Le cancer du poumon
Le cancer du poumon est aujourd’hui la première cause de décès par cancer en France et dans le monde (Didkowska et al., 2016). Le « Francim » estime à 46 363 le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon en France métropolitaine en 2018, dont 67% chez l’homme. Le cancer du poumon est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme parmi les tumeurs solides et le troisième chez la femme. Les taux d’incidence standardisés dans le Monde (TSM) sont de 50,5 cas pour 100 000 personnes-années chez l’homme et de 23,2 pour 100 000 personnes-années chez la femme. Avec 1,8 million décès dans le monde (dont 33 117 en France) estimé en 2018, le cancer du poumon est au premier rang de décès chez l’homme et au second rang chez la femme. Les taux de mortalité (TSM) sont respectivement de 34,7 et 14,0. Durant ces dernières années, nous pouvons observer qu’il y a une décroissance du cancer pulmonaire chez les hommes, pendant qu’il est en progression constante chez les femmes (Didkowska et al., 2016).
Origine et diagnostic
Le corps humain est constitué des milliards de cellules, et pourtant le cancer peut apparaître à partir d’une seule cellule. La transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse entraîne rapidement une prolifération excessive. Cela arrive avec la multiplication incontrôlée de cellules normales de l’organisme (dégénérescence cellulaire), qui échappent aux mécanismes normaux de différenciation et de régulation de leur multiplication, due à des mutations génétiques (acide désoxyribonucléique (ADN) endommagé). Ces modifications proviennent des interactions entre les facteurs génétiques propres au sujet et des agents extérieurs (l’alimentation, les radiations ionisantes, l’amiante, la fumée du tabac, le radon, l’arsenic, etc.). Le cancer du poumon est particulièrement menaçant, car il est plus apte à se propager dans le reste du corps. En effet, avec l’oxygénation du sang qui passe par les poumons, les cellules cancéreuses peuvent migrer dans les vaisseaux sanguins et coloniser différentes régions du corps.
Nous pouvons distinguer deux types de cancer du poumon, en fonction de sa propagation dans le corps :
1) Le cancer bronchique à petites cellules (CBPC) qui représente 20% des cas de cancers du poumon, avec une prolifération très rapide,
2) Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) qui représente environ 80% de cas, se développe plus lentement (l’adénocarcinome, le carcinome épidermoïde et le carcinome à grandes cellules indifférenciées).
En général, le diagnostic des cancers pulmonaires est fait généralement à l’aide de radiographies thoraciques. En cas de radiographie anormale (ou de radiographie non significative de la pathologie suspectée par des examens biologiques), une bronchoscopie ou un scanner (tomodensitométrie – TDM ou tomographie par émission de positons – TEP) peuvent donner l’information nécessaire. La bronchoscopie ou la biopsie guidée par scanner sont également utilisées pour identifier le type de tumeur.
Les types de traitement
Le choix du traitement des cancers pulmonaires dépend du stade (degré et dissémination) de la maladie, de la localisation de la tumeur et de l’état général de la santé du patient. Plusieurs approches de traitement entre chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie peuvent être combinées. La chirurgie est généralement réservée aux cancers de taille relativement limitée (seulement 25% des cas), mais son indication prend en compte de nombreux autres facteurs individuels. L’ablation des cellules cancéreuses par une intervention chirurgicale n’a de sens que si cette ablation conduit à retirer toutes les cellules cancéreuses. En fonction du degré d’évolution du cancer, nous pouvons distinguer une résection en coin (Figure 1(a)), une segmentectomie – un segment du lobe pulmonaire enlevé (Figure 1(b)), une lobectomie – un lobes enlevé (Figure 1(c)), ou une pneumectomie, lorsque le poumon entier est enlevé (Figure 1(d)).
La chimiothérapie est l’usage de certaines substances chimiques qui permet d’obtenir une réduction du volume tumoral, détruisant ou empêchant le développement des cellules cancéreuses. L’efficacité de ce traitement dépend de cellules saines, qui sont plus nombreuses et plus résistantes que les cellules cancéreuses. Ces médicaments (cytotoxiques) sont très agressifs pour toutes les cellules capables de se diviser, bloquant leurs proliférations et empêchant la synthèse de l’ADN indispensable à la duplication des cellules. L’utilisation de ces médicaments, leur dosage et leur rythme d’administration dépendent de l’état et de la pathologie du patient. Le choix du traitement par la chimiothérapie est lié à la maladie et au stade de celle-ci. Elle est utilisée en adjuvant pour des tumeurs opérées avec atteintes ganglionnaires ou associé à la radiothérapie pour des tumeurs inopérables ou seule en situation métastatique. La radiothérapie est une technique thérapeutique (locorégionale) qui utilise les radiations ionisantes de haute énergie, de l’ordre du MegaVolt (MV), afin de détruire les cellules cancéreuses en raison de leurs plus grandes sensibilités aux rayonnements. Elle peut être prescrite seule pour traiter les cancers, ou en complément ou concomitance d’un autre traitement (la chirurgie ou la chimiothérapie). Elle peut être utilisée aussi pour des traitements palliatifs (métastases douloureuses) afin d’améliorer la qualité de vie du patient avec un effet antalgique. Le traitement par radiothérapie dépend du type de tumeur, de son stade, de sa localisation, de la dissémination des cellules tumorales et de l’état général du patient.
