Historique de la période communiste
Origine du communisme
Commençons par définir ce qu’est le communisme. Cette notion trouve son origine au siècle avec les lumières (XVIIIème siècle) et dans la révolution égalitaire. En effet, en 1762, dans le contrat social, Jean Jacques Rousseau, « Affirme que le mal, et avec lui l’inégalité, ne vient pas d’un quelconque défaut de la nature humaine, mais d’un état défectueux de la société, du pouvoir usurpé du fort sur le faible, fondement à l’ordre social. » L’idée d’égalité parmi les hommes se répand en Europe et devient un sujet principal pour les philosophes.
Pour Marx, la tâche suprême des peuples est d’accomplir la révolution égalitaire. En 1848, il expose ses idées dans le Manifeste Communiste. Pour lui, « aussi longtemps qu’il y aura des différences de fortune au sein de la société, il y aura des différences de pouvoir et de statut, il y aura exploitation de certains par d’autres, domination d’êtres humains sur d’autres êtres humains. Or, toute domination et toute exploitation sont un déni de la dignité humaine, une profanation de la personnesacrée de l’Homme. L’inégalité est donc une déshumanisation, un scandale moral auquel il faut mettre fin si le monde doit enfin atteindre la vraie civilisation. »
« Ainsi le socialisme ne désigne jamais, en son usage premier, une forme d’organisation sociale, il désigne une alternative idéale à toutes les formes de sociétés existantes. En résumé, le socialisme est une utopie, au sens littéral du terme : un « non-lieu » ou un « nulle part », conçu comme altérité idéale. »
Pour parvenir à la société idéale, selon Marx dans le manifeste du parti communiste, la société doit s’approprier toute propriété individuelle : « La théorie du socialisme peut se résumer en une seule et unique phrase : abolition de la propriété privée. » Avec elle, le profit et le marché doivent aussi être abolis. Cette révolution a pour objectif de mettre fin à l’exploitation du prolétariat pour aboutir à une société sans Etat et sans classe. En cela, le communisme s’oppose au capitalisme. Finalement, « le socialisme trouve son origine dans une idée morale, l’égalité, et aboutit à un programme d’action, l’abolition de la propriété et du marché. »
Dans son manifeste, Marx parle de lutte des classes. Cette lutte est un combat physique et violent. Le ressentiment de la classe devant son exploitation produit une révolution sociale qui fait passer l’humanité d’un mode de production à un autre.
Marx entend ainsi que la mise en pratique de son système ne peut se faire sans le bouleversement d’une révolution. « Le socialisme en vient à signifier le point culminant de l’Histoire, le but ultime du développement humain ; et sous cet habit, il produit une théorie de l’histoire ».
La société communiste prétend atteindre la fin historique, la fin de la succession « féodalité, capitalisme, socialisme ».
Ce n’est qu’avec la révolution Bolchevique en 1917 que le mouvement est concrétisé dans l’organisation de la société. Mais lorsque les socialistes sont au pouvoir, un fossé se creuse entre cette société et les idéaux du mouvement. En effet, plus les mouvements sont démocratiques, moins ils réalisent le programme économique socialiste. Les méthodes employées sont alors brutales, « le communisme émerge comme totalitarisme absolu ».
L’Union Soviétique considérait qu’elle était socialiste, mais n’avait pas encore atteint le stade du communisme. En effet, le socialisme est un stade préalable qui permet d’atteindre le communisme par la nationalisation progressive des moyens de production et d’échange.
