Le cautionnement simple : précarité de la garantie
Avant tout, le cautionnement est un contrat par lequel une personne, la caution, s’engage à l’égard d’un créancier à payer la dette d’un débiteur, appelé débiteur principal, au cas où celui-ci serait défaillant. C’est ce qu’exprime l’article 4 de la loi sur les sûretés1 , au terme de cet article : la caution est un tiers qui « s’engage envers le créancier à exécuter l’obligation du débiteur principal si celui-ci n’y satisfait pas lui-même. » 1 Loi n° 2003-041 du 03 septembre 2004 J.O. du 08 novembre 2004 p. 4273 Auparavant, classé parmi les petits contrats en 1804, le cautionnement était en principe simple; il conférait deux prérogatives particulièrement gênantes pour le créancier : le bénéfice de discussion et le bénéfice de division. Le cautionnement simple ou conjoint est une hypothèse dans lequel une ou plusieurs personnes se portent caution conjointement. Le créancier ne peut agir alors contre la ou les cautions que subsidiairement (article 2021 du code civil) et seulement en cas d’insolvabilité du débiteur. Notons qu’à la différence du débiteur solidaire, la caution n’est engagée qu’en seconde ligne. Elle dispose de ce fait des bénéfices précités. Le bénéfice de discussion va permettre d’obliger le créancier à s’adresser d’abord au débiteur principal. Dans les cas de plusieurs cautions conjointes, celles-ci auront en outre le bénéfice de division c’est-à-dire qu’elles pourront obliger le créancier à diviser les poursuites et à réclamer à chaque caution qu’une fraction de la dette, proportionnellement, en principe, au nombre de cautions. Toutefois, l’insolvabilité de l’une des cautions est supportée proportionnellement par les autres (article 2026 du code civil). Ce bénéfice de division est donc une exception de procédure par laquelle, en cas de cautionnement multiple, l’une des cautions pour le tout obtient du juge que l’action en paiement soit fractionnée entre toutes les cautions solvables au jour des poursuites. La raison de l’octroi de bénéfice de discussion tient à ce que la caution simple ne puisse payer que lorsque l’insolvabilité du débiteur principal a été reconnue. Elle peut, en tout état de cause, contraindre le créancier à poursuivre le débiteur, à faire vendre ses biens et à se payer sur le revenu de la vente, en lui opposant une exception dès ses premières poursuites. C’est l’article 23 de la loi sur les sûretés sus citée qui le prévoit, et aux termes de cet article : « sur ses premières poursuites dirigées contre elle, la caution simple peut, à moins qu’elle n’ait expressément renoncé au bénéfice de discussion, exiger la discussion du débiteur principal. » Néanmoins, afin d’éviter que l’exception de discussion ne soit opposé de façon dilatoire, l’alinéa premier du même article oblige la caution à indiquer quels biens peuvent être saisis et à avancer les frais de la saisie. Et d’après cet alinéa, la caution « doit indiquer au créancier les biens du débiteur principal et consigner les deniers suffisants pour le paiement intégral de la dette ». Et celle-ci d’ajouter qu’« elle doit, en outre, avancer les frais de discussion ou consigner la somme nécessaire. » Le cautionnement simple, avec bénéfice de discussion et de division qui constitue le droit commun, est en pratique rare. Il n’existe en fait que lorsque le cautionnement est imposé par la loi ou par le juge, puisque dans ces cas, le créancier ne peut en exiger davantage. En revanche lorsque la fourniture d’une caution est librement convenue entre le débiteur et le créancier, ce dernier exigera presque toujours un cautionnement solidaire. Pour pallier à ces inconvénients, le législateur malgache a jugé bon de prévoir que la solidarité du cautionnement devrait être le principe en vue de la protection du créancier. Puisque le cautionnement, lorsqu’il est conjoint, met le créancier dans une situation inconfortable.
