La synthèse de diverses données obtenues notamment dans les océans Pacifique et Indien, Schlanger et Jenkyns (1976), ont introduit le concept d’événement anoxique océanique (EAO). Ces auteurs ont défini deux épisodes majeurs d’appauvrissement des eaux de fond en oxygène auxquels ce concept s’appliquerait. Le premier, qualifié d’EAO1, irait du Barrémien à l’Aptien et le second, ou EAO-2 coïnciderait avec la limite Cénomanien -Turonien. Plus tard un troisième épisode d’âge Coniacien Santonien sera encore proposé (Arthur et Schlanger, 1979 ; Jenkyns, 1980). La caractéristique essentielle de l’EAO-2 qui le distingue fondamentalement des autres, tient à la fois à son extension et à sa courte durée (Schlanger et Jenkyns, 1976).
Les évènements anoxiques océaniques (EAO) se sont produits à des périodes où les eaux océaniques étaient relativement appauvries en oxygène ; en d’autres termes, il y avait une augmentation de l’intensité et l’étendu de l’oxygène minimum dans la colonne d’eau océanique. Une série d’évènements anoxiques océaniques s’est produite durant la période relativement chaude du Crétacé (120–80 Ma) (Handoh et Lenton, 2003). Elle est liée principalement au taux élevé d’enfouissement de la matière organique, aux températures relativement élevées à basses et hautes altitudes (Herman et Spicer, 1996 ; Wilson et Norris, 2001) et aux changements du niveau marin (Jenkyns, 1980).
Au cours du passage Cénomanien-Turonien (autour de 93.6 Ma), un évènement anoxique océanique (EAO-2) a été enregistré un peu partout dans le monde, les faciès à EAO-2 ont été rencontrés sur tous les continents, depuis l’Afrique (en Tunisie centrale : formation Bahloul, au Maroc : haut Atlas, dans les bassin sénégalo-mauritanien, en Algérie, Egypte et la Libye, à l’Europe (l’horizon Bonarelli en Italie centrale et le Black Band dans le Yorkshire, en Angleterre) et jusqu’en Amérique (dans l’Atlantique, dans l’océan Pacifique, dans l’Arctique canadien, dans la Luna, au Vénézuela, en Colombie et en Equateur).
CONTEXTE TECTONO-SEDIMENTAIRE DU NORD DE TEBESSA
Cadre géographique de la zone d’étude
Le Nord de Tébessa qui fait l’objet de ce travail se situé plus précisément aux confins algéro-tunisien, dans la partie Nord-Est de l’Atlas saharien qui se poursuit jusqu’en Tunisie par l’Atlas Tunisien, ce territoire occupe une assez grande superficie, représenté sur trois cartes au 1/50.000e de Oued Kebarit n°124, Djebel Ouenza n°125 et El-Aouinet n°150. Sur le plan administratif, il se rattache à la wilaya de Tébessa dont le centre de la wilaya, la ville de Tébessa se trouve à 65 Km au Sud suivant la route nationale N° 16 Annaba –Tébessa. La région est desservie d’un chemin de fer à voie unique Tébessa – Annaba, dont la plus proche station se trouve à El-Aouinet .
