LE CARBURE DE SILICIUM
En tant que matériau utilisé largement dans l’industrie automobile, spatial et en tant que matériau abrasif, le carbure de silicium (SiC) est une céramique de choix pour ses excellentes propriétés mécaniques à haute température, sa résistance à l’oxydation, sa conductivité thermique élevée et sa résistance aux chocs thermiques, par exemple. Plusieurs méthodes de synthèse du SiC ont été développées depuis plus d’un siècle, les premières ayant été proposées par Cowless and Cowless en 1885 [1] puis en 1892 par Acheson [2]. La réalisation d’objets denses en SiC est depuis lors un sujet très étudié car la difficulté provient notamment des liaisons chimiques Si-C possédant une covalence élevée (87%). La densification des poudres de carbure de silicium pures nécessite des pressions élevées ou bien des températures d’au moins 2000°C [3]. L’utilisation d’additifs de frittage est rendue indispensable pour pouvoir densifier ce matériau à des températures plus basses et/ou pour tendre vers une porosité résiduelle nulle.
Le carbure de silicium cristallise principalement sous forme hexagonale, rhomboédrique ou cubique avec différents polytypes pour chaque réseau de Bravais associé. Le polymorphisme est la capacité d’un matériau à pouvoir cristalliser sous différentes structures cristallines. Le polytypisme est un cas particulier du polymorphisme, il se restreint aux possibilités de cristallisation dans une même structure, mais sur un empilement atomique variable (un module). Les polytypes se différencient par l’empilement de différents modules, par translation ou par rotation. Le module principal du carbure de silicium est formé par un atome de carbone en site tétraédrique entouré de quatre atomes de silicium. Ces tétraèdres sont arrangés de sorte que tous les atomes s’alignent parallèlement, formant un réseau hexagonal. L’alternance de l’orientation des couches de tétraèdres selon l’axe ?⃗ mène à différentes structures.
Les différents polytypes sont classés à l’aide des réseaux de Bravais :
❖ la lettre correspondant à la structure (C : Cubique, H : Hexagonale ; R : Rhomboédrique),
❖ et le nombre indiqué correspond au nombre de bicouches nécessaires pour décrire la structure.
PROCEDES DE SYNTHESE, MISE EN FORME ET APPLICATIONS DU SIC POLYCRISTALLIN DENSE
Plusieurs procédés de fabrication permettant l’obtention de SiC polycristallin dense existent actuellement.
Synthèse historique de poudre et frittage
Le procédé industriel Acheson est basé sur une méthode de réduction carbothermique (carboréduction) de poudre de silice (quartz) en présence de carbone, à haute température (2500°C), dans un four graphite, conformément à la réaction chimique (I-1). Ce type de synthèse conduit à de nombreux polytypes avec une pureté variable. Des impuretés comme l’oxygène, l’azote et l’aluminium provenant de la matière première (quartz) peuvent affecter certaines propriétés (par exemple mécaniques) d’objets en carbure de silicium élaboré à partir de poudres synthétisées par cette voie.
???₂(?) + 3?(?) → ???(?) + 2??(?) (I-1)
La mise en forme de poudres de SiC passe par des procédés liés à la métallurgie des poudres, c’est-à-dire un frittage permettant la densification de structures. Le carbure de silicium présente une liaison Si-C fortement covalente (caractère global à 87 % covalente et 13 % ionique) [6], ce qui limite les processus de diffusion et rend difficile l’obtention d’un matériau polycristallin dense, sans utilisation d’additifs de frittage. Les objets en SiC peuvent être mis en forme par voie humide (formulation d’une barbotine et coulage en moule poreux, par exemple) ou par voie sèche (mélange de poudres, pressage uniaxial et/ou isostatique à froid). Un usinage en cru, suivi d’une phase de frittage en voie solide ou liquide, permet d’obtenir des pièces ayant une densité relativement élevée (entre 96 % et 98,5 %).
Le frittage à pression atmosphérique (pressureless sintering), à l’aide d’un gaz neutre et avec l’addition de faibles quantités de carbone et de bore, permet de densifier des structures crues par frittage en phase solide. Pour une température de frittage de 2100°C et une concentration en carbone et en bore égale à 0,8 %pds et 0,36 %pds, respectivement, la densité relative maximale atteinte est de l’ordre de 96 % [7]. Ce procédé est applicable aux poudres fines de type α-SiC et β-SiC. De bonnes propriétés mécaniques sont généralement atteintes, avec, par exemple, une résistance à la flexion trois points comprise entre 400 et 550 MPa pour un SiC fritté naturellement en phase solide [8–10]. Dans le cas d’un SiC fritté en phase liquide, avec l’application d’une pression de gaz (GPS) les propriétés mécaniques peuvent être sensiblement améliorées avec une résistance à la flexion trois points pouvant atteindre 570 à 700 MPa [11,12]. Dans le cas où un usinage en cru n’est pas suffisamment performant pour obtenir des cotes précises, il est parfois nécessaire de procéder à un usinage post-frittage qui s’avère très coûteux, notamment en outillages, car le SiC fritté possède des propriétés mécaniques importantes .
La morphologie des grains de SiC frittés en phase liquide dépend du polytype . Le α-SiC fritté donne des grains de forme équiaxes. Le β-SiC (polytype cubique 3C) donne des grains de morphologie aciculaire. Ceci est expliqué par le fait que le polytype cubique change de structure cristalline, en évoluant vers la structure hexagonale à la température de frittage, qui se situe entre 2100 et 2200°C . De nombreux défauts d’empilements, sont créés ce qui conduit à une croissance préférentielle des grains selon certaines orientations cristallines.
