Le business model dans la littérature en sciences de gestion ou l’impossibilité d’une réduction académique ?

Le business model dans la littérature en sciences de gestion ou l’impossibilité d’une réduction académique ? 

Le business model est un concept qui a émergé et s’est imposé dans les pratiques de gestion avant que la sphère académique ne s’en empare. L’analyse de la diffusion du business model dans les pratiques gestionnaires montre que la multiplication progressive des significations du business model s’accompagne d’un ancrage partagé de la notion dans le cadre de la création de valeur. Souvent mentionné dans des articles académiques, le business model est rarement défini par les chercheurs. À partir d’une revue extensive de la littérature académique sur le business model, une trentaine de contributions seulement le définit. Ces travaux partagent avec les praticiens l’ancrage du business model dans le cadre de la création de valeur . Mais si la multiplication de ses usages locaux n’est pas problématique pour les praticiens, le business model est controversé dans la littérature en sciences de gestion. Nous étudions ces controverses en explicitant les faiblesses qui lui sont reprochées et les stratégies déployées pour augmenter son efficacité et le légitimer comme concept des sciences de gestion .

Origines du business model et diffusion dans les pratiques gestionnaires

L’origine du business model : la modélisation informatique des entreprises 

Le business model apparaît en 1960 comme modélisation d’entreprise. Utilisé dans l’enseignement de la gestion, il permet aux étudiants de découvrir l’entreprise et de simuler les résultats économiques de divers scénarios. Sa diffusion, certes limitée, est favorisée par la banalisation des technologies informatiques et notamment du logiciel Excel. Cette signification du business model perdure jusqu’à aujourd’hui sous la forme d’ontologies informatiques.

Les origines informatiques du business model
En 1960, le terme « business model » apparaît pour la première fois dans une publication académique. Dans cet article, Jones (1960) réfléchit à la place à donner aux technologies informatiques émergentes dans l’enseignement de la gestion des entreprises. Il envisage, parmi d’autres choses, le recours à des jeux de gestion visant à simuler la réalité sous une forme simplifiée pour entraîner les étudiants à agir concrètement, et pour leur faire prendre conscience de l’équilibre à maintenir entre les perspectives marketing, comptable ou productive concourantes dans toute organisation.

« Je pense que tout membre de la faculté de gestion devrait utiliser une ou plusieurs fois ces jeux et que durant leur parcours académique, les étudiants en gestion devraient faire l’expérience de cet équilibre à partir d’un business model limité » (Jones, 1960, p. 626). 

Le business model fait alors référence à une entreprise fictive modélisée sous la forme d’un système traduit en langage informatique. L’entreprise est considérée comme un système complexe qui peut être décomposé en éléments, dont les interactions sont régies par un ensemble de principes et de règles. Les modélisations miment, selon un degré de complexité variable, le fonctionnement des organisations et permettent d’effectuer des simulations s’approchant de situations réelles (variables multiples, interdépendantes, etc.). Les technologies informatiques, alors émergentes, facilitent la manipulation de ces modélisations. Elles offrent des possibilités de calcul nouvelles qui sont largement supérieures aux capacités humaines. Les étudiants et les praticiens peuvent effectuer des choix concernant les éléments du système, la structure restant inchangée. Le programme informatique traite les décisions et calcule les résultats économiques conséquents pour l’entreprise. Le business model s’incarne dans un programme informatique manipulable par les praticiens. Le recours à ces modélisations informatiques de l’entreprise accompagne la scientifisation de la gestion, notamment en matière d’enseignement (Cochoy, 1999 ; Pavis, 2010).

Ici, le « business model » est traduit de manière littérale par l’expression « modèle d’entreprise ». Cette traduction, adoptée au Canada, correspond effectivement à la description simplifiée d’une entreprise. Le business model est un artefact informatique qui permet de faire varier les paramètres du modèle et de calculer les résultats économiques de l’entreprise qui en résultent.

Jusqu’en 1990, le business model est très majoritairement défini en termes de modélisation informatique de l’entreprise. C’est sous cette forme que le business model existe dans la littérature managériale durant la trentaine d’années qui suit sa première apparition.

« De manière certaine, l’environnement économique va se complexifier. La valeur potentielle des business models informatisés va donc s’accroître… Avec la diffusion d’applications efficaces et l’augmentation des connaissances des techniques de modélisation par les managers, les modèles informatiques devraient s’imposer comme une aide indispensable dans de nombreuses fonctions de l’entreprise. », (Journal of Information Systems Management, 1975 ; dans Ghaziani et Ventresca, 2005, p. 536). 

La matérialisation du business model sous la forme de modélisations informatiques perdure sous la forme d’ontologies informatiques.

La filiation des ontologies
Les ontologies informatiques sont des outils de représentation d’un ensemble structuré de concepts constituant un domaine de connaissances. Elles sont manipulables sur un ordinateur. Il s’agit d’abord d’identifier les concepts clés du domaine puis d’en faire la description formelle (Gruber, 1993) notamment en précisant les relations sémantiques ou taxonomiques (par exemple, hiérarchiques) entre ces concepts. La description du système est faite sous la forme de graphes. À cela s’ajoute le choix d’un langage de spécification pour traduire, en programme informatique, le réseau sémantique décrit dans le graphe. L’ontologie produit une représentation du domaine de connaissance qui, une fois inscrite dans une solution logicielle, la rend actionnable par un individu.

