Les définitions de « l’avant-contrat »
Le temps de l’avant-contrat. Il y a assurément du temps dans la notion d’avant-contrat. Nous pouvons lire sous la plume de Mousseron : « L’avant-contrat n’est pas une catégorie juridique mais est une période, une fraction de temps précédant la conclusion d’un contrat que les intéressés L’approche sémantique de l’avant-contrat. L’approche sémantique du terme « avantcontrat » renvoie à l’idée même du temps. L’avant-contrat serait ce qu’il y a « avant » le contrat. Il prendrait corps dans le cheminement des volontés et le jeu de séduction, dans les errements du doute et dans les incertitudes liées au temps qui passe et qui mènent, ou ne mènent pas, à la conclusion du contrat. Le terme « avant » contrat n’est pas sans rappeler l’ « Avent », qui est « le temps pendant lequel on se prépare, dans l’église catholique, à célébrer la fête de Noël ». Sans aller jusqu’à nous autoriser « quelques libertés de langage et la substitution du « e » au « a » » il faut certainement voir dans le terme « avant-contrat » la référence à une période de préparation d’une célébration, celle de l’avènement du contrat. L’étymologie du mot « avant » reflète cette idée. Venant du latin « ab ante », le terme marque la priorité ou l’antériorité de temps, la priorité d’ordre ou de situation. Tel est bien le sens d’un avant-propos, d’un avant-bras, de l’avant-garde, etc. Monsieur Mazeaud parle quant à lui du stade ante contractuel. Si l’on s’en réfère à cette origine, l’avant contrat serait littéralement ce qui se situe avant le contrat. Les frontières temporelles de l’avant-contrat. Envisager l’avant-contrat comme une période implique cependant de la délimiter dans le temps. Une période a un début, et une fin. Si l’on comprend aisément quand prend fin la période de l’avant-contrat, quand commence-t-elle ? Elle commence sans doute dès lors que l’on envisage le contrat définitif, dès lors que le rapprochement s’opère entre deux parties en vue de mettre en place un projet de contrat. La frontière de l’entrée dans la phase de l’avant-contrat se révèle assez floue, perméable, presque insaisissable. L’avantcontrat ne constitue pas une réalité unitaire. Parfois, l’avant-contrat passe en un trait de temps, le contrat étant conclu instantanément. L’avant-contrat peut au contraire s’étendre sur des mois, des années parfois. L’avant-contrat est assurément protéiforme, tout comme les contrats qui se préparent. La juridicité de l’avant-contrat. Cette approche chronologique de l’avant-contrat, simple a priori, peine cependant à lui donner corps. Bien que la plupart des auteurs étudient dans leurs manuels la phase préparatoire du contrat, le terme « avant-contrat » est équivoque, et semble ne pas se satisfaire d’une définition juridique unitaire. Dire que l’avant-contrat est une période de temps lui enlève t-il toute consistance juridique ? Nous ne le pensons pas. L’entrée dans l’avant-contrat n’est pas juridiquement neutre. Elle place les parties dans une situation autre que celle de deux étrangers, autre que deux cocontractants. C’est « un curieux entre deux » dominé par le temps qui passe. C’est bien là la particularité de l’avant-contrat. Le droit s’y infiltre progressivement. La phase de l’avant-contrat se trouve soumise à de grands principes, des principes généraux, directeurs. Le premier est la liberté, qui demeure pour autant que les parties ne se sont pas engagées dans des liens contractuels. Le second est la loyauté, principe devant guider la progression vers le contrat. À l’entrée dans la phase de l’avant-contrat correspondent des devoirs, dont la vigueur se renforcera en avançant vers le contrat définitif. Plus on se rapproche du contrat, plus les paroles prennent du sens, un sens saisi et parfois sanctionné par le droit. La sécurité, quant à elle, n’est pas le propre de la période de l’avant-contrat. Elle y a cependant une place, donnant la mesure de l’articulation entre la liberté et la loyauté, et de la valeur accordée à la parole donnée. L’insuffisance du critère chronologique. L’avant-contrat est donc une période, la période précontractuelle. Avant-contrat, pré-contrat, il y a assurément dans ces mots une similitude de sens. Nous désignerons bien souvent la période de l’avant-contrat par les termes « période précontractuelle », ou encore « période de négociation », car c’est bien de cela dont il s’agit. Mais l’avant-contrat n’est pas qu’une période. Il y a dans ce terme l’idée d’une démarche, d’une progression qui représente la maturation d’un projet, sa construction, sa création. L’avant-contrat n’est pas qu’un cadre chronologique, c’est un cheminement. Il peut être ponctué de contrats ayant pour seul objectif de l’organiser, de