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Suivi médical réglementaire
La santé des sportifs de haut niveau fait l’objet de dispositions définies par l’article L.3621-2 du code de la Santé Publique. Les fédérations sportives ont l’obligation d’organiser la surveillance médicale des sportifs de haut niveau de leurs fédérations respectives (15).
L’arrêté ministériel du 11 février 2004 modifié par l’arrêté du 16 juin 2006, lui-même modifié par l’arrêté du 13 juin 2016, définit la nature et la périodicité des examens médicaux, communs à toutes les disciplines sportives, assurés dans le cadre de la surveillance. Ils sont décrits dans l’article A. 231-3 (16). Pour être inscrit sur la liste des sportifs de haut niveau, sur la liste des sportifs espoirs ou sur la liste des collectifs nationaux, les examens suivants doivent être réalisés dans les deux mois qui suivent la première inscription sur la liste et annuellement pour les inscriptions suivantes :
– Un examen clinique réalisé par un médecin du sport comprenant un interrogatoire et un examen physique selon les recommandations de la Société française de médecine, de l’exercice et du sport;
– Un bilan diététique et des conseils nutritionnels ;
– Un bilan psychologique visant à dépister des difficultés psychopathologiques pouvant être liées à la pratique sportive intensive ;
– La recherche indirecte d’un état de surentraînement via un questionnaire élaboré selon les recommandations de la Société française de médecine, de l’exercice et du sport ;
– Un électrocardiogramme de repos.
Le suivi gynécologique des sportives de haut niveau n’est pas du tout mentionné dans la liste des examens médicaux obligatoires.
Le basketball féminin en France et dans le monde
La naissance du basketball féminin
La naissance du basketball est bien connue (17) : Le basketball a été inventé en décembre 1891 au Springfield College, dans l’État du Massachusetts, au nord-est des États-Unis. Son créateur est un professeur de gymnastique mais aussi un médecin, James Naismith (18).
Le basketball est à peine né qu’il intéresse déjà une professeure de gymnastique. Senda Berenson Abbott initie le basketball à ses élèves ; des filles. En 1892, pour la première fois, des filles jouent au basketball. Une autre professeure d’éducation physique, Clara Gregory Baer qui est professeure de gymnastique à la Nouvelle Orléans, organise des matchs de basketball à partir de 1893. Cependant, les familles des joueuses trouvent ce sport trop violent pour les filles. Il est alors pratiqué en robes corsetées. En 1895, Clara Gregory Baer publie les premières règles du basketball féminin. Elle appelle ce sport le « basquette ». Ce sport est alors accepté comme sport universitaire. Le premier Championnat d’Europe de basketball féminin a eu lieu en 1938 (19).
Le basketball féminin de nos jours
Aux Etats-Unis, le 24 avril 1996, le basketball féminin a annoncé « We Got Next » (Nous sommes les prochaines) lorsque le conseil d’administration de la National Basketball Association a approuvé le concept d’une association nationale de basketball féminin ; la Women’s National Basketball Association (WNBA) qui débuta en juin 1997 (19). Depuis lors, la WNBA est le foyer des meilleurs talents du basketball féminin dans le monde (20).
En France, la Ligue Féminine de Basketball a été créée en 1998. C’est une commission de la FFBB chargée de promouvoir et d’organiser le basketball de haut niveau (21). La FFBB connaît une hausse importante du nombre de ses licenciés pour la saison 2021-2022 (509 794 licenciés en club contre 418 167 en 2020, soit une hausse de 21,9 %), avec une pratique qui continue à se féminiser (175 340 licenciées, soit une hausse de 19,6 %). Le basketball est aujourd’hui le sport collectif qui licencie le plus de femmes (2).
En France et ailleurs, il existe deux types de jeu : le 5×5 et le 3×3. Le 5×5 se joue à 10 joueuses et le 3×3 se joue à 6 joueuses. Le 3×3 est une nouvelle pratique de basketball devenue une discipline olympique depuis 2017. Les joueuses de Ligue 1 jouant en 3×3 ne sont pas professionnalisées contrairement aux joueuses de Ligue 1 jouant en 5×5 mais l’équipe de France féminine de 3×3 a fini championne du Monde en juin 2022.
