Le cannabis dans l’histoire

La plante : Cannabis Sativa

Le cannabis dans l’histoire

Le terme « cannabis » vient du latin cannabus, directement dérivé du grec kannabis. Le terme grec dérive lui-même de l’assyrien quanabu témoignant ainsi des liens millénaires entre l’homme et la plante. Le cannabis ou chanvre, est l’une des plantes les plus anciennement connues et cultivées par l’homme, tant pour son intérêt agricole que pour les propriétés médicinales et psychoactives de certaines de sa variété dite « indienne ». Son utilité l’a fait conserver par tous les peuples au travers des migrations à partir des régions centrales d’Asie, d’où son joli surnom évocateur de « suiveur d’hommes ». On le trouve aujourd’hui répandu dans presque toutes les régions du globe, sauf dans les régions constamment froides ou dans les forêts primaires humides.

Dans l’antiquité
Il est fort probable que dès 4000 avant J.C., les habitants de Thèbes connaissaient une potion sédative et antalgique à base de cannabis et il est établit que les chinois le connaissent depuis environ 6000 ans, mais ce n’est que vers l’an 1500 avant notre ère que l’on trouve pour la première fois mention dans les Védas(livres sacrés de l’hindouisme) des propriétés psychotropes du chanvre indien. (1) L’usage du cannabis était ainsi parfaitement connu d’Hérodote. Le célèbre « Népenthès » consommé par les compagnons d’Ulysse contenait probablement des extraits de cette plante. Les romains quant à eux en faisaient des galettes sédatives et l’utilisaient classiquement dans leur pharmacopée.

Du moyen âge au siècle des lumières
Au Moyen Age, l’histoire du cannabis est dominée Hasan Ibn al Sabbah Homairi, qui fonde dans l’actuel Iran la secte des « Haschichins », des mercenaires qui absorbaient un filtre à base d’herbes qui leurs permettait de surmonter les missions les plus périlleuses. L’usage du cannabis s’étendit tout naturellement de l’orient vers les pays du Maghreb puis, via l’Espagne, en Europe à partir probablement du XVIème siècle. Son existence est notamment soulignée par Rabelais : il s’agit du « Pantagruélion » de son Tiers Livre. En 1563, le portugais Da Orta le décrit avec une rigueur toute scientifique. A la même époque, Jean Wier laisse à supposer que le « heiranluc » turc donnant aux sorcières leur pouvoirs n’est autre que le cannabis.

C’est au XVIIème siècle probablement que le cannabis fut introduit par les européens en Amérique latine, puis, naturellement, en Amérique du nord. En 1712, un médecin de la Compagnie des Indes orientales, Kramper, observe une sorte de folie saisissant de jeunes prêtresses ayant consommé une mystérieuse potion que Moreau de Tours pense raisonnablement être composée à base de cannabis. La préparation indienne traditionnelle, la ganjah, fut rapportée alors en Angleterre par les fonctionnaires britanniques, mais ne rencontra pas le succès de l’opium.

Le XIXème siècle
Le XIXème siècle est la grande époque du cannabis en Occident. Napoléon Bonaparte, lors d’une expédition en Egypte, fut agressé au couteau par un musulman sous l’emprise de cannabis. Il publie alors le 8 octobre 1800 un décret visant à interdire l’usage du cannabis en Egypte, sous n’importe quelle forme que ce soit. (14) C’est cependant grâce à cette campagne que les médecins et les soldats se sont intéressés à la résine de cannabis, et la ramenèrent en France. A la suite de cela, Louis Aubert Roche, médecin chef de retour d’Egypte, publia un ouvrage intitulé « De la peste ou du typhus d’Orient » où il cite le cannabis comme remède contre diverses maladies contagieuses. Le docteur Moreau de Tours (1804-1884), «médecin des aliénés » à l’hospice de Bicêtre -on parlerait plutôt à l’heure actuelle de psychiatre- publie en 1845 un livre : « Du haschisch et de l’aliénation mentale, études psychologiques. » C’est à lui que l’on doit la plus importante contribution dans l’étude du cannabis thérapeutique en France. Il décrit de manière très précise les effets psychotropes du cannabis. En 1844 avec l’écrivain Théophile Gautier il crée le Club des Haschischins, actif jusqu’en 1849. Les séances mensuelles consistaient à étudier et expérimenter les drogues (principalement le haschich). Un médecin irlandais, William Brooke O’Shaughnessey, après un séjour de 9 ans en Inde, remet en 1841 à l’Académie des Sciences d’Angleterre un rapport mettant en avant les nombreuses applications médicales du chanvre. Il aurait même soigné les règles douloureuses de la reine Victoria avec du cannabis ! Le cannabis fait alors l’objet de bons nombres de publications scientifiques.