le structurer, de le sécuriser. Il s’agit de contrats préparatoires. Il peut voir naître des contrats se rapprochant plus ou moins du contrat définitif, types de contrats préparatoires que l’on nomme également avant-contrat(s). La double acception du terme « avant-contrat ». Dire que « l’avant-contrat » n’est qu’une période précédant la conclusion du contrat est donc réducteur. « Il y a de l’ambiguïté dans l’avantcontrat. Dans le mot comme dans la chose. Le mot désigne la phase informelle des négociations qui précède le contrat mais aussi le contrat lui-même, lorsque son objet est d’en préparer un autre. La chose, quant à elle, est tiraillée entre une liberté sans laquelle l’avant-contrat serait déjà le contrat et les devoirs auxquels sont tenus les précontractants, qui ne sont plus tout à fait étrangers l’un à l’autre ». « Le mot avant-contrat n’est point précis, étant susceptible de désigner tout accord conclu au cours des pourparlers et les pourparlers eux-mêmes ». Il faut donc distinguer l’avantcontrat, période allant de l’entrée en pourparlers à la conclusion du contrat définitif, des avantcontrats, types de contrats préparatoires pouvant jalonner la période de l’avant-contrat. L’avantcontrat et les avant-contrats sont donc deux « réalités juridiques distinctes ». Il faut cependant admettre que le terme « avant-contrat » englobe ces deux notions. D’ailleurs, les auteurs refusant de voir dans le terme avant-contrat la période préparatoire de la formation du contrat étudient tout autant cette période que les avant-contrats, figures contractuelles permettant de structurer le temps de l’avant-contrat. Les avant-contrats et le temps. Les avant-contrats sont des contrats conclus dans la période précontractuelle. Ils ont pour point commun d’organiser la construction par étape du contrat définitif, de gérer sa conclusion dans le temps, de la préparer, de la retarder et parfois de l’anticiper. Encore une fois, l’on peine à en trouver une définition consensuelle. La doctrine est loin d’avoir une approche unitaire de la notion. Les errements terminologiques de la notion en témoignent : « avantcontrats », « avants-contrats », « avant contrat », « avant acte ». Il s’agit d’une notion « dont le manque de cohérence terminologique reflète la méconnaissance physionomique ». De nombreux auteurs utilisent la dénomination « avant-contrat », sans en avoir la même approche. Parfois, certains auteurs préfèrent ne pas utiliser ce terme alors même qu’ils utilisent la notion d’avant-contrat. Il arrive également que les auteurs fassent référence à certains avant-contrats, sans s’intéresser de manière générale à la notion d’avant-contrat. L’ensemble des travaux doctrinaux sur les contrats que l’on nomme « avant-contrats » met en relief les incertitudes de cette notion. Les avant-contrats sont assurément des contrats préparatoires. Ils ont pour seule finalité de préparer la conclusion d’un contrat futur. Mais sont-ils tous les contrats préparatoires 40? Sont-ils uniquement constitués des contrats cristallisant de manière définitive le consentement d’une des parties au contrat futur, si bien que seules les promesses de contrat seraient des avant-contrats ? Sont-ils tous les contrats, pacte de préférence, promesse, fixant définitivement un élément du contrat futur, qu’il s’agisse de la personne du cocontractant ou du consentement au contrat 41? S’agit-il d’un contrat unique, l’avant-contrat, qui constituerait à lui seul une catégorie juridique déterminée ?. N’étant pas défini par la loi, qui n’y fait que quelques références, la définition des avantcontrats est laissée à la discrétion de la doctrine, si bien que la notion peut emprunter de nombreux visages. Les projets de réforme du droit des contrats donnent quelques indications de la réception par la doctrine de la notion d’avant-contrat. Les avant-contrats dans les projets de réforme. Le premier projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie envisageait de faire entrer le terme « avant-contrat » dans la loi. Il consacre une section aux avant-contrats. Son article 33 prévoit que « les avant-contrats régis par la présente section sont la promesse unilatérale de contrat et le pacte de préférence ». Sont donc exclus de la catégorie dessinée par le projet de loi les contrats de négociation. À juste titre selon nous. Les contrats de négociation n’ont pour objet que de fixer le cadre des négociations, par lequel les parties s’engagent à négocier les termes de leur accord, organisent le temps de l’avant-contrat ou s’engagent à la confidentialité. Le consentement donné n’est pas tourné vers le contrat mais vers sa négociation. La proximité avec le contrat définitif n’est peut être pas suffisante pour qu’ils