Les conséquences du sport de haut niveau sur la santé de la femme
Le syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport
Définition
En 1992, l’American College of Sports Medicine présente la répercussion du sport de haut niveau sur la santé gynécologique des athlètes sous l’appellation « Female Athlete Triad » ; la triade de la sportive. Elle se traduit par des symptômes qui apparaissent dans un ordre chronologique avec des effets en cascade (22) :
– Troubles du comportement alimentaire
– Aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (AHF)
– Ostéoporose
En 1997, l’American College of Sports Medicine a publié des recommandations sur le dépistage, le diagnostic, la prévention et le traitement de la triade (23).
Le 9 novembre 2005, le CIO a défini dans son consensus la triade de l’athlète féminine comme l’association entre des troubles du comportement alimentaire et des cycles menstruels irréguliers qui finissent par provoquer une diminution des œstrogènes endogènes et d’autres hormones, entraînant une faible densité minérale osseuse (DMO) (24), sur la base des preuves scientifiques de Drinkwater et al. (25).
En 2007, suite aux progrès scientifiques, l’American College of Sports Medicine a actualisé ses recommandations (22).
Il utilise le terme de faible disponibilité énergétique avec ou sans trouble de l’alimentation plutôt que de trouble du comportement alimentaire, de diminution de la DMO plutôt que d’ostéoporose et de trouble du cycle menstruel plutôt que d’aménorrhée. Il a redéfini la triade comme une entité clinique qui fait référence à la relation entre trois composantes interdépendantes : la disponibilité énergétique, la fonction menstruelle et la santé osseuse. S’y est ajoutée une compréhension de la physiopathologie décrivant le concept selon lequel, au fil du temps, l’athlète évolue sur un spectre continu allant de l’athlète en bonne santé avec une disponibilité énergétique optimale, des menstruations régulières et des os en bonne santé à l’extrémité opposée du spectre, caractérisée par l’aménorrhée, une faible disponibilité énergétique et l’ostéoporose (figure 2).
En 2014, le CIO a défini un nouveau concept appelé le syndrome de Relative Energy Deficiency in Sport (RED-S). Il visait à élargir les composantes de la triade pour y inclure notamment une altération du métabolisme, de la fonction menstruelle, de la santé osseuse, mais aussi, de l’immunité, de la synthèse des protéines et de la santé cardiovasculaire. Le facteur étiologique de ce syndrome est la faible disponibilité énergétique (figure 3) (25).
Depuis la publication initiale de la déclaration de consensus du CIO sur le syndrome de RED-S en 2014, de nombreuses avancées scientifiques ont permis d’améliorer la compréhension des effets du déficit énergétique relatif sur la santé et la performance des athlètes féminines mais aussi des athlètes masculins. Pour combler les lacunes restantes, les auteurs du consensus du syndrome de RED-S du CIO de 2014 ont publié une déclaration de consensus en 2018, qui encourage l’activité scientifique dans les domaines suivants (26) :
– Identification des athlètes à risque pour le syndrome de RED-S : il est évident qu’il n’existe pas d’outil pratique pour mesurer l’énergie disponible ; il existe donc un besoin reconnu de développer une méthodologie pour dépister et identifier les athlètes à risque pour le syndrome de RED-S qui soit à la fois scientifiquement validée et pertinente et applicable dans la pratique clinique du sport.
– Prévention du syndrome de RED-S : une meilleure sensibilisation au syndrome de RED-S est nécessaire par le biais d’initiatives éducatives destinées aux athlètes, aux entraîneurs, aux membres de l’entourage et aux organisations sportives. Le développement d’interventions de prévention validées scientifiquement est encouragé.
– Conséquences du syndrome de RED-S sur la santé et la performance : il reste encore beaucoup à apprendre sur les risques psychologiques et physiologiques pour la santé et les conséquences à long terme du syndrome de RED-S chez toutes les athlètes. Pour attirer au mieux l’attention des athlètes et des entraîneurs, il est impératif d’améliorer encore notre compréhension des effets du syndrome de RED-S sur la performance (figure 3).
– Traitement et « retour au jeu » : des directives pratiques pour le traitement et le retour au jeu en toute sécurité des athlètes atteints du syndrome de RED-S doivent être développées pour améliorer la santé et la performance des athlètes.
