« La sécurité des personnes est la première exigence pour le succès d’événements contribuant au rayonnement et à l’attractivité de la France et de sa capitale. » .
Du 26 juillet au 8 septembre 2024 auront lieu à Paris la XXXIIIe olympiade de l’ère moderne . Cet événement se décomposera en deux moments, les Jeux olympiques d’été auront lieu du 26 juillet au 11 août 2024, et seront suivis des Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre 2024 . 206 nations seront présentes, et 10 000 athlètes s’affronteront lors de 339 épreuves, pour 28 disciplines différentes . Cette édition sera la troisième des Jeux d’été ayant lieu en France. La France avait été le pays hôte de la deuxième édition des Jeux modernes, dans le cadre de l’exposition universelle en 1900 . Elle l’a été une deuxième fois en 1924, il y a précisément cent ans . Le territoire national a aussi accueilli deux éditions des Jeux d’hiver, en 1924 à Chamonix et en 1992 à Albertville .
Après de nombreuses candidatures françaises infructueuses, dont quatre depuis les années 2000 , l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024 (ci-après JO 2024) a été attribuée à la ville de Paris, le 13 septembre 2017 . Le Baron Pierre de Coubertin, un Français, a redécouvert, ou relancé, la grande tradition antique des Jeux. En 1894, il fonde le Comité International Olympique (ci-après le CIO) à Paris . La première édition des Jeux olympiques aura lieu à Athènes en 1896. Ces premiers Jeux d’été accueilleront 245 participants, venus de 14 pays. Depuis 1896, tous les quatre ans ont lieu les Jeux olympiques d’été et d’hiver, à l’exception de quelques interruptions lors des conflits mondiaux, ou plus récemment dues à la pandémie .
Le cadre de la sécurité des Jeux de Paris 2024
Dans cette partie, l’historique de l’évolution des sécurisations des Jeux sécuritaires depuis l’édition de 1972 à Munich sera retracé, afin de saisir dans quel cadre s’inscrit la sécurité des Jeux de 2024 et les proportions qui seront données à cette dernière. En effet, on observe deux phénomènes simultanés : l’augmentation exponentielle des moyens et budgets de sécurité entre chaque édition, et la ressemblance de ces moyens et budgets de sécurité d’une édition à l’autre. Dans un second temps, l’expérience française en matière de sécurisation des grands évènements, et particulièrement dans le cadre des grands événements sportifs sera présentée. Cette analyse permettra de mettre en valeur les savoir-faire français et les faiblesses des processus de sécurisation de grands événements, et d’en faire ressortir ce qui pourrait être repris et ce qui pourrait être amélioré en vue des prochains Jeux.
Le cadre de la sécurité des Jeux : historique et expérience française
Une histoire sécuritaire des Jeux : l’évolution des enjeux et des réponses
Analyser l’historique des enjeux de sécurité des Jeux et des méthodes de sécurisation présente un intérêt majeur puisque cette analyse permet de voir dans quel cadre va s’inscrire la sécurisation des Jeux de Paris. Depuis 1972, on observe une continuité dans les enjeux de sécurité et les menaces : il s’agit principalement de lutter contre la menace terroriste, toutes mouvances confondues et en anticipant tous les modes opératoires déjà rencontrés ou envisageables. Ce risque est particulièrement présent tant les Jeux sont d’une ampleur médiatique et d’un poids symbolique particulier et universel. L’étude de l’historique sécuritaire des Jeux présente un autre intérêt majeur, en ce que l’on observe des mécanismes de mimétisme. Les retours d’expérience et les dispositifs de sécurisation ont tendance à être répétés d’une édition des Jeux à l’autre . En conséquence toutes les éditions après 1972, et particulièrement les éditions ayant eu lieu après le 11 septembre 2001, donnent une idée de l’ampleur de la sécurité à mettre en œuvre pour 2024. Dans un premier temps, il conviendra d’étudier la sécurisation des éditions marquées par la prise d’otage de Munich. (I) Ensuite, nous étudierons les éditions qui ont eu lieu en plein cœur de la Guerre froide, afin de montrer comment elle a pu influer sur la sécurisation des Jeux. (II) Nous poursuivrons, avec la sécurité des Jeux dans les années 90, en étudiant la « schizophrénie sécuritaire » qui s’emparera de la sécurité des Jeux après l’attentat d’Atlanta de 1996. (III) Et enfin, nous étudierons la sécurisation des Jeux du XXIe siècle.
À partir de 1972 : une sécurité des Jeux olympiques sous l’empire de la menace terroriste
Dans l’introduction, il a été possible de constater que dans les premières éditions des Jeux, les enjeux de pouvoir et d’affrontements entre États constituaient les principales sources d’insécurité. À partir des années 1970, la menace terroriste s’est imposée comme le risque majeur menaçant les Jeux et elle influence depuis la sécurisation de chacune des éditions.
