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La prise en charge en HDJ
Dès l’admission, le temps de présence de l’enfant est défini sur la semaine. Il alterne avec un temps de scolarisation, s’il y a lieu, et des prises en charge maintenues en CMP ou CMPP (psychothérapie, orthophonie, psychomotricité). Le planning de prise en charge thérapeutique en HDJ se met en place après un temps d’adaptation, variable selon les enfants (un mois en moyenne). Les observations de l’équipe et les désirs exprimés ou repérés chez l’enfant permettront la mise en place de l’emploi du temps de prise en charge thérapeutique personnalisé. Il est affiché et accessible au patient.
L’évaluation du projet de soins des enfants se fait sous la forme d’une réunion de synthèse régulière. Elle peut réunir des membres du domaine associatif et libéral, en plus de ceux de l’hôpital. Quant à la réunion clinique hebdomadaire, elle permet de réaliser un suivi plus régulier de l’évolution des enfants. Elle est aussi le lieu de l’expression des difficultés rencontrées par les professionnels de l’HDJ avec un patient. Le psychomotricien participe à ces deux réunions d’informations et de réflexions partagées.
La pause déjeuner au self constitue un temps informel d’échanges sur les patients. Les discussions se tiennent entre le psychomotricien, la psychologue et les instituteurs spécialisés. Les éducateurs et infirmiers encadrent et gèrent, quant à eux, le repas thérapeutique avec les enfants. Le psychomotricien et les éducateurs ou les infirmiers connaissent des moments d’échanges sur les patients lors des transitions entre le pavillon et les lieux des séances ; les enfants sont alors peu éloignés. Ces moments de réflexion et d’élaboration se font en dehors de relations hiérarchiques. La parole semble alors plus libre. Ils nourrissent les protagonistes, psychomotricien, éducateurs, enseignants et stagiaires, d’éléments qui seront bien souvent abordés et partagés en réunion clinique.
Le service est ouvert du lundi au vendredi de 9 à 17 heures, excepté le mardi où la fermeture à 14 h laisse un après midi pour la réunion institutionnelle et clinique. L’hospitalisation est suspendue la moitié des vacances scolaires.
Une fois par an, des séjours thérapeutiques de moins d’une semaine sont organisés pour penser la rupture avec le milieu familial, travailler la séparation et la découverte d’un nouvel environnement. La participation d’un enfant est discutée en équipe et se fait sur prescription du psychiatre et en accord avec les parents.
Description d’une journée type
De 9 h à 9h30, les enfants sont accueillis par l’infirmier ou l’éducateur référent. Ils arrivent en taxi. Ils se répartissent en deux groupes. Chacun des groupes dispose d’une salle d’activités et d’une salle à manger. Le dispositif groupal est propice à la socialisation. Il soutient le besoin d’appartenance à un collectif ( Harel-Biraud, 2010, p87), dans un cadre de continuité (même référent, horaire et espace). L’existence de deux groupes sur la structure permet aussi un travail sur la séparation.
A compter de 9h 30, les patients participent à des ateliers thérapeutiques. Il s’agit d’activités en groupes fermés dans un cadre spatio-temporel fixe. Les médiations proposées (équithérapie, milieu aquatique, pâtisserie, bibliothèque, …) diffèrent d’un enfant à l’autre. La participation à un groupe thérapeutique fait suite à une prescription du psychiatre. Différents axes sont travaillés : le rythme et les repères temporo-spatiaux, la symbolisation via le jeu et la création, l’expression sous différentes formes. Les sorties à la bibliothèque ou dans un parc renforcent la socialisation, la découverte du monde extérieur, l’évaluation des mises en danger potentielles.
LE GROUPE «SPORT» EN PSYCHOMOTRICITE
En janvier, je dois assurer la prise en charge de ce groupe. Je propose donc de le décrire par son histoire, sa composition et les observations recueillies de septembre à décembre en séance.
Le groupe existe depuis septembre. Il se réunit dans la grande salle de psychomotricité tous les mercredis, de 14H30 à 16H. La médiation décidée par le psychomotricien s’articule autour de lancers de balles. L’objectif du dispositif groupal est de favoriser un travail sur la relation, le respect et l’attention à l’autre. La médiation permet prioritairement un travail sur la coordination main/œil, la régulation tonique, le repérage spatial.