Le déficit énergétique
La faible disponibilité énergétique ou déficit énergétique est le facteur étiologique du syndrome de RED-S. L’apport énergétique doit être adapté à la dépense énergétique chez la sportive, quantitativement, mais aussi qualitativement, avec un apport suffisant en lipides dans la ration quotidienne (environ 15% de la ration alimentaire chez les sportives) (28). La faible disponibilité énergétique est soit liée à un régime alimentaire, soit liée à l’exercice physique ou soit liée à une combinaison des deux (27).
La suppression de la fonction de reproduction permet de répartir l’énergie disponible des fonctions non essentielles vers les fonctions essentielles (29). Certaines études ont démontré l’effet d’une faible énergie disponible sur la sécrétion pulsatile de la Luteinizing Hormone (LH). Des réductions à court terme d’énergie disponible en dessous d’un seuil de 30 kcal/ kg de masse maigre/ jour ont ralenti la libération pulsatile de la LH par l’hypophyse antérieure, un indicateur indirect de la sécrétion de la Gonadotropin-Releasing Hormone (GnRH) par les neurones hypothalamiques (30). Un ralentissement de la fréquence du pulse de la LH est associé à des retards dans la folliculogénèse et à un raccourcissement de la phase lutéale, ainsi qu’à une suppression complète des menstruations (31–33). Dans des études plus récentes, le seuil minimal de déficit énergétique est remis en question mais l’énergie biodisponible, appréciée cliniquement par le pourcentage de la masse grasse mesurable aux plis cutanés ou par absorptiométrie biphotonique, reste un marqueur important pour évaluer le risque de dysfonction menstruelle (34).
Les troubles du cycle menstruel
Définition
Les troubles du cycle menstruel associés à l’exercice intensif sont couramment observés chez les athlètes féminines. Les troubles du cycle menstruel rapportés dans la littérature sont : l’anovulation, l’aménorrhée primaire, l’aménorrhée secondaire, la spanioménorrhée et l’insuffisance lutéale (35,36).
L’euménorrhée peut être définie comme des cycles menstruels réguliers allant de 26 à 34 jours (37). L’aménorrhée primaire a été définie comme l’absence de ménarche après l’âge de 15 ans et l’aménorrhée secondaire comme l’absence de règles pendant plus de trois mois, survenant après la ménarche. La spanioménorrhée a été définie comme un cycle menstruel de 45 jours ou plus, et la phase lutéale courte ou insuffisance lutéale comme un cycle menstruel de moins de 22 jours (38).
Historique
Dans les années 1970, des différences significatives d’âge de ménarche ont commencé à être mises en avant entre les athlètes et les non-athlètes, ainsi que des troubles du cycle chez les athlètes (39). L’aménorrhée chez les athlètes a été décrite chez les cavalières en 1973, chez les marathoniennes en 1979 et chez les nageuses en 1981 (40).
Dans les années 1980, l’aménorrhée chez les athlètes est reconnue mais les études n’arrivent pas encore à définir le mécanisme étiologique exact de celle-ci (41).
Dans les années 1990, il est clairement reconnu qu’il existe une augmentation significative de troubles du cycle chez les athlètes (23).
L’exercice, le faible poids, une disponibilité énergétique inadéquate et le stress psychologique sont étudiés comme des causes potentielles de perturbation du processus endocrinien normal (42,43). Cependant, la plupart des données à ce jour suggèrent que la faible disponibilité énergétique est la principale cause de l’aménorrhée associée à l’exercice (27,44–46).
Prévalence et facteurs de risque
Les taux de prévalence varient en fonction du type de sport (35,36). Les sports soumis à catégories de poids comme le judo, le karaté, la lutte, la boxe, le taekwondo, l’haltérophilie ou l’aviron, les sports où l’esthétique est importante comme la gymnastique rythmique et artistique, le patinage, la natation synchronisée, le plongeon ou la danse classique ou les sports d’endurance comme l’athlétisme, le triathlon, le cyclisme ou la natation seraient plus touchés par les dysfonctions menstruelles. La prévalence n’augmente pas avec le volume ou l’intensité de l’entraînement, mais est corrélée au déficit énergétique. Dans une étude descriptive norvégienne qui a comparé les dysfonctions menstruelles dans différents sports, la prévalence était différente selon le type de sport mais le volume d’heures d’entraînement n’était pas différent, il aurait peut-être donc moins d’impact sur celles-ci (38).
