Le bassin amazonien : Généralités

L’étude des grands cycles biogéochimiques est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de la recherche. Leur compréhension est capitale pour envisager une gestion raisonnée des milieux naturels autant d’un point de vue environnemental (protection de la biodiversité, de la qualité des eaux océaniques et continentales, de l’air, des sols…) que d’un point de vue économique (gestion des ressources en eau, des ressources agricoles ou piscicoles) (Georgescu-Roagen 1971). En effet, depuis l’avènement de la « révolution industrielle », l’accroissement de l’activité anthropique (exploitation minière, industrie, agriculture, expansion des villes) au cours de ces deux derniers siècles a laissé des traces visibles au sein de nos environnements. Par exemple, la consommation d’énergie fossile (activité industrielle, agriculture intensive, transports) est responsable de la forte augmentation de la teneur en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane (CH4) dans l’atmosphère depuis le milieu du XIX siècle, elle-même responsable de l’accroissement de l’effet de serre(Siegenthaler et al. 1988; Etheridge et al. 1996). Le GIEC (Groupement Intergouvernemental sur l’Evolution Climatique) dans son troisième rapport daté de 2001 propose un ensemble de scenarii sur l’évolution du climat de la Terre. Parmi ceux-ci, le modèle le plus pessimiste, code A1F1, prévoit des concentrations en CO2 proche de 1000 ppmv (parties par million par unité de volume) en 2100 alors qu’elle est aujourd’hui de 370 ppmv (Keeling et Whorf 2000) et corrélativement une température moyenne d’environ 6°C plus forte que celle d’aujourd’hui.

L’impact anthropique sur notre environnement et sur la santé humaine est peut-être encore plus directement perceptible à travers les pollutions en métaux des eaux, des sols ou des sédiments (exemple : cadmium (Cd), mercure (Hg)). Leur bioaccumulation et leur toxicité vis-à-vis des organismes vivants, végétaux ou animaux dépendent de leur abondance, c’est-à-dire leur concentration dans le milieu considéré, ainsi que de leur spéciation, c’est-à-dire la forme chimique sous laquelle ils se trouvent. Ces métaux peuvent avoir des conséquences graves sur l’écologie des systèmes naturels et au-delà sur la santé des populations humaines. D’un point de vue économique, certaines activités peuvent également être directement menacées par les métaux lourds. Le cas de la pollution en cadmium dans le bassin de Decazeville (Aveyron, France) en est un exemple (Blanc et al. 1999; Ciutat et Boudou 2003; Audry et al. 2004). Les fortes teneurs en cadmium présentes dans ce bassin versant entraînent des concentrations élevées dans la partie aval de ce bassin versant et dans le courant marin qui reçoit ces eaux ; le parc ostréicole de Marennes d’Oléron (Charente Maritime, France), situé dans le panache de ce courant, est de ce fait l’objet d’un suivi biogéochimique rigoureux pour vérifier la conformité des huîtres avec les normes européennes récemment renforcées (79/923/CEE) (Ciutat et Boudou 2003).

La compréhension du cycle des éléments nécessite une approche globale quantitative, qualitative et pluridisciplinaire. L’approche quantitative vise à définir les stocks d’éléments contenus dans chacun des réservoirs biotiques et abiotiques, ainsi que les flux associés au sein de ces réservoirs et entre chacun d’eux. L’approche qualitative vise à comprendre les mécanismes qui contrôlent ces flux. Ceux-ci sont contrôlés par de nombreux processus physico-chimiques, qui se produisent aux interfaces solidesolution, et par des processus biologiques pour tout ce qui concerne les organismes vivants. Ces différents réservoirs peuvent se concevoir à différentes échelles, globale ou locale. A l’échelle globale, les éléments se distribuent entre les réservoirs lithosphère, biosphère, atmosphère et hydrosphère. A une échelle locale, comme celle d’un sol, on peut par exemple concevoir cette distribution entre les minéraux, les végétaux et les eaux interstitielles.