L’histoire du groupe
Les six enfants présents partagent déjà une histoire de groupe thérapeutique en psychomotricité. Pendant trois années, cinq d’entre eux ont bénéficié de séances le lundi pour développer les coordinations motrices générales, la latéralité, la régulation tonique. Le sixième enfant les a rejoint au printemps. L’un d’entre eux, Firmin, bénéficie encore des deux dispositifs groupaux.
La mise en place des nouvelles séances le mercredi a été réfléchie suite aux progrès des enfants, moins flagrants pour Firmin. Son entrée sur le nouveau groupe a été pensée en équipe comme une possibilité pour lui de progresser. Le lundi, Firmin se positionne comme un élément moteur du groupe alors que le mercredi, il se trouve au mieux dans l’imitation.
La composition du groupe
Les adultes encadrants sont le psychomotricien, Marcial, deux éducateurs spécialisés, alternativement Arieh ou Jiovanni, et moi. Marcial exerce sur le secteur psychiatrique Est depuis quarante ans. Arieh est présent sur le pavillon depuis quatre ans. Les enfants le sollicitent et l’investissent beaucoup. Jiovanni vient d’arriver sur ce poste.
Dans les séances, l’éducateur s’implique peu corporellement. Il intervient comme soutien 19 individuel des adolescents les plus en difficultés, ou pour reprendre calmement un comportement inadapté. Assis sur un banc, l’éducateur a aussi un statut d’observateur. Cependant, rien n’est organisé pour qu’un temps d’échange et de réflexion ait lieu entre Marcial et l’éducateur. Les échanges se font de façon informelle.
D’autres stagiaires infirmiers ou éducateurs viennent ponctuellement en observation. Les patients Les patients, trois filles et trois garçons ont entre huit et treize ans. Il s’agit plus d’adolescents ou de préadolescents. L’OMS4 (Organisation Mondiale pour la Santé) définit l’adolescence comme la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, qui s’étend de dix à dix neuf ans. L’entrée dans cette phase de développement débute par d’importantes modifications corporelles : la puberté. L’adolescence représente un temps de maturation physique et sexuelle mais aussi de remise en jeu de l’identité. Les adolescents traversent un bouleversement physique, émotionnel et psychique, qui fait de l’adolescence une période de crise et de fragilité.
Dans le groupe, seule Missie a moins de dix ans mais son 1,42 m et sa maturité la font paraître plus âgée. la puberté est physiquement observable chez Léandre et Clémentine.
Clémentine est une grande jeune fille de douze ans. Elle exprime régulièrement une souffrance liée à son surpoids. Elle a des cheveux longs, blonds, filasses et détachés. Elle porte des lunettes sévères pour corriger sa myopie. Elle est la seconde d’une fratrie de deux enfants. Elle vit avec sa mère, son beau-père et son frère. Elle ne voit plus son père. Elle a réintégré l’école et se trouve désormais en sixième ULIS. Son entrée en HDJ remonte à quatre ans et elle se trouve plutôt en fin de prise en charge. Auparavant, elle a connu un temps de soin à temps plein, pendant dix mois, sur le motif d’éloignement du milieu familial. Suite à des attouchements sexuels subis en milieu scolaire l’année de ses quatre ans, sa mère a refusé de la prendre dans ses bras, la considérant comme «souillée». Elle est suivie pour des troubles du comportement et de la relation.
Lors de notre première rencontre, Clémentine faisait un pont sur le sol du pavillon de l’HDJ, exhibant son ventre découvert. Nous partions à la piscine où pendant un échange de balles, j’ai ressenti un malaise. Ses tirs forts et précis semblaient viser à me faire mal alors que son expression reflétait une certaine neutralité. Suite à cette première impression, je me suis rendue disponible à la rencontre avec Clémentine mais je l’ai laissée venir.
