre un texte, c’était répondre correctement aux questions que l’on posait dessus. Or, aujourd’hui la conception a évolué et l’on sait que si l’apprenant n’est pas actif, il n’y a pas de réel apprentissage. Ainsi, la pratique du questionnaire sur le texte lu n’est pas forcément efficace. L’élève doit donner du sens à s es actions. C’est grâce aux interactions entre pairs qu’il acquiert des habiletés nécessaires à la compréhension. C’est aussi à l’enseignant de repenser son rôle. Il doit avant tout montrer comment lui-même fait, en tant que lecteur expert, pour comprendre. Pour ce faire, il explicite ses compétences et ses stratégies. Il serait donc préférable de repenser cet en seignement et ne pas se contenter de vérifier la compréhension grâce à des questions. Jocelyne Giasson parle « d’enseignement explicite » pour définir le modèle d’enseignement que l’on devrait pouvoir observer dans les classes actuellement. Il permet de donner aux élèves des situations de lecture signifiantes et entières. Les étapes de cet enseignement sont les suivantes : l’enseignant définit en premier lieu un process us ou une stratégie à utiliser pour réaliser une tâche donnée. Il doit expliquer pourquoi il fau t utiliser cette stratégie, son utilité. Il rend ensuite transparente l’utilisation de cette stratégie en énonçant clairement comment il la met en place, en tant que lecteur expert. Ensuite, il doit interagir avec les élèves pour les guider vers une bonne utilisation de cette stratégie. Petit à petit, ils deviendront autonomes, ce qui est le principal objectif de l’enseignement explicite.

Principes didactiques de la compréhension en lecture

Afin de récapituler les idées des deux premières parties de ce cadre théorique et pour poser les jalons d’une didactique de la compréhension e n lecture, je m’appuierai d’abord sur les travaux de Roland Goigoux dans Enseigner la compréhension : principes didactiques, exemples de tâches et d’activités. Il préconise un équilibre entre les activités de questionnement et les activités de reformulation ainsi qu’entre les questionnements littéraux et inférentiels. Il insiste sur le fait qu’il ne fa ut surtout pas accentuer l’écart entre identification des mots et compréhension ; il faut enseigne r les deux activités simultanément. Il insiste, tout comme Jocelyne Giasson, sur les bienfaits d’un enseignement explicite qui vise à faire prendre conscience aux élèves des stratégies à mobiliser pour mieux comprendre mais également pour contrôler sa compréhension. Ces quelques principes didactiques sont partagés par de nombre ux chercheurs, parmi lesquels Catherine Snow (Reading for Understanding, 2002). Cette de rnière encourage également la pratique de l’enseignement explicite pour que les élèves mettent du sens derrière les stratégies de compréhension enseignées. Elle souligne aussi les atouts de l’utilisation d’un nombre conséquent de pratiques variées pour apprendre à comprendre.

