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Épidémiologie : l’IVG en France et en Basse-Normandie
Le nombre d’IVG par an en France reste stable, aux alentours de 220 000 depuis les années 1980, malgré un accès à la contraception qui semble libre et disponible pour tous. Le taux de recours est de 15,6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans en France. Les femmes de 20 à 24 ans restent les plus concernées, avec un taux de 28,8 pour 1000 femmes. (8).
Les IVG médicamenteuses représentent 49 % des IVG réalisées en établissements et 58 % du total des IVG (61 % dans les Département d’Outre-Mer (DOM)(8). Les IVG pratiquées hors établissement représentent 16 % du total des IVG en Métropole et 25 % dans les DOM (8). En 2013, 15 % des IVG (25 % dans les DOM) ont été réalisées en cabinet, 1 % (aucune dans les DOM) en centres de santé ou en CEPF (centres de planification ou d’éducation familiale), soit 34 450 IVG médicamenteuses (hors établissements de santé) en Métropole et 3 100 dans les DOM. En 2009, 77% des praticiens effectuant des IVG dans leur cabinet en ville sont des gynécologues, les autres sont des généralistes (10). Il est important de noter également que 37% des gynécologues partiront à la retraite dans les cinq ans, ce qui laisse craindre l’absence d’une relève militante. (11)
La prise en charge des IVG hors établissements de santé demeure concentrée dans certaines régions. Si près d’une IVG sur quatre est réalisée hors du secteur hospitalier en Ile-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), cette pratique est quasi inexistante en Limousin, Pays de la Loire et Alsace. Dans les DOM, la pratique en ville concerne près d’une IVG sur 3 sauf en Martinique où seule une IVG sur vingt est concernée. (8)
Malgré la stabilité du nombre d’IVG, le nombre d’établissements en réalisant ne cesse de diminuer. La majorité d’entre eux (66%) sont des établissements publics. Ils réalisent 77 % des IVG en 2014. Le nombre d’établissements du secteur privé réalisant des IVG a chuté de 17 % entre 2010 et 2014. Par ailleurs, il a été observé une baisse de 21 % du nombre d’IVG en tout ainsi qu’une baisse de 5 % du nombre d’IVG par établissement. Dans le public, on note une diminution de 2 % du nombre de centres réalisant des IVG. Le nombre d’IVG par établissement n’a augmenté que de 1 % entre 2010 et 2014, et le nombre d’IVG total réalisé dans le secteur public a baissé de 1 %. (12)
D’après une étude réalisée en 2014 intitulée « Accessibilité de l’IVG : où en est-on ? »
(13) des efforts doivent encore être faits pour généraliser l’accessibilité, dans chaque région, des sites et permanences d’information. De plus, « Le développement de l’IVG médicamenteuse libérale apparaît indispensable pour compenser le désengagement des établissements privés, comme pour garantir une offre de proximité et le choix aux femmes. ». On peut donc se dire que la réalisation d’IVG médicamenteuse en ville, autorisée depuis 2004, aurait dû permettre de combler le vide laissé par le désengagement du secteur privé de la prise en charge des IVG.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, au niveau national en 2013, la Basse-Normandie se plaçait parmi les régions à faible proportion d’IVG réalisées en ville. En effet, cette proportion était de seulement 7 %, pour une moyenne nationale de 15 % d’IVG
réalisées en ville. A titre de comparaison, sa voisine l’ex Haute-Normandie réalisait 17 % de ses IVG en ville. Concernant les valeurs extrêmes de cette étude, la Guadeloupe réalisait 34 % de ses IVG en ville ; le Limousin, 0 %… (8)
Cette disparité géographique d’accès à l’IVG hors établissement de santé explique l’appel fait aux sages-femmes à pratiquer des IVG médicamenteuses à travers la loi de janvier 2016.
