Les pรฉrithรจces et pycnides, deux organes qui passent lโhiver sur les vignes
Le champignon passe la saison hivernale principalement sous forme de pรฉrithรจces (formation reproductrice qui porte les asques, contenant eux-mรชmes les cellules reproductrices, les ascospores) sur les baies sรฉchรฉes dites momifiรฉes de lโannรฉe prรฉcรฉdente, mais aussi sur les vrilles et rafles restรฉes au sol ou sur le palissage (Hoffman et Wilcox, 2002). La contamination primaire sur les jeunes feuilles provient des ascospores libรฉrรฉes de ces pรฉrithรจces (Molitor et Beyer, 2014). Lโarrรชt de la croissance mycรฉlaire, lโexposition ร des tempรฉratures entre 5 et 15ยฐC, avec un optimum autour de 12ยฐC, et lโalternance dโun rรฉgime lumineux (12h de lumiรจre, 12h dโobscuritรฉ) favorisent la formation du pรฉrithรจce. Une pรฉriode dโinduction caractรฉrisรฉe par des faibles tempรฉratures est nรฉcessaire ร la diffรฉrenciation et ร la maturation des ascospores (Jailloux, 1992). Sur des baies momifiรฉes oรน les pรฉrithรจces ont passรฉ lโhiver, il peut y avoir plus de 104 ascospores par baie (Hoffman et al., 2004). Pour que 90% des ascospores de lโhiver soient mรปres, il faut environ 400 degrรฉs jour, en sommant les tempรฉratures moyennes journaliรจres entre 9 et 19ยฐC, ร partir du stade BBCH 08 (pointe verte ; le stade phรฉnologique est รฉvaluรฉ en utilisant lโรฉchelle de Lorenz et al., 1995), (Ferrin et Ramsdell, 1977 ; Jermini et Gessler, 1996 ; Onesti, 2015).
Dynamique de libรฉration et de germination des ascospores
Lโรฉmission des ascospores primaires sโobserve dรจs la pรฉriode de dรฉbourrement de la vigne et lorsque les pluies excรจdent 0,3 mm, pour une durรฉe minimum dโune heure (Spotts, 1977 ; Ferrin et Ramsdell, 1977). Onesti (2015) prรฉcise que la prรฉdiction de la libรฉration de ces spores est la plus correcte lorsque lโon choisit la valeur seuil de 3 mm de pluie. La pluie humidifie les baies, les pรฉrithรจces absorbent lโeau, gonflent, sโouvrent et dispersent les ascospores dans lโair. Si la tempรฉrature est de 20ยฐC pendant 3h, en condition humide, les ascospores sont relรขchรฉes en grande quantitรฉ. Il y a donc une corrรฉlation entre la quantitรฉ de pluie et la libรฉration des ascospores (Ferrin et Ramsdell, 1977). En effet, le nombre dโascospores libรฉrรฉes augmente avec la quantitรฉ de pluie (Onesti, 2015). 90% des ascospores sont libรฉrรฉes dans lโair ร la fin de la premiรจre heure (Jermini et Gessler, 1996). On peut dรฉtecter des libรฉrations dโascospores en petite quantitรฉ encore 8h aprรจs la fin dโune pluie (Ferrin et Ramsdell, 1977 ; Jermini et Gessler, 1996).
Les ascospores sont disponibles dans les 2 ou 3 semaines aprรจs le dรฉbourrement (Becker et Pearson, 1996 ; Jermini et Gessler, 1996 ; Hoffman et Wilcox, 2002). Onesti (2015) montre que leur expulsion est possible ร partir de 400 degrรฉs jour environ (somme des tempรฉratures moyennes journaliรจre entre 9 et 25ยฐC depuis le stade pointe verte), 50% sont disponibles au bout de 600 degrรฉs jour et 90% le sont au bout de 1 000 degrรฉs jour. La plus grande libรฉration des ascospores est observรฉe entre le stade boutons floraux sรฉparรฉs et pleine floraison de la vigne (Jermini et Gessler, 1996). Ferrin et Ramsdell le confirment (1977), observant un maximum de libรฉration des ascospores juste avant et pendant la floraison. Selon Hoffman et al. (2004), sur deux annรฉes dโรฉtude, 88 et 98% des ascospores de la saison sont piรฉgรฉes juste avant le stade floraison et dans les deux semaines qui suivent.
Dynamique de libรฉration et de germination des conidies
Les conidies sont libรฉrรฉes des pycnides mรปres dรจs 0.5 mm de pluie (Maurin et al., 1990). Onesti (2015) prรฉcise quโil faut 1 mm de pluie rรฉpartie sur une heure minimum, durรฉe que prรฉconise รฉgalement Spotts (1980). Les conidies sont libรฉrรฉes en plus grande quantitรฉ que les ascospores et transportรฉes par lโeau de pluie (Harms et al., 2005). En prรฉsence dโeau libre, les pycnides mรปres expulsent les conidies dans un exsudat mucilagineux, le cirrhe (Janex-Favre et al., 1993). Elles sont dispersรฉes par la pluie en spalsh et sont retrouvรฉes en tas sur les lames de microscope qui bordent les pycnides (Onesti, 2015 ; Campbell et Madden, 1990).