Outre-atlantique également, le chanvre jouit d’une franche considération (Herer 1993) : c’est d’ailleurs la plante la plus couramment cultivée après le coton dans les grandes plantations du sud… Des imitations du Club des Haschichins prolifèrent alors aux Etats-Unis, au point que la consommation de cannabis surpasse alors presque celle de l’alcool.

Mais à partir des années 1850 le cannabis est éclipsé par la découverte de la morphine et par l’invention de la seringue hypodermique qui permet l’injection des substances solubles dans l’eau. Malheureusement pour lui, le cannabis ne l’est pas et tombe dans l’oubli.

Le XXème siècle
En 1925, la Convention internationale de Genève réunit tous les pays s’engageant à se battre contre le trafic de drogue. Pour la première fois, un chapitre traite du « chanvre indien ». Aux Etats Unis la prohibition de l’alcool proclamée en 1919 est manifestement un échec. Les partisans de la prohibition se recyclent et s’attaquent alors aux drogues. Le Bureau Fédéral des Narcotiques présidé par Harry Anslinger présente le cannabis comme une drogue « éminemment dangereuse » dont la consommation expliquerait les actes de violences qui ont lieu dans le pays et l’irrespect des Noirs sur les Blancs. Après 7 ans de campagne empreinte de xénophobie il présente au congrès le Marijuana Tax Act et la loi passa en 1937 instaurant la taxation de tous les acteurs de la filière chanvre : importateurs, producteurs, industriels, utilisateurs, intermédiaires commerciaux, prescripteurs… Parallèlement, dans les années 1930, en Jamaïque, le mouvement rastafari voit le jour. Le culte rastafari est basé sur la consommation de cannabis. C’est un groupe spirituel qui prône le retour aux sources culturelles africaines. Les membres portent les cheveux longs et sont végétariens. L’utilisation de cannabis va être rapidement associée à la musique reggae et à ces chanteurs dont le plus connu reste Bob Marley. Ce culte prend une grande ampleur et concerne vers les années 1960 plus de 350 000 personnes. La Convention unique de 1961 généralise au niveau mondial les mesures prohibitionnistes américaines. Le chanvre est classé « stupéfiant sans  intérêt médical ». Le prétexte essentiel à cette prohibition était la « théorie de l’escalade » autrement dit l’utilisation du cannabis est « un premier pas vers l’usage de l’héroïne ». Cette théorie est à l’heure actuelle réfutée par la majorité des scientifiques. C’est à partir des années 1970 que la dépénalisation va être revendiquée aux Etats-Unis d’abord, puis en Europe. En France « l’Appel du 18 joints » marque le début du changement des mentalités. Ce texte publié par le quotidien Libération est en faveur de la dépénalisation du cannabis. Tous les signataires de l’appel déclarent « avoir déjà fumé du cannabis en diverses occasions et avoir, éventuellement, l’intention de récidiver ».

