LE BAOBAB ET LA CIMENTERIE, LES DEUX GÉANTS DE LA BROUSSE

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Le cas de la banlieue Dakaroise et la résurgence des niayes

Les niayes sont des dépressions dunaires que l’on trouve tout le long de la Grandes-Côte1. Leurs tailles sont réduites et demandent un équilibre maîtrisé pour ne pas épuiser cette terre fertile depuis longtemps cultivée par les Sénégalais. Il s’y développe une activité de maraîchage dont dépend beaucoup la métropole Dakaroise. En effet 80% de la production horticole du Sénégal à lieu dans les niayes². La fertilité de ces enclaves s’explique par leur présence à un niveau très proche de la nappe phréatique, qui est ici assez haute car l’océan est tout proche, et qui permet à une végétation dense de se développer dans le contexte pourtant semi-désertique du Sahel. Cependant, au cours de la seconde moitié du XXème siècle l’urbanisation galopante de Dakar puis de sa métropole va entraîner un étalement urbain sans précédent et spontané, nourri par l’afflux massif de sénégalais venant du monde rural et qui fuient alors des conditions de vie terribles dues à la longue période de sécheresse qui toucha le Sahel. Cette dynamique est renforcée par l’arrivée des ‘’déguerpis’’ des dakarois originaire de la première génération des migrants venus des campagnes et expropriés de leurs possessions lors de grands travaux d’aménagement de la pointe du Cap-Vert. C’est ainsi que par exemple Pikine, jusqu’alors un village de maraîchers devient en quelques décennies la plus grande ville du Sénégal avec plus d’un million d’habitants et ce sans réelle organisation et planification de l’état.
Face à la pression urbaine les niayes, souffrant déjà d’un manque d’entretien suite à la sécheresse, disparaissent sous la ville. L’eau de la nappe n’est plus pompée pour l’agriculture mais pour l’usage urbain. La ville s’étale et on oublie peu à peu les niayes qui ne laissent de traces que dans le léger relief de la péninsule du Cap-Vert.
1) La Grande-Côte s’étend de la presqu’île du cap-vert jusqu’à la Mauritannie, ce sont des centaines de kilomètre de plage sur lequel le phénomène de la barre, présent tout le long du littoral, peut s’avérer dangereux.
2 Une grande côte au coeur de toutes les convoitises, « vivre autrement », février 2012, Dakar Finalement, après plusieurs décennies, la sécheresse touche à sa fin et l’eau de la nappe, polluée par l’étalement urbain sans assainissement et réseaux d’eau, n’est plus pompée. De plus, la densité urbaine est telle que la perméabilité du sol est quasi nulle. Enfin, la montée de l’océan et l’érosion de la côte, bien que faible encore par rapport à ce qu’elle devrait être à la fin du siècle, entraîne une élévation progressive du niveau de la nappe qui commence à affleurer à nouveau. C’est ainsi que très brusquement au début du 21ème siècle, des premières inondations eurent lieu ; elles se produisent désormais annuellement.
L’état a bien cherché, après plusieurs années d’inactions, à créer des bassins en rasant les quartiers les plus atteints et pour certains en partie abandonnés ou en déplaçant des populations vers la périphérie de la métropole, loin des activités économiques et des services publiques. Mais malgré ces ‘’sacrifices’’, cela ne suffit pas à pallier à la situation. Le commencement de la construction d’un réseau d’assainissement et de drainage est quant à lui très lent, d’autant que toute la région dakaroise est extrêmement dense. Pour le moment, cela ne permet toujours pas de mettre hors d’eau tout les quartiers touchés. Le mauvais entretien, l’encombrement des canalisations et des bassins par de nombreux déchets et le typha lui-même limitent d’ailleurs l’efficacité de ces installations.
La péninsule du Cap-Vert est prise dans une cercle vicieux dont elle a pris conscience des engrenages bien tard, rendant la situation particulièrement difficile à aborder tant par l’échelle que par l’importance des moyens à mobiliser sur de nombreuses années.
Le typha, lui, a su profiter de l’occasion et a très rapidement colonisé les quartiers les plus touchés par les inondations. D’abord le temps d’une saison, puis durablement d’année en année, poussant au départ des habitants, il s’installa définitivement, dissimulant peu à peu les ruines.
Il ne fut pas long non plus à envahir les bassins de rétention et les canaux, offrant, il est vrai, derrière les grilles qui encadre ces bassins les seules surfaces de verdure dans la métropole.
