Le cadmium et le sélénium : deux polluants largement répandus et toxiques pour les plantes

Une industrialisation et une urbanisation croissantes entrainent une forte contamination des sols par différents composés toxiques tels que les métaux lourds. Cette pollution constitue actuellement un risque majeur pour l’environnement, l’agriculture et la santé humaine. Les plantes sont des organismes sessiles qui absorbent et accumulent ces composés toxiques et qui, face à ceuxci, ont développé des mécanismes de tolérance. Ainsi, de nombreuses équipes de recherche travaillent actuellement sur la compréhension de ces mécanismes afin de développer des approches biotechnologiques qui permettraient de dépolluer les sols .

Parmi les polluants les plus fréquemment retrouvés dans les sols figure le Cadmium (Cd). Ce métal lourd a été découvert par Magnus Martin af Pontin en 1809. Le Cd, polluant fortement présent dans l’industrie, est utilisé lors de la fabrication de colorants (CdS, CdO), de piles et de batteries (CdNi), et également dans certains procédés de traitement de surfaces (bonne résistance du Cd à la corrosion) et de production d’alliages. Le Cd se retrouve également dans les engrais phosphatés. Concernant l’ensemble de la population humaine, il existe plusieurs sources environnementales de contamination, mais la principale source est l’alimentation provenant de terres agricoles contaminées.

Actuellement, le niveau d’exposition au Cd pour la population humaine est compris entre 1 et 5 µg de Cd par kg de masse corporelle (Clemens et al., 2012) et la population européenne est une des plus exposées. D’après l’EFSA (European Food Safety Authority), cette exposition doit être diminuée à 2,5 µg de Cd par kg de masse corporelle (EFSA, 2009), ce qui nécessite la mise en place de dispositifs permettant à l’homme d’être moins exposé au Cd. Parmi les dispositifs pouvant être mis en place figure l’utilisation des biotechnologies telle que la phytoremédiation. En effet, la production de plantes hypertolérantes et hyperaccumulatrices pouvant accumuler le Cd dans les parties aériennes permettrait de dépolluer les sols contaminés. Une autre approche biotechnologique pourrait consister à produire des plantes hypertolérantes non accumulatrices (par exemple des plantes n’accumulant pas de composés toxiques au niveau des parties aériennes). Celles-ci pourraient alors être utilisées pour la consommation humaine et animale.

Le cadmium et le sélénium : deux polluants largement répandus et toxiques pour les plantes

Le cadmium

Le cadmium (Cd) est un métal non essentiel qui ne présente aucune fonction physiologique. Il existe tout de même une espèce de diatomée marine, Thalassiosira weissflogii, qui utilise le Cd en tant que catalyseur dans son activité d’anhydrase carbonique (Lane et al., 2005; Xu et al., 2008). Cette enzyme peut également utiliser le Zinc (Zn) mais celui-ci étant très peu présent dans les océans, Thalassiosira weissflogii utilise le Cd. Cette diatomée est le seul exemple connu d’organisme pour lequel le Cd intervient dans un processus biochimique.

Toxicité chez les mammifères et moyens de détoxication

La Cd présente une toxicité importante chez les mammifères et son accumulation dans l’organisme peut conduire à différents troubles de la santé. Les principaux organes touchés sont les reins où sa demi-vie va de 10 à 30 ans (Jarup et al., 2009). Le Cd peut également toucher les os provoquant une ostéomalacie, voire de l’ostéoporose lors d’expositions plus importantes (Jarup et al., 1998). Ces différentes affections ont été mises en évidence à partir des années 1950 au Japon suite au rejet de fortes quantités de Cd résultant de l’activité minière dans la rivière Jinzu, dont l’eau était utilisée pour l’irrigation des rizières mais également pour la consommation humaine (Schenk et al., 2000). Cette pollution est à l’origine de la maladie « itaï-itaï » qui se caractérise par de multiples fractures, une distorsion des os et un dysfonctionnement rénal. Le Cd est également à l’origine de plusieurs cancers (Byrne et al., 2009) et depuis les années 1990, à partir d’études réalisées sur des travailleurs exposés au Cd, celui-ci est considéré en tant qu’élément cancérogène de 1ère classe. Une étude menée en 2008 a également montré une corrélation entre l’exposition au Cd et l’infarctus du myocarde (Everett et al., 2008).

