L’INCIDENCE DU CONTEXTE NATIONAL SUR LA STRATÉGIE DE LA BID EN HAITI
Il s’agit dans cette section de déterminer les principaux facteurs de fragilisation auxquels doit faire face le pays. Que cela soit sur les plans économique, social, politique ou environnemental. Nous voulons donner une vision d’ensemble du cadre d’intervention de la BID en Haïti afin de permettre une meilleure compréhension de la stratégie de cette Banque dans le pays et de mesurer avec un peu plus de justesse les effets des projets financés. Cette démarche est aussi une opportunité pour se questionner sur la portée des projets financés par la BID au regard du contexte national. Ces derniers correspondent-ils à la réalité haïtienne ? Par ailleurs, les goulots d’étranglement qui surviennent dans le cadre de l’exécution d’un projet, les retards de décaissement de tel secteur par rapport à un autre … sont autant d’enjeux qui peuvent parfois s’expliquer par des facteurs structuraux ou par la conjoncture socio-économique et politique locale.
Présentation générale
Haïti bénéficie d’une situation géostratégique enviable du fait, notamment, de sa proximité avec les États-Unis (une opportunité à double tranchant il est vrai) et des accès dont il bénéficie sur l’océan atlantique et sur la mer des Caraïbes. Sa population constitue également un avantage :par sa densité, près de 10 millions d’habitants pour une superficie de 27 750 Km2, sa relative unicité ethnique et religieuse, 95% de noirs, 80% de catholiques et 16% de protestants (The World Factbook, CIA). Elle est aussi l’une des plus jeunes puisque plus de 50% représente les tranches d’âge comprises entre les 15-24 ans (21.6%) et les 25-54 ans (35.3%) (The World Factbook, CIA). Ce qui représente un capital humain non négligeable en termes de force de travail. Toutefois, sa position géographique rend Haïti vulnérable aux désastres naturels. Bien qu’elle soit protégée des alizés à l’Est, par des chaînes de montagnes, le pays est dans la zone de passage des ouragans. La période de juin à octobre est critique pour Haïti qui doit faire face à des tempêtes assez sévères suivies d’inondations ; et à d’autres périodes, à d’intenses sécheresses (The World Factbook, CIA). Le tremblement de terre de 2010 est venu rappeler à tous que les risques sismiques sont réels et potentiellement dévastateurs. Entre 1980 et 2010, il y a eu au moins 74 événements naturels inventoriés ; près de 10 millions de personnes affectées et des millions de dollars de dommages recensés (Preventionweb ). D’autres facteurs de fragilisation de l’environnement aggravent la vulnérabilité du pays. Les constructions anarchiques de bidonvilles à Port-au-Prince ; la déforestation intensive des montagnes pour l’agriculture et la fabrication du charbon ce qui provoque l’érosion des sols ; un système de cadastre archaïque ne contribuant pas à endiguer l’éclatement des terres en parcelles entre les héritiers, ce qui diminue encore plus les surfaces agricoles …
L’État haïtien doit donc implanter des mesures publiques sérieuses pour répondre à ces différentes menaces en particulier en matière de gestion de risque et désastre ; (GRD), intensifier les campagnes de sensibilisation auprès de la population pour l’informer du danger lié au déboisement tout en mobilisant les acteurs internationaux autour de cet enjeu. Au niveau institutionnel, Haïti dispose d’une structure en charge de coordonner les opérations de réponse aux urgences et toutes les actions de gestion du risque de ces urgences et désastres soit la Direction de la Protection Civile (DPC) qui dépend du Ministère de ! ‘Intérieur, des Collectivités Territoriales et de la Sécurité Nationale (Plan national de réponse aux Urgences, 2001). Le seul plan national qui existe en la matière date de 2001, le Plan national de réponse aux Urgences (PNRU). Il décrit le processus de planification et les mesures à prendre en matière de logistiques ; de protection de l’environnement; les procédures d’évacuation et de sécurité; en cas d’incendie; les plans de reconstruction et réhabilitation… (Preventionweb ).
Tout récemment, sous l’impulsion du United Nations International Strategy for Disaster Risk Reduction (UNISDR), le gouvernement haïtien s’est engagé à mettre en oeuvre le cadre d’action de Hyogo au niveau national. Ce cadre d’action sur 10 ans a été adopté en 2005 au Japon, lors d’une conférence internationale sur la GRD, par plusieurs acteurs – États, institutions internationales, experts – impliqués dans cette action (United Nations, International Strategy for Disaster Risk Reduction, Hyogo Framework for Action). Le «Rapport national de suivi sur la mise en oeuvre du cadre d’action de Hyogo (2011-2013) »de la République d’Haïti présente les diverses mesures prévues ou adoptées conformément à ce cadre d’action: renforcement institutionnel des organes impliqués en GRD ; décentralisation des moyens d’actions; mise en place d’un plan d’action sectorielle qui impliquerait divers ministères … mais au niveau des résultats, les progrès restent minimes par manque d’engagement politique et institutionnel (Ministère de !’Intérieur, des Collectivités Territoriales et de la Sécurité Nationale, Cadre d’action de Hyogo).