Le cautionnement est un contrat
Si la solidarité résulte de la loi ou de la volonté des parties, le cautionnement a presque toujours un caractère contractuel. Il repose toujours sur un accord entre le créancier et la caution. Les expressions de cautionnement légal ou cautionnement judiciaire doivent être bien comprises : elles traduisent les situations dans lesquelles la loi ou le juge imposent à une personne de fournir un cautionnement pour bénéficier de certaines avantages. Pour ce qui est du droit français par exemple, l’article 601 du code civil impose à l’usufruitier de fournir une caution avant d’entrer en possession ; de même l’article 277 du code civil permet au juge d’exiger que l’époux, débiteur d’une prestation compensatrice versée sous forme de rente, fournisse une caution en garantissant le versement. Dans ces hypothèses, il est cependant nécessaire que la caution consente à l’opération. Les adjectifs « judiciaire » et « légal » ne vise donc pas la source du cautionnement, qui reste la volonté de la caution, mais le fait générateur du processus qui a conduit à son engagement. Ni la loi ni le juge ne peuvent contraindre quelqu’un à se porter caution ; dans tous les cas, le cautionnement a une origine contractuelle si la solidarité puise sa source dans la loi, ou à défaut, de la volonté des parties qui conviennent de se représenter mutuellement pour supporter la totalité de la dette.
Exception relative au cautionnement de la dette d’un incapable
Par ailleurs, comme tout principe souffre d’exception ; même si la validité du cautionnement est greffée à celle de l’obligation principale en privant celui-ci de son effet. Le cautionnement de la dette d’un incapable demeure valable. En d’autres termes, la dette d’un incapable peut être valablement cautionnée. Ce qui ressort de l’article 5 de la loi 2003-041 sur les sûretés ; et au terme de cet article : « il est possible de cautionner en toute connaissance de cause, les engagements d’un incapable ». Ainsi, la loi a voulu que l’engagement d’un incapable mineur ou majeur puisse être efficacement cautionné. La solution est d’un intérêt pratique évident pour un mineur proche de sa majorité. La combinaison de son engagement avec un cautionnement efficace permet d’anticiper, en quelque sorte sa capacité future. La même solution vaut également pour l’incapable majeur. Toutefois, elle heurte au principe du caractère accessoire du cautionnement. Non seulement la caution peut être poursuivie alors que l’obligation est nulle dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal, mais elle est en principe privée des recours qui lui sont normalement ouverts contre ce dernier. En ce qui concerne la dérogation aux principes régissant la matière, pour certains auteurs, la qualification même d’un tel engagement doit être remise en cause. Aussi, le procédé qui permet de consolider l’engagement d’un incapable est la promesse de porte-fort. On reconnaît au cautionnement d’un incapable une double nature :
– D’abord, il y a promesse de porte-fort tant que l’incapable n’a pas ratifié valablement son propre engagement ;
– Le cautionnement redeviendra normal une fois l’engagement ratifié ;
L’existence des codébiteurs intéressés à la dette
L’hypothèse de principe de la solidarité passive est celle de deux ou plusieurs personnes qui, ayant un intérêt commun à une opération, joignent leurs actions pour sa réalisation. L’existence des codébiteurs intéressés à la dette suppose que chacun de ses codébiteurs ait bénéficié directement, au moins pour partie, de la dette ; que chacun en ait pris une part à sa charge, quand bien même ils sont également responsables vis-à-vis du créancier. Il existe donc de ce fait, une certaine communauté d’intérêt entre ces débiteurs qui, non seulement doivent bien se connaître et se faire mutuellement et réciproquement confiance, mais aussi, s’aviser des divers acte de procédures qui pourraient être signifiés à l’un d’eux. Il convient cependant de distinguer cette hypothèse avec celle du codébiteur solidaire non intéressé à la dette, qui, bien que considéré comme débiteur aux yeux du créancier, doit être traité comme une caution dans ses rapports avec les autres débiteurs intéressés. C’est l’hypothèse prévue à l’article 1216 du code civil, au terme duquel « si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l’un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions ». On pense par exemple à un cas où un membre de la famille s’engagerait solidairement avec un autre à rembourser un prêt contracté au seul profit de ce dernier. Dans