Un français sur trois développe un cancer au cours de son existence. Selon l’Institut National de Veille Sanitaire, 319380 nouveaux cas de cancers et 145762 décès ont été enregistrés en France en 2005 [13]. Les principaux moyens de lutte contre cette maladie sont : la chirurgie, la radiothérapie le plus souvent externe mais également interne (curiethérapie), la chimiothérapie et dans la majorité des cas une combinaison de ces trois techniques. D’après l’ancienne Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé remplacée aujourd’hui par la Haute Autorité de Santé, environ 60 % des patients bénéficient, à un moment de leur maladie cancéreuse, d’un traitement par irradiation et environ 50 % au moment de la phase initiale de leur cancer. Pour de nombreuses tumeurs la radiothérapie possède un pouvoir curatif important. Sur 100 cancers guéris, 40 le sont grâce à la radiothérapie utilisée seule ou associée à d’autres thérapeutiques qui permettent d’éviter l’ablation d’un œil, d’un larynx, d’un sein, d’un rectum ou d’un membre [14].
La radiothérapie externe est une méthode de traitement anticancéreuse utilisant des radiations ionisantes issues d’une source placée à l’extérieur du patient. En fonction de la tumeur à traiter, de sa localisation, de sa taille, de son extension, de son stade, de l’état général du patient et des symptômes associés, elle peut être curative, palliative ou symptomatique. La radiothérapie curative est l’indication la plus fréquente. Son objectif principal est de stériliser la tumeur, tout en préservant les organes sains voisins afin de limiter les complications secondaires. Le processus de mise en œuvre des traitements comporte plusieurs étapes dont l’acquisition des données anatomiques du patient, la détermination des cibles à traiter et des organes à éviter, la définition des faisceaux de traitement, le calcul prévisionnel de la distribution de dose, l’évaluation et la mise en application du plan de traitement. L’étape de calcul prévisionnel de la distribution de dose à l’aide d’un système de planification des traitements ou TPS est une étape cruciale de la préparation du traitement.
Au début des années 1970, le principal objectif des développeurs de TPS était de trouver des méthodes de modélisation dosimétrique offrant des calculs de dose d’une précision tout juste acceptable limitant les possibilités d’utilisation des machines de traitement dans le domaine de validité des algorithmes déployés sur les TPS avec des temps de calculs raisonnables. Ainsi, les TPS étaient capables de reproduire des distributions de dose bidimensionnelles pour des situations géométriques simples. A cette époque, ils n’acceptaient que des contours manuels comme données anatomiques et les algorithmes de calcul de dose implémentés utilisaient des modèles globaux en mesure de reproduire de manière assez précise des distributions de dose bidimensionnelles pour des champs carrés et pour des situations géométriques simples. Les calculs de dose pour des situations complexes (présence d’hétérogénéités, irrégularités de surface, introduction des modificateurs de faisceaux…) étaient, quant à eux, très imprécis voire impossibles à réaliser.
Les années 1980 à 1990 apportent une évolution dans les techniques de traitements par radiothérapie externe, grâce (i) aux développements rapides et à la diffusion de l’imagerie médicale (TDM, TEMP,TEP, IRM…) utilisée pour préparer les traitements, (ii) à l’amélioration des accélérateurs linéaires qui incorporent des collimateurs multilames (MLC) simplifiant la mise en forme des faisceaux, (iii) à la mise en service de logiciels d’échanges et de vérification d’information « R&V » (Record and Verify), (iv) à des moyens informatiques plus puissants mis à profit notamment dans les TPS. Cet ensemble d’améliorations ouvre de nouvelles voies pour des traitements plus efficaces, par exemple le recours à des techniques de traitement conformationnelles, limitant au maximum la dose aux tissus sains et maximisant l’irradiation du tissu tumoral. Désormais, le nouveau TPS utilise des méthodes de calcul dites de « superposition » ou de « convolution » des « Pencil Beam Kernel » [15] qui permettent des calculs d’une précision acceptable pour des balistiques complexes. Il est capable d’intégrer les données anatomiques du patient obtenues d’images tomodensitométriques, mais également d’autres modalités d’imagerie qu’il recale sur le TDM de référence. Il peut délimiter avec des outils efficaces les volumes à traiter et les organes à risques. Il permet également un affichage en 3 dimensions du plan de traitement, des données anatomiques contourées et des distributions de dose. Les caractéristiques physiques (type, énergie) et géométriques (angle d’incidence, dimensions, formes) des faisceaux d’irradiation, et l’utilisation de modificateurs de faisceaux (caches, compensateurs) sont déterminés pendant la planification.