Ses grands traits morphologiques actuels sont pour l’essentiel le résultat de l’érosion et des phénomènes tectoniques d’où on distingue un anticlinal symétrique, allongé de NE au SW sur une vingtaine de kilomètres avec une largeur de 2.3 à 3 km qui s’élève dans un relief mamelonné et dont la topographie est tourmenté dans le détail. Le réseau hydrographique de la région est bien développé et représenté par des oueds cailloutés et à sec sauf lors des pluies exceptionnelles à l’exception de quelques sources de faible débit. Les oueds bien élaborés sont des affluents principales des grands Oueds dont les plus importants sont Oued Mellègue, Oued Meskiana, Oued Harcha, Oued Chabro et Oued Kebarit qui traverse tout le territoire du Nord vers le Sud et continue jusqu’à la frontière algéro-tunisienne. Le climat qui affecte la région de type steppique à semi-aride se caractérise par l’alternance de deux saisons distinctes, l’une humide et froide allant de Novembre à mars et une saison sèche et chaude allant d’avril à octobre, les gelées sont présentes dans la région de Décembre à Février. La température est le second facteur après la précipitation qui conditionne le climat, on constate que pour toutes les périodes (de 25 ans) le mois le plus chaud est juillet avec 42 C° et le mois le plus froid est janvier avec 5 C°. Les précipitations sont peu abondantes par rapport au Nord, elles n’excèdent pas en moyenne 700 mm d’eau par an. La végétation spontanée est le résultat des interactions des trois facteurs essentiels, le climat, le sol et l’action anthropique, sauf sur les surfaces irriguées. Elle offre d’une part, dans les zones montagneuses des forêts surtout de pins d’Alep et d’autres part, dans les plaines une végétation très réduite se développant sur les glacis quaternaires. Des cultures céréalières et arboricoles sont pratiquées partiellement.
Cadre géologique
La zone d’étude est une partie de Monts du Mellègue (selon la nomination de Laffitte, 1937) font partie intégrante de la terminaison orientale de l’Atlas saharien. Ils représentent des synclinaux et anticlinaux perchés, de direction Nord-Est Sud-Ouest. Ils ne constituent pas des chaînons continus mais des reliefs isolés et souvent escarpés. Ils surgissent comme des îles au-dessus des régions basses faiblement ondulées ou rigoureusement uniformes (Dubourdieu, 1956). Ils appartiennent tout entier à la zone des « Hautes plaines » avec ses gros massifs calcaires émergeant de 6 à 700 m, dont les principaux sont du Sud au Nord de la ville de Tébessa : Boujaber, Hameimet Sud et Nord, Belkfif, Dyr, Morsott, Def, M’kheriga Ouenza, Mesloula et Essouabaa. En dehors du Trias évaporitique, les terrains qui affleurent dans les Monts de Mellègue sont caractérisés par des dépôts allant du Crétacé inférieur au Miocène (Dubourdieu, 1956). A Essouabaa, le Trias n’affleure pas en surface, par contre les formations triasiques connaissent leurs plus larges affleurements à l’Ouenza, Boukhadra, Boujaber, Mesloula, Hameimat nord et Hameimat sud (Fig.2). Les corps triasiques présentent des dimensions variables sous formes de sections elliptiques parfois très étirées, sur une bande orientée NE SW sur environ 80 km (Dubourdieu, 1956 ; Masse et al., 1979 ; Masse al., 1982). Traditionnellement ces formations affleurent toujours en position anormale et percent leur couverture mésozoïque et cénozoïque, à la faveur d’accidents importants, sous forme d’extrusions diapiriques. Le Trias dans les monts du Mellègue est un faciès argilo-gypseux à blocs carbonatés auxquelles s’ajoutent par endroit, des blocs de roches magmatiques basiques (ophites) et des dolomies de type variés (Dubourdieu (1956). Le contact du Trias avec les autres formations est généralement tectonique, par endroit ce contact est matérialisé par la présence des filons ferro-barytiques et minéralisation plombo-zincifères (Boulemia, 2004). Les affleurements jurassiques ne sont pas connus dans la région. Les terrains les plus anciens reconnus dans la région ont été datés du Barrémien au Djebel Harraba par Dubourdieu (1956). En dehors des zones des diapirs, les dépôts jurassiques ont été recoupés par des sondages pétroliers (Beghoul, 1974).
Le Crétacé affleure largement dans les monts du Mellègue. Il est représenté par des termes inférieurs est supérieurs (Fig.2). Les formations du Crétacé inférieur sont localisées dans les parties centrales des structures anticlinales, généralement percées par les diapirs triasiques. Elles comportent les dépôts du Barrémien, de l’Aptien, de l’Albien et du Vraconien.