Politique culturelle et architecturale en Bulgarie sous la période communiste
Pour réaliser l’idéal socialiste, le régime garde le monopole du développement de la culture en Bulgarie. Pendant la première période, celle de la démocratie populaire (1948-1953),« l’idéologie fut utilisée pour unir le peuple bulgare dans l’accomplissement de l’idéal communiste. » . La liberté d’expression est stoppée par les purges et l’instauration d’une Direction de la propagande nationale qui réprime les journalistes et les intellectuels Bulgares. Le Parti Ouvrier Bulgare utilise ses institutions comme le comité des sciences, des arts et de la culture pour diriger toutesles activités culturelles suivant la ligne du parti. Georgi Dimitrov tente de démocratiser la culture. Chaque chef lieu de département est doté d’un théâtre, de galeries d’art, de musées et pas une seule agglomération ne se trouvait sans maison de la culture. Les centres les plus importants sont dotés d’ensembles architecturaux modernes abritant les fonctions culturelles. En 1948, lors du Vèmecongrès du parti ouvrier, Georgi Dimitrov formule des directives pour la vie culturelle, préconisant une « révolution culturelle » par l’élimination des influences occidentales. Puis suit la période du stalinisme pur, qui implique « la reconnaissance de la domination totale de l’idéal socialiste par les artistes et les penseurs bulgares » . Les œuvres doivent maintenant suivre la méthode du réalisme socialiste et respecter les désirs du Parti Ouvrier Bulgare (POB) en vue d’instruire la population. On ne juge plus une œuvre sur sa performance artistique mais selon sa conformité aux buts du POB.
De 1953 à 1985, le culte de la personnalité prend fin. Cela « permet aux intellectuels et aux artistes de se libérer de certains carcans trop rigides du système, tout en restant dans le cadre très serré de la politique bulgare » . En Septembre 1956, au plénum central du parti communiste Bulgare, Jivkov impose comme axiome le rôle dirigeant du parti dans la littérature, l’art et la presse. Le 8 Mars 1963, Khrouchtchev déclare devant les intellectuels que l’esprit du parti est le principe suprême de la création intellectuelle.
Le 15 avril, Jivkov prononce sa variante de l’allocution devant les intellectuels Bulgares. Jivkov joue un jeu subtil avec les intellectuels : s’ils ne critiquent pas le régime, leur marge de manœuvre est assez grande. Cela permet un essor culturel.
Dans les années 1970, l’Etat donne des moyens au développement de la culture mais garde le contrôle de la production et donne des orientations précises. Entre 1975 et 1982, Ludmilia Jivkova (fille de Todor Jivkov) est présidente du comité d’art et de culture. Elle joue un rôle prépondérant dans le monde culturel et organise en 1981 les 1300 ans de la fondation de l’Etat Bulgare.
Le Buzludzha, un monument pour transmettre l’idéologie communiste
La politique architecturale : la tradition des monuments
Le Buzludzha s’inscrit dans la politique Bulgare qui s’inspire de la tradition soviétique des monuments lancée par Lénine dès son arrivée au pouvoir. En Russie, immédiatement après la Révolution, l’érection de monuments « aux grandes figures de l’activité sociale ou révolutionnaire » sert en effet le plan général de propagande par les monuments. Penchons nous sur la notion de monument en nous appuyant sur Alois Riegl, historien de l’art Autrichien. En 1903, dans son ouvrage « Le culte moderne des monuments », il distingue deux valeurs principales associées au monument : la valeur de contemporanéité et la valeur de remémoration. Avec le Buzludzha, la notion de remémoration est particulièrement importante, regardons la plus particulièrement. Cette valeur est recoupée en trois valeurs : la valeur d’ancienneté, la valeur historique et la valeur de remémoration intentionnelle. Les monuments « intentionnels » sont alors distingués des « monuments historiques » car dans le cas des monuments intentionnels, la valeur de remémoration nous est imposée par d’autres tandis que dans le cas contraire, c’est nous qui l’établissons.