puissent être considérés comme des avant-contrats. Le projet exclut également de la catégorie les promesses synallagmatiques de contrats. Les promesses synallagmatiques sont parfois déjà le contrat définitif, c’est le principe même du consensualisme, parfois encore des contrats de négociation, selon les termes du contrat et la valeur que les parties entendent donner à leur engagement. Parfois des avantcontrats ? Nous aurons l’occasion de le vérifier le moment venu. Les contrats « exclus » des avant-contrats. Nous pouvons donc d’ores et déjà exclure les contrats de négociation, ayant pour seul objet d’organiser la négociation, des avant-contrats, et soulever des interrogations quant à la qualification de la promesse synallagmatique en tant qu’avantcontrat. Nous pouvons également noter que le second projet de la chancellerie abandonne toute référence aux avant-contrats, la section nouvelle s’intitule « la promesse unilatérale et le pacte de préférence », preuve que donner une consistance juridique précise aux avant-contrats ne va pas sans soulever de débats. L’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, dit projet Catala, d’ailleurs, envisage le pacte de préférence et la promesse sans jamais utiliser le terme d’avant-contrat. L’hypothèse des contrat-cadres. Le texte de la Chancellerie ne parle pas, en revanche, des contrat-cadres. La notion peut faire l’objet de diverses acceptions. Le projet Catala en a proposé une définition. Le contrat-cadre serait « un accord de base par lequel les parties conviennent de négocier, nouer ou entretenir des relations contractuelles dont elles déterminent les caractéristiques essentielles » Connus essentiellement en droit de la distribution, les contrat-cadres se révèlent utiles dans nombre de relations contractuelles ayant vocation à durer dans le temps. Créé et imaginé par la pratique, ce contrat peut prendre des formes diverses et variées. Il constitue un cadre qui peut soutenir des obligations très différentes, ce que met en avant la définition proposée par le projet Catala. Obligation de négocier, obligation de préférer, obligation de conclure les contrats d’application, les contrat-cadres sont des contrats innommés que les parties orientent au gré de leurs besoins. Certains ne pourront être considérés que comme des contrats de négociation, d’autres pourront prendre les traits d’un avant-contrat. Lorsqu’un contrat prévoit une obligation de préférer portant sur plusieurs biens, ou s’étalant dans le temps, il s’agit d’un pacte de préférence, mais aussi d’un contrat-cadre. Le principe est le même s’agissant d’un contrat-cadre portant promesse de contracter, lorsque toutes les conditions de la promesse sont remplies. Il n’est donc pas inexact de voir dans certains contrat-cadres les éléments d’un avant-contrat. Il porte aussi, parfois, une obligation de conclure les contrats d’application. Le simple fait qu’il porte sur plusieurs biens ne change pas sa nature. D’ailleurs, nous verrons que la qualification de contrat-cadre n’est pas en soi révélateur d’un régime juridique propre, mais dépend essentiellement des obligations qu’il renferme. Les avant-contrats retenus. Restent donc selon nous, au rang des avant-contrats, la promesse unilatérale de contrat, le pacte de préférence, certains contrat-cadres et dans une certaine mesure quelques promesses synallagmatiques. Quel est donc l’essence des avant-contrats ? Quelle est la ligne de démarcation entre un avant-contrat et un contrat de négociation ? Il faut se garder de l’idée que « l’avant-contrat » serait une catégorie juridique unitaire. Il n’existe pas un avant-contrat mais des avant-contrats. L’étude du pacte de préférence et de la promesse unilatérale met pleinement en évidence cette idée. Ce sont des contrats différents, dont le seul point commun est d’être des contrats préparatoires d’un autre contrat, figeant d’ores et déjà le consentement d’une des parties sur un élément du contrat futur. Ils bénéficient d’un régime propre et leur différence de nature conduit à les voir soumis à des conditions de validité différentes. Partant, d’autres contrats innommés peuvent emprunter les traits d’un avant-contrat. Première conclusion. Il faut donc, dans l’étude de l’avant-contrat, s’intéresser tant à la période de préparation du contrat, période précontractuelle, qu’aux avant-contrats en tant qu’outils contractuels venant jalonner cette période, figeant la volonté, sécurisant le futur. Nous nous proposons d’étudier les particularités de cette phase de négociation, de maturation du contrat et de cheminement progressif vers celui-ci dans le domaine du droit d’auteur. Plus précisément, nous étudierons ici l’avant-contrat en droit des contrats d’auteur.