cette hypothèse, le débiteur non intéressé à la dette dispose, au cas où il effectuerait un paiement de la dette, d’un recours pour le tout contre le codébiteur intéressé. Il convient toutefois d’insister sur le fait que cette solidarité reste une exception par rapport au principe induit du droit commun qui est la division des dettes entre tous les codébiteurs. C’est en ce sens d’ailleurs que le code civil indique que la solidarité ne se présume pas et doit, soit avoir été stipulée par les parties, soit résulter d’une disposition légale. Autrement dit, l’existence des codébiteurs solidaires ne peut découler que d’une source conventionnelle ou d’une source légale. Elle est dite conventionnelle lorsqu’elle résulte d’un acte juridique, que ce soit un contrat ou un acte juridique unilatéral, par exemple un testament par lequel le testateur grève un legs d’une clause de solidarité à la charge de ses héritiers ou de ses légataires universels. La solidarité passive peut être aussi légale, en ce qu’elle est créée par des dispositions légales lato sensu, en dehors de toute stipulation des parties et de commercialité de la dette. Une telle création de la solidarité peut-être guidée par l’idée de suppléer la volonté présumée des parties, de réprimer une faute commune, de fortifier le crédit ou de protéger certains tiers. En tout état de cause, il revient à celui qui invoque la solidarité entre des codébiteurs de prouver son origine, conventionnelle ou légale. La preuve de la solidarité induirait alors l’existence des codébiteurs, intéressés ou non à la dette, peu importe pour le créancier. En effet, dans tous les cas, le créancier peut agir, à son gré, et pour la totalité de la dette, contre l’un quelconque ou plusieurs des coobligés, celui ou ceux qui lui paraissent le plus solvable, ou contre tous ensemble. En effet, l’institution de la solidarité, dans l’esprit du code civil, est une modalité de l’obligation destinée à garantir le créancier contre l’insolvabilité possible d’un de ses débiteurs. Envisagée presque exclusivement dans l’intérêt du créancier, elle est axée sur deux idées majeures, à savoir que chaque codébiteur est obligé à la totalité de la dette vis-à-vis du créancier, même si sa contribution définitive à cette dette n’est que partielle.
L’obligation alternative
L’obligation est alternative lorsque le débiteur doit effectuer l’une ou l’autre des prestations qui sont prévues (art. 1189 C.civ.) : tel est par exemple le cas d’une rente viagère revalorisable selon un indice conventionnel ou selon un indice légal11. C’est en principe au débiteur de choisir la prestation qui va le libérer, mais une stipulation expresse peut l’accorder au créancier (art. 1190 C. civ.). Le choix une fois opéré est irrévocable. Le créancier ne peut être contraint d’accepter une partie d’une des prestations, une partie de l’autre, ni exiger cette exécution partielle lorsque le choix lui est laissé (art.1190). Si l’une des prestations est impossible12 ou illicite (art. 1192 C. civ.), ou si elle ne peut être exécutée du fait d’un évènement de force majeure (art. 1193, al. 1er, C. civ.), l’obligation devient pure et simple et c’est l’autre prestation qui doit être exécutée. Si les deux prestations ne peuvent être exécutées du fait d’un cas fortuit, le débiteur est libéré (art. 1195 C. civ.). Si l’impossibilité d’exécution est imputable au débiteur, le créancier peut réclamer, à son choix, la prestation qui reste possible ou le prix de celle qui ne l’est pas ou, si aucune exécution n’est possible, le prix de l’une ou de l’autre des prestations (art. 1196 C. civ.)
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie COMPLEMENTARITE ET INDEPENDANCE DES DEUX TECHNIQUES
CHAPITRE I. RAISON DE L’UNIFICATION DU CAUTIONNEMENT A LA SOLIDARITE
Sous chapitre I. Un rapprochement au profit du créancier
Section 1 L’amélioration des règles du cautionnement par la solidarité
A. Le cautionnement simple : précarité de la garantie
B. Le cautionnement solidaire : un rempart pour le créancier
Section 2. la confusion des effets du cautionnement et de la solidarité
A. L’identité du cautionnement et de la solidarité : la pluralité de sujets
passifs
B. Similitude entre le cautionnement et la solidarité fondée sur l’identité de la situation du codébiteur et de la caution : la qualité de garant
Sous chapitre II. Les aménagements tirés du rapport entre le cautionnement et la solidarité
Section 1 Le cautionnement solidaire est un cautionnement
Paragraphe 1. Cas discuté
Paragraphe 2 Les caractères propres au cautionnement