Mafalda, douze ans, est de petite taille et corpulence. Elle a des cheveux bruns, coupés en carré court et des lunettes tordues et datées. Elle affirme que sa vision est bien corrigée. Mafalda rentre la tête dans les épaules, son regard se dirige vers le sol. Mafalda est la troisième, dernière et l’unique fille de sa fratrie. Elle vit au domicile de sa mère, avec son frère de seize ans. L’aîné a quitté la maison et le père est décédé d’un infarctus. Sa mère est en arrêt de longue maladie pour dépression. Elle est ASH dans l’établissement où sa fille est hospitalisée. La jeune fille rapporte souvent que son frère et sa mère la surnomment la folle. Mafalda est scolarisée en CM2. Le lundi matin, elle est en intégration en sixième ULIS. Elle bénéficie de séances d’orthophonie au CMPP. Elle demande implicitement et explicitement un temps de parole pour elle mais aucune possibilité de psychothérapie ne se profile. Le psychologue du CMPP évoque une impossibilité de prise en charge. Le psychiatre du CMPP, référent médical de Mafalda, argumente que les séances d’orthophonie suppléent à la psychothérapie. Cette situation perdure depuis deux ans. Mafalda est hospitalisée depuis ses quatre ans pour des troubles psychotiques. En HDJ, elle participe à l’atelier thérapeutique bibliothèque.
Ma première observation de Mafalda est marquée par sa prosodie, digne d’un personnage de dessin animé et par la teneur de ses propos. Mafalda communique à haute voix avec des amis imaginaires. Souvent elle joue des scènes avec des végétaux, dont Brindille un personnage maltraité en demande d’aide. Lorsqu’elle voit qu’elle est observée, elle précise que c’est pour du faux.
Missie est une jeune fille de huit ans, qui fait penser à une fine et grande liane sautillante. Elle est d’origine antillaise. Ses cheveux crépus sont coiffés différemment toutes les semaines. Elle est l’aînée d’une fratrie de trois enfants (une fille de six ans et un garçon de trois ans). Elle vit avec ses deux parents.
Missie est scolarisée depuis ses trois ans. Elle est en CE1 et bénéficie d’une AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire). Elle est hospitalisée depuis deux ans suite à un suivi au CMP où elle bénéficie toujours de séances de psychothérapie. Un diagnostic d’autisme a été posé par le psychiatre du CMP. A l’HDJ, elle participe à l’atelier théâtre. Je n’ai aucun souvenir marquant de notre rencontre. Manquais-je d’attention ? Certainement mais je pencherais aussi pour la discrétion de cette demoiselle et sa posture en retrait. Depuis quelques semaines, Missie entretient un lien privilégié avec Firmin dont la présence ou l’absence la déborde, jusque dans les temps scolaires.
Firmin a onze ans et se présente comme un garçon aux yeux marrons profonds, ornés de longs cils. Ses cheveux noirs sont fréquemment rasés ; sa bouche reste ouverte. Il s’exprime par courtes phrases ou dans une logorrhée incompréhensible, à la prosodie correcte.
Sa démarche mal assurée donne l’impression qu’il se déplace sur un sol escarpé, prêt à tomber. En extérieur, il marche dans les pas de l’adulte, les yeux rivés sur les pieds de l’autre. Il est le second garçon d’un couple. Il vit au domicile de ses parents. Firmin n’est plus scolarisé à l’extérieur. Il est hospitalisé depuis ses six ans. Un diagnostic d’autisme a été posé par le psychiatre du CMP. Celui de l’HDJ se questionne quant à ce diagnostic et sollicite les parents de Firmin pour des examens complémentaires, notamment génétiques. La démarche est en cours. Firmin doit prochainement subir deux opérations pour remédier à une cryptorchidie et à une communication inter-auriculaire. Il bénéficie des ateliers sport et pâtisseries, de la médiation eau et de l’ équithérapie à l’HDJ.
Lors de notre première rencontre, Firmin se plante devant moi. Il lève la tête et me regarde intensément. Il dit bonjour et je lui réponds. Il tend la main gauche vers mes cheveux et les touche en les caressant grossièrement. Je souris tout en me poussant sur le côté. Je verbalise sur mon volume capillaire possiblement impressionnant. Je n’ose pas lui poser une interdiction ferme de les toucher.
Léandre est le plus vieux du groupe du haut de ses treize ans. Ce jeune homme porte sur lui des signes évidents de puberté : sa pilosité s’affirme et sa voix gagne parfois en gravité. Sa musculature harmonieuse a toujours été développée. Sa forte odeur corporelle rappelle celle du chien mouillé et de l’incurie. Elle tient les autres à distance. Il est le second d’une fratrie de deux ; sa sœur âgée de dix-sept ans est suivie en CMP. Il vit avec ses deux parents mais son père, chauffeur routier, part à la semaine. Léandre n’est pas scolarisé à l’extérieur. Il est hospitalisé depuis ses six ans. Il souffre d’épilepsie. Les crises sont moins intenses depuis deux opérations chirurgicales mais toujours présentes. Ses yeux se révulsent régulièrement. Il est le seul patient avec un traitement médicamenteux (deux neuroleptiques, un anti-épileptique et de la ritaline). En HDJ, il participe à la médiation eau, à l’atelier photographie. Léandre est débordé d’angoisses qui lui font allumer et éteindre les lumières, poser la tête sur autrui ou être dans une activité incessante et improductive. Il n’a pas accès au symbolisme.