Les sages-femmes et l’orthogénie
Les liens entre les sages-femmes et l’orthogénie
En 2008, devant les difficultés et les inégalités d’accès à l’IVG dans certaines régions, Madame Poletti (Députée de la première circonscription des Ardennes, sage-femme de formation), propose de permettre aux sages-femmes de prescrire l’IVG médicamenteuse dans les établissements de santé, les CPEF et les centres de santé (14). L’IVG n’est valorisée pour les médecins ni sur le plan professionnel en terme de carrière, ni sur le plan de la rémunération ou de l’image sociale. Avec le départ à la retraite des médecins de la génération « militante », la population de praticiens de ville réalisant des IVG tend à s’appauvrir (11). Tout ceci peut expliquer l’absence d’un accès correct à l’IVG dans certaines régions – et donc l’appel fait aux sages-femmes à prendre en charge des IVG.
En 2009, un amendement est déposé afin d’expérimenter cette mesure dans une région à fort taux d’IVG. De vives protestations ont lieu face à cette proposition : l’association « sages-femmes de demain » se crée, farouchement opposée à la pratique de l’IVG par les sages-femmes, dans le but de recueillir des signatures contre cet amendement. Ces dernières, représentées par Mme Dechelette, défendent la sage-femme dans un rôle d’accompagnement de la naissance et non l’arrêt d’une grossesse. En réponse à ce collectif, l’Association Nationale des Sages-Femmes Orthogénistes (ANSFO) se forme, refusant la stigmatisation des sages-femmes dans un positionnement anti-IVG. L’ANSFO souhaite revaloriser et défendre la profession de sage-femme en orthogénie. Un débat au sénat a lieu après cette proposition, certains doutant des capacités des sages-femmes à prendre en charge des IVG médicamenteuses, d’autres allant jusqu’à remettre en cause l’IVG elle-même (14). Finalement, l’amendement est rejeté par le conseil constitutionnel. Un Sondage de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) intitulé « Les Français et la pratique de l’IVG par les sages-femmes » (15) datant de septembre 2008 tire les conclusions suivantes : 56 % des Français estiment que « Ce n’est pas le rôle des sages-femmes de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse ». En 2011 est de nouveau proposée une expérimentation de l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes (projet de loi Fourcade), de nouveau rejeté par le conseil constitutionnel.
On pourrait croire que la profession de sage-femme reste fortement divisée sur la question de la prise en charge de l’avortement. Mais en 2013, une enquête réalisée par le Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes auprès de toutes les instances ordinales avait révélé que 85% d’entre elles étaient favorables à cette mesure. Le conseil de l’Ordre se positionnait également en faveur de cette nouvelle compétence. (16)
Malgré cela, le collectif « sages-femmes de demain », est toujours présent. Dans un communiqué datant du 28 septembre 2015, le collectif déclare sur son site internet : « Prendre soin de la vie de la femme enceinte et de celui ou celle qui va naître, c’est ce qui rend notre profession unique. En nous faisant supporter la question ultra-sensible de l’avortement médicamenteux (la moitié des IVG actuels), c’est tout l’équilibre de notre profession qu’on prend le risque de bouleverser » (17). La porte-parole de ce collectif énonce également que « Les sages-femmes n’ont pas à se voir imposer un acte qui n’entre pas dans la nature de leur mission et qui mettrait en péril la confiance des femmes », et que cet acte remettrait en cause « l’essence de la profession ». (18)
Il s’agit là peut-être d’une minorité, malgré tout cela montre que persiste un clivage au sein de la profession. Rappelons que la clause de conscience permet à tout professionnel de santé de ne pas pratiquer d’IVG – médecins, sages-femmes comme toute autre personne qui pourrait être amenée à concourir à cet acte – mais l’oblige à rediriger la femme, et ainsi ne pas commettre de délit d’entrave à l’IVG.
Compétences et pratiques des sages-femmes en orthogénie
Avant 2016
Avant la loi de 2016, selon les articles L.2212-2 et L.2213-2 CSP, l’IVG médicale ou chirurgicale ne peut être pratiquée que par un médecin. Seul un médecin est habilité à délivrer des comprimés de Mifépristone aux patientes. Selon les articles L.2212-8 et R.4127-324 du CSP, une sage-femme peut participer à une interruption volontaire de grossesse.