Physiopathologie
Les études montrent que les changements de la libération pulsatile de la LH, marqueur indirect de la libération pulsatile de la GnRH par les neurones hypothalamiques est un prédicteur significatif des perturbations menstruelles (31,34). L’AHF est caractérisée par une diminution des concentrations circulantes de LH, qui sont plus faibles que celles de FSH (Follicle-Stimulating Hormone) (47).
Les troubles du cycle menstruel et en particulier l’aménorrhée (primaire ou secondaire) retrouvée chez les athlètes ayant un syndrome de RED-S est une AHF. En effet, elle est liée à un déficit énergétique résultant d’une carence nutritionnelle combinée ou non à une activité physique excessive. Il s’agit d’un déficit gonadotrope généralement partiel et réversible (47).
Longtemps, la Corticotropin-Releasing Hormone (CRH) a été mise en cause dans l’AHF. Elle agirait sur la libération pulsatile de la GnRH par l’intermédiaire des opioïdes endogènes (48). Depuis, d’autres intervenants ont été découverts.
Des travaux plus récents ont impliqué le rôle de la leptine qui est une hormone anorexigène de type peptidique de 167 acides aminés. Elle est sécrétée majoritairement par le tissu adipeux (adipocytes) et envoie un signal de satiété des organes périphériques vers l’hypothalamus. Son taux est corrélé à l’équilibre énergétique et donc au volume de masse grasse. Ces travaux ont permis de comprendre la relation entre le déficit énergétique, la diminution de la masse grasse retrouvée chez les athlètes et le ralentissement des pulses de GnRH qui aboutit à l’AHF (49,50). Tout d’abord, a été mise en évidence une diminution de la leptinémie chez les femmes avec AHF (47,51). Par la suite, un essai contrôlé randomisé en double aveugle a montré une amélioration de la clinique avec une reprise des menstruations par l’administration parentérale de leptine chez les patientes en AHF renforçant la relation de causalité entre le déficit en leptine et le déficit en GnRH (49,50).
Plus récemment encore, des travaux réalisés chez des modèles murins suggèrent que la carence nutritionnelle et donc la diminution de la leptine entraîne un déficit de sécrétion hypothalamique (noyau arqué et noyau paraventriculaire) du neuropeptide kisspeptine par le système neuroendocrine Kisspeptine/ Neurokinine B (Kp/NkB) (52). L’administration à court terme de ce neuropeptide chez des femmes avec AHF rétablit la sécrétion pulsatile de GnRH et donc de LH (53,54) ce qui renforce l’implication de la kisspeptine dans la physiopathologie des AHF. Ainsi, les neurones Kp/NkB joueraient un rôle de relais neuroendocrine entre les fonctions métaboliques (dont la leptine) et reproductives (les neurones à GnRH) (figure 4) (55).
D’autres médiateurs métaboliques, comme la ghréline, le peptide YY, le cortisol, la triiodotyronine (T3), l’Insulin-like Growth Factor 1 (IGF-1), l’acide gamma aminobutyrique (GABA) et le neuropeptide Y dont la sécrétion est modifiée par un déficit énergétique, participent à la régulation de l’axe gonadotrope majoritairement par l’intermédiaire du neuromédiateur kisspeptine (56).
Prise en charge du syndrome de RED-S
Evaluation du syndrome de RED-S
Une suspicion de l’un ou plusieurs des composants du syndrome de RED-S devra entraîner un interrogatoire complet comprenant les antécédents de troubles du comportement alimentaire, menstruels, endocriniens et psychologiques, de fractures osseuses, de performance et de médication.
La palpation de la thyroïde, l’examen des dents, des glandes parotides, du champ visuel et de la peau sont également à réaliser.
Les dosages biologiques recommandés comprennent le dosage des hCG pour exclure une grossesse, une numération formule sanguine pour rechercher une anémie carentielle, un ionogramme sanguin, un bilan hépatique et rénal, une TSH (Thyroid-Stimulating Hormone), la testostérone totale, la FSH, la LH, l’estradiol et la prolactine.