Le nombre de conidies libรฉrรฉes augmente avec la quantitรฉ de pluie (Onesti, 2015). Des piรฉgeages ont รฉtรฉ rรฉalisรฉs pour comprendre leur dynamique de libรฉration lors dโรฉvรจnements pluvieux. Les premiรจres sont dispersรฉes dรจs le dรฉbourrement (Onesti, 2015 ; Becker et Pearson, 1996), on atteint le maximum de piรฉgeage lorsque les baies sont au stade 1 cm de diamรจtre (Ferrin et Ramsdell, 1978). Une importante proportion de lโinoculum de la saison se trouve piรฉgรฉe dans les eaux de ruissellement juste avant la mi floraison (stade BBCH 65).
Enfin, la majoritรฉ des spores ont รฉtรฉ libรฉrรฉes avant la vรฉraison. La dynamique de libรฉration des conidies est modรฉlisรฉe par Onesti (2015) : la libรฉration dรฉbute environ ร 200 degrรฉs jour (somme des tempรฉratures moyennes journaliรจres supรฉrieures ร 10ยฐC depuis le stade pointe verte), 50% des conidies sont libรฉrรฉes au bout de 400 degrรฉs jour et 100% le sont au bout de 800 degrรฉs jour (Onesti, 2015).
Le processus infectieux
Lโinfection, cโest-ร -dire le dรฉveloppement de la maladie par les conidies et ascospores, est dรฉpendante des conditions dโhumiditรฉ et de tempรฉrature (Spotts, 1977 ; Northover, 2008). Le facteur qui semble influencer le plus lโinfection est la durรฉe durant laquelle la feuille reste humide aprรจs la pluie (Ferrin et Ramsdell, 1978).
A 7ยฐC, mรชme aprรจs 48h dโhumiditรฉ, lโinfection par les conidies nโa pas lieu. Par ailleurs, la sรฉvรฉritรฉ de la maladie est plus faible pour les plantes dont on a fait varier la tempรฉrature pendant lโinfection. La tempรฉrature optimale de croissance pour les pycnides semble รชtre autour de 25ยฐC (Caltrider, 1961), celle pour leur germination est de 30ยฐC. Ferrin et Ramsdell (1978) obtiennent les mรชmes rรฉsultats. 24h dโhumiditรฉ ร 24ยฐC sont donc les conditions optimales pour une infection par les conidies (Spotts, 1977). Lโinfection nโest pas affectรฉe par la source dโhumiditรฉ (pluie ou rosรฉe). Onesti (2015) montre lโaptitude des pycnides ร maintenir la capacitรฉ de produire des conidies mรชme aprรจs une longue pรฉriode avec une humiditรฉ basse (87 jours ร 54% dโhumiditรฉ relative). Le champignon est donc capable de survivre en petite quantitรฉ en รฉtรฉ sous un climat chaud et sec et engendrer des nouvelles infections ร la fin de la saison. La rรฉactivation de la maladie aprรจs une pรฉriode estivale sรจche a dรฉjร รฉtรฉ observรฉe dans certains vignobles (Hoffman et al., 2004 ; Ferrin et Ramsdell, 1978). Sur les jeunes feuilles (de rang 1 ร 3 ร partir de lโapex), les ascospores et conidies dรฉveloppent toujours un appressorium, le tube de germination est trรจs court (Ullrich et al., 2008). Sur des feuilles plus รขgรฉes (rang 4 et plus), la longueur du tube de germination est plus variable. De plus, lโhyphe sous cuticulaire est beaucoup plus dรฉveloppรฉ sur les jeunes feuilles de rang 1 ร 3 que sur celles de rang 4 et plus, qui ne forment presque pas de ramifications, ni de rรฉseau en filet (Kuo et Hoch, 1996 ; Ullrich et al., 2009). Si le taux de croissance moyen journalier de la vigne est important juste avant et aprรจs lโinfection, la sรฉvรฉritรฉ de la maladie et la densitรฉ de pycnides seront รฉgalement importantes. La germination des spores nโest donc pas affectรฉe par lโรขge de la feuille, ร la diffรฉrence du dรฉveloppement sous cuticulaire des hyphes (Northover, 2008).
Gestion raisonnรฉe du black rot en agriculture biologique et conventionnelle
Le vignoble expรฉrimental
Lโessai black rot en 2016 et 2017 est rรฉalisรฉ sur le domaine expรฉrimental de la chambre dโagriculture du Vaucluse, ร Piolenc. Ce domaine est constituรฉ de 4,5ha de vigne. La parcelle expรฉrimentale utilisรฉe pour lโessai est une parcelle de grenache noir, cรฉpage sensible au black rot. La parcelle a รฉtรฉ plantรฉe en 2000, ร 4 444 ceps/ha (2,25x1m), palissรฉe. Le porte greffe utilisรฉ est le 110 Richter. La superficie de cet essai est de 0,07ha, rรฉpartis sur 8 rangs de vigne (6 rangs contenant les modalitรฉs et 2 rangs de garde). La parcelle dispose dโun dispositif de brumisation placรฉ au dessus de la vigne, pour contaminer artificiellement la parcelle. Les brumisateurs sont situรฉs tous les 2m sur les rangรฉes de vigne, ร 2m de hauteur (voir photographies 3 et 4). Le dรฉbit dโun brumisateur est de 33L/h. Cet essai a รฉtรฉ mis en place en 2016 et a continuรฉ en 2017. Le but de cette รฉtude sera donc de faire la synthรจse de deux annรฉes dโessais.