L’émergence du mode opératoire du terrorisme moderne : la prise d’otage de Munich 1972
Lors des Jeux de Munich, la sécurité n’est pas forcément une priorité, le village olympique n’est pas filtré et le service de sécurité plutôt léger. Au matin du 5 septembre, un commando de huit individus s’introduit dans le village olympique, ils se revendiquent de l’organisation Palestinienne Septembre noir. Ils tuent deux membres de la délégation israélienne et en prennent onze autres en otage. Ils demandent la libération par l’État israélien de deux cents trente-six « détenus révolutionnaires ». Après une journée de négociation, les terroristes réussissent à se voir concéder un avion afin de partir vers l’Egypte. Ils sont emmenés avec leurs otages vers l’aéroport. La police allemande décide de faire intervenir des tireurs d’élites. L’un des terroristes tua alors quatre otages, un autre lança une grenade dans l’un des hélicoptères qui avaient servis à leur transfert. Le bilan fut extrêmement lourd : les onze otages perdirent la vie, ainsi qu’un policier et cinq terroristes sur les huit. Les compétitions interrompues par le CIO reprendront après trente-six heures de pause, car selon le président du CIO : « The Games must go on.» Les terroristes survivants furent remis quelques mois plus tard, par les autorités allemandes, en échange d’un avion de la Lufthansa détourné par l’organisation Septembre noir . Après ça, la sécurité deviendra une « obsession pour tous les États qui accueillent les JO […], la trêve olympique de l’Antiquité laisse définitivement la place à l’état de siège. » . L’impact de la prise d’otage de Munich s’étend bien au-delà du champ olympique, elle a fait prendre conscience aux décisionnaires des lacunes des forces de sécurité pour faire face à ce type de menaces terroristes. En conséquence de cet événement de nombreux pays mettront en place des unités de contre-terrorisme d’élite au sein de leurs forces de sécurité intérieure. C’est le cas de la France, puisque c’est en réaction à cet attentat que le GIGN, groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale sera créé en 1974 .
Les Jeux d’hiver et d’été 1976 : conséquences sécuritaires de Munich
Ces deux éditions, les Jeux d’hiver d’Innsbruck et ceux d’été à Montréal sont les premières à avoir lieu après l’attentat de Munich et seront donc marquées par cette tragédie. Sur le plan sécuritaire les premières évolutions et crispations se font sentir.
Les Jeux d’hiver d’Innsbruck 1976
Les Jeux d’hiver de 1976 devaient à l’origine se dérouler dans la ville de Denver aux ÉtatsUnis, mais les habitants de cette municipalité ont refusé à la dernière minute la tenue des Jeux en raison de leur coût environnemental et économique pour la ville . Ce revirement de dernière minute a eu pour conséquence l’attribution des JO d’hiver de 1976 à la ville d’Innsbruck, qui se situe en Autriche, non loin de Munich . Cette ville avait accueilli l’édition 1964 des Jeux d’hiver, ce qui a permis une réorganisation plus rapide. La localisation de ces jeux entraîna un malaise en raison de sa proximité avec Munich et une pression particulière fut mise pour assurer la sécurité de cette édition .
Les Jeux d’été de Montréal 1976
Ces Jeux seront marqués par le sceau des attentats de Munich. Le budget de sécurité est porté à 100 millions de dollars et 16 000 hommes seront mobilisés pour assurer la sécurité . Des groupes spécialement formés à la lutte antiterroriste, les groupes alpha, seront aussi mobilisés . Des technologies militaires seront utilisées pour assurer la sécurité de la frontière entre les États-Unis et le Canada .
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Table des matières
Introduction
Partie 1 – Le cadre de la sécurité des Jeux de Paris 2024
Chapitre 1 – Le cadre de la sécurité des Jeux : historique et expérience française
Section 1 – Une histoire sécuritaire des Jeux : l’évolution des enjeux et des réponses
Section 2 – Une expérience française de la sécurité des grands événements
Chapitre 2 – Une évaluation des menaces pesant sur les Jeux de 2024
Section 1 – L’évaluation initiale des menaces
Section 2 – L’actualisation de l’évaluation des menaces
Partie 2 – La sécurisation des JO 2024 : des acteurs et des moyens à la hauteur des enjeux
Chapitre 1 – L’État acteur central de la sécurité des Jeux
Section 1 – Les acteurs étatiques décisionnels de la sécurité des Jeux
Section 2 – Les acteurs étatiques opérationnels de la sécurité des Jeux
Section 3 – La nécessité d’une coopération sécuritaire internationale et européenne renforcée
Chapitre 2 – La coproduction de sécurité des Jeux : une nécessité au regard des enjeux
Section 1 – Coproduction de sécurité et partage des missions de sécurisation
Section 2 – L’analyse sectorielle des sécurisations : l’application opérationnelle de la coproduction
Section 3 – Les nouvelles technologies au service d’une sécurité optimale
Conclusion