Le cancer du poumonย
Les poumons
Les poumons constituent lโorgane principal du systรจme respiratoire et ont comme fonction les รฉchanges gazeux entre le sang et lโair. Ils sont composรฉs dโun ensemble de bronches et bronchioles, qui aboutissent dans des petites cavitรฉs appelรฉes alvรฉoles (Figure 1). Ils sont situรฉs ร lโintรฉrieur de la cage thoracique, posรฉs sur le diaphragme. Ces organes sont recouverts dโune membrane appelรฉe plรจvre et sont composรฉs du poumon droit et du poumon gauche. Le poumon droit est divisรฉ en trois lobes alors que le poumon gauche est divisรฉ en deux lobes (Figure 1) (National Cancer Institute, 2014).
Epidรฉmiologie et รฉtiologie du cancer pulmonaire
En 2012, le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon dans le monde a รฉtรฉ estimรฉ ร 1,8 million, ce qui reprรฉsente 12,9% du nombre total de patients atteints de cancer du poumon. Ce cancer est la cause dโenviron 1,59 million de morts par an, ce qui en fait la premiรจre cause de dรฉcรจs par cancer au niveau mondial (GLOBOCAN IARC, 2012). La principale รฉtiologie de ce cancer est le tabac. Les composants nocifs de la fumรฉe de cigarettes induisent des lรฉsions au niveau cellulaire (Figure 2). Il existe ainsi une forte relation entre le risque de dรฉvelopper la maladie, la durรฉe dโexposition ร la fumรฉe de cigarettes et la quantitรฉ de cigarettes fumรฉes (National Cancer Institute, 2014). Lโexposition ร la pollution de lโair est aussi une des causes de ce type de cancer (Figure 2) et est responsable en Europe de 11% des cancers du poumon. En effet, la pollution augmente le risque de dรฉvelopper un cancer chez les fumeurs, ainsi que chez les personnes qui sont exposรฉes ร des substances telles que lโamiante et le nickel, notamment sur leurs lieux de travail (Molina et al., 2008). En plus de ces facteurs externes, des mutations dans certains gรจnes sont impliquรฉes dans le dรฉveloppement de cancers du poumon. Par exemple, la prรฉsence dโune mutation T790M dans la protรฉine Epithelial Growth Factor Receptor (EGFR) a รฉtรฉ observรฉe dans les familles oรน le cancer du poumon est frรฉquent (Gazdar et al., 2014). Plusieurs altรฉrations gรฉnรฉtiques pouvant conduire ร une tumeur pulmonaire ont รฉtรฉ dรฉcrites et divers oncogรจnes et gรจnes suppresseurs de tumeurs ont pu รชtre caractรฉrisรฉs :
– lโactivation du proto-oncogรจne KRAS par mutation ponctuelle est observรฉe dans 15 ร 27% des adรฉnocarcinomes bronchiques.
– les oncogรจnes de la famille MYC sont surexprimรฉs dans les cancers pulmonaires.
– les gรจnes suppresseurs de tumeurs TP53 et RB sont mutรฉs ou inactivรฉs dans les cancers bronchiques.
Classification des cancers du poumon
Les cancers du poumon sont classรฉs selon la morphologie des cellules qui composent la tumeur. Ils sont regroupรฉs en deux grandes catรฉgories : les Cancers du Poumon ร Petites Cellules (CPPC) et les Cancers du Poumon Non ร Petites Cellules (CPNPC). Alors que 13% des cancers du poumon sont des CPPC, les CPNPC reprรฉsentent environ 87% de ces cancers. Les CPNPC sont des cancers ร dissรฉmination plus lente que les CPPC et peuvent รชtre diffรฉrenciรฉs au niveau histologique en carcinomes รฉpidermoรฏdes, adรฉnocarcinomes et carcinomes ร grandes cellules (National Cancer Institute, 2014).