Les années 1990 à 2000, ont vu l’amélioration des TPS en terme de précision des algorithmes de calcul de dose et/ou de vitesse d’exécution de ceux-ci. Dès le début des années 90 la radiothérapie conformationnelle commence à être réalisée avec des faisceaux dont l’intensité est modulée pendant la délivrance. Ces nouvelles techniques permettent d’irradier des volumes concaves et donc améliorent la conformation de l’irradiation à la cible. La radiothérapie avec modulation d’intensité (ou RCMI) révolutionne la planification des traitements. Désormais le TPS prend en compte des objectifs cliniques (dose aux volumes cibles et aux organes à risque ou OAR) et les répercute automatiquement en terme de modulation de l’intensité de chaque faisceau grâce à des techniques, plus ou moins sophistiquées, d’optimisation. On parle alors de planification inverse.Des années 2000 à nos jours les machines de traitement en radiothérapie ont été équipées de systèmes d’imagerie embarqués pour repositionner le patient avant le traitement, contrôler sa position pendant le traitement et enfin mesurer la fluence de rayonnement en sortie du patientde manière à reconstruire la dose délivrée pendant la séance. Le défi de ces techniques de radiothérapie guidée par l’imagerie (ou IGRT) au niveau du TPS a été d’une part d’offrir des outils d’aide au contourage et de propagation de contours en fonction des mouvements prédictifs ou observés des organes pendant le traitement ou entre les séances d’irradiation et d’autre part, de reconstruire la dose délivrée pendant chaque séance à partir d’une fluence de sortie du patient (dosimétrie de transit), ces travaux complexes sont actuellement toujours en développement. Aujourd’hui la RCMI évolue vers l’arcthérapie dynamique, dans laquelle la vitesse de rotation du bras de l’accélérateur, la position des lames et le débit de dose varient en continu durant l’irradiation. Les nouveaux traitements offrent une meilleure protection des OAR et permet de réduire la durée des séances de traitement.
La précision en radiothérapie
L’effet biologique des radiations ionisantes sur la tumeur et sur le tissu sain peut être modélisé par une relation dose-réponse non linéaire. Les courbes cliniques (dose-réponse) sont très raides, avec une variation de 5 % dans la dose délivrée, le résultat est un changement de 10 à 30 % dans la réponse cellulaire [16]. Selon le rapport IPEM [17], une différence d’environ 10 % dans la dose absorbée est détectable dans le contrôle local de la tumeur, un écart de 7 % au niveau de la dose absorbée peut induire des réactions au niveau des tissus sains. Brahme et al. [18] ont conclu à partir d’une série de courbes dose-réponse qu’un contrôle local avec un niveau de tolérance de 5 % nécessite une dose moyenne associée à un écart type inférieure ou égale à 3 % (1ζ). Ceci est en accord avec une recommandation donnée par Mijnheer et al. [19] basée sur l’examen de la pente des courbes dose-réponse. Selon la recommandation de [20], l’erreur maximale sur la dose délivrée doit rester inférieure à 5 % (1ζ). Enfin le rapport de l’ICRU-42 [21] indique que la connaissance de la dose en un point donné est l’aboutissement de trois étapes :
1. la détermination de la dose absorbée au point de référence dans les conditions de référence,
2. le calcul de la dose, par le TPS, en un point du patient relative à la dose au point de référence,
3. la mise en place du patient.