A notre première rencontre, je l’ai salué. Après un « bonjour, tu es belle ! », il s’est penché vers moi, a posé sa tête sur mon sternum en m’enserrant d’un bras. Il a fait remarquer que mon cœur battait. J’ai confirmé. J’étais bien vivante mais sidérée.
Enfin, Florian est un frêle et petit adolescent de douze ans. Il est brun aux cheveux courts, son aspect est soigné. Sa parole est parfois difficile à comprendre, les syllabes ne sont pas toutes articulées et la prosodie est rapide. Il a alors un rictus : sa bouche s’étire largement vers le haut et les côtés comme s’il avait un lifting trop serré. Florian est le second d’une fratrie de trois garçons (seize et dix ans). Il vit avec sa mère et ses frères. Les parents sont séparés et le père a rompu tout contact avec ses fils.
Florian est de nouveau scolarisé, en sixième ULIS. L’admission en HDJ a été préconisée par le médecin du CMP pour soutenir Florian dans sa relation aux pairs et ses apprentissages scolaires. Florian souffre de neurofibromatose de type 1. Il est présent le mercredi à l’HDJ et bénéficie des ateliers thérapeutiques théâtre et sport. De juillet à octobre, il a été hospitalisé à temps plein sur un pavillon voisin suite à deux passages à l’acte sur son plus jeune frère. Éloigné de sa mère, Florian a été particulièrement en souffrance pendant cette période. Des permissions pouvaient lui être accordées, sous réserve qu’il fasse preuve d’un comportement adapté. Sa sortie de l’hospitalisation à temps plein a été soumise à la même condition. Dès lors, Florian a été un patient et un enfant exemplaire.
Notre première rencontre a été éphémère. Florian m’a croisée dans le pavillon. Il m’a saluée en me serrant la main et a poursuivi son chemin.
Les troubles envahissants du développement
La HAS (Haute Autorité de Santé) préconise de se rapporter à la nosographie européenne, la CIM-10 (Classification statistique Internationale des Maladies, 10eme version) pour définir l’autisme. Cette maladie, qui est en fait un syndrome car d’étiologie inconnue, est le chef de file des TED, au côté d’autres syndromes d’apparition précoce comme le syndrome de Rett ou celui d’Asperger mais aussi de nombreux troubles hétérogènes dits TEDNS (Troubles envahissants du Développement Non Spécifiés). Parmi ces derniers, nous retrouvons pour une part les psychoses infantiles ou dysharmonies psychotiques, décrites par la pédopsychiatrie française mais non reprises au niveau international (Georgieff, 2016, p 9). « Les états dits psychoses infantiles ne sont pas analogues aux psychoses de l’adulte vers lesquelles ils n’évoluent pas. Ils correspondent plutôt à des dysharmonies d’évolution des différents registres de développement. » (Garrabé, 2006, p108). Dans tous les cas, ces pathologies entravent gravement le développement de la personnalité de l’enfant. La clinique montre que la frontière entre autisme et psychose infantile ne s’avère pas étanche. Certains enfants psychotiques présentent des traits autistiques et inversement (Boutinaud, 2013, p 41-43). Toutefois, les mécanismes de défense à l’œuvre dans ses deux grandes familles pathologiques diffèrent et influent sur la façon d’envisager les prises en charge. « Les mécanismes de défense sont des modes de fonctionnement psychique qui ont pour finalité de réduire les tensions psychiques internes , de canaliser l’angoisse » (André, 2013, p111). Dans notre prise en charge groupale, des adolescents présentent des TED sur un versant plus autistique (Missie et Firmin) et d’autres sur un versant plus psychotique (Mafalda et Léandre).