Un débat voit le jour, cependant, si de nombreux pays européens ont revu leur position quant à l’usage du cannabis, on ne note aucune évolution importante en France. En 1941, le cannabis est supprimé de la pharmacopée américaine. Il en sera de même en France en 1953. A la même époque le chanvre à fibre tombe dans l’oubli, détrôné par les fibres synthétiques. C’est la fin du cannabis.

Botanique de la plante

Le Cannabis Sativa a été décrite par LINEE en 1753. Il la rattacha à la classe des Dicotylédones, à l’ordre des Urticales, à la famille des Cannabinacées et au genre Cannabis

Cannabis sativa est une plante herbacée, annuelle, avec une taille variable selon son environnement. En effet, la hauteur de la plante varie entre 60 centimètres pour les plus petites et jusqu’à 4 mètres pour les plus grandes. Elle présente une tige dressée, raide, cannelée, éventuellement ramifiée, portant à son extrémité inférieure une racine ligneuse blanche et pivotante. Sur cette tige, deux types de feuilles sont fixés par un pétiole de quelques centimètres : sur la partie inférieure, les feuilles stipulées sont opposées, palmatiséquées avec 5 à 7 segments inégaux allongés et dentés. Vers le sommet de la tige, les feuilles deviennent alternes, simples ou à 3 segments. Ces plantes présentent des poils à cystolithiques et des poils tecteurs et sécréteurs de résine. (4) Les fleurs sont vertes, dioïque (il existe une variété mâle et femelle) ou rarement monoïque, en panicule rameuse.

Le périanthe mâle à cinq divisions égales, cinq étamines pendantes à filets courts et anthères terminales. Le périanthe femelle, monosépale, est enroulé autour de l’ovaire. Les fleurs possèdent un sépale et deux longs stigmates qui permettent de recueillir le pollen libéré par les pieds mâles. La pollinisation anémogame aboutit à la formation du fruit appelé akène. Ce fruit est subglobuleux et lisse qui contient une seule graine appelée chènevis. Cette plante herbacée est aisément reconnaissable à ses feuilles découpées en cinq à huit doigts, marquées de nervures vert foncé, disposées de façon alterne et opposée sur de hautes tiges droites et velues creuses à la section. Fait important, le cannabis -plante dioïque- dont les pieds femelles, aux tiges longues et épaisses, sont dotés d’une résine, le tétra-hydro-cannabinol.

Composition chimique 

Plusieurs centaines de composés différents ont été identifiés dans les plants de Cannabis. Parmi ceux-ci, on compte des huiles essentielles à composés terpéniques, des flavonoïdes, des sucres, des acides gras… (6) Les constituants les plus intéressants sont les cannabinoïdes. C’est la classe chimique spécifique de cette plante.

Les cannabinoïdes
Les cannabinoïdes sont des molécules terpéniques possédant une fonction phénol. Ce sont des corps liquides, instables, huileux, visqueux et insolubles dans l’eau, mais solubles dans l’alcool et les lipides. Plus d’une soixantaine ont été retrouvés dans le cannabis. Les principaux constituants sont :
• Le Δ-9-tetrahydrocannabinol ou THC découvert en 1964 grâce aux travaux de Mechoulam et Gaoni à Jérusalem
• Le cannabidiol ou CBD
• Le cannabinol ou CBN
Les teneurs en Δ-9-tetrahydrocannabinol, en cannabidiol et en cannabigérol dans la plante peuvent servir à différencier les chimiotypes de Cannabis sativa.