Dans la réalité, à l’époque, comme le montre une étude de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) de décembre 2009 (Études et résultats N°712 : Les établissements et les professionnels réalisant des IVG), des sages-femmes des établissements publics et privés réalisent déjà des IVG médicamenteuses sous délégation d’un médecin. Elle réalise non seulement les entretiens, mais délivre également les médicaments nécessaires à l’IVG médicamenteuse (10, 19). Cette étude indique que « Même si en vertu des textes en vigueur, les médecins sont les seuls à pouvoir pratiquer des IVG, près d’un tiers du personnel intervenant dans la pratique des IVG sont, selon les déclarations des établissements, des sages-femmes. Ces dernières sont beaucoup plus présentes dans le secteur public, où elles représentent 39% des professionnels concernés (hors anesthésistes-réanimateurs), que dans le secteur privé, où elles représentent 4 %» (10). Cette même étude montre que les sages-femmes sont également très présentes dans les petites structures (42 % des professionnels concernés par l’IVG), moins dans les structures réalisant au moins 1000 IVG dans l’année (10 % des professionnels).
Les sages-femmes agissent également dans le cadre de la prévention en CIVG : elles réalisent des consultations de contraception et la prescrivent, informent sur les risques d’IST, etc. Les consultations de gynécologie, grossesse et les entretiens psychosociaux font également partis des rôles d’une sage-femme en CIVG. (14)
Depuis la loi de modernisation du système de santé
La loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 modifie premièrement plusieurs modalités concernant le recours à l’IVG :
– le délai de réflexion de sept jours obligatoire est supprimé. Deux consultations restent obligatoires.
L’article L2212-5 du Code de Santé Publique (1) rappelle tout de même: « Si la femme renouvelle, après les consultations prévues aux articles L. 2212-3 et L. 2212-4, sa demande d’interruption de grossesse, le médecin ou la sage-femme doit lui demander une confirmation écrite. Cette confirmation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai de deux jours suivant l’entretien prévu à l’article L. 2212-4. ». Ce dernier article précise notamment que l’entretien préalable à l’IVG est obligatoire pour les femmes mineures non émancipées et doit être systématiquement proposé aux femmes majeures.
– Les IVG instrumentales peuvent désormais être réalisées en centre de santé. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé sont adoptées en mars 2016 (20). A noter que ni l’anesthésie générale, ni la sédation intraveineuse ne peuvent être proposées hors établissement de santé.
– La remise d’un dossier guide réalisé et diffusé par les ARS (Agence Régionale de Santé) est mise en place.
Par ailleurs, cette loi autorise les sages-femmes à réaliser des IVG médicamenteuses. Ainsi, L’article L. 4151-1 du CSP est désormais énoncé ainsi: « L’exercice de la profession de sage-femme peut comporter également la réalisation de consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention ainsi que d’interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse, sous réserve que la sage-femme adresse la femme à un médecin en cas de situation pathologique. ». L’article L2212-1 du CSP est également modifié: « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse. » Globalement, en ce qui concerne l’IVG médicamenteuse, sont ajoutés les mots « ou la sage-femme », après « le médecin ».
L’extension des compétences des sages-femmes concerne seulement la pratique des IVG médicamenteuses (Article L. 2212-2 CSP) : les IVG instrumentales restent de la compétence du seul médecin, et cela concerne également les IVG pratiquées pour motif médical (Article L. 2213-2 CSP).
Les conditions requises pour la pratique de l’IVG médicamenteuse sont fixées par le décret n°2016-743 du 2 juin 2016 : selon l’article R. 2212-11, la sage-femme doit justifier d’une expérience professionnelle adaptée qui est constituée par « une pratique suffisante et régulière des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses dans un établissement de santé, attestée par le directeur de cet établissement sur justificatif présenté par le responsable médical concerné ». (Cela concerne aussi les médecins, sauf s’ils disposent d’une « qualification universitaire en gynécologie médicale ou en gynécologie-obstétrique »).