Afin dโรฉtablir le pronostic et dโadapter les protocoles thรฉrapeutiques, une classification TNM selon lโenvahissement aux ganglions (N), la taille de la tumeur (T), ainsi que la formation de mรฉtastases (M) (Tableau 1) a รฉtรฉ รฉtablie (National Cancer Institute, 2014, Goldstraw et al., 2007; Molina et al., 2008).
Traitements du cancer du poumon
Pour prรฉciser le diagnostic du cancer du poumon, il faut dรฉterminer lโextension de la tumeur, ainsi que vรฉrifier la fonctionnalitรฉ des poumons. Ceci va permettre de savoir quel traitement sera le plus adaptรฉ au patient. Selon la classification TNM, le patient va recevoir un traitement diffรฉrent. Aprรจs avoir รฉtabli un diagnostic grรขce au bilan des tests rรฉalisรฉs, les patients vont suivre un ou plusieurs types de traitements, tels que la chirurgie, la radiothรฉrapie, la chimiothรฉrapie et/ou une immunothรฉrapie ciblรฉe.
Chirurgie
Lorsquโelle est possible, la chirurgie est la solution la plus adaptรฉe dans le CPNPC. Pour cela, la rรฉsection de la tumeur doit รชtre possible et le patient doit รชtre dans les conditions adรฉquates pour supporter une intervention chirurgicale. Pour les tumeurs T0 et T1, cโest-ร dire ayant une taille infรฉrieure ร 3 centimรจtres, la chirurgie est lโindication majeure et consiste en une ablation dโune partie du poumon (lobectomie) ou de tout le poumon (pneumectomie). Lorsque les tumeurs ont une taille correspondant ร un stade T2 avec des mรฉtastases au niveau des ganglions lymphatiques, la chirurgie sera effectuรฉe aprรจs un traitement par chimiothรฉrapie, traitement utilisรฉ pour rรฉduire la taille de la tumeur et aider ร son prรฉlรจvement. Dรจs que la tumeur est ร un stade III ou IV, la chirurgie nโest plus possible car cโest un traitement trop lourd pour le patient (National Cancer Institute, 2014 ; La ligue contre le Cancer, 2009).
Radiothรฉrapie
La radiothรฉrapie, ou thรฉrapie par radiation, est une technique qui utilise des rayons ร haute รฉnergie pour dรฉtruire les cellules cancรฉreuses. Ce type de traitement agit seulement sur les cellules qui se trouvent dans la zone dโexposition aux rayons (National Cancer Institute, 2014; La ligue contre le Cancer, 2009).
Chimiothรฉrapie
La chimiothรฉrapie consiste en lโutilisation de produits pharmacologiques pour dรฉtruire les cellules malignes du cancer et est un รฉlรฉment essentiel dans le traitement du CPNPC. Cependant, ces produits, administrรฉs par voie intraveineuse, vont circuler dans le sang et affecter dโautres cellules du patient. Dans ce type de traitement, une combinaison de deux types de drogues est utilisรฉe : les sels de platine (cisplatine ou carboplatine) et les chimiothรฉrapies de troisiรจme gรฉnรฉration, telles que le taxotรจre, la navelbine ou la gemcitabine (Molina et al 2008, National Cancer Institute, 2014). Le cisplatine et le carboplatine sont des agents anticancรฉreux alkylants. Ces agents font des liaisons interbrins covalentes au niveau de lโADN, lesquelles vont empรชcher la rรฉplication de lโADN et la transcription de lโADN en ARN. En 1970, le cisplatine (dichloro-diamino-cisplatinium II) รฉtait dรฉjร utilisรฉ comme traitement des cancers gรฉnito-urinaires. Le cisplatine est un complexe qui se fixe sรฉlectivement sur les bases puriques de l’ADN (A ou G) et induit une variation de la conformation locale du double brin d’ADN. Cette interaction va รชtre stable grรขce ร une liaison hydrogรจne. Ce mรฉcanisme dโaction de cette drogue va aboutir au dรฉroulement et au raccourcissement de lโhรฉlice dโADN. Le carboplatine est un analogue du cisplatine ayant le mรชme mรฉcanisme dโaction (Figure 3) (Clive P Page, 1999).