Le Buzludzha est construit comme monument pour remémorer des évènements passés, marquant l’histoire de la Bulgarie. En effet, en 1981, la Bulgarie célèbre le 1300ème anniversaire de la fondation de l’Etat Bulgare. A cette occasion elle organise une commémoration importante qui consiste en un riche programme d’évènements comme l’achèvement de la restauration de la forteresse « Tzarevets » à Véliko Tarnovo avec la réalisation d’un spectacle son et lumières du réalisateur Valo Radev ou encore, l’érection de monuments parmi lesquels « les Fondateurs de l’Etat Bulgare » à Shoumen, le palais de la culture de Sofia (NDK) et le monument « 1300 ans Bulgarie » sur son esplanade et le Buzludzha. Cette célébration est organisée par la fille de Todor Jivkov (dirigeant de la Bulgarie à cette époque), Ludmilia Jivkova, présidente du comité d’art et de culture. Mais le Buzludzha célèbre aussi un autre évènement, celui du 90ème anniversaire du Parti communiste Bulgare, il remémore ainsi deux moment importants pour la Bulgarie. On sait aussi que le programme demandait simplement de « poser une étoile rouge enhaut du mont Buzludzha ». L’édifice est donc aussi érigé en la gloire d’un concept abstrait : le communisme. Dans l’article, « The Best Examples of the Architectural Heritage of Socialism in Bulgaria », Emilia Kaleva écrit : « Le parti a construit ce bâtiment pour sa propre gloire. Un monument ou un mémorial est traditionnellement érigé en mémoire d’une personne ou d’un groupe particulier à cause de leur contribution historique ou en honneur d’un important évènement historique. Le Buzludzha a été érigé en l’honneur de l’idéologie. Il ne porte pas seulement l’importance du mémorial mais cible activement et exerce un impact émotionnel et politique sur les masses.
En ce sens, c’est un mémorial unique pour la Bulgarie, un nouveau type créé par et pour le régime. »
Cette citation est confirmée par GeorgiStoilov qui affirme que le Buzludzha n’a jamais été le siège du parti communiste Bulgare. On associe certes quelques fonctions à ce bâtiment, comme la remise des cartes des partisans ou encore des cérémonies officielles mais il n’a jamais été le lieu des réunions du parti communiste Bulgare qui se faisaient à Sofia. Le Buzludzha est juste unmonument, non pas construit pour les gens mais pour l’idée du communisme.
Le Buzludzha est un monument à la fois pour remémorer des évènements passés mais aussi à la gloire de l’époque présente, destiné à être témoin dans le futur de la Bulgarie communiste. En ce sens là, puisque la valeur de remémoration nous est imposée, il est, d’après Alois Riegl, un monument intentionnel. Le système politique Bulgare crée intentionnellement des monuments, ayant « pour objectif de faire en sorte que le moment associé à ce monument ne soit jamais relégué dans le passé ».
Mais comment le gouvernement a-t-il mené ce projet titanesque ? En 1962, une commande de l’Etat est passée. Comme souvent, on donne les productions architecturales d’envergures aux hommes proches du pouvoir. Georgi Stoilov joue un rôle politique important. Il commence tout d’abord sa carrière dans l’organisme Glavproekt. En 1965, il fonde l’Union des Architectes en Bulgarie puis devient maire de Sofia de 1967 à 1971 et poursuit sa vie politique comme ministre de l’architecture et des travaux publics de 1971 à 1973. A cela s’ajoute sa fonction de député de 1967 à 1990. Lorsque le Buzludzha est commence à être construit en 1974, Georgi Stoilov a une carrière politique établieet est toujours député à l’assemblée nationale. En 1962, Georgi Stoilov avait déjà participé au « concours national pour quatre mémoriaux » et avait été retenu pour le mémorial « étoile à cinq branches ». Les trois autres monuments sont construits, seul ce projet n’est pas réalisé. Lorsque le parti décide de construire le monument du Buzludzha, le cabinet de la communauté de Stara Zagora se souvient qu’il y avait déjà eu un concours pour un tel bâtiment. En 1974, douze ans après le concours, on fait de nouveau appel à Georgi Stoilov pour qu’il réalise le projet.