Une échographie pelvienne doit être effectuée lorsqu’une patiente présente un retard de la ménarche avec une aménorrhée primaire ou, selon les résultats biologiques, si elle présente un trouble du cycle (aménorrhée secondaire ou spanioménorrhée). Des tests supplémentaires peuvent être discutés comme une IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) hypophysaire en cas de déficit gonadotrope et un électrocardiogramme pour détecter une bradycardie. Si les antécédents ou l’examen physique de la patiente suggèrent la présence d’une fracture de fatigue, une radiographie simple doit être l’examen initial de choix. Une scintigraphie osseuse en trois phases doit être effectuée si les radiographies sont négatives. Une ostéodensitométrie biphotonique (ou absorptiométrie biphotonique aux rayons X) peut également être réalisée pour évaluer la DMO (64,73).
Traitement du syndrome de RED-S
La prise en charge et le traitement du syndrome de RED-S auront des effets bénéfiques considérables sur la santé des athlètes. Cette prise en charge est multidisciplinaire (gynécologue, endocrinologue, médecin du sport, nutritionniste et psychologue) et vise à restaurer des cycles menstruels réguliers.
Le traitement initial consiste à corriger la cause du déficit énergétique relatif ; soit en augmentant l’apport calorique, soit en diminuant l’activité physique, soit les deux (64,74). Un arrêt de l’activité physique peut être nécessaire, selon la gravité du déficit énergétique (25,72).
Les trois composantes du syndrome de RED-S se rétablissent à des rythmes différents avec un traitement approprié. La récupération de l’état énergétique est généralement observée après quelques jours ou semaines d’augmentation de l’apport énergétique et/ou de diminution de la dépense énergétique. Le rétablissement des cycles menstruels est généralement observé après des mois d’augmentation de l’apport énergétique et/ou de diminution de la dépense énergétique. Le rétablissement de la DMO peut n’être observé que des années après le rétablissement du statut énergétique et du statut menstruel (figure 10) (28).
Il faut s’assurer que les apports calciques alimentaires sont satisfaisants et que la concentration sérique de vitamine D est normale. En effet, un taux sérique de vitamine D < 30 ng/ mL est associé à une incidence accrue de fracture de fatigue. Si les apports calciques ne sont pas satisfaisants, après avoir évalué les apports alimentaires, ou qu’il existe une carence en vitamine D, une supplémentation médicamenteuse est souhaitable. Un apport quotidien en vitamine D de 600 à 800 UI et un apport en calcium de 1000 mg par jour pour les femmes âgées de 19 à 50 ans et de 1300 mg/ jour pour les adolescentes jusqu’à 18 ans sont alors recommandés (26).
L’objectif nutritionnel est de retrouver une disponibilité énergétique de 45 kcal/ kg de masse maigre/ jour avec un apport protéique suffisant d’au moins 1g/ kg de poids corporel.
La supplémentation hormonale est recommandée en seconde intention seulement si une prise en charge nutritionnelle, psychologique et/ou une diminution de l’activité physique (75) n’a pas permis de restaurer des cycles menstruels. L’athlète féminine doit alors être orientée vers un gynécologue qui pourra évaluer et traiter la patiente (64). Les données concernant les contraceptifs oraux combinés sur la DMO et les fractures osseuses sont discordantes et l’utilisation de ceux-ci n’est donc pas recommandée en première intention. Une revue systématique récente de la littérature n’a pas retrouvé de différence significative sur les Z-scores, les T-scores ou l’incidence des fractures chez les athlètes sous contraception orale combinée. Le traitement médicamenteux recommandé en première intention est donc un traitement hormonal substitutif à base de 17β-estradiol transdermique et d’un progestatif oral. La voie transdermique sera à privilégier car elle n’affecterait pas la sécrétion hépatique d’IGF-1 contrairement à la contraception orale combinée (74,76,77). La prise d’un traitement hormonal substitutif à base de 17β-estradiol de forme orale n’est donc pas non plus recommandée en première intention car cette forme affecterait aussi la sécrétion hépatique d’IGF-1 même s’il n’existe pas à ce jour d’étude comparant les deux formes (orale versus transdermique) chez les athlètes souffrant du syndrome de RED-S.
Dans un essai contrôlé randomisé sur des athlètes en spanioménorrhée ou en aménorrhée, les DMO du rachis et du col fémoral avaient significativement augmenté chez celles qui ont été randomisées pour l’utilisation d’un patch transdermique de 17β-estradiol avec un progestatif oral par rapport à une contraception orale combinée (30 microgrammes d’éthinylestradiol et 150 microgrammes de désogestrel) ou sans traitement (74).