Les formations qui se rapportent au Barrémien sont très réduites. Elles affleurent en petit anticlinal à Sidi Embarka au NE du Dj. Ouenza, sur le flanc SW de l’anticlinal de Mesloula et le long de l’Oued Batma et au NW de Dehar Mesloula (Dubourdieu, 1956). Elles sont représentées à la base par des marnes grises ou jaunes assez argileuses refermant des Ammonites pyriteuses. Au sommet, ce sont des intercalations marnocalcaires de minces passées de calcaires noduleux gris clair à patine ocre (Dubourdieu, 1956). Ces formations ne dépassent pas les 150 m. Le Barrémien qui affleure à Mesloula est gréseux à passées de marnes, de calcaires et de conglomérats (Dubourdieu, 1956 ; Masse et al., 1979 ; Masse et al., 1982). L’Aptien affleure sur les plus vastes surfaces. Il constitue avec les successions du Clansayésien le cœur des anticlinaux de la région et forme la masse de l’Ouenza, de Mesloula, de M’Zeita, de Batma, de Boujaber, et de Hameimat Nord et Sud. Dans ces régions, l’Aptien présente une grande importance étant le principal réceptacle des minéralisations. Ces formations aptiennes, à caractère essentiellement carbonaté néritique, se sont déposées dans une mer chaude peu profonde. Elles forment des platesformes isolées dont l’architecture est contrôlée par les remontées diapiriques (Dubourdieu, 1956). Ces antiformes allongées, naissantes en mer aptienne, ont favorisé l’instalation d’une sédimentation récifale qui se rencontre au voisinage immédiat des formations triasiques (Dubourdieu, 1956 ; Masse et Thieuloy, 1979). L’Aptien inférieur, est un ensemble essentiellement marneux, composé par une alternance de marne, d’argile, de grès et de calcaire à gastéropodes, mollusques et échinoïdes, surmonté par un Aptien supérieur formé par des calcaires massifs bioconstruits à ciment dolomitique, bioclastiques à Orbitolines et Rudistes, qualifiés de récifal (Dubourdieu, 1956). La formation aptienne est généralement surmontée par le Clansayésien. Il est marneux renfermant des Ammonites à l’Ouenza, devenant plus argileux avec intercalation des calcaires et grès lumachelliques à Mesloula. À Boujaber, il est représenté par une alternance de marnes, de grès, de calcaires et de marno-calcaires, livrant une microfaune benthique. Sa puissance varie entre 40 à 90 mètre à M’Zeita et de 250 à 300 mètre au SE du ce massif (Dubourdieu, 1956). L’Albien, dans la région des monts de Mellègue, est généralement carbonaté marqué par une faune benthique dans des zones peu profondes (Bouzenoune, 1993 ; Nedjari-Belahcène et Nedjari, 1984 ; Othmanine, 1987 ; Salmi-Laouar, 2004). L’Albien inférieur est qualifié de récifal formé de calcaire gris bioconstruit surmonté par des marnes grises à Ammonites. L’Albien dans sa partie moyenne à supérieure, est représenté par des marnes gris foncée bitumineuses à foraminifères benthiques. Ces marnes s’intercalent à leur sommet avec des bancs de calcaires et gré à ciment sparitique. La couverture albo-aptienne est percée par le Trias, entraînant le redressement des couches et la complexité des structures, généralement scellées par le Vraconien ; Ouenza, M’zouzia, Boukhadra (Bouzenoune, 1993 ; Nedjari-Belahcène et Nedjari, 1984 ; Othmanine, 1987). Le Vraconien est essentiellement marneux à intercalation de calcaire argileux et argilites, de 500 à 600 mètres de puissance. Ce sont des dépôts pélagiques marquant ainsi une transgression franche. Ses faciès ont pu être daté grâce à des Ammonites (Fleury, 1969 ; Othmanine, 1987). Le Vraconien dans la région des monts de Mellègue, est transgressif sur le Trias à l’Ouenza (Thibiéroz et al., 1976), sur l’Aptien au Dj. Slata (Smati, 1986) et de Hameimat Sud et Nord (Othmanine, 1987). Il forme ainsi, un écran imperméable et un contrôle principal à la minéralisation polymétallique. Au sud de Boujaber, la barre albienne est surmontée par une vire marneuse à Foraminifères planctoniques rapportée au Vraconien – Cénomanien (Salmi-Laouar, 1998). Cette même formation affleure sur le versant NE de Hameimat Nord et correspond à des marnes noires à Foraminifères pélagiques avec de minces intercalations de calcaire très argileux à patine grise. Elle est d’une épaisseur moyenne de 100 m et d’âge Vraconien (Fleury, 1969. Othmanine, 1987).