Afin de faire face à ce type d’intoxication, les cellules des mammifères ont développé un système de détoxication utilisant des protéines appelées métallothionéines (MTs) dont une des propriétés principales est de chélater le Cd. Ces protéines sont également impliquées dans la lutte contre le stress oxydant et dans l’homéostasie de certains métaux essentiels (Sutherland et al., 2011). Les principales caractéristiques des MTs sont leur petite taille (0,5 à 14 kDa) et une quantité importante de cystéines (30% des acides aminés) responsables de la capacité de liaison aux métaux (Kojima, 1991). Concernant les caractéristiques structurales et biochimiques des MTs , celles-ci sont constituées de deux sous unités (alpha et béta) chacune capable de lier les métaux (Robbins et al., 1991). Les MTs réalisent une coordination tétrahédrique du Cd2+ (4 cystéines sont impliquées dans la liaison de chaque Cd2+) et chaque MT est capable de lier 7 atomes de Cd2+ (4 au niveau du domaine alpha et 3 au niveau du domaine béta). Cette coordination est la même pour d’autres atomes divalents tels que le Zn2+, le Fe2+ et le Co2+ (Vasak et al., 1980; Nielson et al., 1985; Good et al., 1986). Concernant le Cd2+, cette liaison se fait au niveau des cellules hépatiques, les complexes MTs-Cd2+ sont ensuite transportés vers les cellules rénales (Chan et al., 1993) puis accumulés, d’où le caractère néphrotoxique du Cd2+ même lorsque celui-ci est chélaté aux MTs. Des études ont montré que des souris mutantes ne possédant pas de MTs accumulent seulement 7 % de Cd2+ de plus que les souris sauvages mais sont hypersensibles au Cd2+, ce qui suggère une accumulation du Cd2+ libre directement au niveau des reins ainsi qu’une capacité des MTs à réduire les effets toxiques du Cd2+ sur l’organisme (Liu et al., 1998).

Voie d’assimilation, toxicité et moyens de détoxication chez la plante

Le Cd2+ est un élément toxique pour la plante qui entraîne une réduction de la biomasse, une chlorose, une inhibition de la croissance racinaire, des altérations au niveau morphologique ainsi qu’une dérégulation des activités photosynthétiques (Faller et al., 2005; Kupper et al., 2007; Solti et al., 2008; Fagioni et al., 2009; Verbruggen et al., 2009a; Janik et al., 2010; Lin et al., 2012; Molins et al., 2013). La principale cause de la toxicité du Cd2+ provient du fait qu’il puisse se substituer à la place de métaux essentiels divalents tels que le Zn2+, le Ca2+, le Fe2+, le Mg2+ et le Cu2+ (Moulis, 2010). Ainsi le Cd2+ peut prendre la place de ces différents métaux au niveau des métalloprotéines et interférer dans l’homéostasie de ces différents éléments.

Les plantes utilisent différentes stratégies pour lutter contre la toxicité du Cd2+ (Lin et al., 2012) :
– chélation du Cd2+ au niveau du cytosol
– séquestration du Cd2+ sous forme libre ou liée au niveau de la vacuole
– exclusion du Cd2+ via des transporteurs vers les parties aériennes .

Certaines plantes appelées hyperaccumulatrices vont être capables naturellement d’accumuler et de tolérer une concentration de Cd2+ supérieure à 100 mg/kg matière sèche (Verbruggen et al., 2013). Actuellement neuf espèces hyperaccumulatrices de Cd2+ ont été identifiées (Meyer et al., 2012).