Ces zones ‘’sauvages’’, dans une agglomération à l’urbanisme qui le fut tout autant, suscitent sinon crainte du moins méfiance. Crainte et méfiance pour les enfants qui peuvent y disparaître, pour les maladies, les reptiles et les rats qu’elles abritent, pour l’eau qui remontera bientôt, sûrement dès la saison prochaine…
Le typha à Dakar n’est ainsi pas vraiment conquérant mais plutôt opportuniste. S’ancrant profondément dans les interstices et ne les rendant qu’après d’âpres luttes. On le trouve ici ou là en larges gouttes vertes au travers de l’agglomération et plus ou moins confiné.
Certains foyers sont cependant plus importants, car ils prennent places dans des zones préservées de la poussée de l’urbanisme en ayant conservées plus longtemps leurs caractères maraîcher. La zone du Technopôle, également appelée ‘’la grande niaye’’, les lacs de Yeumbel et Malika constituent ainsi les principaux lieux de concentration du typha, tandis que le maraîchage ce réduit lui le plus souvent à l’horticulture ornemental.
A cause de cette présence ponctuelle, bien que régulière, les estimations de son occupation sont imprécises. Cependant, la zone bien étudiée du Technopôle peut donner un ordre d’idée. En effet, on y trouve plus de 115 hectares de typha. En prenant en compte l’amorce des niayes maraîchères que constituent les lacs de Yeumbel et Malika, on peut facilement l’estimer au double, soit plus de 300 hectares pour l’agglomération dakaroise.
On peut noter que le typha « urbain » est globalement moins dense que le typha poussant dans un milieu ‘’naturel’’, la biomasse se situant alors entre 60 et 100 tonnes/hectares contre 100 à 150 tonnes/hectares dans la vallée du fleuve Sénégal1. Pneeb Typha
Cependant ici, à l’inverse de la vallée du fleuve, le typha ne rentre pas autant en conflit avec l’agriculture, bien qu’une activité maraîchère soit présente autour de certains de ces bassins de rétention, ou niayes naturelles. En effet, il va seulement se développer dans des territoires délaissés ou non exploités, soit, par exemple, par l’abandon du maraîchage traditionnel ou des quartiers inondés, soit parce qu’il s’agit de secteurs particulièrement pollués et servant de décharges ou encore d’équipement n’ayant qu’un rôle technique de régulation de l’eau.
Ainsi, le typha est même en milieu urbain un végétal pionnier qui va créer un premier support au renouveau d’un fragile écosystème, bien que faible dans sa diversité et pas toujours désiré par la population.
Car si échassiers, pélicans, poules d’eau et autres oiseaux de zone humide sont bien accueillis, ce ne pas le cas des reptiles, rongeurs et insectes auxquels ces espaces offrent un abri et un garde-manger lorsque, comme c’est souvent le cas lorsque les déchets ménagers y sont déversés.
En effet, la ténacité du typha et sa réputation dissuadent et limitent la ‘’reconquête’’ de ces quartiers immergés puis investis par la plante et ce malgré l’énorme pression foncière que continue à subir la péninsule dakaroise. Du coup, ils deviennent les points de dépôts de nombreux déchets de l’activité de la ville, liquides ou solides.
Ainsi, à l’inverse du milieu rural, le rôle du typha n’est pas un concurrent à l’activité agricole ou un risque pour la biodiversité. Au contraire, les phragmitaies*, participent à la présence de celle-ci en contexte urbain et constitue même une zone de retraite pour de nombreuses espèces animales mais aussi végétales, du moins quand le typha n’est pas omnipotent.
Enfin, il joue également et certainement un rôle non négligeable de filtrage et de dépollution des eaux et des sols grâce à son important système de rhizomes, malgré qu’il à tendance à entraîner une stagnation des eaux.
Toutes ces conditions font que la coupe du typha n’est pas aussi évidente que cela dans la métropole. Hormis dans les infrastructures comme les canaux ou drains qui sont facilement obstrués par le végétal, il est ailleurs souvent laissé en état. Cela s’explique également par les eaux parfois particulièrement polluées, la présence de déchets ou d’anciennes habitations ruinées qui ne facilitent pas les opérations de coupes. Enfin, dans les bassins de rétention, la profondeur de l’eau est simplement trop importante pour permettre des coupes à pied efficaces et la dispersion des points d’eau ne permet pas la mise en place de barge comme sur le fleuve Sénégal, ce qui ne facilite ni sa coupe, ni son évacuation.