Le syndrôme autistique a été décrit par Kanner en 1943. Il l’a nommé « autisme infantile précoce ». La HAS rappelle que le diagnostic des troubles du spectre de l’autisme repose sur la clinique5 et préconise des bonnes pratiques pour encadrer la démarche diagnostic. La HAS souligne l’importance d’un repérage précoce, basé sur des signes d’alerte clinique, pour mettre en place une prise en charge tout aussi précoce. Plus l’enfant entrera tôt dans une démarche de soin, plus il aura des chances de voir un développement harmonieux de sa personnalité. Les symptômes des troubles du spectre autistique doivent être présents avant trois ans. Souvent, ils ne sont repérables qu’au moment où les capacités limitées de l’enfant l’empêchent de répondre aux exigences sociales (à l’école ou à la crèche). Le diagnostic ne peut pas être porté avant 18 mois, même si une surveillance et une prise en charge peuvent se mettre en place dès le plus jeune âge.
La clinique/diagnostic de l’autisme constitue une triade (Maffre, 2017, p 1-22). Nous retrouvons :
* des troubles qualitatifs des interactions sociales précoces.
L’enfant s’enferme dans un isolement par ses difficultés à initier la relation ou à répondre aux sollicitations.
* des troubles qualitatifs de la communication verbale et non verbale.
Ils se traduisent par un retard ou une absence de langage, non spontanément palliée par le développement d’un moyen de communication alternatif.
* des intérêts restreints et stéréotypés.
Les personnes portent leur attention sur des détails de leur environnement. Elles se montrent intolérantes aux changements. Elles souffrent de stéréotypies motrices ou vocales, qui traduisent un intérêt envahissant pour la sphère sensorielle. Si la sensorialité n’apparaît pas à part entière dans la triade clinique autistique, ces personnes présentent systématiquement une intégration sensorielle singulière et atypique sur le versant hyper ou hypo. Des évaluations (profil sensoriel de Dunn, bilan sensori-moteur de Bullinger, …) permettent d’évaluer l’impact des troubles sensoriels de l’enfant sur sa vie quotidienne. L’enfant est dès lors respecté dans sa sensorialité pour éviter l’aggravation de ses souffrances et orienter nos prises en charges. Par exemple, nous rechercherons un environnement calme pour un enfant hyper sensible au bruit. Dans le service de pédopsychiatrie, l’intégration sensorielle défaillante des enfants n’est pas prise en compte. Même les suivis réguliers pour ces enfants porteurs de lunettes fait défaut. La faute est renvoyée sur les parents. Léandre et Firmin ne portent plus de lunettes, celles de Mafalda paraissent obsolètes. La sensibilité de Firmin au bruit n’implique pas de mesures particulières.
La triade autistique varie d’une personne à l’autre, sans parler des comorbidités. Dans un domaine de la triade autistique, les troubles vont de mineurs à majeurs, voire sont absents.
Le terme trouble du spectre autistique, utilisé dans la nosographie américaine, rend compte de cette diversité des tableaux symptomatiques. Les personnes sont toujours entravées dans le développement de leur personnalité et relèvent du handicap.
Examinons plus particulièrement les conséquences des troubles dans la relation d’objet (l’autre et l’objet matériel).
Troubles de la relation d’objet
Le retrait de l’environnement est la caractéristique la plus mise en avant dans le syndrome autistique. Il peut être envisagé comme un moyen de défense d’une personnalité qui peine à se construire sur des bases vacillantes. Mais plus l’enfant s’isole, plus le processus de construction de sa personnalité sera entravé.
Les troubles de la relation d’objet s’avèrent majeurs bien que cette relation existe. « […] l’enfant peut tendre successivement soit à se replier derrière sa muraille, soit à observer le monde extérieur à travers les meurtrières qu’il y aménage soit à en émerger et à s’essayer à l’aventure du lien […] » (Boutinaud, 2013 p 126)
Pour l’enfant autiste, l’objet ne paraît pas présenter une individualité propre et être différencié de son corps propre. Il serait comme un prolongement de celui ci, investi pour ses qualités sensorielles et les stimulations qu’il procure. Il est à noter que dans son rapport à l’objet, l’enfant autiste peut paraître dénué d’affect ou au contraire complètement débordé.