Dans les autres traitements médicamenteux qui peuvent être utilisés, le fragment recombinant 1-34 de l’hormone parathyroïdienne peut être utilisé en cure courte seulement pour des densités minérales osseuses très faibles ou des retards de cicatrisation de fractures de fatigue. Elle est contre-indiquée chez les adolescentes et jeunes adultes qui n’ont pas fini leur croissance (75). Enfin, la thérapie cognitivo-comportementale peut être proposée et a démontré qu’elle contribue à la reprise des cycles menstruels chez certaines femmes atteintes d’AHF. Des exemples de contrat de traitement ont été décrits dans certaines publications (25,28).
Le traitement doit souvent être prolongé et les rechutes sont fréquentes. Ces patientes ont donc besoin d’une surveillance à long terme, surtout en ce qui concerne la DMO (69).
Les symptômes pendant le cycle menstruel en dehors des menstruations
Le cycle menstruel peut affecter la pratique sportive et les performances à l’effort. Il existe très peu de données sur les symptômes spécifiques pendant les différentes phases du cycle menstruel et sur le vécu des femmes qui font de l’exercice.
Les symptômes du cycle menstruel les plus fréquents décrits sont les changements d’humeur, l’anxiété, la fatigue, les douleurs pelviennes et les mastodynies. Le syndrome prémenstruel peut regrouper tous ces maux avant les menstruations. Ces symptômes du cycle menstruel sont associés à une plus grande probabilité de manquer ou de modifier l’entraînement (p < 0,05) et de rater une compétition (p < 0,05) (99).
Les symptômes liés aux menstruations
Les dysménorrhées
La perception de la baisse de performance par les athlètes ayant des dysménorrhées est décrite (100). En effet, les symptômes décrits pendant les menstruations sont perçus comme associés à une sensation de baisse de performance (100,101). Au niveau de la physiopathologie, la douleur menstruelle est l’expression d’une hypoxie tissulaire consécutive à l’hypercontractilité du myomètre et à la vasoconstriction de ses artérioles. C’est principalement la chute hormonale de la progestérone en fin de phase lutéale qui va induire l’activation de la cyclo-oxygénase et favoriser une cascade de réactions biochimiques à partir de l’acide arachidonique, aboutissant à la sécrétion de prostaglandines. Les prostaglandines vont majorer le tonus de base musculaire, responsable de l’ischémie et de la douleur.
Trois familles d’agents utérotoniques et vasoconstricteurs ont une responsabilité démontrée dans ce syndrome : les prostaglandines dont le rôle est prépondérant dans 80 à 90 % des cas, la vasopressine et les leucotriènes. Le rôle de l’innervation utérine est également probable, mais est encore mal compris (102).
Les ménorragies
Les ménorragies sont définies comme une perte de sang, pendant les menstruations, supérieure ou égale à 80 mL (103). Elles peuvent être aussi définies comme une perte excessive de sang menstruel qui interfère avec la qualité de vie physique, émotionnelle, sociale et matérielle de la femme, et qui peut se produire seule ou en combinaison avec d’autres symptômes (104).
Les ménorragies en tant que telles sont perçues par les athlètes de haut niveau comme un facteur pouvant causer une baisse de performance. 66,7 % des athlètes féminines de haut niveau qui ont des ménorragies rapportent que celles-ci affectent leur performance (96).
Par ailleurs, aucune association statistiquement significative n’a été trouvée entre le volume d’exercice hebdomadaire moyen et la présence de ménorragie (96).