A titre complémentaire, les travaux de Zhan et al. [19] se sont focalisés sur l’influence de la température d’un recuit, réalisé sous pression, sur la conversion du β-SiC en α-SiC. La poudre de départ est un mélange de β-SiC et d’additifs de frittage (7 %pds Al2O3, 2 %pds Y2O3, 1,8 %pds CaCO3). Une petite quantité de germes de la variété α-SiC (2,7 %pds) est également introduite dans la formulation. Le frittage est effectué à 1750 °C, pendant 40 min, sous une pression de 25 MPa de gaz d’argon (frittage sous pression de gaz, GPS). Des cycles de recuits, réalisés entre 1800 et 1950 °C avec ou sans application d’une pression de 25 MPa sont ensuite réalisés. Cela conduit à un changement de structure cristalline plus ou moins marqué vers la phase α-SiC suivant la température utilisée et l’adjonction éventuelle de pression.
Synthèse en phase vapeur
Le procédé de dépôt chimique en phase vapeur (Chemical Vapor Deposition, CVD) [20], permet à la fois de synthétiser et de mettre en forme une phase solide sur des particules ou une surface. Ce procédé permet de synthétiser du SiC avec différentes morphologies (films minces, poudres, filaments, etc…) à partir de précurseurs organiques du type silane [21] ou bien chlorosilane [22], avec ou sans l’aide de catalyseurs. Une température comprise entre 900 et 1100 °C et un gaz vecteur d’azote sont généralement utilisés. Cette technique est cependant limitée à des géométries de structures n’excédant pas le millimètre d’épaisseur. Parmi ses avantages, on trouve la possibilité d’obtenir un dépôt SiC de haute pureté. D’excellentes propriétés thermiques peuvent être atteintes pour ces dépôts, avec une conductivité thermique de 170 W/m.K et un coefficient de dilatation thermique de 4,6 10⁻⁶ K⁻¹ [23]. Cependant ce procédé reste limité à des applications de niche car il est coûteux .
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Table des matières
Introduction
Chapitre I – Bibliographie
I.1. Le carbure de silicium
I.2. Procédés de synthèse, mise en forme et applications du SiC polycristallin dense
I.2.i. Synthèse historique de poudre et frittage
I.2.ii. Synthèse en phase vapeur
I.2.iii. Synthèse sol-gel suivi d’une carboréduction
I.2.iv. Synthèse par Reaction Bonding
I.2.v. Applications
I.3. Polymères pré-céramiques
I.3.i. Les familles de polymères pré-céramiques
I.3.ii. Procédés de mise en forme des polymères pré-céramiques
I.3.iii. Réticulation des polymères pré-céramiques
I.3.iv. Conversion du polymère réticulé vers la céramique
I.3.v. Conclusions
I.4. Propriétés des polymères pré-céramiques et céramiques converties correspondantes
I.4.i. Rendement céramique
I.4.ii. Composition chimique
I.4.iii. Densité post-traitement thermique de conversion
I.4.iv. Propriétés mécaniques
I.4.v. Conductivité thermique
I.5. Ajout de charges métalliques ou céramiques
I.6. Fabrication additive du carbure de silicium par stéréolithographie (SLA/DLP)
I.6.i. Procédé de mise en forme des céramiques par DLP et traitements thermiques
I.6.ii. Formulations photosensibles à base de poudres pour SLA/DLP
I.6.iii. Formulation photosensible à base de polymères pré-céramiques
I.7. Conclusions
Chapitre II – Caractérisation de polymères pré-céramiques commerciaux conduisant à du SiC
II.1. Étude des propriétés des polymères pré-céramiques
II.1.i. Polymères pré-céramiques à l’état commercial
II.1.ii. Étude de la réticulation thermique
II.1.iii. Etude de la décomposition thermique des polymères pré-céramiques
II.2. Etude des céramiques issues de la pyrolyse
II.2.i. Analyse de la cristallinité par diffraction des rayons X en fonction de la température de pyrolyse
II.2.ii. Analyse chimique des céramiques converties et calcul des phases
II.2.iii. Analyse microstructurale des céramiques converties par microscopie électronique en transmission (MET)
II.3. Conclusions
Chapitre III – Développement de formulations photopolymérisables à base de polymères pré-céramiques et impression par DLP
III.1. Formulations photopolymérisables – objectifs et méthodes de caractérisation
III.1.i. Objectifs et développement de la formulation pour l’impression DLP
III.1.i. Approches pour le développement de formulations
III.2. Développement de formulations photopolymérisables
III.2.i. Constituants de la formulation
III.2.ii. Développement de formulations photosensibles pour atteindre une épaisseur de couche cible
III.2.iii. Etude de la variation de la teneur en photoamorceur dans la formulation contenant le BBOT
III.2.iv. Influences de la variation de la teneur en Silres H62C dans la formulation contenant le BBOT
III.2.v. Influences de l’ajout du photoabsorbeur BBOT ou du Sudan I
III.2.vi. Conclusions
III.3. Fabrication additive par DLP
III.3.i. Impression par DLP
III.3.ii.Impression avec la formulation à base de Silres H62C et de BBOT
III.3.iii. Impression avec la formulation à base de Silres H62C et de Sudan I
III.4. Conclusions
Chapitre IV – Conversion en céramique des monocouches imprimées
Conclusion