Les éléments réalisent un cycle complet pendant une certaine durée, qui dépend des temps de transfert entre chaque réservoir et des temps de résidence intrinsèque. Ces temps de transfert et de résidence sont fonctions de l’ensemble des processus physicochimiques et biologiques auxquels sont soumis les éléments. Pour passer d’un réservoir à un autre, les éléments sont transportés sous forme de gaz, de particules (dans l’atmosphère ou dans les cours d’eau) ou sous forme dissoute (dans les précipitations, les cours d’eau, les océans, etc.). Dans ce cycle, les fleuves constituent le vecteur de matière le plus important des continents vers les océans. En effet, chaque année, environ 40 000 km3 d’eau sont apportés par les fleuves à l’océan (Baumgartner et Reichel 1975; Shiklomanov et Sokolov 1983).

Le bassin amazonien : Généralités 

L’Amazone est le premier fleuve de la Terre par son débit (Qm =170 000 m3 /s), par la surface de son bassin versant (6,15 10⁶ km²) et par sa longueur (plus de 7000 km entre ses sources andines et l’embouchure) (Molinier et al. 1997; Guyot et al. 1998; Callède et al. 2004). L’ensemble du bassin versant est situé entre les latitudes 4°N et 20°S et les longitudes 50°W et 78°W et s’étend de la cordil lère des Andes à l’océan Atlantique (Figure 1). Il est en majeure partie recouvert par la plus grande forêt tropicale du monde, abritant une très grande richesse floristique et faunistique (plus d’un million d’espèces recensées soit plus de 50% de la biodiversité de la planète).

Le bassin amazonien est une vaste dépression présentant des limites géomorphologiques variées. A l’ouest le bassin amazonien est bordé par la Cordillère des Andes caractérisée par un relief fort avec des sommets culminants à plus de 6000 m. Au nord s’étendent les Serras (grands plateaux montagneux), avec des altitudes maximum et très locales de 2500 à 3000 m, et au sud des plateaux d’altitudes modérées (800 à 1000 m). L’ensemble s’incline avec de faibles pentes vers les plaines centrales et le lit de l’Amazone. Près de 40 % du bassin se situe à une altitude inférieure à 200 m .

D’un point de vue géologique, le bassin versant est constitué de trois grandes unités structurales : le socle cristallin des boucliers brésiliens au sud et guyanais au nord, une vaste unité sédimentaire en forme d’éventail formant une bande d’environ 350 km de large à l’est, et s’ouvrant largement à l’amont sur une distance de plus de 2000 km ; enfin à l’ouest, la chaîne Andine borde ce bassin sédimentaire et constitue une bande étroite de 100 à 200 km de large (Figure 1). Le réseau hydrographique du bassin est très dense avec plus de 1100 cours d’eau répertoriés. Depuis Sioli (1967), les cours d’eau amazoniens sont classés en fonction de leurs caractéristiques visuelles en trois catégories : eaux « blanches », eaux « claires » et eaux « noires ». Par exemple, les eaux du Rio Solimões sont dites « blanches » du fait d’une forte teneur en matière en suspension (M.E.S. ; moyenne de 100 mg/L) et celles du Rio Negro, riches en matière organique et pauvres en matière en suspension, sont appelées « eaux noires ». Les eaux du Rio Tapajós, pauvres en matière en suspension et en matière organique sont dites « claires ».

L’Amazone stricto sensus se forme à la hauteur de Manaus (Etat d’Amazonie, Brésil), par la confluence de deux fleuves majeurs : le Rio Solimões (parfois appelé l’Amazone supérieur) dont l’origine est principalement andine et le Rio Negro dont la source se situe en Colombie et qui draine le bouclier guyanais. Ces deux fleuves présentent respectivement des débits moyens de 103 000 m3 /s et 28 000 m3 /s (Molinier et al. 1997; Guyot et al. 1998; Callède et al. 2004). A l’aval, on compte quatre principaux affluents de l’Amazone. Le Rio Madeira (31 200 m3 /s, eaux blanches) dont la source est andine, le Rio Trombetas (2 555 m3 /s, eaux claires) qui provient du bouclier guyanais et présente des eaux pauvres en MES et en matière organique, le Rio Tapajós (13 500 m3 /s, eaux claires) qui rejoint l’Amazone au niveau de Santarém et qui provient des plateaux du Mato Grosso et enfin le Rio Xingú (9700 m3 /s, eaux claires) qui provient de la partie orientale du bouclier brésilien. L’ouverture sur l’océan atlantique se fait par un estuaire dont la largeur excède 25 kilomètres. Les données de débit sont tirées de Callède et al. (2004).