«[…] la perte de contact avec la réalité se fait en un point, celui de l’affectivité. » (Garrabé, 2006, p 37) . Le manque d’affects s’envisage comme une façon de mettre à distance une relation d’emblée vécue comme intrusive et dangereuse. Cette posture se retrouve même chez les enfants autiste devenus aptes à parler, à symboliser ou à apprendre. Ils peuvent être présents dans la relation, être dans l’échange et le regard en montrant toutefois une froideur qui aboutit à une relation mécanisée. La clinique montre que l’enfant autiste est sensible aux émotions mais il n’est pas en capacité de les supporter et de leur donner sens. Il s’en protège dès lors par ce retrait physique et/ou émotionnel qui pallie à un manque de pare -excitation.
Missie semble régulièrement dépourvue d’affects. Quand elle est présente dans la relation, notamment par le regard, elle prend une posture et un ton autoritaire comme pour garder le contrôle sur la situation.
Sur le versant psychotique des TED, l’enfant se situe dans un lien et une accroche à l’environnement et aux autres ( Boutinaud, 2013, p 108-109). Par contre, l’objet peut être alternativement perçu comme global ou clivé. Dans le clivage, l’ambivalence est absente, le sujet psychotique perçoit un objet complètement bon ou totalement mauvais. Ce phénomène est visible dans la distance relationnelle. Soit elle est si proche qu’elle fleure la fusion, soit la relation se rompt brutalement.
Léandre recherche un contact fusionnel qu’il initie. Dans le même temps, il s’évertue à repousser l’autre de sa voix aiguë « tu ne t’approches pas, tu ne me touches pas ».
Dans la psychose, la capacité même de penser et de symboliser est mise à mal, tant chez le patient que chez le thérapeute qui le prend en charge. La traduction dans la réalité de ce phénomène peut être une violence, des insultes, une instabilité motrice, une logorrhée. L’intérêt de la cothérapie prend tout son sens en présence de patients psychotiques, pour favoriser et maintenir la capacité à penser des soignants.
Fonctions du cadre en psychomotricité
Ces fonctions ont déjà été dévoilées au détour des composants du cadre mais prenons le temps de revenir à la contenance, la limite et la continuité.
Nous pouvons aussi nous référer aux travaux de René Roussillon sur le dispositif thérapeutique (Roussillon, 2012). Roussillon y voit trois fonctions. La fonction phorique, assimilable à la contenance. Elle permet de définir les conditions nécessaires à l’avènement du processus, c’est à dire ce qui va se dérouler au sein du dispositif. Il s’agit des transformations et des mouvements qui vont se produire, spécifiquement dans le cadre thérapeutique qui va les limiter. La fonction sémaphorique permet le recueil des signes du processus, dévoilés et amplifiés par le dispositif. En psychomotricité ces signes vont être corporels et seront observés et relevés par le psychomotricien, attentif et formé à la lecture du corps. Le psychomotricien considère que le passage par l’acte est une forme de symbolisation primaire pour un patient en carence ou panne de symbolisation secondaire. L’engagement du psychomotricien soutient la symbolisation du patient, sans l’interpréter. La fonction métaphorisante se base sur l’hypothèse que le processus à l’œuvre est une métaphore d’autre chose, une représentation de la vie psychique du patient. Ce concept renvoie à la notion de transfert, qui reste discutable en psychomotricité car l’engagement corporel nous amène à travailler dans l’ici et le maintenant.
La fonction de contenance
Le cadre thérapeutique tient lieu de contenant «[…] de la débauche de mouvements et de gestes » (Potel, 2013, p 344) mais aussi de l’activité pulsionnelle des patients. Nous pouvons le symboliser comme une seconde peau qui pallierait à celle défaillante des patients. Il contient la relation d’implication qui s’y déploie et les liens qui se mettent en place au sein d’un groupe.
Il contient enfin des expériences expressives singulières, et permet d’accueillir en retour les sensations qu’elles provoquent et de leur donner sens.
La fonction limitante
Le cadre thérapeutique constitue une limite entre un extérieur et un intérieur.
Il protège d’un extérieur qui peut sembler agressif et source d’angoisses pour des patients. Inversement, il protège d’un intérieur qui peut être lieu de débordement. Cela ne signifie pas que tout est possible au sein du cadre, rappelons que des règles fondamentales sont posées. Le pare-excitation du dispositif et du cadre psychique est convoqué pour limiter l’excitation. L’accueil de l’excitation et le sens qui lui est donné diffère souvent du regard habituel, dans la mesure où le thérapeute cherche à mettre en mouvement des processus de représentation et de pensée par le passage par l’acte.