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Table des matières
Introduction
CHAPITRE PREMIER CONTEXTE TECTONO-SEDIMENTAIRE DU NORD DE TEBESSA
I.1 – Cadre géographique de la zone d’étude
I.2 – Cadre géologique
I.3 – Cadre structural
I. 3.1 – Le bassin atlasique algéro-tunisien
I. 3. 2 – Monts de Mellègue
Accidents tectoniques
Anticlinaux et synclinaux
Diapirisme
Fossés d’effondrement
I. 4 – Évolution paléogéographique
I. 5 – Historique des travaux antérieurs
I. 6 – Objectifs
I. 7 – Méthodologie et techniques analytiques
I. 7. 1 – Etude de terrain
I. 7. 2 – Etude de laboratoire
Conclusion
CHAPITRE DEUXIEME CRITERES D’ANALYSE SEDIMENTOLOGIQUE
II.1 – Introduction
II. 2 – Analyse faciologique
II. 3 – Eléments biostratigraphiques
II. 4 – Analyse séquentielle
II. 5 – Critères de l’interprétation séquentielle
Conclusion
CHAPITRE TROISIEME SEDIMENTOLOGIE ET GEOCHIMIE DU SECTEUR D’ESSOUABAA
III. 1 – Introduction
III. 2 – Géologie de secteur
III. 3 – Lithostratigraphie
III. 4 – Biostratigraphie
III. 5 – Isotopes stables
III. 6 – Interprétation
Conclusion
CHAPITRE QUATRIEME SEDIMENTOLOGIE ET GEOCHIMIE DU SECTEUR DE DJ. GUELB
IV. 1 – Introduction
IV. 2 – Géologie
IV. 3 – lithostratigraphie
IV. 4 – Biostratigraphie
IV. 5 – Isotopes stables
IV. 6 – Interprétation
Conclusion
CHAPITRE CINQUIEME SEDIMENTOLOGIE ET GEOCHIMIE DU SECTEUR DE L’OUENZA
V. 1 – Introduction
V. 2 – Géologie
V. 3 – lithostratigraphie
V. 4 – Biostratigraphie
V. 5 – Isotope stable
V. 6 – Interprétation
Conclusion
CHAPITRE SIXIEME L’EVENNEMENT ANOXIQUE OCEANIQUE II AU NORD DE TEBESSA
VI.1 – Introduction
VI. 2 – Les principales caractéristiques de l’évènement anoxique océanique au Nord de Tébessa
VI. 2. 1 – Caractéristiques lithologiques
VI. 2. 2 – Caractéristiques biostratigraphiques
VI. 2. 3 – Caractéristiques isotopiques
VI. 3 – Paléoenvironnement
VI. 3. 1 – Introduction
VI. 3. 2 – Les environnements favorables à l’accumulation de la matière organique
VI. 3. 3 – Paléoenvironnement au Nord de Tébessa durant le CénomanienTuronien
Conclusion
VI. 4 – Corrélation avec le faciès Bahloul
CONCLUSION GENERALE