Transport du Cd2+ dans la plante

L’entrée du Cd2+ dans la plante se fait de façon non-spécifique au niveau des racines via différents transporteurs de métaux (particulièrement les transporteurs de Zn2+, Fe2+ et Ca2+) (Clemens, 2006) (Figure 3). Chez les plantes, le premier transporteur caractérisé pour son implication dans le transport du Cd2+ a été LCT1 (Low affinity Cation Transporter 1), un transporteur de Ca2+ présent chez le blé. Des levures surexprimant la protéine LCT1 montrent une hypersensibilité au Cd2+ (Clemens et al., 1998). Il apparait donc comme un bon candidat impliqué dans l’absorption du Cd2+ par la plante mais le transport in planta du Cd2+ via LCT1 n’a actuellement pas été confirmé. Il n’y a pas d’homologue de cette protéine chez Arabidopsis thaliana, mais les transporteurs de Ca2+ présents au niveau des feuilles semblent impliqués dans l’absorption du Cd2+ (Perfus-Barbeoch et al., 2002). En effet, des feuilles exposées à une solution de Cd2+ pendant quelques secondes puis rincées montrent un phénotype de dérégulation des cellules de garde. Ce phénotype observé en présence de Cd2+ disparait en présence d’inhibiteurs des canaux calciques. Il semblerait donc que le Cd2+ puisse mimer le Ca2+ et entrer dans les cellules de garde via les canaux calciques.

Chez Arabidopsis thaliana, le transport des différents cations au niveau des racines est assuré par les transporteurs de la famille ZIP (ZRT1/IRT1-like Proteins) (Guerinot, 2000; Vert et al., 2002; Kramer et al., 2007). Des lignées surexprimant IRT1 (transporteur de Fe2+ appartenant à la famille ZIP) ont été décrites comme accumulant plus de Cd2+ et de Zn2+ dans un milieu carencé en Fe2+ (Connolly et al., 2002). Les transporteurs de Zn2+ ZIP1, ZIP2 et ZIP3 semblent également impliqués dans le transport du Cd2+. En effet, chez le modèle levure, il a été mis en évidence que l’entrée du Zn2+ dans la cellule via ces trois transporteurs de la famille ZIP était bloquée en présence de Cd2+ (Grotz et al., 1998). Chez Oriza sativa, la protéine NRAMP5 (Natural Resistance Associated Macrophage Protein 5) dont la fonction physiologique est l’absorption du Mn2+ représente la principale voie d’entrée du Cd2+ dans la plante (Sasaki et al., 2012). En effet, des lignées nramp5, en présence de Cd2+, accumulent moins de ce toxique au niveau de la tige et de la graine. Le transporteur NRAMP1, connu pour son rôle en tant que transporteur de Fe2+ chez Arabidopsis thaliana (Curie et al., 2000) est également impliqué dans le transport du Cd2+ chez Oriza sativa (Takahashi et al., 2011a; Takahashi et al., 2011b). NRAMP1 est localisé au niveau de la membrane plasmique des cellules de l’épiderme. Ceci a été montré par l’utilisation de lignées surexprimant NRAMP1 et dont le phénotype présente une hypersensibilité au Cd2+ et une accumulation de celui-ci au niveau des feuilles.