I.Caractères tenant à la nature du cautionnement
A. Caractères contractuel, unilatéral et abstrait
1. Le cautionnement est un contrat
2. Le cautionnement est un contrat unilatéral et abstrait
a.Précision quant au caractère unilatéral
b.Opinions doctrinales et jurisprudentielles quant au caractère abstrait
B. Le cautionnement est un contrat accessoire et subsidiaire
1. Principe
2. Exception relative au cautionnement de la dette d’un incapable
II. Caractères tenant à l’étendue du contrat de cautionnement : les principes directeurs
Section 2. Les avantages de la solidarité
A. Le cautionnement est une garantie moins efficace que la solidarité
B. La portée de la solidarité en vertu des dispositions légales
CHAPITRE II. EFFICACITE DE L’ENGAGEMENT SOLIDAIRE
Sous chapitre I. L’intérêt du renforcement du mécanisme du cautionnement par la solidarité
Section 1.Rappel et synthèse de la signification de solidarité des débiteurs d’une obligation
A. L’existence des codébiteurs intéressés à la dette
B. Le droit de poursuite du créancier
Section 2 L’acception de la solidarité du cautionnement
A. Confusion originaire du cautionnement et de la solidarité
B. L’implication juridique de la solidarité au cautionnement
Sous chapitre II. L’originalité du droit de la solidarité et le régime des obligations
Section 1. Particularité de l’obligation solidaire
Paragraphe 1 Les sources de la solidarité entre débiteurs
A. Première source : la loi
1. Solidarité imparfaite fondée sur l’obligation in solidum ou entre coauteurs d’un même dommage
2. Autres figures de la solidarité
B. Deuxième source : la volonté des parties
Paragraphe 2. Le régime des obligations d’après la L.T.G.O
Section 2. Les aspects de l’obligation comportant plusieurs objets
Paragraphe 1. L’obligation alternative
Paragraphe 2 L’obligation facultative
Deuxième Partie L’INNOVATION TENANT A L’EVOLUTION DE CES DEUX SYSTEMES DANS LA PRATIQUE
CHAPITRE I. LE CAUTIONNEMENT ET SA MISE EN ŒUVRE
Section 1 Utilisation du cautionnement
Paragraphe 1. Précision sémantique
A. Le cautionnement au sens large
B. La gratuité : un caractère pouvant influer sur la nature du cautionnement
1. Dans les rapports caution/débiteur
2. Dans les rapports caution/créancier
Paragraphe 2 L’évolution de la pratique du cautionnement
A. La justification de la primauté des sûretés personnelles dans les sociétés primitives
1. Genèse de la prééminence des garanties personnelles
2. Prédominance des sûretés réelles
3. Retour en force des sûretés personnelles
B. Incidences des sûretés réelles sur le cautionnement
1. Généralité quant au champ d’application du nantissement dans le contrat de cautionnement
2. Le cautionnement hypothécaire
Section 2…. La pratique du cautionnement, les intérêts du créancier et la protection de la caution
Sous section 2. Pratique du cautionnement
Paragraphe 1. Le cautionnement bancaire
A. Définition
B. Champ d’application : le domaine du crédit par caution
1. Les cautions fiscales
2. Les cautions en matière de marchés publics
3. Les cautions en matière d’opération de construction
Paragraphe 2. Le cautionnement mutuel
Paragraphe 3. Le cautionnement des sociétés par leurs dirigeants et associés
Sous section 3. La préservation des intérêts du créancier et la protection de la caution : les montages
A. Améliorer la position du créancier
B. Améliorer la position de la caution
CHAPITRE II.L’INNOVATION EN MATIERE DE SOLIDARITE ET LES AUTRES TECHNIQUES POUVANT FAIRE FONCTION DE SURETES PERSONNELLES
Sous chapitre I. L’essor de la notion de solidarité
Section 1.Extension de l’acception de solidarité
Section 2.Cadre juridique de la solidarité en dehors des liens entre les débiteurs
Paragraphe 1.La pluralité des créanciers ou solidarité active
A. Origine de la solidarité active
B. La solidarité active de nos jours
Paragraphe 2.Les effets de la solidarité active
Sous chapitre II. Les mécanismes voisins du cautionnement
Section 1.Les sûretés personnelles substitut du cautionnement
A. Les garanties dites autonomes ou à première demande ou indépendantes
1. Définition et illustrations
2. Classification selon les obligations garanties
3. Modalités de la garantie
B. Les lettres d’intention ou de confort : articles 56 à 57 L. 2003-041 sur les sûretés
1. Définition
2. Nature juridique de l’engagement du tiers
a.Un simple engagement moral
b.Véritable cautionnement
c.Obligation de faire
Section 2.Autres techniques contractuelles
A. La délégation
B. L’action directe
C. La promesse de porte-fort
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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