Le carcinome hépatocellulaire
Le cancer du foie est le cinquième cancer en incidence et la seconde cause de décès par cancer dans le monde, avec approximativement 854 000 nouveaux cas par an en 2015 et 810 000 cas de décès imputables par an, représentant 7% de l’ensemble des cancers (1,2). Le carcinome hépatocellulaire (CHC) représente plus de 80% des cancers hépatiques primitifs et son incidence augmente à la fois en Europe et dans le monde selon l’Agence Internationale de la Recherche pour le Cancer, constituant un problème majeur de santé publique, d’autant plus que sa mortalité s’accroit alors que, à contrario, le risque global de décès par cancer diminue (3,4). La grande majorité des CHC surviennent dans le cadre d’une maladie chronique du foie sous-jacente, la cirrhose étant le premier facteur de risque de CHC, représentant 90% des cas en Occident (5). On estime que 1 patient cirrhotique sur 3 développera un cancer du foie au cours de sa vie, avec une incidence annuelle comprise entre 1-8% selon l’étiologie de la cirrhose (2). En Europe de l’Ouest, les principaux facteurs de risque de cancer hépatique primitif sont l’hépatite C (44%), l’alcool (32%), l’hépatite B (13%) puis le couple stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) et stéato-hépatite non alcoolique (NASH), dont le risque de développer un CHC est certes moindre, mais dont la prévalence en constante augmentation en fait une cause de plus en plus fréquente de CHC (2). Les patients cirrhotiques bénéficient ainsi en Europe d’un dépistage échographique, recommandé tous les 6 mois (6).
Malgré cela, du fait des comorbidités, de la fonction hépatique sous-jacente, de la symptomatologie clinique tardive et de la taille tumorale, moins de 10-25% des patients atteints de CHC peuvent bénéficier d’un traitement radical (7,8) ; et la médiane de survie au diagnostic reste relativement faible (9,4 mois) (8). Le diagnostic du CHC repose sur une preuve histologique (biopsie percutanée), permettant d’affirmer la pathologie, de préciser certains facteurs pronostiques associés à la tumeur (différenciation) mais également à la pathologie hépatique sous-jacente (degré de fibrose et activité inflammatoire). Cependant, chez les patients cirrhotiques, et selon les recommandations de l’European Association for the Study of the Liver (EASL), un diagnostic non invasif de CHC peut être fait, basé sur les caractéristiques en imagerie (6).
La prise en charge spécifique du CHC repose de fait sur une approche multidisciplinaire associant les hépatologues, les oncologues, les chirurgiens viscéraux, les anatomopathologistes, et les radiologues. La radiologie joue un rôle primordial, aussi bien dans le diagnostic de la maladie que dans le traitement et le suivi de ces patients. L’ablation percutanée a montré son intérêt dans les stades précoces (9) et les traitements locorégionaux intra-artériels hépatiques dans les stades intermédiaires et avancés ; mais les limites dans les indications ne sont pas toujours complètement hermétiques en pratique clinique (10).
La radioembolisation hépatique
Principe
Son principe, tout comme celui des autres traitements intra-artériels hépatiques tels que la chiomioembolisation trans-artérielle (TACE), repose sur la spécificité de la vascularisation hépatique qui est double : provenant à la fois de l’artère hépatique et de la veine porte. Le parenchyme hépatique sain est principalement vascularisé à 70-80 % par la veine porte et le reste par l’artère hépatique. Au contraire, le CHC et les métastases hépatiques sont vascularisés à 80-100 % par l’artère hépatique (11). Ainsi, et pour en augmenter l’index thérapeutique, un traitement administré au sein l’artère hépatique va cibler de façon prédominante les lésions tumorales tout en épargnant le parenchyme sain. La radioembolisation (RE) ou radioembolisation trans-artérielle (TARE) ou encore radiothérapie interne sélective (SIRT) hépatique consiste en l’injection de microsphères marquées d’un élément radioactif au sein du réseau artériel hépatique, afin que ces dernières viennent se loger au sein du réseau micro-vasculaire de la tumeur, et que le radionucléide se désintègre en émettant un rayonnement ionisant béta délétère pour les cellules avoisinantes. L’objectif de ce traitement peut être pluriel (12) :
– obtenir une réponse tumorale complète, pour des lésions de petite taille non accessibles à un traitement radical (chirurgical, ablation percutanée ou radiothérapie stéréotaxique) dans certains cas particuliers
– obtenir une réponse tumorale, c’est-à-dire de détruire le plus de tumeur possible dans le but de pouvoir proposer un traitement radical secondaire après réduction du volume tumoral (« downstaging »)
– contrôler la maladie tout en induisant une hypertrophie du lobe hépatique controlatéral au site de SIRT lorsque unilobaire, permettant une conversion vers une résection chirurgicale homolatérale secondaire après obtention d’un volume et par conséquent d’une fonction hépatique controlatérale satisfaisante .