Les effets biologiques des rayonnements ionisants
Les rayonnements de haute énergie (> 1 MeV) traversant la matière, provoquent des effets d’ionisation dans la matière. A haute énergie, selon le spectre des photons incidents, les effets physiques observés dans la matière sont de trois ordres (Figure 2) : l’effet photoélectrique (ℎ? < 1 ???), l’effet Compton (le plus probable en radiothérapie pour des (ℎ? > 1 ???)) et l’effet de création de paire (ℎ? > 15 ???).
Cependant, dans les tissus l’ionisation provoque des changements biologiques profonds qui se produisent peu de temps après l’irradiation. Les effets biologiques des rayonnements dépendent de la durée, de la fréquence (énergie) du rayonnement et de la répartition de la dose dans le corps. Si un rayonnement ionisant est administré à des doses élevées, il peut causer la mort cellulaire, mais aussi la mort des tissus (Figure 3).
Les rayonnements ionisants peuvent agir de façon directe sur la chaine ADN ou indirecte par réaction biochimique.
Les effets directs des rayonnements ionisants
La structure cellulaire peut être endommagée seulement si elle est affectée directement par les rayonnements ionisants. Les effets du rayonnement sur les macromolécules organiques de l’ADN et de l’acide ribonucléique (ARN) peuvent agir sur le développement des cellules saines et le fonctionnement du corps humain. Les effets directs du rayonnement affectent l’ordre des bases puriques et pyrimidiques dans les molécules d’ADN et d’ARN, perturbant la synthèse des protéines, comme le code génétique, et conduisent à des ruptures visibles de la chaine ADN. Dans les cellules, des enzymes sont capables de restaurer la molécule d’ADN, mais si le rayonnement atteint ce gène qui traite le processus de reconstruction, la cellule sera définitivement endommagée. Ceci est très important en radiothérapie, lorsque la dose est insuffisante pour endommager le gène qui se trouve dans le processus de récupération, les tumeurs continuent leur croissance après l’irradiation, ce qui conduit à l’effet inverse désiré (Ng et al., 2013).
Les effets indirects des rayonnements ionisants
Les effets des rayonnements ionisants sur le corps humain (en grande partie constitué d’eau) conduisent à la création d’électrons secondaires à partir des molécules d’eau, dont l’énergie de liaison est de 10-70 eV. Les électrons éjectés cèdent leur énergie à d’autres molécules d’eau au cours des interactions, participant à la création d’autres paires d’ions ?2?+ et ?2?− ou ?+ et ?−, et ceci tant que leur énergie ne chute pas en dessous de 7,4 eV (énergie d’excitation de l’eau).
Lors de l’étape physique, des molécules d’eau excitées, ?2?∗ sont créés. ?2?+ et ?2?∗ vont également subir des modifications chimiques.- Les molécules d’eau excitées, ?2?∗ , subissent le plus souvent une dissociation pour conduire à la formation de ?∗ et de ??∗ . Les radicaux ?∗ et ??∗ sont instables du fait de leurs valences libres, créant d’autres radicaux libres ??2 et ?2?2. – Les ions ? + et ?? − produisent de l’eau. Les ions et les radicaux libres vont se recombiner (hors du lieu d’interaction du rayonnement), en agissant principalement sur les groupes d’enzymes –SH de la chaine ADN.
Définition des volumes-cibles en radiothérapie
Selon le rapport ICRU 50 (en anglais : International Commission on Radiation Unit) la radiothérapie est principalement basée sur l’administration de la dose prescrite à la région d’intérêt, avec une protection maximale des organes à risque environnants (Landberg et al., 1997). Le développement de la radiothérapie et surtout du radiodiagnostic (TDM, imagerie par résonance magnétique (IRM), TEP), assure une meilleure visualisation et détection des tumeurs par rapport aux tissus sains. La définition des volumes est une condition préalable à la planification du traitement en trois dimensions (3D). Les rapports ICRU 50 et 62 définissent des volumes-cibles prévisionnels (Stroom & Heijmen, 2002). Ces volumes utilisés pour la planification du traitement 3D sont présentés dans la Figure 4. Il s’agit du volume tumoral macroscopique (GTV), le volume-cible clinique (CTV), le volume-cible interne (ITV) et le volume-cible planifié (PTV).