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Table des matières

I. INTRODUCTION GENERALE
II. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
A. Le cadmium et le sélénium : deux polluants largement répandus et toxiques pour les plantes
1. Le cadmium
a) Toxicité chez les mammifères et moyens de détoxication
b) Voie d’assimilation, toxicité et moyens de détoxication chez la plante
(1) Transport du Cd2+ dans la plante
(2) Séquestration du Cd2+ sous forme libre et chélaté
(a) Influx du Cd2+ libre dans la vacuole via les transporteurs tonoplastiques
(b) Séquestration des complexes phytochélatine-Cd dans la vacuole
(c) Autres acteurs impliqués dans la séquestration du Cd2+
(3) Transfert du Cd2+ vers les parties aériennes
(4) Remobilisation du Cd2+
c) Influence d’un stress induit par le Cd2+ sur la voie d’assimilation du soufre
2. Le sélénium
a) Le sélénium chez les mammifères
(1) Un élément essentiel incorporé au niveau des protéines
(2) Carence et toxicité
b) Voie d’assimilation, toxicité et bénéfices chez les plantes
(1) Toxicité
(2) Bénéfices
(3) Voie d’assimilation
(a) Entrée du sélénium dans la plante
(b) Du séléniate et du sélénite aux sélénocystéines
(c) Des sélénocystéines aux autres composés séléniés
B. La protéine « Selenium Binding Protein 1 » (SBP1)
1. Les protéines contenant du Se
2. Identification de SBP1
3. SBP1 chez les mammifères
a) Un suppresseur de tumeurs chez l’homme
b) La surexpression de SBP1 au niveau des cellules cérébrales apparait comme potentiellement dégénérative
c) Autres fonctions potentielles de SBP1
d) SBP2 : cible de l’acétominophène dans le foie
4. La protéine « Selenium Binding Protein 1 » (SBP1) chez les plantes
a) Une protéine conservée
b) Localisation cellulaire de SBP1 chez les plantes
c) SBP1 est induite en réponse à différents stress
d) La surexpression de SBP1 augmente la tolérance à différents stress environnementaux46
e) Existence de sites potentiels de liaison aux métaux
(1) Conservation des sites de liaison aux métaux
(2) Conservation de sites potentiels caractéristiques des « Cd binding proteins »
C. Objectifs de la thèse
1. Analyse in vitro
2. Analyse in planta
III. MATERIEL ET METHODES
A. Matériel végétal et conditions de culture
B. Techniques de biologie moléculaire
1. Transformation de bactéries
a) Escherichia coli thermocompétentes
b) Agrobacterium tumefaciens électrocompétentes
2. Construction de plasmide
a) Mutagenèse dirigée
b) Clonage dans les vecteurs pGEM-T et pGEM-Teasy
c) Ligation
d) Vecteurs de bactéries pour la production de protéines recombinantes
e) Vecteurs de plantes pour la production de lignées transgéniques
3. Visualisation et séparation de fragments d’ADN par électrophorèse
C. Biochimie
1. Purification de protéines recombinantes
a) Purification de protéines étiquetées GST et clivage de l’étiquette
b) Purification de protéines étiquetées poly-His et clivage de l’étiquette
2. Dosage des protéines
3. Séparation des échantillons protéiques par électrophorèse
4. Immunodétection de protéines par Western Blot
5. Caractérisation biochimique et interactions protéines-ligands
a) Analyse de la stabilité de la protéine via le « Thermal Shift Assay » (TSA)
(1) Principe
(2) Protocole
b) Test de capacité de liaison
c) Quantification des différents ligands (ICP-MS)
(1) Principe
(2) Protocole
d) Dosage des cystéines réduites accessibles avec le réactif d’Ellman
(1) Principe
(2) Protocole
e) Détermination des paramètres thermodynamiques par microcalorimétrie (ITC)
(1) Principe
(2) Protocole
f) Analyse de la liaison Se-SBP1 par spectrométrie de masse
(1) Protocole sur protéine entière
(2) Protocole sur protéine digérée
g) Etude des structures secondaires par dichroïsme circulaire
(1) Principe
(2) Protocole
h) Détermination de l’affinité du Cd2+ à SBP1 par fluorimétrie
(1) Principe
(2) Protocole
i) Caractérisation de l’environnement atomique et de la spéciation du Cd et du Se par spectroscopie d’absorption des rayons X (XAFS)
(1) Généralités
(2) Principe
(3) Préparation des échantillons
(4) Réglages de la ligne et mesures
6. Analyse structurale
(1) Principe
(2) Protocole
D. Techniques relatives aux analyses in planta
1. Transformation et sélection de lignées transgéniques à une insertion
2. Analyse de du niveau d’expression de SBP1 par enregistrement de l’activité luciférase
3. Etude de la localisation sub-cellulaire de GFP-SBP1 et SBP1-GFP par microscopie confocale
4. Analyse d’expression des gènes par PCR quantitative
5. Quantification des ligands et analyse de leur spéciation
IV. CONCLUSION GENERALE

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