Les ménorragies peuvent aussi causer une carence en fer et donc une anémie ferriprive qui peut avoir un impact sur l’entraînement et la performance (96). L’activité physique se caractérise par une augmentation substantielle des besoins en oxygène. Le fer est un facteur indispensable à la formation de l’hémoglobine ; la protéine responsable du transport de l’oxygène des organes respiratoires vers les tissus périphériques. L’absence de quantités adéquates de fer pour la formation de l’hémoglobine, due à une carence en fer, peut fortement affecter la capacité d’exercice physique, en réduisant l’acheminement de l’oxygène vers les muscles en exercice. Le fer est également un composant vital pour la formation de la myoglobine, la protéine de stockage du fer dans le muscle qui régule la diffusion de l’oxygène des érythrocytes vers les mitochondries. La concentration de myoglobine dans le muscle squelettique est drastiquement réduite (40 à 60%) à la suite d’une carence en fer, limitant ainsi le taux de diffusion de l’oxygène des érythrocytes vers les mitochondries, ce qui compromet finalement la capacité oxydative du muscle. Outre le transport et le stockage de l’oxygène, le fer est également nécessaire au fonctionnement optimal de nombreuses enzymes oxydatives et protéines régulant le métabolisme intracellulaire. Le contenu mitochondrial des enzymes oxydatives et des protéines est un facteur important de la capacité de travail du muscle, car il existe une forte association entre la capacité à maintenir un exercice prolongé et l’activité des enzymes oxydatives dépendantes du fer. Par conséquent, une carence en fer peut avoir des effets néfastes, en particulier sur les performances d’endurance, qui sont sensibles aux perturbations des concentrations en fer du muscle squelettique et en sont donc affectées négativement (105).
L’hyperandrogénie
Prédisposition ou secondaire à la pratique sportive
Les troubles du cycle menstruel chez les athlètes féminines peuvent être expliqués par le syndrome de RED-S mais le syndrome des ovaires polykystiques est l’une des autres causes de troubles du cycle. L’équipe de Hagmar et al. a étudié l’incidence des ovaires polykystiques observés à l’échographie chez des athlètes qui n’utilisaient pas de contraception hormonale. 37 % des athlètes avaient des ovaires polykystiques par rapport à l’incidence estimée à environ 20 % dans la population générale (106).
Une autre étude de Coste et al. a comparé 18 adolescentes, nageuses de compétition, qui pratiquaient la natation plus de 15 heures par semaine avec un groupe contrôle de 18 adolescentes qui ne pratiquaient pas d’activité physique ou moins de 4 heures par semaine de natation. L’étude a montré qu’il y avait plus de troubles du cycle chez les nageuses de compétition versus le groupe contrôle (50 % versus 22%, p = 0,05). Le taux de testostérone chez les nageuses était aussi significativement plus élevé (p = 0,005). L’hyperandrogénie pourrait donc être une prédisposition à la pratique sportive de haut niveau (107).
D’autres auteurs se sont posé la question si l’hyperandrogénie ne serait justement pas secondaire à la pratique sportive. L’étude de Lagowska et al. a révélé une corrélation négative significative entre le niveau de testostérone et l’âge du début d’entraînement et une corrélation positive significative entre le taux de testostérone et le nombre d’années d’entraînement (108).
Impact sur la performance ?
La testostérone circulante augmente la masse et la force musculaire, la DMO, l’hémoglobine, la teneur en myoglobine du muscle. Tous ces mécanismes peuvent expliquer les différences de performance retrouvées entre les hommes et les femmes (109).
Plusieurs études récentes ont étudié l’influence que pouvaient avoir les concentrations sériques d’androgènes sur la performance des athlètes. Les athlètes féminines qui présentaient les taux de testostérone libre les plus élevés avaient des meilleurs résultats de performance dans les épreuves d’athlétisme suivantes : le 400 mètres, le 400 mètres haies, le 800 mètres, le lancer du marteau et le saut à la perche (110).
L’hyperandrogénie comme marqueur de dopage ?
En 1999, le CIO abandonnait le test de féminité par le caryotype sanguin mais la question de l’hyperandrogénie est toujours d’actualité chez les athlètes féminines. En effet, quelques femmes sont nées avec des anomalies du développement génital. Ce diagnostic est évoqué chez tout nouveau-né qui présente une « atypie » du sexe chromosomique, du sexe gonadique ou du sexe anatomique. Cette affection peut causer une hyperandrogénie avec des taux de testostérone proches de ceux des hommes. Il est estimé que la prévalence de ces pathologies rares est environ 140 fois plus élevée chez les athlètes féminines de haut niveau (111).