Thรฉrapies ciblรฉes
La surexpression de certains gรจnes, ainsi que des variations dans leurs sรฉquences jouent un rรดle important dans la modification de voies de signalisations et de rรฉgulations cellulaires. Cela peut donc induire des altรฉrations de lโangiogenรจse, de lโapoptose et de la prolifรฉration cellulaire lorsque, par exemple, les rรฉcepteurs ร activitรฉ tyrosine kinase sont affectรฉs. Par exemple, la surexpression du rรฉcepteur au facteur de croissance รฉpidermique (EGFR) est observรฉe chez les patients atteints de CPNPC, et est liรฉe ร un mauvais pronostic. Des petites molรฉcules ou des anticorps monoclonaux ont รฉtรฉ dรฉveloppรฉs pour inhiber lโaction de ce rรฉcepteur, tels que le gรฉfitinib et lโerlotinib. Ces inhibiteurs de tyrosine kinase vont sโinsรฉrer sur le site rรฉservรฉ ร la fixation de lโATP sur les rรฉcepteurs ร lโEGF (Endothelial Growth Factor). Ainsi, ils vont bloquer lโactivation du rรฉcepteur et empรชcher la transduction de ce signal, ce qui va agir sur la prolifรฉration cellulaire (Molina et al., 2008; Okon et al., 2015). Malgrรฉ les effets anti-tumoraux de ces molรฉcules, le dรฉveloppement dโune rรฉsistance ร ces inhibiteurs a รฉtรฉ observรฉ. Cette rรฉsistance peut รชtre due ร des mutations gรฉnรฉtiques, ainsi quโร des dรฉrรฉgulations des processus cellulaires comme des altรฉrations mรฉtaboliques. En 2015, lโรฉquipe dโOkon a montrรฉ que le traitement chronique par le gรฉfitinib induisait une augmentation des espรจces rรฉactives de lโoxygรจne (ROS) et une dysfonction mitochondriale dans le cancer du poumon, ainsi quโune rรฉsistance ร cette molรฉcule (Okon et al., 2015).
Le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) est un facteur de croissance qui va se lier ร son rรฉcepteur, le VEGFR. Cette liaison sur les cellules endothรฉliales va promouvoir lโangiogenรจse et la permรฉabilitรฉ vasculaire et va ainsi favoriser la croissance tumorale. Le Bevacuzimab est un anticorps monoclonal anti-VEGFR, il inhibe ainsi la croissance anormale des vaisseaux sanguins (Liu et al., 2015). Les protรฉines impliquรฉes dans les points de contrรดle immunitaire (ยซimmune checkpointsยป) comme le PD-1 (ยซProgrammed Cell Death 1ยป) et CTLA-4 (ยซ Cytotoxic T-lymphocyte Antigen – 4 ยป) sont des molรฉcules impliquรฉes dans la suppression dโune immunitรฉ anti-tumorale. Ainsi, ils vont confรฉrer une capacitรฉ immunosuppressive au microenvironnement tumoral. Lโinhibition de ces molรฉcules par des anticorps, tels que lโipilimumab qui est un anticorps anti-CLTA-4 ou le nivolumab et le pembrolizumab qui sont des anticorps dirigรฉs contre PD-1, a montrรฉ un effet anti-tumoral supรฉrieur aux traitements conventionnels (Adachi and Tamada, 2015).