La question du financement se pose ensuite. Georgi Stoilov demande à ce que le projet soit subventionné par une collecte d’argent auprès du peuple Bulgare : « C’était exceptionnel pour le Buzludha, spécialement pourque le bâtiment soit bâti par le peuple. Il y avait de l’argent du gouvernement mais j’ai dit non, il faut ramasser de l’argent pour bâtir ce bâtiment » . Des fonds volontaires sont levés grâce aux cotisations obligatoires de l’ensemble de la population, des étudiants aux retraités. Cette levée de fonds a été documentée comme Komsomols « bénévolat » pour la construction du « grand panthéon du communisme et du socialisme ». Seize millions de Levas sont collectés. Mais seulement 14 millions sont nécessaires à la construction, les 2 millions récoltés en trop sont versés pour construire des bâtiments publics tels qu’une crèche. Le Buzludzha devient ainsi l’œuvre du peuple, une œuvre collective faite pour galvaniser les Bulgares dans un élan patriotique autour d’un projet titanesque. Pour la construction, on fait appel aux forces militaires qui constituent les trois quarts de la main d’œuvre du chantier à laquelle s’ajoutent des ouvriers qualifiés.
De plus, on peut noter que la gloire de la construction n’est pas donnée à un seul homme mais à toute une équipe : 18 groupes d’artistes ont en effet participé au décor.
D’après Georgi Stoilov, le projet d’architecture, sans l’intervention d’artistes est « vide » : « il faut donner des choses vivantes ». Il a donc appelé l’Union des artistes et leur a demandé d’envoyer des maîtres dela mosaïque pour réaliser les fresques pour couvrir l’intérieur du monument.
« Le nom de l’auteur symbolisait une créativité collective, qu’il ait travaillé seul ou qu’il ait dirigé une équipe ; derrière son nom se profilait non un talent personnel, mais la mégamachine culturelle : il ne jouait, selon le mot de Lénine, qu’un rôle « de tenons et de mortaises ».
Le Buzludzha est en réalité un outil politique qui sert à soutenir le régime en place. Alors qu’on est au lendemain de la crise des fusées à Cuba où le communisme a reculé devant le capitalisme etdu printemps de Prague (1968), réprimé violemment par l’URSS, on veut montrer en Bulgarie qu’un système politique communiste est encore puissant. Le bâtiment devient alors objet de propagande.
Un bâtiment pour la postérité
Le Buzludzha n’a pas pour seule intention de communiquer la grandeur du communisme dans l’époque présente mais est aussi destiné à durer dans le temps, d’être le témoin intangible d’une époque particulière. « La tâche de l’architecture moderne est de laisser aux générations qui vont suivre des preuves convaincantes de la vie telle que nous la vivons. Et les architectes de la Fédération de Russie en sont conscients. »
Pour réaliser cette tâche, l’architecture tente de tendre vers une intemporalité. « Le style de l’art totalitaire dérivait d’une structure qui tentait d’unir tous les éléments dans un même temple unique et magnifique construit pour toutes les époques et pour tous les peuples. »
L’architecture cherche alors à être universelle. Pour ce faire, les architectes sont poussés à utiliser des références puisées dans l’antiquité. En 1934, l’architecte soviétique Chtchousev déclare : « Les bâtiments officiels et d’utilité publique de l’ancienne Rome sont, par l’échelle et la qualité artistique, un phénomène unique dans l’architecture mondiale. Nous sommes, dans ce domaine, les seuls héritiers directs de Rome; seule une société socialiste, disposant d’une technologie socialiste, peut construire encore plus grand et atteindre à une perfection artistique encore supérieure ». Ainsi, l’URSS se proclame héritière légitime d’une tradition culturelle ancestrale et universellement reconnue. Les buildings staliniens arborant colonnades et chapiteaux sont importés en Bulgarie. En 1951, les bâtiments accueillant les organes administratifs du parti sont construits selon le modèle stalinien, reprenant ses éléments classiques. Le Buzludzha s’inspire luimême des leçons des classiques. Lors de notre entretien, Georgi Stoilov parle de l’architecture Russe dans les termes suivants « Les Russes sont très intéressants. Ils ne font pas de l’architecture moderne. Ils sont classiques. Je ne sais pas pourquoi. C’est comme ça ».
