LE BAWOL AU XIXE SIECLE : ETAT DES LIEUX
Présentation
Les limites géographiques
Le royaume du Bawol se situe au centre du Sénégal. C’est un royaume de modeste superficie. Par ailleurs, il est entouré dans toutes les directions par des royaumes voisins et par l’océan atlantique dans sa partie ouest. Presque tous les autres royaumes de la Sénégambie septentrionale conservent une frontière avec le Bawol. Dans sa partie nord nous avons le royaume du Kajoor, au sud le Bawol se sépare du Siin par la rivière de Fasna qui se trouve dans la République du Jegem. Tandis qu’au sud-est les pays seereer relient le Bawol, du Saalum et le Jolof à l’est. Dans sa partie ouest, le Bawol par ses provinces seereer accède à l’océan atlantique.
D’après Almada Alvares, le royaume qu’il appelait « royaume de Bala » est l’espace situé entre le Kajoor et le Saalum. Il est l’un des premiers voyageurs européens à avoir cité le royaume du Bawol dans son récit de voyage. Plus précisément l’auteur situe le Bawol dans l’intérieur des terres qui séparaient le Kajoor du Saalum . Pour renchérir nous évoquerons Jean B. Durand qui fixe les limites du Bawol comme suit : « Le royaume de Baol, le premier après Cayor, commence au village de petit-Brigny, et finit à la rivière de séréne ; il est à sept lieues de Gorée, et n’a qu’environ douze lieues de côtes du nord au sud » .
Cette configuration territoriale et géographique du Bawol laisse entendre une zone propice aux contacts et échanges grâce aux différentes voies de passage et de communication qui lient le Bawol aux points d’eaux tels que l’océan atlantique et les rivières du Siin-Saalum et à ses quatre royaumes voisins notamment le Kajoor, le Jolof, le Siin et le Saalum.
Le peuplement du Bawol
Les seereer sont la troisième ethnie à s’installer dans le Bawol. Après avoir quitté la vallée du fleuve Sénégal ils ont suivi un itinéraire archéologiquement attesté. Cependant, l’ethnie seereer compte distinctement deux groupes notamment les seereer siin-siin et les seereer Cangin . Cette distinction remonte aux origines et à l’histoire de cette ethnie au Sénégal. Le groupe des seereer Cangin a quitté la vallée du fleuve Sénégal à partir du XIe siècle avec les wolofs à cause de l’invasion almoravide. Ils sont principalement localisés au Bawol. Par contre les seereer siin siin originaire du Gaabu et appartenant à la dynastie Guelwaar et fondent le royaume du Siin à partir du XIVe siècle. Cela a donné naissance aux différenciations linguistiques et culturelles notées au sein de l’ethnie seereer. Chaque groupe est répartit en sous-groupes. Il s’agit des Ol qui se retrouvent dans les provinces du Jegem, du Nianing, du Sandock, du Mbadaan et du Ngoye et Mbayaar. Les Jigemb se trouvent à l’est et au sud- ouest du Bawol .
Les wolofs sont aussi très représentatifs dans la région. D’après C. Becker et V. Martin, les wolofs occupent le nord du Bawol . Il s’agit des provinces de Lambaay, Ceep, Guéoul, Ndogal, Kaba. Cela a donné naissance au phénomène de « wolofisation » qui a suscité la réflexion d’historiens qui appellent ses populations acculturées les «Mbalodjaffénes ». Il existe aussi des minorités de peuplements peulh et toucouleur éparpillés à travers le territoire. Ces dernières sont surtout présentes aux frontières entre le Bawol et le Jolof, à l’est aux confins du Ferlo, dans les provinces du Laa, à Wokaan et à Taiif et dans celle de KaelKontor.
Etat et Société au XIXe siècle
D’après Rokhaya Fall la structure sociale du Bawol était régit comme suit : La société reste fortement hiérarchisée avec les Garmi ou familles royales au sommet, suivies par les Jambur ou nobles, les Baadola, la masse du peuple sans pouvoir, les ñeeño représentant les castes artisanales et enfin les Jaam ou les esclaves au bas de l’échelle sociale .Cette structure de la société a fait presque l’unanimité pour le reste des travaux consacrés à la question. Cependant, il convient d’ajouter à cette représentation le changement noté à partir du XIXe siècle qui concerne surtout les Baadola. A partir de cette période on assiste à des refontes profondes sur la classe des Baadola. Cette masse laborieuse sans aucun pouvoir se voit hisser à cette époque au rang des groupes sociaux les plus importants du royaume. Enfin, l’organisation sociale du Bawol tout comme celle des autres royaumes wolofs de la Sénégambie fortement hiérarchisée au début de son émergence a progressivement connu des changements liés à l’essor de la traite négrière. Cela a considérablement impacté sur son évolution politico administrative.
L’organisation administrative du Bawol telle qu’elle est au XIXe siècle remonte au XVIe siècle avec le règne du teeñ Amary Ngoné Sobel. Ce dernier après son arrivée au pouvoir a procédé à une reconstruction du Bawol dans le but de mieux gérer le territoire. C’est pour cette raison qu’il commença à récupérer systématiquement les terres jadis détenues par les Lamanes seereer pour les confier au lamanat de Ndérepp qu’il a créé de toutes pièces . En lieu et place des différents lamanats, Amary Ngoné Sobel se consacre à leur réorganisation en les dissolvants pour en faire un seul qu’il appelle le lamanat de Ndérepp .