L’incertitude sur la dose délivrée est la combinaison des incertitudes inhérentes à chacune des étapes citées ci-dessus. Par conséquent, il est couramment et cliniquement admis 2,5 % d’incertitude sur le réglage du faisceau (symétrie, homogénéité, pénombre…), 3 % sur le calcul de la dose relative par le TPS et enfin 3 à 4 % d’incertitude lors de la délivrance du traitement (positionnement du patient, moyens de contentions, centrage, mouvements internes et externes, amaigrissement…) [19, 20, 22]. Des erreurs dans ces différents processus peuvent conduire à des changements majeurs dans les résultats espérés : une dose délivrée supérieure à la dose prescrite induira des complications au niveau des organes sains voisins et à l’inverse, une dose délivrée plus faible que celle prévue réduira les chances de contrôle local. Il faut donc mettre en place un programme d’assurance de qualité qui assure que chaque patient reçoive la dose prescrite au niveau des volumes à traiter et prédite au niveau des tissus sains avec une incertitude globale maximale de 5 % qui correspond à une incertitude maximale de 3 % sur le TPS.
Assurance qualité du processus de planification des traitements en radiothérapie
La planification des traitements en radiothérapie externe est définie comme étant l’ensemble de procédures mises en œuvre pour déterminer le nombre, l’orientation, le type et les caractéristiques dosimétriques des faisceaux d’irradiation utilisés pour délivrer la dose de rayonnement ionisant prescrite à un patient en fonction du type, de la taille et du stade de la tumeur .
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Contexte et Objet de l’étude
I. Contexte général : le cancer, la radiothérapie et la planification des traitements en radiothérapie
II. La précision en radiothérapie
III. Assurance qualité du processus de planification des traitements en radiothérapie
III.1. Le Système de Planification des Traitements ou « TPS »
III.2. L’Assurance Qualité d’un TPS
III.2.1 Les tests de réception du TPS ou « acceptance testing »
III.2.2 La mise en service du TPS ou « commissioning »
III.2.3 Les contrôles périodiques du TPS
IV. Etat de l’art sur les méthodes de CQ dosimétrique des TPS
IV.1. CQ dosimétrique utilisant des données de référence mesurées
IV.1.1 Données de référence mesurées localement
IV.1.1.1 Le rapport N° 62 de l’AAPM (1998)
IV.1.1.2 La recommandation N° 7 de la SSRMP (1999)
IV.1.1.3 Le TRS-430 de l’IAEA (2004)
IV.1.1.4 Le booklet N° 7 de l’ESTRO (2004)
IV.1.1.5 Le TECDOC-1583 de l’IAEA (2008)
IV.1.2 Données de référence mesurées génériques
IV.1.2.1 Le rapport N° 55 du TG-23 de l’AAPM (1995)
IV.1.2.2 Le rapport N° 15 de la NCS (2006)
IV.1.2.3 Le TECDOC-1540 de l’IAEA (2007)
IV.1.3 Données de référence mesurées génériques mais adaptables localement
IV.2. CQ dosimétrique utilisant des données de référence simulées numériquement
IV.3. Synthèse sur l’état de l’art des CQ dosimétriques des TPS
V. Nature et objet de l’étude
Chapitre 2 : Le code Monte-Carlo PENELOPE et son adaptation pour notre étude
I. Introduction
II. Les méthodes de Monte-Carlo
II.1. Présentation générale
II.2. Estimation des incertitudes
II.2.1 Incertitudes statistiques de type A
II.2.1 Incertitudes non statistiques de type B
II.3. Réduction du temps de calcul ou de la variance
II.3.1 Efficacité d’une simulation Monte-Carlo
II.3.2 Réduction du temps de calcul
II.3.2.1 Espace des phases
II.3.2.2 Utilisation de la symétrie de la géométrie modélisée
II.3.3 Techniques de réduction de variance