L’ANSFO se déclare, à travers un communiqué du 2 février 2016 en faveur de la promulgation de cette loi. En revanche, elles aimeraient que la loi aille plus loin dans l’élargissement des compétences des sages-femmes en orthogénie que la prise en charge des IVG médicamenteuses : « L’Association Nationale des Sages-Femmes Orthogénistes continuera de militer afin que les sages-femmes puissent réaliser toutes les méthodes d’IVG (médicamenteuses et instrumentales), afin de garantir un véritable choix par les femmes. » (21)
Formation des sages-femmes en orthogénie
La formation initiale
P. Breton, ayant réalisé en 2013 son mémoire de fin d’études de sage-femme intitulé « La place de la sage-femme dans la prise en charge de l’IVG médicamenteuse. Enquête auprès des étudiants de la région Grand-Ouest », tire les conclusions suivantes de son étude par questionnaire auprès des étudiants sages-femmes : « Notre étude montre une réelle disparité entre les écoles de la région Grand-Ouest concernant la formation initiale des sages-femmes, tant sur le plan théorique que pratique (…). En effet le nombre d’heures de théorie sur l’IVG est faible (maximum cinq heures à Nantes) alors que les étudiants sont demandeurs de plus de cours notamment sur la législation de l’IVG et la pharmacologie des médicaments utilisés. Côté pratique, la différence entre les écoles est encore plus surprenante. Le stage en orthogénie n’est pas obligatoire dans toutes les écoles et lorsqu’il est réalisé, sa durée est très limitée : un jour par exemple pour Rennes. Cette durée relève plutôt d’un stage d’observation plutôt que de formation. Or les étudiants sages-femmes ont tout à bénéficier d’un vrai stage en orthogénie, au même titre que ceux réalisés durant la formation. Durant ce stage les activités sont diverses et nécessaires à la formation d’une sage-femme : consultations et suivis de la contraception, poses d’implants et de stérilets, prise en charge des IVG, suivis de grossesse…
Ce manque de formation se fait ressentir par les étudiants, demandeurs à l’unanimité d’un stage plus long et obligatoire en orthogénie. » (14)
Au vu de l’élargissement des compétences des sages-femmes voté en 2009, l’accent a été mis sur l’enseignement de la santé génésique, comprenant celui sur l’IVG. À l’École de sages-femmes de Caen, au moins cinq heures de cours sont dédiées à l’IVG en quatrième année. Un stage en orthogénie est effectué en cinquième année. Ce stage est d’une durée d’une semaine, mais il est partagé avec le stage en Aide Médicale à la Procréation (AMP). Il peut être d’une durée variable en fonction des possibilités des services.
On peut espérer, avec l’extension des compétences des sages-femmes en orthogénie, qu’une harmonisation aura lieu entre les écoles. Ainsi, une fois diplômée, chaque sage-femme pourrait valider les conditions requises pour pratiquer des IVG grâce aux stages effectués en formation initiale, comme le dispose l’article R. 2212-11 cité précédemment concernant les conditions requises pour la pratique des IVG médicamenteuses.
Formation continue à l’IVG médicamenteuse pour les professionnel(le)s
L’École de sages-femmes de Caen a, en 2015 et 2016, organisé deux modules sur le suivi gynécologique et l’IVG destinés aux sages-femmes.
Deux modules ont également été proposés par le RPBN (Réseau de Périnatalité de Basse Normandie), et ce pour les médecins généralistes comme les sages-femmes intéressé(e)s par la prise en charge des IVG en ville.
De plus, plusieurs Diplômes Inter-Universitaires (DIU) et Dipômes Universitaires (DU) de formation complémentaire en « Gynécologie médicale pour les sages-femmes »,
« Médecine préventive en santé des femmes » ou encore « Contraception, IVG, sexualité » sont organisés par plusieurs universités en France pour les sages-femmes. Elles comprennent un module sur l’orthogénie. Ces formations sont cependant denses et d’une durée d’un an. Elles nécessitent donc une grande disponibilité, contrairement aux formation courtes citées précédemment. Ces diplômes ne sont pas obligatoires pour prendre en charge des IVG.