La várzea de Curuaí 

La várzea de Curuaí se situe dans l’état du Pará, entre Óbidos et Santarém (1°50S ; 55°43W) (Figure 6, Figure 9 et Figure 10). Elle est bordée au nord, à l’est et à l’ouest par l’Amazone et au sud par une zone de forêt tropicale. Cette zone en élévation (une vingtaine de mètres) par rapport à la zone des lacs, est appelée « terra firme ». Cette zone présente une lithologie fluvio-lacustre correspondant à la formation Alter do Chaõ. Cette formation est posée sur un socle tertiaire (Turonien), de nature détritique (grès argileux) (Sampaio et Northfleet 1973). Irion (1984) donne une description de ces formations, étudiées à proximité de Santarém (Pará, Brésil), à environ 200 km à l’est de la plaine de Curuaí. La formation Alter do Chaõ est caractérisée par un sol de type « Xanthic ferralsols » de plusieurs mètres d’épaisseur (entre 10 et 20 m). Les 8 premiers mètres du sol sont essentiellement composés de quartz, de gœthite, de kaolinite et d’illite. Dans les horizons les plus profonds du sol (8 m), Irion (1984) a montré la possibilité de néoformation de montmorillonite par la dissolution de minéraux  potassiques (micas, illites). Ce sol est soumis à un régime d’altération très fort, d’où l’importance de la kaolinite par rapport aux autres espèces argileuses. La zone de Curuaí est couverte par une végétation de type forêt tropicale et de savane dans les zones où l’inondation est inexistante ou modérée. Les zones de marnage sont couvertes en basses eaux par des pâturages et en hautes eaux par une végétation aquatique de type macrophyte. La pluviométrie moyenne à Curuaí est de 2447 mm par an et l’évaporation potentielle (bac évaporatoire) moyenne est de 1400 mm par an (moyennes obtenues à partir des données de l’ANEEL-ANA pour la période allant de 1990 à 2001). On peut distinguer deux saisons, l’une pluvieuse de janvier à juin et une deuxième, plus sèche, de juillet à décembre (Figure 7). Entre les hautes eaux (maximum en juin) et les basses eaux (minimum en décembre), la différence des hauteurs d’eau est de l’ordre de 5 m à Curuaí (Figure 8). La superficie d’inondation de la várzea varie entre 1200 et 2300 km² et le volume d’eau maximum stocké est de 9.3 km3 (Martinez et Le Toan 2006). On compte 16 lacs bien individualisés lors des basses eaux. La Figure 9 (également reportée au format A3 en annexe, Figure A) représente le site d’étude de la plaine d’inondation de Curuaí où a été reporté le nom des lacs et les références utilisées dans ce mémoire pour les lacs et les chenaux d’entrée et sortie d’eau dans le système. L’eau des lacs a trois provenances distinctes: le cours principal de l’Amazone, la pluie directe et les eaux de ruissellement ou souterraines provenant du bassin versant au sud de la várzea.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I Sites d’Etudes
I.1 Le bassin amazonien : Généralités
I.2 La várzea de Curuaí
I.3 Le site de Marchantaria
Chapitre II Outils et méthodes
II.1 Les campagnes d’échantillonnage
II.2 Prélèvements et mesures de terrain
II.2.1 Préparation du matériel de terrain
II.2.2 Prélèvements et mesures in situ
II.2.3 Filtration des échantillon
II.3 Analyses et préparations des échantillons
II.3.1 Attaque des échantillons d’eau brute
II.3.2 Attaque des échantillons de végétaux
II.3.3 Séparation des terres rares sur colonnes échangeuses
II.3.4 Validation des données acquises
Chapitre III Résultats
III.1 Les sédiments de la plaine d’inondation
III.1.1 La minéralogie des sédiments de fond
III.1.2 La composition chimique des sédiments