La fonction de continuité
Le cadre thérapeutique constitué d’invariants va représenter un appui pour le patient grâce à sa fixité. Il va être en mesure de ressentir une continuité dans le temps, l’espace, la présence du ou des thérapeutes. Pour les patients en manque de sentiment de continuité interne, ce point s’avère essentiel pour leur permettre d’intérioriser progressivement ce sentiment.
L’axe thérapeutique : le schéma corporel
Nous définirons un axe thérapeutique plutôt rééducatif, l’intégration du schéma corporel. Il participe de la conscience de soi, de la possibilité de relation de sujet à sujet. La médiation induit aussi un travail sur la relation entre les adolescents par la construction de pyramides humaines.
Le terme schéma corporel nous vient de la neurologie grâce à Bonnier en 1902. Il a été repris dans d’autres champs d’études, la psychologie, la psychanalyse, ce qui complexifie la compréhension de ce qu’il désigne (Boutinaud, 2017, p 145-166). Notre propos n’est pas de faire l’historique du schéma corporel à travers l’avancée des connaissances et des disciplines. Nous nous bornerons à préciser qu’il renvoie à la représentation que l’individu se fait de son corps, tout comme l’image inconsciente du corps et l’image spéculaire du corps. Les représentations du corps, c’est à dire, la façon dont le sujet va habiter et s’approprier son corps et se le représenter est un domaine complexe. Il convient de le connaître lorsque nous nous intéressons au développement de l’enfant et à ses défaillances car il intervient dans la conscience de soi.
Schilder, en 1920, ne fait pas de distinction formelle entre schéma corporel et image du corps (Schilder, 1968), bien qu’il le définisse comme « l’image tridimensionnelle que chacun a de soi- même. Dolto (1984, p 22) en apporte une définition pour le distinguer de l’image inconsciente du corps. «Le schéma corporel spécifie l’individu en tant que représentant de l’espèce, quels que soient le lieu, l’époque ou les conditions dans lesquelles il vit[…]. Le schéma corporel est en principe le même pour tous les individus (à peu près de même âge, sous le même climat. » Le schéma corporel nous donnerait une identité humaine.
Pour les psychomotriciens, la référence au schéma corporel est la définition posée par Julian De Ajuriaguerra « Edifié sur la base des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques, visuelles, le schéma corporel réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, et fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification. »8. Nous comprenons que le schéma corporel se construit, il n’est pas donné à la naissance. De Ajuriaguerra en voit la construction chez l’enfant qui passe par les étapes du corps vécu, corps perçu, corps représenté et corps opératoire. Le processus est dynamique et repose sur l’intégrité des systèmes sensoriels et la richesse des expériences. Il nécessite l’intervention de l’environnement et insiste sur l’interdépendance du développement des fonctions sensorielles ainsi que le mise en représentation qui l’accompagne. Cognitif et perceptif, et même sensori-motricité, sont liés dans le développement du schéma corporel.
Nous pouvons résumer cette notion en parlant de modèle perceptif du corps, permanent mais évolutif. « Le schéma corporel est la connaissance que l’on a de soi en tant qu’être corporel, c’est à dire : nos limites dans l’espace (morphologie), nos possibilités motrices (rapidité, souplesse, …) ; nos possibilités d’expression à travers le corps (attitudes, mimiques) ; les perceptions des différentes parties de notre corps ; le niveau verbal des différents éléments corporels ; les possibilités de représentation que nous avons de notre corps (au point de vue mental ou au point de vue graphique …). » (De lièvre, Staes, 2012, p 17).
Le schéma corporel est une notion qui continue d’évoluer. Eric Pireyre (2015, p 119), psychomotricien, propose même de substituer au terme de schéma corporel, polysémique, celui de sensibilité somato-viscérale, qui participe de sa théorie de l’image composite du corps.
L’entrée dans l’adolescence des patients me donne l’intuition qu’un travail sur l’intégration du schéma corporel serait le bienvenu. Certes, l’indication médicale porte sur la relation mais elle me semble floue. J’assiste et je participe également à des séances en bassin thérapeutique où les patients s’ignorent. J’échange avec les éducateurs pour savoir quelle est la teneur des relations entre les préadolescents dans d’autres situations. Leurs liens semblent ténus ou absents dans le jeu, les activités culturelles ou pédagogiques.