L’enseignement que suit Georgi Stoilov en Russie est classique mais il ne suit, d’après lui, aucun modèle. Emilia Kaleva compare cependant le dôme du Buzludzha à celui du panthéon à Rome, l’oculus central est remplacé par le médaillon du marteau et de la faucille, placé symboliquement comme clef de voûte de l’édifice. La tour quant à elle peut être interprétée comme référence à la Grèce antique et ses colonnes ou encore à l’Egypte et ses obélisques. Ces analogies sont non intentionnelles mais Georgi Stoilov, après avoir dessiné le dôme du Buzludzha, l’a tout de même comparé à celui du panthéon : le diamètre du dôme du Buzludzha fait 60 mètres tandis que celui du panthéon en fait 40 ! Le chantier titanesque fait penser aux chantiers des grandes civilisations: les ouvriers bravant les conditions géographiques et climatiques pour construire. Le chantier du Buzludzha a duré sept ans (1974-1981), commençant avec l’extraction de 150000 mètres cubes de roche sur 9 mètres de profondeur. Il faut penser que les conditions climatiques étaient particulièrement difficiles en haut du mont (le vent y est terrible) et que le chantier ne pouvait se dérouler que six mois par an, pendant le printemps et l’été. De plus, il fallait acheminer les matériaux jusqu’en haut : le dôme pèse 640 tonnes comprenant 30 tonnes de cuivre.
Tout comme le communisme qui s’adresse universellement au prolétariat, quel que soit son pays, le Buzludzha se place dans un référentiel mondial et non pas local pour s’adresser à tous les peuplesen lutte. Rappelonsla présence d’éléments inscrits dans le bâtiment reprenant les principaux « slogans » communistes: le premier couplet de l’internationale inscrit à l’entrée est un chant de lutte révolutionnaire utilisé par tous les pays communistes et autour du médaillon dans la salle centrale est écrit une des phrases les plus connues du communisme : «. Cette phrase complétée par « Vous n’avez rien à perdre, à part vos chaînes »conclut le Manifeste du Parti Communiste publié en 1948 par Karl Marx. A cela s’ajoutent les dessins des mosaïques, contant l’époque communiste en Bulgarie. Ces paroles et images font partie du bâtiment qui peut être lu, tel une pierre de rosette et ainsi être témoin de l’histoire.
Le Buzludzha, un bâtiment hors norme
Un rapprochement avec les idées des Avant-Gardes Russes
Georgi Sloilov étudie l’architecture à Moscou et est diplômé de l’institut d’architecture de Moscou en 1954. Son éducation architecturale s’est donc faite selon l’architecture soviétique. Cette dernière peut être divisée en trois étapes : la première qui commence en 1917 avec la révolution Bolchevique est celle des Avant-Gardes.
Pleines d’ambitions, elles traduisent les certitudes de l’URSS naissante. De nombreux mouvements comme les rationalistes et les constructivistes voient le jour. « Rejetant les formes et symboles de l’art traditionnel, l’architecture a commencé à s’appuyer sur le développement des techniques en tant que source d’une esthétique nouvelle, d’un nouveau langage de l’art. […] Ils impartissent à leurs formes techniques un contenu déterminé par les idées de la révolution socialiste et par le désir de trouver des solutions concrètes aux tâches assignées à la société par la révolution. »
La deuxième période allant de 1933 à 1956 correspond à celle où Staline est au pouvoir. Il enterre le rationalisme, retourne vers une architecture traditionnelle, néoclassique et impose les formes décoratives. Au plénum de 1958, Nikita Khrouchtchev pointe du doigt les architectes et les dérives qu’ils ont pratiquées. Il prend la mesure du retard accumulé et demande la productivité. Le bâtiment s’industrialise et fait recours à des standards. L’architecture devient « moderne ». Pendant cette période, le rationalisme et le fonctionnalisme dominent. En Bulgarie, ces consignes sont suivies.