III.2 Les eaux de la plaine d’inondation du Lago Grande de Curuaí
III.2.1 Caractéristiques physico-chimiques des eaux des lacs
III.2.1.1 Les lacs sous forte influence de l’Amazone ou lacs « proximaux »
III.2.1.1.1 Les paramètres physico-chimiques
III.2.1.1.2 Les éléments traces dans la phase dissoute (<0,22µm)
III.2.1.1.3 Distribution des éléments entre la phase dissoute et la phase totale
III.2.1.2 Les lacs peu ou pas influencés par l’Amazone ou lacs « distaux »
III.2.2 Distribution verticale des éléments dans les lacs de la várzea
III.2.2.1 Distribution verticale dans le lac A9 (bloom phytoplanctonique)
III.2.2.2 Distribution verticale dans le lac A20 (sans bloom phytoplanctonique)
III.2.2.3 Synthèse de la distribution verticale des éléments dans les colonnes d’eau
III.3 Caractéristiques physico-chimiques des « entrées » du système várzea
III.3.1 La source « Amazone »
III.3.1.1 Paramètres physico-chimiques
III.3.1.2 Les concentrations en ions majeurs dans la phase dissoute (<0,22 µm)
III.3.1.3 Les éléments traces
III.3.1.3.1 Les concentrations en éléments traces dans la phase dissoute (<0,22 µm)
III.3.1.3.2 Distribution des éléments entre la phase dissoute et la phase totale
III.3.2 L’apport par les eaux de ruissellement
III.3.3 L’apport par les eaux souterraines
Chapitre IV Etude Géochimique de la várzea de Curuaí
IV.1 Les sédiments de la plaine d’inondation
IV.1.1 Origine des sédiments
IV.1.2 Processus d’altération des sédiments
IV.1.3 Schéma conceptuel de la sédimentation dans la plaine de Curuaí : Altération dans les lacs proximaux et mélange dans les lacs distaux
IV.2 Comportement des éléments au sein de 2 lacs de la várzea
IV.2.1 Introduction
IV.2.2 Stratification physique
IV.2.3 Stratification chimique
IV.2.3.1 pH et COD
IV.2.3.2 Comportement des terres rares et indication sur le potentiel redox
IV.2.3.3 Equilibres thermodynamiques au sein de la colonne d’eau
IV.2.4 Superposition des processus biotiques et abiotiques
IV.2.5 Conclusions sur la colonne d’eau
IV.3 Modélisation de la plaine d’inondation de Curuaí
IV.3.1 Objectifs de la modélisation
IV.3.2 Modélisation hydrologique de la várzea de Curuaí
IV.3.2.1 Bilan hydrologique de la várzea
IV.3.2.1.1 Résumé de l’article
IV.3.2.1.2 Article Bonnet, Barroux et al. (2005) soumis dans « Journal of Hydrology »
IV.3.2.1.3 Conclusion du bilan hydrologique
IV.3.2.2 Modélisation des échanges inter-lacs
IV.3.2.2.1 Le modèle et les données utilisées
IV.3.2.2.2 Calibration du modèle
IV.3.2.2.3 Influence des échanges avec la nappe
IV.3.2.2.4 Vérification du calage du modèle
IV.3.2.2.5 Dynamique des mélanges et temps de résidence des différents lacs
IV.3.3 Identification des éléments chimiques à comportement non conservatif
IV.3.3.1 Eléments à comportement peu contraint par le cycle hydrologique
IV.3.3.2 Eléments en phase avec le cycle hydrologique
IV.3.4 Bilan hydrochimique de la várzea
IV.3.4.1 Généralisation des observations à l’ensemble de la plaine d’inondation
IV.3.5 Conclusions et perspectives
Chapitre V Rôle de la végétation
V.1 Introduction
V.2 “The influence of the Amazonian floodplain ecosystems on the trace element dynamics of the Amazon River main stem (Brazil)”: publié dans Science of Total Environment n° 339 (2005)
V.3 Conclusion
Chapitre VI Impact des várzea sur le cycle des éléments dans l’Amazone
VI.1 Introduction
VI.2 Article “Seasonal dissolved rare earth element dynamics of the Amazon River main stem, its tributaries, and the Curuaí floodplain” soumis à G3
Conclusion générale
Bibliographie

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