UNE OPPORTUNITÉ DE DÉVELLOPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE

Le charbon de typha, un combustible «vert»

Depuis 2000 des études sont menées par le Projet Sénégalo-Allemand des Combustibles Domestiques (PSACD) devenu le PERACOD1 depuis 2005.
Ces études permirent une quantification de la ressource, une compréhension de son cycle de vie et de croissance ainsi que de son impact écologique par exemple. Elles se basèrent principalement sur le territoire de la vallée du fleuve Sénégal puisqu’il s’agit du principal foyer du végétale.
Celle-ci aboutit notamment à la mise en place d’un procédé de valorisation du typha sous forme de charbon pouvant être mis en place à échelle industrielle mais surtout domestique.
Appuyée par les états Sénégalais et Mauritanien et avec le soutien du GRET², cette activité est lancée activement et a atteint rapidement un stade où elle put être appropriée par la population via des unités de production locales.
En effet, elle permet tout d’abord de valoriser les importantes quantités de typha coupé lors de la lutte contre sa progression et de l’entretien des parcelles agricoles. On peut même parler peu à peu d’exploitation plus que de régulation de la massette au fur et à mesure que sa perception évolue. Ensuite, le séchage puis l’étuvage et la carbonisation du typha permettent de réaliser un charbon aux capacités calorifiques équivalentes de 85 à 90% de celui du bois mais qui a davantage de qualités3.
Tout d’abord dans le confort d’usage, il émet beaucoup moins de fumés, ce qui représente une réelle différence dans les conditions de son utilisation. Les études ont permis d’établir qu’il émettait près de 40% de CO² en moins lors de la combustion que le charbon de bois. Ces performances sont à mettre en parallèle au fait qu’au Sénégal 55% de l’énergie primaire utilisée par les ménages pour la cuisine ou pour se chauffer est le charbon de bois4.
Il apporte ensuite une nouvelle activité génératrice de revenus, notamment à des groupements de femmes, sur lesquels s’est appuyé le programme, et dans des villages jusqu’alors souvent orientés sur une agriculture vivrière dont seul l’excédent pouvait constituer un revenu.
L’achat de combustible constitue également une part conséquente des dépenses ménagères. Ainsi, outre le renversement de situation (de consommateur à producteur) dans les villages producteurs, le charbon de typha est vendu sur le marché moins cher que celui de bois.
En effet, la grande majorité du charbon de bois provient lui des forêts méridionales où son exploitation peu encadrée et parfois illégale est responsable d’une importante dégradation et déforestation des savanes et forêts Sénégalaise et Gambienne, d’autant qu’elle utilise des techniques de brûlis et non de coupes sélectives.
Ainsi la distance et les conditions d’exploitation rendent le charbon de bois plus cher. Le charbon de typha lui a cette qualité de s’appuyer sur des programmes gouvernementaux qui sensibilisent la population sur la gestion de la ressource. Celle-ci a en plus un fort et court cycle de renouvellement, ce qui permet une exploitation très régulière, de 1 à 2 fois par an3.
Ainsi, indirectement, l’exploitation du typha permet également de lutter contre la déforestation. Gageons que les structures d’accompagnement et les observatoires mis en place par le programme PNEEB permettront de rendre pérenne son exploitation.
L’exploitation du roseau a également eu impact social non négligeable. En effet, outre les retombées économiques bénéficiant à des populations villageoises, la mise en place et le suivi de cette économie a permis de structurer et fédérer ces populations.
Tout d’abord autour de groupes d’intérêts pour la préservation des terres agricoles et de l’accès au fleuve, puis dans un second temps, de formations et de sensibilisation autour de la valorisation du typha pour aboutir à collectivisation de la ressources et des moyens de productions.
Ces groupements favorisent la mise en place de programmes parallèles de soutien au développement et la capacité ‘’d’expression’’ de ces localités isolées. L’accompagnement et le suivi par des observatoires permettent également de réserver cette exploitation aux villageois et éviter qu’elle ne soit appropriée par quelques particuliers ou par des structures aux ambitions industrielles.
En effet, déjà, certaines personnes sentant les vents tournés pour l’envahissant roseau, revendiquent des hectares de roselières aux noms d’un héritage oubliés d’un parent lointain. Ce qui souligne l’importance de mettre en place dès le commencement de mécanismes de contrôle et de gestion de la ressource.
Ainsi, la valorisation du typha sous une forme de combustible a permis la mise en place d’une réelle économie bénéficiant aux populations locales et passant d’une lutte contre un envahisseur à l’exploitation d’une ressource.
Enfin, afin de donné d’avantage d’élan à cette économie naissante, des caravanes ‘’Typha Sénégal’’ parcours la vallée du fleuve et notamment les villes et bourgs, principaux sites de revente, pour encourager l’utilisation de ce charbon local par la population.
Ainsi, les réseaux villageois mis en place et la formations liée à la gestion et la valorisation de la ressources (coupe, séchage, repousse…) et également à l’entrepreneuriat ouvrent maintenant la voie à tous les autres usages du typha, la matière première étant désormais disponible et en quantité suffisante.
Cette ouverture est confirmée par le lancement en 2015 par l’Etat Sénégalais et Mauritanien du Programme National de réduction des Émissions de gaz à Effet de serre à travers l’efficacité énergétique dans le secteur du Bâtiment, le PNEEB Typha.
Celui-ci introduit alors l’ambition d’utiliser le typha dans la construction. Et notamment dans la création de matériaux isolants, de remplissages, mais également de couvertures.