Le cadre de la pratique de l’IVG médicamenteuse hors établissement de santé
Les textes de référence
La loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, ainsi que les circulaires qui ont suivi, autorisent cette pratique (article L. 2212-2 du Code de la santé publique).
Le praticien de ville réalisant des IVG médicamenteuses dans le cadre du dispositif d’IVG hors établissement de santé doit passer une convention avec un établissement de santé autorisé à pratiquer des IVG (établissement disposant d’un service de gynécologie obstétrique ou de chirurgie). La fiche de liaison, support des informations essentielles du dossier médical échangées entre le médecin et l’établissement de santé, est définie conjointement par les signataires de la convention.
L’établissement de santé signataire de la convention s’engage à accueillir la femme à tout moment et à assurer la prise en charge liée aux complications et échecs éventuels. Il assure un rôle d’information et de formation des médecins ou sages-femmes concernés par le dispositif. Il veille au respect de la confidentialité des documents adressés par les médecins
Le médecin de ville, la sage-femme ou le centre reçoit de l’établissement avec lequel il a passé convention les bulletins statistiques permettant d’établir les déclarations d’IVG « anonymisées ». Il renvoie ces bulletins remplis au même établissement. Le médecin ou la sage-femme qui a pratiqué l’acte conserve dans le dossier médical les attestations de consultations préalables qui lui ont été remises par la patiente ainsi que son consentement écrit à l’IVG.
Les médicaments
Les médicaments nécessaires à la réalisation de l’IVG sont la Mifépristone (200 ou 600mg) et le Misoprostol (400µg). Afin de garantir la sécurité d’utilisation des médicaments nécessaires, ces derniers sont vendus exclusivement aux professionnels ayant passé convention avec un établissement de santé. Ils ne peuvent être vendus ni à des médecins ou sages-femmes n’ayant pas conclu de convention, ni à des particuliers. Pour se procurer ces médicaments, le praticien de ville passe une commande à usage professionnel auprès de la pharmacie d’officine de son choix.
Afin de garantir la bonne administration dans les délais requis des deux médicaments et de permettre un suivi régulier de la patiente, la prise des médicaments (mifépristone et misoprostol) par la femme est effectuée en présence du praticien lors des consultations.
Le suivi de la femme
La première consultation préalable à l’IVG (non comprise dans le « forfait IVG » établi pour l’IVG hors établissement de santé) est réalisée par tout praticien choisi par la femme. La femme présente une demande d’IVG. Le médecin ou la sage-femme lui délivre une information sur l’IVG portant notamment sur les techniques disponibles et la possibilité d’avoir recours à un entretien psychosocial. Il lui est remis un « dossier-guide IVG » édité par le Ministère de la Santé, et une attestation de première consultation. La consultation psychosociale intervient pendant ce délai. Pour rappel, le mode de tarification forfaitaire applicable à l’IVG exclut tout dépassement d’honoraires. Le suivi de l’IVG hors établissement de santé proprement dite comprend quatre consultations :
– La première consultation (c’est-à-dire la première consultation comprise dans le « forfait IVG ») : La patiente confirme la demande d’IVG et remet son consentement écrit ainsi que l’attestation de première consultation préalable. Le médecin ou la sage-femme vérifie ou prescrit une échographie qui permet de vérifier que la grossesse est bien intra-utérine, que l’âge gestationnel, l’état médical et psychosocial de la patiente permettent la réalisation d’une IVG par mode médicamenteux. Il faut également qu’il s’assure que l’intéressée pourra se rendre dans l’établissement de santé signataire de la convention dans un délai raisonnable (de l’ordre d’une heure). La procédure de l’IVG hors établissement de santé est expliquée et un document explicatif du protocole que l’intéressée devra respecter est remis. Cette consultation constitue un moment privilégié pour proposer à la femme de choisir la méthode contraceptive à mettre en place après l’IVG. Elle peut être l’occasion de proposer un dépistage des infections sexuellement transmissibles.