– à défaut, ralentir la progression de la maladie, avec dans certains cas la possibilité d’accéder à une transplantation hépatique (« bridging ») .
Les cures ne sont généralement pas répétées, sauf en cas de progression secondaire d’une lésion qui avait initialement répondu, ou de l’apparition à distance, c’est-à-dire en foie non traité, de nouvelle(s) lésion(s). En cas de maladie bilobaire, on réalise le plus souvent 2 séances de traitement espacées d’environ 1-2 mois, en débutant par le lobe avec le plus gros volume tumoral, afin de cibler au mieux la tumeur tout en évaluant une éventuelle toxicité intercurrente sur la fonction hépatique (13).
Plusieurs produits de SIRT sont disponibles. Les sphères peuvent être en verre (TheraSphereâ, BTG, London, UK) ou en résine (SIR-Spheresâ, Sirtex Medical, Sydney, Australia), chargées d’Yttrium 90 (Y90), émetteur béta dont la pénétration tissulaire maximale du rayonnement est de l’ordre du centimètre, et n’entrainant par conséquent que très peu d’irradiation externe. L’activité par bille étant différente (50 fois supérieure pour une microsphère de verre), le nombre de billes injectées est par conséquent également différent en fonction du produit utilisé (13). Plus récemment, des billes chargées d’Holmium 166 (Ho166) (QuiremSpheresâ, Quirem Medical BV, Utrecht, Pays-Bas) ont fait leur apparition sur le marché, présentant notamment les particularités d’émettre un rayonnement gamma supérieur, la possibilité d’utiliser une faible activité de microsphères pour simuler le traitement (Scoutdose) et surtout de pouvoir évaluer sa répartition en IRM .
Indications
La SIRT hépatique est un traitement anti-tumoral, dont les indications s’appliquent aussi bien aussi aux néoplasies primitives que secondaires du foie (1 seule étude « RESIRT trial » avait porté sur la SIRT extra-hépatique : rénale, dont les résultats n’ont pour l’instant pas été publiés à notre connaissance). Actuellement, elle représente une option thérapeutique dans les CHC et les cholangiocarcinomes intra hépatiques non métastatiques ne pouvant bénéficier d’un traitement radical. Elle peut également être indiquée en cas de métastases hépatiques exclusives ou prédominantes, principalement pour les cancers colorectaux chimio-résistants voire pour les tumeurs neuroendocrines (16).
Les patients cirrhotiques atteints de CHC sont sélectionnés pour être traités par SIRT aux stades intermédiaires ou avancés de la maladie, conformément aux recommandations de la Barcelona Clinic Liver Cancer (BCLC). Cette dernière représente actuellement une thérapie de seconde intention selon les dernières recommandations EASL de 2018 .
A un stade intermédiaire de la maladie, la SIRT concurrence la TACE, considérée comme le traitement de référence. D’efficacité similaire en terme de survie, elle apparaît supérieure en terme de temps jusqu’à progression et de tolérance (17,18). Par ailleurs, certaines études rétrospectives suggèrent que la technique apporte une meilleure probabilité de « downstaging » des tumeurs hors critères de transplantation (12). De même, à un stade plus avancé : BCLC C, des données rétrospectives suggèrent que la SIRT pourrait être supérieure au sorafenib chez les patients avec thrombose tumorale veineuse porte (TTVP) (19), tandis que les données prospectives démontrent une meilleure tolérance et un meilleur taux de réponse tumorale, sans différence en terme de survie (20,21). Accessoirement, son coût (11 710,5 €) reste deux fois moins élevé que 6 mois de sorafenib.
Bien évidemment, ces données et recommandations ne peuvent résumer à elles seules l’ensemble des paramètres pris en compte lors des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP).
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Table des matières
INTRODUCTION
LE CARCINOME HÉPATO-CELLULAIRE (FIGURE 1)
LA RADIOEMBOLISATION HEPATIQUE
Principe (tableau 1)
Indications (figures 2 – 3)
Contre-indications
Technique
Complications
Facteurs pronostiques de réponse et/ou de survie
Surveillance
OBJECTIF DE L’ETUDE
MATERIELS ET METHODES
POPULATION ETUDIEE
TRAITEMENT PAR SIRT
SUIVI
REPONSE ET FACTEURS PRONOSTIQUES
ANALYSE STATISTIQUE
RESULTATS
POPULATION ETUDIEE (FIGURE 4 ET TABLEAU 2)
TRAITEMENT PAR SIRT
REPONSE (FIGURES 5 – 6 ET TABLEAU 3)
FACTEURS PRONOSTIQUES (TABLEAU 4 ET FIGURE 7)
DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
REFERENCES