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Table des matières

I) LE TYPHA, UNE NOUVELLE RESSOURCE
Entre les murs de Dakar pousse un roseau
-a) un roseau envahissant
Le développement du typha australis au Sénégal
Le cas du Fleuve Sénégal
Le cas de la banlieue Dakaroise et de la résurgence des niayes
-b) une opportunité de développement socio-économique
Le charbon de typha, un combustible «vert» à plusieurs égare
La structuration de réseau locaux
Des matériaux traditionnels à revisiter
II) LE BAOBAB ET LA CIMENTERIE, LES DEUX GÉANTS DE LA BROUSSE 
-Les deux Géants
-a) l’appel et le rejet du village
La nostalgie d’une jeunesse désoeuvrée
L’architecture vernaculaire Sénégal, un savoir faire en péril
Cartographie de l’évolution de Dakar de 1920 à 2018
Le rejet du village et l’habitat traditionnelle, symbole de ‘“pauvreté”
Le double jeu du tourisme, entre apparence et authenticité
-b) de paille, de terre ou de bois, l’architecture Sénégalaise
L’architecture vernaculaire Sénégalaise encore bien vivace en milieu rural
L’architecture de fibre au Sénégal
L’architecture de terre au Sénégal
III) LES MATÉRIAUX TYPHA ET TERRE-TYPHA
Des fibres, de l’eau et de l’argile
-a) Des propriétés à exploiter
-b) Matériaux réalisé par Elementerre
Présentation des éléments réalisés à base de typha
Présentation des éléments réalisés à base de terre-typha
IV) ENJEUX ET INTRODUCTION DU TERRE-TYPHA
-Les sirènes de la mondialisation
-a) L’architecture, pierre angulaire de l’émergence africaine
Loger une population croissante
L’urgence d’une construction écologique
Un matériau vernaculaire
-b) De la petite à la grande échelle, quelles étapes, quels acteurs
Recherches, prototypes et démonstrateurs, un processus lent
Le rôle du gouvernement, commande publique et bâtiment démonstrateur.
Les actions menées par les ONGs, lieux d’expérimentations et de promotion
Elementerre, rôle et implication des entreprises

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