– La deuxième consultation :
Elle correspond à la première consultation de prise de médicament (Mifépristone) par la patiente, en présence du praticien qui délivre à la femme toutes les informations sur les mesures à prendre en cas de survenue d’effets secondaires, indique les coordonnées précises du service de l’établissement dans lequel elle peut se rendre si nécessaire, remet à la patiente une fiche de liaison contenant les éléments essentiels de son dossier médical. Le praticien assure la prévention de l’incompatibilité Rhésus chez toutes les femmes Rhésus négatif par la prescription et l’administration d’une dose standard de gamma-globulines anti-D. Il prescrit également à la femme un traitement antalgique ainsi qu’une méthode contraceptive.
– La troisième consultation :
Elle correspond à la deuxième consultation de prise de médicament (Misoprostol) par la patiente, de 36 à 48 heures plus tard, en présence du praticien. À cette occasion, la femme est informée des suites normales de l’IVG, des troubles qui peuvent survenir et notamment de la conduite à tenir en cas d’hémorragie importante. Elle est informée de la possibilité de bénéficier d’une consultation psychosociale après l’IVG si elle l’estime nécessaire. Elle est sensibilisée à la nécessité de la visite de contrôle. La contraception hormonale, oestroprogestative ou progestative, est débutée le jour même.
– La consultation de contrôle :
Elle est effectuée au minimum dans les 14 jours et au maximum dans les 21 jours suivant la prise de Mifépristone au cabinet où la femme a reçu les médicaments. Elle est l’occasion de vérifier que la femme dispose du moyen contraceptif qui lui convient et qu’elle ne rencontre pas de difficultés dans son utilisation. Si la femme a choisi un dispositif intra-utérin, la visite de contrôle permet de le poser après contrôle de la vacuité utérine et en l’absence de complication.
La rémunération
Le « forfait IVG » a été établi par l’assurance maladie à 187,92€. Celui-ci comprend la consultation de recueil de consentement (25€), le forfait lié à la prise de médicaments (137,92€) et la consultation de contrôle (25€). (23)
Forces et limites de l’étude
Forces de l’étude
Le sujet de notre étude était tout d’abord un sujet d’actualité puisqu’il portait sur les nouvelles compétences des sages-femmes acquises en janvier 2016. Mais l’IVG en ville est surtout un sujet traitant d’un problème de santé publique au sein de notre région. Ce travail nous semblait donc pertinent puisqu’il s’agissait de dresser un état des lieux des souhaits des sages-femmes libérales, et ce rapidement après la mise en place de la loi de modernisation du système de santé.
Plus de la moitié des sages-femmes libérales contactées avaient répondu au questionnaire (52,7%). Cela est satisfaisant, et nous pouvons ainsi considérer que notre échantillon était représentatif de la population visée par notre étude (les sages-femmes libérales des départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne).
Limites de l’étude
Taille de l’échantillon
L’échantillon de sages-femmes libérales ayant répondu au questionnaire était de 49 (sur 93 questionnaires envoyés), et représente donc un échantillon de petite taille. Ainsi, peu de tests statistiques ont montré des résultats significatifs. Peut-être qu’un plus grand échantillon aurait permis de conclure sur certains points. Cependant, le but étant de faire un état des lieux en ex Basse-Normandie, région appauvrie en offre de soins pour l’IVG en ville, il semblait difficile d’obtenir un plus grand échantillon en restant en accord avec les raisons qui nous ont poussées à mettre en place cette étude. Parmi les sages-femmes contactées, bien que le taux de retour soit satisfaisant, 47,3% n’avaient pas répondu au questionnaire. Un meilleur taux de réponse aurait déjà permis une meilleure interprétation des résultats.