Enseigner les inférences pour soulever l’implicite

Une des composantes de la compréhension en lecture littéraire est l’implicite. Micheline Dispy, inspectrice de l’Enseignement et collaboratrice en didactique de la littérature à l’Université de Liège, en Belgique, distingue dans son article « De la compréhension de l’implicite dans le récit fictionnel » l’implicite qui est une caractéristique de l’oeuvre et l’inférence qui est une opération cognitive du lecteur. Elle s’attache à distinguer trois catégories de questions que l’on peut pose r sur un texte. Les questions littérales dont la réponse se trouve dans le texte. Elles peu vent être de trois ordres. Les questions dont la réponse se trouve à un endroit du texte (du type où ? Quand ? Qui ?), les questions dont la réponse se trouve à plusieurs endroits du texte pour qu’elle soit complète (par exemple : quelles sont les caractéristiques de tel pers onnage ?) et les questions qui nécessitent de faire du lien entre plusieurs phrases du texte pour y répondre. Elle différencie ces questions littérales et les questions infé rentielles. Là encore, elle fait la différence entre les inférences obligatoires pour comprendre le texte et les inférences liées à l’interprétation, facultatives pour comprendre mais qui aident à aller plus loin. Enfin, elle parle de questions personnelles relatives aux goûts, aux émotions et aux réactions du lecteur. Dans son ouvrage Teaching Main Idea Comprehension (1986), James Cunningham distingue, lui aussi, différents types d’inférences. Celles qui s’appuient sur le texte, celles qui s’appuient sur les connaissances du lecte ur et celles qui s’appuient sur les deux. Pour lui, la compréhension inférentielle se compose « d’inférences logiques » fondées sur le texte et qui sont toujours vraies et « d’infére nces pragmatiques » fondées sur les connaissances du lecteur et qui sont possiblement vraie s. Dans son article « Effective Teaching of Inference Skills for Reading » (2008), Anne Kaspal reprend cette distinction en parlant d’inférences a posteriori réalisées grâce au texte et d’inférences a priori réalisées grâce aux connaissances en mémoire du lecteur. D’autres che rcheurs ont voulu catégoriser les inférences selon un nouvel axe, « la direction de lecture ». En effet, Maryse Bianco, Maryse Coda et Dominique Gourgue dans Compréhension de la langue (2002) déterminent trois catégories d’inférences. Les inférence s rétrogrades qui permettent de connecter les évènements du texte pour en assurer la cohérence globale ; les inférences antérogrades qui permettent d’anticiper en liant les évène ments passés à ceux qui vont se produire ; les inférences orthogonales qui sont des inférences facultatives pour la compréhension. Concernant l’enseignement de ces inférenc es, Micheline Dispy insiste sur le fait qu’il ne faut pas qu’il se fasse sur des textes déconte xtualisés. En effet, pour elle, il est nécessaire d’enseigner les inférences quand celles-ci naissent d’un réel besoin de compréhension et non pas dans des énoncés brefs conçus pour ça. Le plus important, selon elle, est que l’élève sache reconnaître une situation implicite, qu’il choisisse la bonne stratégie pour l’éclairer mais surtout qu’il sache expliqu er pourquoi il a choisi telle stratégie. Jocelyne Giasson, dans La compréhension en lecture, définit trois phases à respecter dans l’enseignement de l’implicite : relever les indices, produire l’inférence, justifier l’inférence. Pour elle aussi, il est important de comprendre quelle inférence a été faite, comment elle a été faite et de pouvoir l’expliquer.

Compréhension et inter prétation

« Comprendre un texte littéraire, c’est construire une représentation situationnelle qui associe des éléments du texte et des éléments de la mémoire du lecteur » (Yves Bestgen, professeur chercheur, « Représentation de l’espa ce et du temps dans le modèle situationnel construit par un lecteur », 2007). Le lecteur joue un rôle essentiel dans la compréhension d’un texte, il y intègre tout ce qu’il est et tout ce qu’il a en mémoire. On distingue alors la compréhension littérale, la compréhens ion inférentielle mais également l’interprétation du lecteur. Ainsi, de nombreux chercheurs ont soulevé cette question de l’interprétation et de sa place dans les processus de compré hension d’un texte. Catherine Tauveron, dans Lire la littérature à l’école, explique que la conception de l’apprentissage de la compréhension change car un nouvel élément entre en jeu : l’interprétation. Celle-ci ne doit plus être vue comme un acte qui suit l’acte de compréhension et qui lui est supérieur. Au contraire, elle affirme qu’interpréter est u n acte qui doit être fait simultanément à la compréhension. Pour elle, la lecture littéraire est à la jonction entre compréhension et interprétation ; ce sont les deux étapes d’un même processus. Enseigner la compréhension se traduirait alors par la stabilisation d ‘une interprétation partagée. Dans son article « Compréhension et interprétation : deux compos antes complémentaires de la lecture littéraire » (2003), Érick Falardeau revient sur la même idée : pour lui, la compréhension nécessite de ne pas s’intéresser aux microstructures seulement mais de dégager un sens en réorganisant les informations et l’interprétation nécessite « d’ausculter le texte attentivement ». Les deux actes se font simultanément. Hans-Georg Gadamer, philosophe, a affirmé « comprendre c’est toujours interpréter ; en conséquence, l’interprétation est la forme explicite de la compréhension » (Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique. 1976). Il paraît donc nécessaire d’enseigner les deux à l’école, dès le plus jeune âge. Apprendre à comprendre, c’est aussi apprendre à interpréter.