Après la destruction des lamanats, Amary Ngoné Sobel procède à reconfiguration du royaume en provinces. Cette division territoriale déclenchée depuis longtemps s’est poursuivie au fil du temps avec des remembrements et des réaménagements de l’espace. Cela est dû aux enjeux du commerce atlantique. Et pour cela, nous retiendrons trois souverains qui ont participé à l’éclatement territorial du royaume du Bawol. Nous constatons qu’Amary Ngoné Sobel fut le premier à donner forme au royaume. Puis Ce Ndéla Fall a beaucoup joué à la configuration provinciale du territoire. Enfin, Lat Soukabé durant son règne a véritablement étendu les limites du royaume. Mais, l’achèvement de la délimitation des provinces du Bawol date au XIXe siècle.
En outre, à la tête du royaume nous avons le teeñ (monarque) qui est le détenteur suprême de toutes les fonctions du royaume. La plus importante est la fonction d’arbitre de la société. Le roi se charge d’intervenir sur tous les problèmes du royaume, excepté les charges judiciaires et religieuses détenues par les lamanes. Dans chaque province le roi nomme un chef de province. Une nomination est toujours accompagnée d’un transfert de pouvoirs et de compétences pour la gestion des affaires politique, administrative, sociale et religieuse. Les auxiliaires du roi étaient souvent issus des familles dignitaires et libres en l’occurrence des descendants des lamanes. Ces dirigeants locaux font l’ossature de l’administration du royaume et ont des appellations différenciées suivant les provinces et leur ordre d’importance . En plus de ses souverains, le teeñ désignait également les dignitaires attachés à la cour et chargés de garantir le contrôle de tout ce qui y circule. Ces hommes étaient non seulement des attachés du roi, et pour la plupart du temps ses hommes de confiance, mais chacun parmi eux représentait également une catégorie de la société. À la cour royale du teeñ, se trouve l’Assemblée des notables, tous issus des grandes familles aristocratiques du royaume, les Garmi .
Au vu de cette organisation, nous soulignons d’emblée le fait que chaque province est constamment représentée dans la gestion du royaume. Cela s’est allé même jusqu’à la représentation effective de chaque classe ou groupe social par un personnage prêt à défendre leurs intérêts au sein du groupe administratif. Il s’y ajoute le fait que tous les domaines de la vie sont concernés par cette organisation administrative pyramidale.
La conquête coloniale du Bawol
A la suite de l’abolition de l’esclavage au milieu du XIXe siècle dans les colonies françaises une nouvelle politique socioéconomique entre les puissances européennes et l’Afrique vit le jour . Il s’agit de la colonisation qui changea les rapports entre la France et les souverains locaux .
Les causes
La conquête du Bawol relève tout d’abord de ses intérêts économiques. Tout de même faudrait-il signaler de prime à bord que comparativement aux autres royaumes comme le Waalo et le Jolof l’importance économique du Bawol vis-à-vis des colons était aussi significative. Grâce à sa position géographique et à sa nature propice à l’agriculture et à l’élevage le Bawol était attractif. Grâce à sa situation géographique le Bawol était privilégié aux échanges. Le Bawol pouvait être considéré comme étant au centre de la Sénégambie septentrionale. Par conséquent, le pays entretient des relations commerciales avec tous les autres royaumes. L’importance des échanges s’explique également par sa situation sous forme de relais reliant l’escale de Rufisque qui constitue le poumon économique de la côte à l’intérieur du pays.
Par sa position géographique favorable, le Bawol a joué un rôle important dans le circuit du commerce atlantique. En effet, ceinturé par les quatre royaumes de la Sénégambie occidentale, le Bawol est directement relié à l’océan atlantique dans sa partie nord en passant par l’escale de Rufisque. Cette position stratégique a permis à ce royaume côtier d’être l’un des réservoirs d’hommes et de matières comme les vivres, le bois, l’eau. Les traitants et missionnaires comptaient sur ces nourritures pour se ravitailler.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Première partie : Le Bawol au XIXe siècle : état des lieux
Chapitre I : Présentation du territoire du Bawol au XIXe siècle
I. Présentation
1. Les limites géographiques
2. Le peuplement du Bawol
Chapitre II : Etat et société au XIXe
Chapitre III : La conquête coloniale du Bawol
I. Les causes
II. La conquête définitive du Bawol
Deuxième partie : Période de pacification et implantation du mouridisme
Chapitre I: Le territoire du Bawol dans le cercle de Cess
I. L’ère du commandement supérieur
II. La restructuration territoriale du Bawol
1. Le Bawol Occidental
2. Le Bawol Oriental
III. Des chefs supérieurs aux chefs de cantons
Chapitre II : La création du cercle du Bawol en 1908
I. Les limites territoriales du cercle du Bawol
II. La division administrative du cercle du Bawol
1. Les subdivisions de Jurbel et de Bambey
a. Jurbel
b. Bambey
2. Le découpage du cercle en cantons
III. Le Mouridisme dans cette nouvelle politique coloniale
1. La montée en puissance de la communauté mouride
2. Relations entre les marabouts mouride et les autorités coloniales
a. La dynamique interne du mouridisme dans le Bawol
b. L’inquiétude des autorités coloniales
3. La culture de l’arachide : élément de réconciliation et de développement de la communauté mouride
Troisième partie : Le Bawol sous l’ère coloniale : culture et religion
Chapitre I : Culture et Colonisation
I. La culture comme moyen de domination et de résistance
1. Les instruments culturels de domination : éducation, santé, évangélisation et politique d’animation culturelle de jeunesse
2. Les instruments culturels de résistance : islamisation, folklore, rites et enseignement coranique (Daaras)
Chapitre II. Les conséquences des politiques culturelles sur le destin des populations
1. Le choc culturel
2. L’héritage culturel de la colonisation
3. Quelques réactions des populations face au commandement indigène : le cas du canton de Lambaay
Conclusion
Annexes