Biais
Le fait de préciser « dans un futur proche » par rapport au souhait de pratiquer des IVG médicamenteuses était peut-être inapproprié. En effet, cela peut constituer un biais car il s’agit d’une notion subjective. Le but était de cibler les sages-femmes qui se sentaient prêtes à pratiquer des IVG dès qu’elles en auraient l’opportunité. Peut-être aurait-on pu utiliser une échelle de temps afin de savoir plus objectivement combien de sages-femmes et dans quel délai elles comptaient réaliser des IVG dans leur cabinet. Cela nous semblait cependant être une question difficile que de demander un délai précis.
Sujets non abordés
Il aurait pu être intéressant de connaître la répartition géographique des sages-femmes ayant répondu au questionnaire. Ainsi, nous aurions pu demander aux sages-femmes de notre population de renseigner leur département d’exercice, ou bien si elles exerçaient en zone urbaine ou rurale, afin de mettre en lumière d’éventuelles différences de réponses en fonction de ces paramètres. Il n’aurait pas été possible en revanche d’interroger les sages-femmes sur leur lieu exact d’exercice car cela aurait mis en péril l’anonymat du questionnaire.
Analyse des résultats et discussion
La prise en charge de l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes libérales de notre étude
Les motivations des sages-femmes libérales qui souhaitent prendre en charge des IVG médicamenteuses dans un futur proche
Nous cherchions à savoir combien et dans quelle proportion les sages-femmes libérales se sentaient prêtes à pratiquer des IVG médicamenteuses dans un futur proche en ex Basse-Normandie. Sur les 48 sages-femmes ayant répondu à la question correspondante, 21 avaient déclaré penser pratiquer dans un futur proche des IVG médicamenteuses, soit 43,8 % d’entre elles.
Une étude menée en 2014, précédemment citée en introduction et s’intitulant « Accessibilité de l’IVG : où en est-on ? » (13) préconisait un développement de l’IVG médicamenteuse en ville pour compenser le désengagement des établissements privés. Or, peu d’IVG sont réalisées hors établissement de santé dans notre région (7 %) (8). On peut se dire que, si 21 sages-femmes prennent effectivement en charge des IVG médicamenteuses dans un futur proche, l’offre de soins en matière d’IVG hors établissement de santé pourrait s’améliorer dans les trois départements concernés par l’étude.
Dans notre population, 65,3 % des sages-femmes pensaient que cette nouvelle compétence avait été confiée aux sages-femmes du fait d’un accès difficile à l’IVG en ville (Tableau XIV). Les sages-femmes semblaient avoir bien conscience du manque d’offre de soins en matière d’IVG médicamenteuse en ville et souhaitaient y remédier. En effet, 95,2 % de celles qui souhaitaient prendre en charge des IVG prochainement déclaraient vouloir répondre à un problème de santé publique à travers cette activité (Figure 5). Presque un tiers des sages-femmes souhaitant pratiquer dans un futur proche des IVG médicamenteuses souhaitaient ainsi augmenter ou diversifier leur activité. Une demande d’augmentation de l’activité correspond-elle à une baisse de leur activité qui pourrait être dûe à des installations que l’on sait nombreuses de sages-femmes libérales ces dernières années ? On peut comprendre également que certaines souhaitent diversifier leur activité puisque parmi les deux pratiques les plus courantes en consultation, on retrouvait 83,7 % de préparation à la naissance et à la parentalité et 87,8 % de rééducation périnéale (Tableau I).