A l’époque de la construction du Buzludzha, dans les années 1970, on se tourne vers les idées défenduespar les Avant-Gardes Russes. « Comme si les architectes de cette fin de régime se ressourçaient loin de tout carcan, dans les utopies inachevées de leurs ainés, du côté des mythes fondateurs »
Commençons par rappeler les principaux courants de l’Avant-Garde. Les rationalistes se distinguent des fonctionnalistes carils reconnaissent et exécutent un travail sérieux sur l’aspect formel. Les constructivistes, d’après Noémi Blumenkranz, “furent amenés à donner une place importante aux matériaux qu’ils organisaient selon des principes techniques de la structure et de la construction pour mettre fin à l’illusion picturale et pour créer un art susceptibles d’être compris par tous sans le prisme de la culture “bourgeoise”.Pour finir, les suprématistes travaillaient sur l’abstraction géométrique pure. Tous ces courants ont pour point commun de travailler sur l’aspect formel. L’importance du lien entre art et architecture est dans les trois cas défendue. Lissitzky affirmait que cette relation était un instrument pour concevoir la ville nouvelle. Malevich quant à lui, soutenait que « l’impératif de l’architecte n’est pas seulement de créer de manière fonctionnelle mais de fournir une image artistique dans laquelle on peut se reposer ‘dans l’art’, mélangeant la plus haute qualité d’esthétique avec les plus bas et prosaïques besoins journaliers. »
La production des années 1970 revient à la conception formelle. Voulant vaincre l’utilitarisme, on augmente les exigences esthétiques et expressives et on utilise des images symboliques pour trouver un nouveau langage architectural. Mais l’aspect fonctionnel n’est pas pour autant mis de côté, au contraire, les architectes recherchent une interaction dynamique entre forme, fonction et technologie. De cette période, trois tendances ressortent : le néoclassisme rénové, un rationalisme plus sophistiqué, plus esthétisé et le romantisme expressif. Il en résulte une production architecturale plus variée que celle des années1960: dans les années 1970, la conception architecturale gagne en liberté.
Pour Georgi Stoilov, le geste artistique dans l’architecture est fondamental. Quand il parle des architectes Bulgares qu’il ne juge pas être de « grands architectes », il dit d’ailleurs que se sont des architectes « fonctionnels ». Lorsque Georgi Stoilov est rappelé pour construire le Buzludzha, il décide de changer sa première esquisse. Transforme alors le projet par rapport au monument de Chipka, situé sur le mont en face, à 9 kilomètres. Depuis chacun des monuments on peut voir l’autre. Pour l’architecte : « Il faut faire des choses très différentes». En effet, Chipka comporte une
forme assez cubique : le Buzludzha prend alors une forme plus libre et s’arrondit : « Il fallait faire quelque chose de plus artistique. Avec des gesticulations » . Et lorsque je lui demande s’il a une méthode ou une inspiration particulière il répond que son travail est pure fantaisie, «Fantaisie libre». Il se base seulement sur les grands principes de l’architecture qu’il a appris enRussie : l’échelle et les proportions. On peut alors rappeler que l’architecture en Bulgarie était, d’après Georgi Stoilov, assez libre, que le gouvernement avait décrété que l’architecture n’était pas dangereuse pour le communisme.
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Table des matières
I. Historique de la période communiste
1. Origine du communisme
2. Mise en relation de l’histoire de la Bulgarie et de celle de l’URSS
3. Politique culturelle et architecturale en Bulgarie sous la période communiste
II. Le Buzludzha, un monument pour transmettre l’idéologie communiste
1. La politique architecturale : la tradition des monuments
2. Un monument de propagande et d’unification du pays
3. Un bâtiment pour la postérité
4. Un édifice presque religieux
III. Le Buzludzha, un bâtiment hors norme
1. Un rapprochement avec les idées des Avant-Gardes Russes
2. Une influence de l’Ouest
3. Un bâtiment contextualisé
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