Le THC

Isolé en 1964 par Gaoni et Mechoulam, le Δ⁹-tétrahydrocannabinol est le principal composant psychotrope du cannabis. Sa concentration n’est pas la même dans toutes les parties de la plante. Elle est maximale dans les sommités fleuries des plantes mâles et femelles : les « têtes ». Plus on descend le long de la plante, plus la concentration en THC diminue. Ainsi, elle est pratiquement nulle dans la tige et les racines, ainsi que dans les graines. Aujourd’hui lorsqu’on parle de THC, on désigne le Δ-9-tetrahydrocannabinol et son isomère le Δ-8-tetrahydrocannabinol, presque aussi psychoactif. Ils deviennent facilement inactifs quand ils sont exposés à la lumière, à l’air ou à des changements de température. En effet, par oxydation ils se transforment en cannabinol qui est très peu psychoactif. L’absorption du THC dans l’organisme peut se faire par inhalation ou par ingestion. Inhalé le THC agit tout de suite et il est trois à quatre fois plus efficace qu’en cas d’absorption par voie orale.

En effet, pendant la digestion, une grande partie du THC peut être détruite ou transformée en composé non actif. De plus, par voie orale, par exemple par  ingestion de space cake, l’effet n’est ressenti qu’au bout de 30 à 60 minutes. Le THC est lipophile et s’accumule donc dans les tissus adipeux et reste présent dans l’organisme pendant des jours, voir des semaines et n’est éliminé que lentement (80% par les urines et 20% par les fèces). Etant lipophile : il passe donc la barrière hémato encéphalique et atteint le cerveau. Il franchit aussi la barrière hémato placentaire et atteint donc le fœtus chez la femme enceinte. Le THC subit une métabolisation au niveau hépatique. Les métabolites du THC sont détectables dans les urines pendant 3 à 5 jours pour une consommation ponctuelle. Dans le sang, le cannabis est détectable pendant 24h maximum.

Le CBD
Le CBD, principal cannabinoïde non psychoactif, a été isolé en 1940 par Adams et ses collaborateurs mais sa structure exacte a été déterminée par Mechoulam et Shvo en 1963. C’est le cannabinoïde qui a actuellement le plus d’indications thérapeutiques potentielles avec l’avantage de ne pas avoir les effets psychoactifs du THC. Concernant son métabolisme, il est quasi identique à celui du THC.

Le CBN
Le THC et le CBD sont présents dans la plante fraîche contrairement au CBN. En effet, le CBN n’est pas un cannabinoïde naturel mais un produit de dégradation du THC, formé par oxydation. Il est légèrement psycho actif (environ 10 fois moins puissant que le THC) et aurait des propriétés sédatives.

Autres constituants

Outre les cannabinoïdes, le chanvre contient des glucides, des protéines, des lipides, des minéraux, de la cellulose et des oligo-éléments. L’odeur de la plante est due à la présence d’huile essentielle riche en terpènes divers dont un particulièrement intéressant : le caryophyllène époxyde, qui a retenu l’attention des dresseurs de chiens. En effet les chiens peuvent être dressés pour déceler le chanvre via la reconnaissance olfactive de ce composé, et sont d’ailleurs utilisés par la police. Un chien dressé est capable de détecter 1μg de caryophyllène époxyde. (7) Dans le cannabis, on compte également 21 types de flavonoïdes différents. Ils protègent entre autres les plantes contre les effets néfastes des rayons ultraviolets, ou agissent en tant que colorants végétaux. Dans l’organisme humain, certains types de flavonoïdes présents dans le cannabis possèdent un effet anti-inflammatoire, comme l’apigénine et le cannaflavine A. D’autres, comme le quercétine, sont des substances fortement antioxydantes, qui, par conséquent, protègent les cellules des effets destructeurs des radicaux libres.

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Table des matières

I. Introduction
II. La plante : Cannabis sativa
a. Le cannabis dans l’histoire
b.Botanique de la plante
c. Composition chimique
d.Pharmacologie
III. Mésusage & Législation
a.Epidémiologie
b. Usage récréatif : mésusage et toxicité
c. Législation actuelle en France
d. Législation actuelle dans le reste du monde
IV. Usages & perspectives thérapeutiques
a. Médicaments à base de Cannabis disponible sur le marché en France et
à l’étranger
b. Perspectives thérapeutiques
V. Conclusion

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