P. Breton, dans son mémoire de fin d’études de sage-femme réalisé en 2013 (14), obtenait les résultats suivants : « 93% des étudiants sages-femmes sont favorables à la prescription de l’IVG médicamenteuse ; 7% sont défavorables. L’argument favorable avancé majoritairement exprime que ce droit est en accord avec les compétences actuelles des sages-femmes sur le suivi global des femmes. L’argument défavorable défend l’IVG comme un acte pathologique alors que la sage-femme exerce sur la physiologie. »
Ces résultats sont en partie similaires à ceux notre étude. En effet, dans l’étude sus-mentionnée, réalisée auprès des étudiants sages-femmes de la région grand-ouest, l’argument le plus énoncé par les étudiants favorables à la prescription de l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes était la cohérence avec l’élargissement des compétences des sages-femmes. Dans notre étude, l’argument le plus avancé à la question « pourquoi pensez-vous que l’IVG médicamenteuse fait désormais partie du champ de compétences des sages-femmes ? » était à 67,3% « car leurs compétences s’élargissent depuis plusieurs années, il est donc logique que la sage-femme s’inscrive dans un suivi global de la femme ». L’argument d’être « en accord avec les compétences actuelles des sages-femmes dans le suivi global de la femme » équivalent à celui mentionné par P. Breton était largement majoritaire dans notre étude lorsque nous avions demandé à notre population les raisons pour lesquelles la sage-femme était compétente dans la prise en charge des IVG médicamenteuses (97,8%). Ainsi, il semble que les sages-femmes soient globalement en accord avec les compétences qui leur sont attribuées et qui s’élargissent depuis plusieurs années, allant dans le sens d’un suivi global de la femme.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Histoire de l’avortement en France
1.1. Au XIXe siècle – Début du XXe siècle
1.2. Pendant la seconde moitié du XXe siècle
2. Épidémiologie : l’IVG actuellement en France et en Basse-Normandie
3. Les sages-femmes et l’orthogénie
3.1. Les liens entre les sages-femmes et l’orthogénie
3.2. Compétences et pratiques des sages-femmes en orthogénie
3.2.1. Avant 2016
3.2.2. Depuis la loi de modernisation du système de santé
3.3. Formation des sages-femmes en orthogénie
3.3.1. Lors de la formation initiale
3.3.2. Formation continue
4. Le cadre de la pratique de l’IVG médicamenteuse hors établissement de santé
4.1. Les textes de référence
4.2. Les médicaments
4.3. Le suivi de la femme
4.4 La rémunération
1. Problématique
2. Objectifs
3. Hypothèses
4. Population cible
5. Etude
6. Outils statistiques, recueil et exploitation des données
RÉSULTATS
1. Profil de l’échantillon
2. Données en fonction du type d’exercice professionnel libéral
3. Données en fonction de la durée d’installation en exercice libéral
4. Données en fonction de la formation initiale reçue et de l’expérience dans un service d’orthogénie
5. Données en fonction de l’année d’obtention du diplôme de sage-femme
6. Données en fonction de l’exercice de suivi gynécologique
7. Avis des sages-femmes sur leurs nouvelles compétences
8. Profils des sages-femmes souhaitant réaliser dans un futur proche des IVG médicamenteuses et des sages-femmes intéressées par une formation
DISCUSSION
1. Forces et limites de l’étude
1.1. Forces de l’étude
1.2. Limites de l’étude
1.2.1. Taille de l’échantillon
1.2.3. Sujets non abordés
2. Analyse des résultats et discussion
2.1. La prise en charge de l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes libérales de notre étude
2.1.1. Les motivations des sages-femmes qui souhaitaient prendre en charges des IVG médicamenteuses
2.1.2. Les motivations des sages-femmes qui ne souhaitaient pas prendre en charge des IVG médicamenteuses dans un futur proche
2.2. Prise en charge de l’IVG : un profil type de sages-femmes libérales ?
2.2.1. Enseignement reçu sur l’IVG médicamenteuse
2.2.2. Influence de l’année d’obtention du diplôme de sage-femme sur l’envie donnée par les études de s’investir en orthogénie et sur la volonté de pratiquer des IVG médicamenteuses
2.2.3. Influence de l’expérience professionnelle en orthogénie sur la volonté de pratiquer des IVG médicamenteuses
2.2.4. Influence de la durée d’installation en libéral sur la volonté de pratiquer des IVG médicamenteuses
2.2.5. Influence de la pratique du suivi gynécologique sur la volonté de pratiquer des IVG médicamenteuses
2.2.6. Influence des conditions d’installation sur la volonté de pratiquer des IVG médicamenteuses
2.3. Avis des sages-femmes sur leurs compétences en orthogénie
2.4. Formation continue
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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