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Table des matiรจres
1. INTRODUCTION
1.1. Le cancer du poumon
1.1.1. Les poumons
1.1.2. Epidรฉmiologie et รฉtiologie du cancer pulmonaire
1.1.3. Classification des cancers du poumon
1.1.4. Traitements du cancer du poumon
1.1.4.1. Chirurgie
1.1.4.2. Radiothรฉrapie
1.1.4.3. Chimiothรฉrapie
1.1.4.4. Thรฉrapies ciblรฉes
1.2. Le microenvironnement tumoral
1.2.1. La cellule cancรฉreuse
1.2.1.1. Maintien des signaux de prolifรฉration
1.2.1.2. Echappement aux suppresseurs de la croissance
1.2.1.3. Rรฉsistance ร la mort cellulaire
1.2.1.4. Immortalitรฉ rรฉplicative
1.2.1.5. Induction de lโangiogenรจse
1.2.1.6. Echappement au systรจme immunitaire
1.2.1.7. Reprogrammation du mรฉtabolisme รฉnergรฉtique
1.2.1.8. Mutations et instabilitรฉ gรฉnรฉtique
1.2.1.9. Inflammation pro-tumorale
1.2.1.10. Invasion et mรฉtastases
1.2.2. Systรจme immunitaire et cancer
1.2.2.1. Elimination
1.2.2.2. Equilibre
1.2.2.3. Echappement
1.2.4. Rรฉcepteurs Toll-like (TLRs) et cancer
1.2.4.1. Rรฉcepteurs Toll-like
1.2.4.2. TLRs et cancer
1.3. Le dรฉveloppement des mรฉtastases
1.3.1. La formation des mรฉtastases
1.3.2. Le systรจme immunitaire et les mรฉtastases
1.3.3. Rรดle des TLRs dans le dรฉveloppement des mรฉtastases
2. OBJECTIFS
2.1. Lโรฉtude du rรดle de TLR7 dans la progression tumorale et des effets thรฉrapeutiques de lโantagoniste IRS661
2.2. Dรฉterminer si la stimulation de TLR7 sur les cellules tumorales a un pro-mรฉtastatique
3. MATERIEL ET METHODES
3.1. Lignรฉes cellulaires
3.1.1. Transfection des cellules LLC
3.2. Animaux utilisรฉs
3.3. Rรฉactifs : agonistes et antagonistes de TLR7, et chimiothรฉrapie
3.4. Etude de la progression tumorale et du rรดle thรฉrapeutique
3.4.1. Effets dโagoniste de TLR7 sur la progression tumorale chez les souris C57BL/6 et TLR7 KO
3.4.2. Effets de lโantagoniste de TLR7 IRS661 sur la progression tumorale chez les C57BL/6 et NOD/SCID
3.5. Etude de lโapparition des mรฉtastases par imagerie in vivo
3.6. Dรฉtection des mรฉtastases pulmonaires par coloration
3.7. Effet de la dรฉplรฉtion des MDSC sur la formation des mรฉtastases
3.8. Etude de lโexpression du gรจne CCR4 par RT-PCR quantitative en temps rรฉel
3.9. Marquage par immunohistochimie dโE-cadhรฉrine
3.10. Analyses statistiques
4. RESULTATS
4.1. Effet pro-tumoral de la stimulation de TLR7
4.1.1. Rรดle de TLR7 exprimรฉ par les cellules tumorales et les cellules immunitaires de lโhรดte
4.1.2. Etude de lโeffet anti-tumoral dโun antagoniste de TLR7
4.1.2.1. Effet prophylactique de lโIRS661
4.1.2.2. Effet thรฉrapeutique de lโIRS661
4.2. Impact de TLR7 dans la survenue des mรฉtastases
4.2.1. Dรฉtection in vivo des mรฉtastases
4.2.1.1. Effet pro-mรฉtastatique de TLR7 dans un modรจle de souris NOD/SCID
4.2.1.2. Implication de TLR7 de lโhรดte dans le dรฉveloppement de mรฉtastases
4.2.1.3. Implication des MDSC dans la formation des mรฉtastases
4.2.2. Mรฉcanismes impliquรฉs dans le dรฉveloppement des mรฉtastases
4.2.2.1. Etude par immunohistochimie de lโexpression de lโE-cadhรฉrine
4.2.2.2. Etude du rรดle des rรฉcepteurs aux chimiokines
5. CONCLUSION