Bien que les catastrophes naturelles représentent une menace réelle au développement à long terme du pays, les gouvernements haïtiens n’ont toujours pas fait de la GRD une priorité nationale et continuent à mener des actions ponctuelles face aux menaces au lieu d’adopter une véritable stratégie préventive au niveau national. Ils laissent la coordination, et la mise en oeuvre des différentes actions à mener en GRD, principalement aux acteurs internationaux et ONG nationales ; par conséquent les initiatives restent très souvent sectorielles et réactives.
Caractéristiques socio-économiques
« Haiti est ouverte aux affaires ». Avec ce slogan, le président Michel Martelly lance une campagne de séduction visant les investisseurs étrangers (The Economist, 2013). Dans cette optique, le gouvernement a mis en branle plusieurs programmes et réformes visant à instaurer un climat d’affaires plus attrayant.
En créant une Commission pour la réforme du code du commerce ; en instaurant un plan de modernisation du système judiciaire et du cadastre-qui répond en partie à l’enjeu du morcellement terrien mentionné plus haut – afin de mettre à jour les titres et les délimitations des propriétés privées et publiques ; et enfin en inaugurant dans le Nord, le parc industriel de Caracol, dont la BID par ailleurs est l’un des principaux bailleurs (CIA, World Factbook). Le consensus général établi parmi les acteurs nationaux et internationaux dénote que cette stratégie devrait contribuer à long terme à réduire la dépendance du pays envers l’aide extérieure. Ces efforts sont peut-être satisfaisants.
En 2012, pour la première fois depuis le tremblement de terre en 2010, les investissements privés ont dépassé l’aide publique (CIA, World Factbook).
Mais ces résultats sont loin d’être suffisants pour améliorer les conditions de vie de la majeure partie de la population. En effet, l’économie du pays dépend en grande partie de secteurs soumis à l’influence de chocs externes comme celui des services ou de l’agriculture. Le secteur des services correspond à 59% du PIB, suivi de l’agriculture à 23% et enfin l’industrie à 18% (PNUD, rapport OMD 2013). Dans le premier cas, les transferts de la diaspora haïtienne représentent une part importante de ce secteur et contribuent directement au développement du capital humain (Banque mondiale, 2014) Une crise financière globale comme celle de 2008 aura une incidence inévitable sur les montants 20 transférés et par conséquent sur la situation de nombreuses familles.
En ce qm a trait à l’agriculture, elle reste toujours aussi vulnérable aux catastrophes naturelles et dans le milieu rural de tels incidents sont d’autant plus dramatiques que la population pratique encore une agriculture de subsistance pour leur survie ; 80% des ménages vivant en milieu rural dépendent de l’agriculture et près de la moitié vit uniquement de cette pratique (Banque mondiale, 2014).
L’industrie est également sensible aux facteurs externes et les investissements ne sont pas encore suffisants pour moderniser les infrastructures afin d’attirer plus de capital même si des avantages, tels que des accords commerciaux préférentiels 1 donnant accès au marché américain et la politique des bas salaires sont un atout attractif non négligeable.
D’une manière générale toutefois, la plus grande menace au développement économique à long terme est la profonde crise sociale qui sévit dans le pays depuis plusieurs décennies. Une crise caractérisée par une profonde inégalité de richesses, une extrême pauvreté, le chômage, l’accès limité à une éducation de qualité et à des services de santé de base.
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Table des matières
INTRODUCTION
1-DESCRIPTION DU MANDAT
2-PRÉSENTATION DE L’ORGANISATION: LA BANQUE INTERAMÉRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
2.1. Structure et mission de la Banque Interaméricaine de Développement
2.2. Le suivi des opérations de la Banque Interaméricaine de Développement en Haïti
3-MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ET D’ANALYSE
3.1.Comprendre l’intervention de la BID en Haïti aujourd’hui à travers l’évolution de l’aide publique au développement
3.1.1. Redéfinir l’aide publique au développement ..
3.1.2. La formalisation de l’efficacité à travers des engagements concrets
4-L’INCIDENCE DU CONTEXTE NATIONAL SUR LA STRATÉGIE DE LA BID ENAITI
1.Présentation générale
2.c aracte’n.s ti.q ues soc1.0 -e’ conom1.q ues
4.3. Contexte historique et politique
4.3.1. Système politique et évolution politique récente
4.3.2-Les faits historiques marquants et leurs conséquences sur la nation haïtienne d’aujourd’hui
5-LES PROJETS FINANCÉS PAR LA BID: ÉCART OU ALIGNEMENT FACE AUX
PRIORITÉS DE DÉVELOPPEMENT DU GOUVERNEMENT HAITIEN ?
5.1- Le cadre d’ élaboration et de suivi de la programmation des investissements de la BID
5.1.1- La programmation des investissements
5.1 .2- Le Module de Gestion de !’Aide Externe (MGAE)
5.1. 3- La vérification de !’alignement des projets financés par la BID
5.2- Les facteurs entravant l’atteinte des priorités nationales
5.2.1- Les modalités d’exécution des projets
5.2.2- De l’impact de certains projets
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXE-LE PORTEFEUILLE DE PROJETS DE LA BID POUR 2013
BIBLIOGRAPHIE
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