Volume tumoral macroscopique (GTV)
Le volume tumoral macroscopique (en anglais : Gross Tumor Volume – GTV) représente la position et la taille de la tumeur visible, que nous pouvons toucher et diagnostiquer. Le développement des équipements de diagnostic a contribué à la définition du GTV, qui correspond au volume de tissu dans lequel nous pouvons localiser la plus grande quantité de cellules malignes (Landberg et al., 1997). L’information concernant le volume et l’histologie du GTV peut être obtenue de plusieurs façons :
– L’imagerie médicale : la TDM, la TEP/TDM, l’IRM, l’échographie ;
– Le diagnostic : les rapports pathologiques et histologiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 INTRODUCTION AUX TRAITEMENTS DES CANCERS PULMONAIRES
1.1 Le cancer du poumon
1.1.1 Origine et diagnostic
1.1.2 Les types de traitement
1.2 Les effets biologiques des rayonnements ionisants
1.2.1 Les effets directs des rayonnements ionisants
1.2.2 Les effets indirects des rayonnements ionisants
1.3 Définition des volumes-cibles en radiothérapie
1.3.1 Volume tumoral macroscopique (GTV)
1.3.2 Volume-cible clinique (CTV)
1.3.3 Volume-cible interne (ITV)
1.3.4 Volume-cible planifié (PTV)
1.3.5 Volume traité
1.3.6 Volume irradié
1.3.7 Organe à risque (OAR)
1.3.8 Volume prévisionnel des organes à risque
1.4 Les étapes du traitement des cancers pulmonaires en radiothérapie de l’hôpital Tenon
1.4.1 Préparation des traitements des tumeurs mobiles pulmonaires
1.4.2 Délinéation
1.4.3 Planification
1.4.4 Administration de la dose
1.5 Les techniques de planification du traitement des cancers pulmonaires
1.5.1 Radiothérapie conformationnelle 3D
1.5.2 Radiothérapie avec modulation d’intensité (IMRT)
1.5.3 Irradiation avec Modulation d’intensité Volumique par Arc Thérapie (VMAT)
1.5.4 Arc conformationnel dynamique (DCA)
1.5.5 Tomothérapie
1.5.6 Cyberknife
2 ANALYSE DU MOUVEMENT RESPIRATOIRE
2.1 Mouvement dans la cage thoracique
2.1.1 Le poumon
2.1.2 Mécanisme de la respiration
2.2 Mouvement respiratoire dans la cage thoracique
2.2.1 Mouvement du poumon
2.2.2 Mouvement du diaphragme
2.2.3 Mouvement du cœur
2.2.4 Mouvement des marqueurs
2.2.4.1 Mouvement des marqueurs internes
2.2.4.2 Mouvement des marqueurs externes
2.2.5 Mouvement des tumeurs pulmonaires
2.2.6 Prise en compte du mouvement des tumeurs pulmonaires en traitement
2.3 La problématique du mouvement respiratoire au cours de la chaine de traitement
2.3.1 Limitations pendant l’acquisition des images
2.3.2 Limitation durant la planification du traitement
2.3.3 Limitation pendant l’administration du traitement
2.4 Les techniques de traitement associées au mouvement respiratoire
2.4.1 Blocage volontaire
2.4.2 Compression abdominale
2.4.3 Tracking
2.4.4 Radiothérapie asservie à la respiration (RAR)
2.5 Les processus de la radiothérapie asservie à la respiration (gating)
2.5.1 Acquisition des données pour un traitement en gating
2.5.2 Planification du traitement en gating
2.5.3 Réalisation du traitement en gating
2.5.4 Imagerie pendant le traitement en mode gating
2.6 Notre approche
3 QUANTIFICATION DU MOUVEMENT TUMORAL
3.1 Méthodologie
3.1.1 Sélection des patients
3.1.2 Acquisition des données
3.1.3 Délinéation
3.1.4 Analyse des données
3.2 Le mouvement tumoral
3.3 La vitesse de la tumeur
3.4 La stabilité dans le mouvement tumoral
3.5 Conclusion
4 INFLUENCE DU MOUVEMENT TUMORAL EN TRAITEMENT
4.1 Evaluation du mouvement des marqueurs internes et externes en fonction du mouvement tumoral
4.1.1 Méthodologie
4.1.1.1 Sélection des patients
4.1.1.2 Acquisition des données
4.1.1.3 Mouvement des marqueurs internes
4.1.1.4 Mouvement des marqueurs externes
4.1.1.5 Analyse des données
4.1.2 Résultats
4.1.3 Discussion
4.1.4 Conclusion
4.2 Impact de la respiration dans la séance et d’une séance à l’autre sur le mouvement tumoral
4.2.1 Méthodologie
4.2.1.1 Sélection des patients
4.2.1.2 Acquisition des données
4.2.1.3 Délinéation
4.2.1.4 Analyse statistique des données
4.2.2 Résultats
4.2.3 Discussion
4.2.4 Conclusion
CONCLUSION
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