A l’adolescence, « Les modifications organiques entraînent des changements dans la perception et la gestion des flux sensoriels. Les aspects gravitaires, par exemple, doivent se réajuster aux effets de la croissance rendant pour un temps l’adolescent pataud ; celui-ci donne le sentiment d’avoir perdu les repères qui organisaient son schéma corporel, ses postures et ses attitudes avant de retrouver une nouvelle aisance. » (Meurin, 2018, p 277) Pour des préadolescents, qui ont déjà une conscience fragile de leur corps et une façon particulière de l’habiter, un travail sur le schéma corporel peut s’avérer essentiel pour les aider à appréhender les transformations biologiques, physiologiques de la puberté et éviter une aggravation des fragilités posturales et de la maladresse motrice. « Enfin, les nouvelles sensations liées à la mise en route des zones génitales vont faire exister différemment certaines parties de l’organisme, bousculant du même coup les représentations corporelles. » (Meurin, 2018, p 278). Mais nous abordons peut être avec cette citation la notion d’image du corps.
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Table des matières
PRESENTATION DU CONTEXTE PROFESSIONNEL
Un peu d’histoire
Les professionnels du pavillon de l’Hôpital De Jour (HDJ)
L’admission en HDJ
La prise en charge en HDJ
Principe général
Description d’une journée type
Les prises en charge en psychomotricité
Projet thérapeutique et suivi
Modalités de prise en charge
Les médiations
L’espace des séances
LE GROUPE «SPORT» EN PSYCHOMOTRICITE
L’histoire du groupe
La composition du groupe
L’équipe professionnelle
Les patients
L’observation du dispositif groupal
Déroulement d’une séance type
Les comportements marqué chez les patients
Mes questionnements
LES PATHOLOGIES
Les TED (Troubles Envahissants du Développement)
Définitions
Troubles de la relation d’objet
Les états limites
Définitions
Troubles de la relation d’objet
La neurofibromatose
Définitions
Troubles de la relation d’objet
LE CADRE THERAPEUTIQUE EN PSYCHOMOTRICITE
Définitions
Composantes du dispositif
Le cadre spatial
Le cadre temporel
Le cadre matériel
Les règles
Les conditions d’encadrement (la cothérapie)
Le cadre psychique
La relation d’implication
La contenance
Fonctions du cadre thérapeutique
La fonction de contenance
La fonction limitante
La fonction de continuité
L’EXAMEN PSYCHOMOTEUR ET L’AXE THERAPEUTIQUE
L’examen psychomoteur
L’axe thérapeutique : le schéma corporel
LA MEDIATION
L’acrosport
l’histoire de la discipline sportive
La présentation de l’acrosport
Acrosport et psychomotricité
Le groupe
Généralités
Fonctions du groupe
Le jeu en psychomotricité
L’ADAPTATION DU CADRE THERAPEUTIQUE
Première proposition (20/09): un temps de recentrage final
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
Deuxième proposition (08/11) :ensemble dans le mouvement
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Troisième proposition (29 /11) : entrée dans la gymnatique
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
Quatrième proposition (06/12) : travaillons en jouant !
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
Cinquième proposition (13/12): l’acrosport, enfin !
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
Sixième proposition (14/02) : dessinez votre ressenti du moment !
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
Septième proposition (14 /03) : saluons nous !
Préparation
Observations cliniques et réflexions théoriques
Evolutions
L’EVALUATION DES EFFETS DE L’ADAPTATION DU CADRE
Du côté du stagiaire
L’implication dans la prise en charge des adolescents
La continuité du cadre thérapeutique
La médiation acrosport et les autres activités
Du côté des adolescents
La contenance par le cadre thérapeutique
La continuité et la discontinuité
La limite du cadre thérapeutique
Dispositif symboligène et symbolisations
L’EVOLUTION DU SCHEMA CORPOREL
Les évaluations individuelles
Tests et résultats
Commentaires
Schéma corporel ou axe corporel ?
LES RELATIONS AU SEIN DU GROUPE
Du côté des adolescents
La cothérapie
LIEUX ET TEMPS POUR LA PENSEE EN PEDOPSYCHIATRIE
Les espaces de pensée propres au stagiaire en psychomotricité
La réunion clinique
Ma vision de la réunion clinique
Quand la médiation sort de la salle de psychomotricité
Drapeau rouge sur la voie de la pensée institutionnelle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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