Dans le cas du business model, plusieurs ontologies ont été développées pour les praticiens. Gordijn et al. (2000) proposent par exemple leur produit e3-valueTM. Cette « ontologie contient des concepts, des relations et des contraintes pour décrire les acteurs, leurs alliances, leurs échanges d’objets de valeur, les activités à valeur ajoutée et leurs interfaces de valeur » (Ibid., p. 3). Destinée aux praticiens, elle les assiste dans le design de leur business model. L’ontologie est « utile pour prescrire quels concepts et quelles relations doivent être présentes dans un business model » (Ibid., p. 2). Elle facilite la communication du business model de l’entreprise aux salariés et aux partenaires. Pour Osterwalder et Pigneur (2003), elle donne la possibilité aux managers de simuler le fonctionnement de l’entreprise. Ces expérimentations sont sans risque pour l’entreprise car elles restent virtuelles.

L’inscription du business model dans des artefacts informatiques est à l’origine du concept. Si les ontologies ne constituent pas la manifestation la plus courante du business model dans la littérature académique récente, l’histoire du business model et notamment de sa diffusion est adossée aux technologies informatiques. Magretta (2002) identifie la concomitance de l’expansion des business models avec l’adoption par tous de l’ordinateur, plus particulièrement des feuilles de calcul Excel. Avant l’apparition de ces technologies, la planification des activités se réduisait à l’élaboration d’une prédiction unique. Les classeurs Excel permettent quant à eux de développer une approche analytique avec la possibilité d’isoler chaque item du système, ses composants et sous-composants, d’en faire l’analyse et de le tester indépendamment du reste. Les différents items sont liés les uns aux autres par des formules de calcul qui reproduisent le «comportement» économique de l’activité modélisée. Le manager peut émettre différentes hypothèses concernant telle ou telle variable et évaluer les conséquences de ces variations sur l’activité en général. Ces technologies modélisent virtuellement une entreprise ou une activité avant même que celle-ci n’existe ou n’opère et sont envisagées comme des outils d’aide à la décision pour les praticiens.

Pour autant, à partir des années 1990, le business model se détache des artefacts informatiques dans lesquels il s’inscrivait jusqu’alors. La multiplication des significations qui lui sont attribuées accompagne sa diffusion dans les pratiques de gestion. Parallèlement, une acception transverse aux communautés de discours émerge.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 LE BUSINESS MODEL DANS LA LITTERATURE ACADEMIQUE : ORIGINES, CONTROVERSES ET INADEQUATIONS THEORIQUES
Section 1 : Le business model dans la littérature en sciences de gestion ou l’impossibilité d’une réduction académique ?
Section 2 : Le business model dans l’entrepreneuriat technologique : état de l’art et décalages théoriques nécessaires
CHAPITRE 2 L’APPROCHE PRAGMATIQUE DES BUSINESS MODELS : PROPOSITION D’UN CADRE ANALYTIQUE
Section 1 : L’analyse pragmatique du business « modèle »
Section 2 : Relecture pragmatique de la littérature : le « business model-académique »
Section 3 : Proposition d’un cadre analytique pour l’étude du business model dans l’entrepreneuriat technologique
CHAPITRE 3 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ET PRESENTATION DU TERRAIN
Section 1 : Approche méthodologique et design de la recherche
Section 2 : Présentation des cas
CHAPITRE 4 LE BUSINESS MODEL, DISPOSITIF D’EXPLORATION COLLECTIVE DU MARCHE POUR UNE TECHNOLOGIE INNOVANTE
Section 1 : Le business model, un dispositif de marché fait de narration et de calcul
Section 2 : Narration et calcul dans le business model
Section 3 : La circulation du business model
Section 4 : Discussion
CHAPITRE 5 FORMULATION DE BUSINESS MODELS TYPIQUES ET INSERTION DES PROJETS ENTREPRENEURIAUX DANS DES ARCHITECTURES SECTORIELLES
Section 1 : Catégoriser et ordonner la réalité par la production de business models exemplaires
Section 2 : Analyse des business models typiques adoptés par les quatre jeunes pousses étudiées et de leurs conséquences sur la rente d’innovation
Section 3 : La mobilisation de business models exemplaires pour décrire et concevoir le projet technoentrepreneurial
Section 4 : L’inscription dans des architectures sectorielles par le biais des business models typiques – le partage des répertoires et l’enrôlement des acteurs
CHAPITRE 6 LA CAPITALISATION DES PROJETS TECHNO-ENTREPRENEURIAUX : LE BUSINESS MODEL, DISPOSITIF D’APPARIEMENT ET DE VALORISATION DES JEUNES POUSSES
Section 1 : Revue de littérature
Section 2 : Préparer la rencontre avec les investisseurs : la traduction du business model-maquette en business model-économique
Section 3 : Mesurer la valeur du projet techno-entrepreneurial pour fixer le prix des ressources financières
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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