Choix des textes littéraires à l’école

Concernant le choix des textes littéraires à faire étudier à l’école pour un travail explicite de la compréhension, je m’appuierai sur les trava ux de Catherine Tauveron dans son article « Comprendre et interpréter le littéraire à l’éc ole : du texte réticent au texte proliférant ». L’auteur distingue deux types de textes, les textes « réticents » qui posent délibérément des problèmes de compréhension et les textes « proliférants » qui posent des problèmes d’interprétation. Cet ensemble est appelé texte s « résistants ». Les textes réticents ont été conçus par des auteurs qui ont délibérémen t mis en place des moyens pour que le sens ne puisse pas être compris immédiatement. Ces textes exigent un effort du lecteur pour accéder au sens. Catherine Tauveron distingue alors les textes qui conduisent à une compréhension erronée (cette fausse compréhension es t obligatoire pour ensuite atteindre une juste compréhension) des textes qui empêchent sciemment de comprendre tout de suite. Elle affirme que travailler avec les élèves su r les procédés qui ont permis de cacher le sens ou qui ont induit un  »faux sens » procure beaucoup de motivation et d’envie de lire. C’est un des objectifs premiers de l’école en ce qui concerne l’apprentissage de la compréhension donc il paraît nécessaire de choisir des textes réticents comme préconisés par l’auteur. Les textes proliférants posent, eux, des problèmes d’interprétation. Ce sont des textes qui entrainent plusieurs interprétations. Selon celle que l’on choisit, on ne perçoit pas le texte de la même manière, la compréhension en est modifiée . Catherine Tauveron encourage les enseignants à ne pas commettre certaines erreurs, comme penser que comprendre et interpréter reviennent à chercher uniquement ce qu’a voulu dire l’auteur ou encore laisser dire aux élèves ce qu’ils veulent sans faire a ttention à la plausibilité de leurs énoncés. Il faut toujours se servir du texte et des informations qu’il donne, des indices qu’il dissémine parfois pour déterminer la vraisemblance d’une interprétation. Ces textes sont très riches pour un travail en classe car ils amènent les élèves à débattre et à comprendre toute la complexité d’un texte littéraire.

L e rôle du lecteur

Il me semble que le lecteur est un paramètre clé pour définir l e texte littéraire. En effet, comme le dit Pierre Bayard, professeur de littérature française, le récit littéraire n’est achevé que grâce au lecteur qui y apporte toute sa subjectivité. Le récit littéraire est une « aire de jeu » et le lecteur devient un partenaire de jeu. Il doit respecter des règles pour construire activement le sens. Catherine Tauveron insiste sur le rôle de l’école qui doit pouvoir changer la posture des élèves-lecteurs. De lecteurs naïfs ne s’interrogeant quasiment jamais sur les textes lus, ils doivent devenir des lecteurs critiques, capables de repérer les pièges et de comprendre pourquoi ils sont tombés dedans. La lecture devient un jeu d’élucidation entre le texte et le lecteur qui est un partenaire investi. Le lecteur, en s’investissant ainsi, mobilise ses connaissances. Ainsi, il faut être attentif à la culture des élèves quand on doit choisir une œuvre à lire en classe. Plus le texte créera du lien entre son contenu et les connaissances des élèves, plus le travail d’élaboration de la compréhension sera intéressant et motivant. Michel Picard, dans La lecture comme jeu, parle du lecteur réel. Il décrit le lecteur comme un ensemble de trois instances qui interagissent sans cesse lors de la lecture : le « liseur » qui est la personne physique, le « lu » qui est l’inconscient du lecteur qui réagit, ressent des émotions et « le lectant » qui est à distance pour réfléchir et interpréter. Sa théorie permet de définir l’activité du lecteur littéraire comme étant une interaction entre trois pôles : l e texte, l’auteur et le lecteur actif qui contribue à la production du texte grâce à sa réception de celui-ci. Gérard Langlade, dans son article La lecture subjective (2007), parle de sujet lecteur et le définit comme « le sujet tel qu’il se manifeste quand, engagé dans une lecture, s’opère à travers celle-ci des refigurations de soi. Le sujet lecteur est un sujet mobile, dynamique qui construit de lecture en lecture son identité lectorale. Il est un sujet réflexif qui s’interroge sur ses engagements de lecteur et sur les bigarrures fictionnelles sous lesquelles il apparaît. »