Ainsi, de nombreuses athlètes féminines considèrent qu’il est injuste de devoir concourir contre une femme qui a l’avantage d’avoir une physiologie masculine. Récemment, l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme a diminué à 5 nmol/L le taux maximal de testostérone totale accepté pour les athlètes qui participent aux épreuves féminines d’athlétisme. Ils se sont basés sur des taux de référence entre 7,7 et 29,4 nmol/L chez les hommes et entre 0 et 1,7 nmol/L chez les femmes, en tenant compte des femmes ayant une hyperandrogénie biologique en lien avec un syndrome des ovaires polykystiques qui est surreprésenté dans l’athlétisme d’élite (figure 13). Le taux de testostérone total autorisé par le CIO a cependant été maintenu à 10 nmol/L (109).
L’hyperandrogénie liée à certaines anomalies du développement génital peut aussi expliquer les troubles du cycle menstruel retrouvés chez la sportive de haut niveau. Le dopage par la prise de stéroïdes anabolisants fait aussi partie des causes d’inhibition de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui peuvent être retrouvées chez les athlètes.
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Table des matières
Liste des figures et des tableaux
1 Introduction
1.1 Histoire de la féminisation du sport moderne jusqu’à nos jours
1.2 Le sport de haut niveau en France
1.2.1 Définition
1.2.2 Suivi médical réglementaire
1.3 Le basketball féminin en France et dans le monde
1.3.1 La naissance du basketball féminin
1.3.2 Le basketball féminin de nos jours
1.4 Les conséquences du sport de haut niveau sur la santé de la femme
1.4.1 Le syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport
1.4.1.1 Définition
1.4.1.2 Le déficit énergétique
1.4.1.3 Les troubles du cycle menstruel
1.4.1.3.1 Définition
1.4.1.3.2 Historique
1.4.1.3.3 Prévalence et facteurs de risque
1.4.1.3.4 Physiopathologie
1.4.1.4 Répercussions osseuses du sport à haut niveau
1.4.1.4.1 Fractures de fatigue
1.4.1.5 Autres composantes du syndrome de RED-S
1.4.1.6 Dépistage du syndrome de RED-S
1.4.1.7 Prise en charge du syndrome de RED-S
1.4.1.7.1 Evaluation du syndrome de RED-S
1.4.1.7.2 Traitement du syndrome de RED-S
1.4.2 Le retentissement sur le plancher pelvien
1.4.2.1 Introduction
1.4.2.2 Incontinence urinaire
1.5 Les conséquences des troubles gynécologiques sur la pratique sportive
1.5.1 Les variations hormonales physiologiques pendant le cycle menstruel : impact sur la performance ?
1.5.2 Les symptômes pendant le cycle menstruel en dehors des menstruations
1.5.3 Les symptômes liés aux menstruations
1.5.3.1 Les dysménorrhées
1.5.3.2 Les ménorragies
1.5.4 L’hyperandrogénie
1.5.4.1 Prédisposition ou secondaire à la pratique sportive
1.5.4.2 Impact sur la performance ?
1.5.4.3 L’hyperandrogénie comme marqueur de dopage ?
2 Matériel et méthode
2.1 Population étudiée et critères d’inclusion
2.2 Méthode du recueil de données
2.3 Analyse statistique
3 Résultats
3.1 Description de la population
3.1.1 Activité physique
3.1.1.1 Nombre d’années et nombre d’heures de basketball
3.1.1.2 Niveau d’équipe principale
3.1.2 Caractéristiques gynécologiques
3.1.2.1 Âge de la ménarche
3.1.2.2 Suivi gynécologique
3.1.2.3 Contraception
3.1.3 Troubles gynécologiques
3.1.3.1 Troubles du cycle
3.1.3.2 Syndrome prémenstruel et dysménorrhées
3.1.4 Alimentation
3.1.5 Fractures de fatigue
3.1.6 Incontinence urinaire d’effort
3.1.7 Ressentis de performance
3.1.8 Connaissances des basketteuses
3.1.9 Demandes des basketteuses
3.1.10 Remarques libres des basketteuses recueillies dans le questionnaire
4 Discussion
4.1 Caractéristiques gynécologiques de la population
4.2 Impact sur le périnée
4.3 Impact sur l’os
4.4 Impact sur la performance
4.5 Connaissances et demandes des basketteuses
4.6 Forces et limites de l’étude
5 Perspectives
6 Conclusion
7 Références bibliographiques
8 Annexes
8.1 Annexe 1 : Questionnaire de l’étude
8.2 Annexe 2 : Remarques libres des basketteuses
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