Contamination artificielle de la parcelle
Etant donnรฉ que les spores passent lโhiver sur les baies momifiรฉes de lโannรฉe prรฉcรฉdente, des grappes momifiรฉes ont รฉtรฉ rรฉcupรฉrรฉes dans le vignoble (sur la parcelle expรฉrimentale de lโessai black rot) aprรจs vendange en 2016 puis disposรฉes dans une cagette trouรฉe. La cagette est restรฉe ร lโextรฉrieur tout lโhiver. A partir du mois dโavril, elle a รฉtรฉ placรฉe ร lโabri de la pluie, afin dโรฉviter une libรฉration des spores trop tรดt. La contamination se fait ร lโaide de pompons de tulle qui vont contenir des baies momifiรฉes et des rafles coupรฉes en petits morceaux. Chaque pompon contient environ 50% de rafle et 50% de baie en poids, le tout pesant environ 20g. Ces pompons vont รชtre attachรฉs ร lโaide de fil de fer au 2รจme fil releveur, 20cm au dessus de la vigne. Chaque cep de vigne est ainsi surplombรฉ dโun pompon . Pour contaminer la parcelle de vigne dรจs le dรฉbourrement il faut sโassurer que les tempรฉratures soient assez importantes afin que les conditions pour une infection soient respectรฉes. Devant un mois dโavril trop froid, les pompons ont รฉtรฉ installรฉs le 3/05/2017 et la brumisation a fonctionnรฉ la nuit suivante pendant 12h, afin de rรฉussir la contamination (la quantitรฉ dโeau apportรฉe est dโenviron 50 mm).
La station de brumisation a fonctionnรฉ une unique fois au mois de mai (le 3/05/2017) et a fonctionnรฉ toutes les nuits du 23/05/2017 au 10/08/2017 ร hauteur de 2 min dans le but de maintenir une atmosphรจre humide pendant la pรฉriode de plus grande sensibilitรฉ des grappes et ainsi aider au dรฉveloppement de la maladie sur grappe.
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Table des matiรจres
Introduction
I. Synthรจse bibliographique
1. Epidรฉmiologie et facteurs de dรฉveloppement du black rot
1.1. Les pรฉrithรจces et pycnides, deux organes qui passent lโhiver sur les vignes
1.2. Dynamique de libรฉration et de germination des ascospores
1.3. Dynamique de libรฉration et de germination des conidies
1.4. Le processus infectieux
1.5. Dรฉveloppement des hyphes, pรฉriodes dโincubation et de latence
1.5.1. Dรฉveloppement des hyphes en rรฉseau
1.5.2. Pรฉriode dโincubation des spores
1.5.3. Pรฉriode de latence
1.6. Sensibilitรฉ de la vigne
1.7. Synthรจse : le cycle du black rot
2. Le contrรดle de la maladie
2.1. Le contrรดle chimique
2.1.1. Les diffรฉrentes familles de produits
2.1.2. Calendrier de traitement
2.2. Le contrรดle en viticulture biologique
3. Problรฉmatique et objectifs du stageย
II. Matรฉriels et mรฉthodes
1. Dynamique de la maladie en Vaucluse depuis 2014ย
1.1. Lieu et contexte
1.2. Donnรฉes disponibles
1.3. Traitement des donnรฉes
2. Gestion raisonnรฉe du black rot en agriculture biologique et conventionnelleย
2.1. Le vignoble expรฉrimental
2.2. Contamination artificielle de la parcelle
2.3. Modalitรฉs et stratรฉgies testรฉes
2.4. Mise en ลuvre des stratรฉgies
2.5. Dรฉroulement des notations
2.6. Traitement des donnรฉes
III. Rรฉsultatsย
1. Dynamique de la maladie en Vaucluse depuis 2014ย
1.1. Piolenc, de 2014 ร 2017
1.2. Comparaison de Piolenc et Mormoiron, 2014
1.3. Synthรจse
2. Gestion raisonnรฉe du black rot en agriculture biologique et conventionnelleย
2.1. Contamination et dynamique du black rot en 2017
2.2. Analyse des rรฉsultats en agriculture biologique en 2017
2.3. Analyse des rรฉsultats en agriculture conventionnelle en 2017
2.4. Synthรจse de lโannรฉe 2016
IV. Discussionย
1. Conception et รฉvaluation du modรจleย
2. Gestion du black rot et prรฉconisations en agriculture conventionnelle et biologique
V. Conclusions et perspectives
Rรฉfรฉrences bibliographiques
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