II.3.3.1 « Range rejection »
II.3.3.2 Roulette Russe et « splitting »
II.3.3.3 Interaction Forcée
II.3.3.4 Utilisation de la symétrie de probabilité et de la géométrie modélisée
III. Le code PENELOPE (version 2003)
III.1. Présentation générale
III.1.1 Simulation des photons
III.1.2 Simulation des électrons et des positons
III.2. Différents programmes de simulation
III.3. Les paramètres de la simulation utilisés dans notre travail
III.4. Le choix de PENELOPE pour notre étude
IV. Modifications apportées aux programmes
IV.1. Fichier d’espace des phases
IV.2. Parallélisation du code MC PENELOPE
IV.2.1 Introduction à la parallélisation
IV.2.2 Parallélisation des différents programmes
IV.2.3 Temps de calcul et de restitution
IV.2.4 Performance et validité de notre parallélisation
IV.2.4.1 Optimisation des différents programmes
IV.2.4.2 Comparaison avec des simulations séquentielles
IV.2.5 La génération de nombres pseudo-aléatoires
IV.3. Conversion de la dose absorbée
V. Conclusion
Chapitre 3 : Modélisation des faisceaux de photons issus de l’accélérateur Varian 2100 CD
I. Introduction
II. Principe de fonctionnement d’un accélérateur linéaire utilisé en mode photons
III. La géométrie dans PENELOPE
III.1. Les surfaces quadratiques
III.2. Les « bodies » et les modules
IV. Modélisation de la tête de l’accélérateur Varian 2100CD
IV.1. La géométrie
IV.1.1 Eléments indépendants de l’énergie nominale et de la forme du faisceau
IV.1.1.1 Le collimateur primaire
IV.1.1.2 La fenêtre de sortie
IV.1.1.3 Les chambres “ moniteur “
IV.1.1.4 Le miroir
IV.1.1.5 Le réticule
IV.1.1.6 Les filtres en coin
IV.1.2 Eléments dépendants de l’énergie nominale
IV.1.2.1 La cible et le porte cible
IV.1.2.2 Le cône égalisateur
IV.1.3 Le système de collimation
IV.1.3.1 Collimateur à mâchoires
IV.1.3.2 Collimateur mutilames
IV.1.4 L’ensemble de la tête 2100 CD sans MLC
IV.2. Les matériaux de la tête 2100 CD
V. Modélisation du fantôme d’eau utilisé pour l’ajustement des caractéristiques des électrons initiaux
VI. Conclusion
Chapitre 4 : Ajustement des paramètres caractérisant les électrons initiaux permettant de produire des photons dans l’accélérateur Varian 2100CD
I. Introduction
II. Les paramètres caractérisant les électrons initiaux
II.1. Choix du modèle physique
II.2. Influence des différents paramètres caractérisant le modèle physique choisi
III. Les fonctions de coût utilisables pour comparer deux distributions de dose
III.1. Fonctions de coût combinant des écarts de dose et de distance
III.1.1 Index Gamma
III.1.1.1 Principe
III.1.1.2 Influence du pas d’échantillonnage sur le calcul de l’index Gamma
III.1.2 Index Chi
III.1.2.1 Principe
III.1.2.2 Influence du pas d’échantillonnage sur le calcul de l’index Chi
III.1.3 Index Delta
III.1.3.1 Principe
III.1.3.2 Influence du pas d’échantillonnage sur le calcul de l’index Delta
III.2. Fonction de coût basée sur des écarts relatifs de dose
III.3. Synthèse
IV. Ajustement des paramètres caractérisant les électrons initiaux
IV.1. Méthodes manuelles traditionnelles
IV.2. Méthodes automatiques développées dans ce travail
IV.2.1 Minimisation des écarts quadratiques
IV.2.2 Maximisation des taux de réussite
IV.2.3 Exemple de mise en œuvre
V. Résultats concernant l’ajustement automatique des paramètres des électrons initiaux
V.1. Distributions de dose
V.2. Spectres énergétiques
V.3. Simulations complémentaires de vérification
VI. Conclusion
Chapitre 5 : Validation des simulations Monte-Carlo objets de l’étude
Conclusion