L e récitlittéraire implique une lecture subjective

Dans son article «La lecture subjective» (2007), Gérard Langlade introduit également le terme de lecture subjective. Qu’est-ce que la lecture subjective ? La subjectivité a-t-elle sa place dans l’enseignement de la co mpréhension ? Voilà les questions que je me suis posées. Langlade définit la subjectivité comme le fait que le lecteur accorde plus d’importance à ce qu’il ressent quand il lit un texte qu’à l’analyse de ce même texte.
C’est un processus interactif dans lequel le lecteur investit ce qu’il est pour réagir à une œuvre. Le lecteur comble les vides, produit d’autres images que celles que l’auteur voulait mettre en place, il juge les personnages. Finalement, il recrée l’oeuvre à sa manière.
Langlade insiste donc sur le choix des œuvres littéraires étudiées à l’école. Pour lui, elles doivent avoir une réelle portée émotionnelle pour les élève s. De plus, elles doivent favoriser la multitude d’interprétations pour augmenter l es interactions en classe. Il précise qu’à l’école, il vaut mieux s’intéresser aux valeurs humaines défendues dans un texte plutôt qu’à l’analyse purement littéraire du texte. Il est donc capital que les enseignants préparent en amont leur lecture personnelle de l’oeuvre pour anticipe r les lectures plurielles des élèves. Donner envie de lire aux élèves est essentiel et pour ce faire il faut accueillir leurs lectures subjectives. C’est difficile mais c’est un véritable enjeu.
Pour conclure cette partie, je reviendrai sur le fait que le choix des textes littéraires à l’école est primordial. Il faut choisir des textes porteurs de valeurs dans lesquels les élèves peuvent s’investir émotionnellement en interprétant et en s’investissant en tant que lecteur critique. Les textes choisis doivent comporter des « blancs » que les élèves pourront combler ainsi que des pistes d’interprétation multiples pour favoriser les interactions.

L e roman policier

J’ai choisi l’exemple du roman policier pour améliorer la compréhension en lecture du récit. Il me paraît donc important de définir ce qu’est le roman policier et plus spécifiquement le roman policier pour la jeunesse. Pour ce f aire, je m’appuierai sur la première partie de l’ouvrage de Christian Poslaniec, écrivain et chercheur à l’Institut national de recherche pédagogique en lecture et écriture, e t Christine Houyel, présidente de Promolej – Promotion de la lecture et de l’écriture des jeune s, intitulé Activités de lecture à partir de la littérature policière (2001).

Éléments de définition du roman policier

Il existe de nombreuses approches définitionnelles du roma n policier. Une première approche consiste à mettre en relief les thématiques abordé es. En effet, des thèmes apparaissent comme récurrents dans le genre policier mais cela ne suffit pas à le définir. Le problème étant qu’il existerait des types de romans policie rs. Yves Reuter (Le roman policier, 1997) distingue le roman à énigme, le roman « noir » et le roman à suspense. Pour lui, le roman à énigme est « le point de référence symbolique d u genre ». Poslaniec et Houyel tentent de donner une définition du genre policier : « le policier est un genre narratif centré sur le crime, au sens juridique du terme, structuré en fonction de six éléments principaux (le crime, la victime, l’enquête, le coupable, le mobile, le mode opératoire) de telle sorte que la focalisation narrative se fasse sur l’un au moins des six éléments ». Ils ajoutent que c’est un genre narratif, c’est-à-dire qu’il raconte une histoire. Celle-ci a pour thème la loi. La loi est le motif en commun de tous les romans policiers.
C’est pour cela que les romans policiers renvoient beaucoup plus le lecteur au réel que d’autres textes littéraires. Les auteurs insistent sur le f ait que les six éléments exposés ci dessus s’insèrent dans une société donnée, au premier ou à l’arrière plan. C’est la focalisation narrative qui met en lumière un élément plus qu ‘un autre et qui crée différents types de romans policiers. Je m’attacherai à définir plus en profondeur le roman à énigme. Celui-ci prend en compte les six éléments et la société est laissée à l’arrière-plan. Un crime est commis, il y a une victime et une enquête. L’identification du coupable est la finalité de l’enquête mais également du récit. Ce qui est intéressant es t que dans le roman à énigme, « le lecteur réel est en concurrence permanente avec le détective fictionnel ». En effet, le lecteur veut deviner avant la fin qui a commis le crime et il se sert des indices du texte pour le faire, tout l’enjeu étant de ne pas tomber dans les pièges d e l’auteur. Il faut à présent définir plus précisément ce qu’est le roman policier pour la jeunesse et son intérêt pour l’enseignement de la compréhension en lecture.

 

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Table des matières
Introduction
1. Le cadre théorique – Définitions des ter mes du sujet 
1.1. La compréhension en lecture – définition
1.2. L’enseignement de la compréhension en lecture
1.3. Le texte littéraire
1.4. Le roman policier
1.5. Conclusion de la première partie
2. Dispositif pédagogique retenu
2.1. La nécessité d’innover dans les pratiques pédagogiques
2.2. Le cercle de lecture
3. Cadre expérimental – Récolte et analyse des données 
3.1. Présentation du contexte
3.2. La démarche de collecte de données
3.3. L’analyse des données collectées
3.4. Conclusion du cadre expérimental
Conclusion du travail de recherche
Table des annexes
Bibliographie
Table des matières 

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