Le périmètre du droit des « contrats d’auteur »
Les contrats d’auteur. La notion de contrat d’auteur est, elle aussi, sujette à débat. Dans les termes « contrat d’auteur », la spécificité du contrat provient du mot « auteur ». L’auteur, considéré en droit français comme la personne faisant œuvre créatrice et originale, est une personne physique, celle qui donne naissance à l’œuvre, et qui, du fait de cette création, se voit attribuer, ab initio, les droits d’auteur. L’auteur doit dès lors être distingué de l’artiste interprète, disposant de « droits voisins ». Il doit également être distingué de l’inventeur, bénéficiaire d’un droit de propriété industrielle, le brevet. Nous ne nous intéresserons ici qu’aux contrats d’exploitation de la propriété littéraire et artistique. Nous ferons cependant parfois quelques références aux contrats de la propriété industrielle, à titre de comparaison. Seuls sont donc concernés par notre sujet les contrats d’auteur. Que doit-on dès lors entendre par contrat d’auteur ? Est-ce l’ensemble des contrats conclus par l’auteur ? Il convient tout d’abord d’écarter de la définition des contrats d’auteur les contrats portant uniquement sur le support de l’œuvre de l’esprit. L’indépendance entre la propriété matérielle et la propriété corporelle de l’œuvre est un des principes fondamentaux du droit de la propriété intellectuelle. L’article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose ainsi que « la propriété intellectuelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel ». Le contrat d’auteur n’est donc pas celui portant sur la propriété corporelle de l’œuvre mais celui portant sur la propriété incorporelle que constitue la propriété intellectuelle. Seront donc exclus de la catégorie des contrats d’auteur les contrats ayant pour objet le transfert de propriété du support de l’œuvre. La vente d’un tableau, d’une sculpture, d’un manuscrit original, n’est pas un contrat d’auteur. Pour les mêmes raisons, le contrat ayant pour objet la seule création d’une œuvre n’est pas un contrat d’auteur. Ce contrat n’emporte pas, en soi, cession ou concession des droits sur l’œuvre mais éventuellement, selon les termes du contrat, sa propriété matérielle. Le contrat de commande d’une œuvre, s’analysant en un contrat d’entreprise, doit ainsi être exclu de la catégorie. Le contrat d’auteur concerne donc les droits incorporels sur une œuvre de l’esprit. Mais est-il l’ensemble des contrats portant sur les droits relatifs à une œuvre ? La réponse à cette question n’est pas aussi évidente qu’il y paraît de prime abord. L’on pourrait a priori penser que l’ensemble des contrats portant sur les droits incorporels de l’auteur sont des contrats d’auteur. Cette qualification centrée sur l’objet du contrat d’auteur, empruntée par certains, doit cependant être repoussée. Le contrat d’auteur est effectivement le contrat portant sur les droits de l’auteur. Mais il faut ajouter à cette qualification un critère organique, celui de la présence de l’auteur au contrat. En effet, au-delà de leur objet, le point de rapprochement des contrats d’auteur est l’application des règles impératives du droit des contrats d’auteur. Or, ces règles ont pour finalité première la protection de l’auteur, et nombre d’entre elles ne s’imposent qu’au contrat directement conclu par l’auteur. Comme l’a très justement montré Monsieur Raimond dans sa thèse consacrée à la qualification du contrat d’auteur, il faut ainsi prendre en compte, dans la qualification du contrat d’auteur, tant l’objet et les effets du contrat que la présence au contrat de l’auteur. Nous adopterons cette conception. Diversité des contrats d’auteur. Une fois identifiés les contrats d’auteurs, il convient de remarquer que ces contrats sont nombreux, et variés. Certains sont nommés par le Code de la propriété intellectuelle. Il en est ainsi du contrat d’édition, du contrat de représentation, du contrat de production audiovisuelle, etc. Le droit des contrats d’auteur est constitué à la fois des règles particulières à ces contrats spéciaux, mais aussi des règles constituant « le droit commun » des contrats d’auteur. Dans le respect de ces règles, de nombreux contrats, innommés, peuvent constituer des contrats d’auteur, portant sur l’ensemble des droits patrimoniaux de l’auteur ou sur certain d’entre eux. Le droit des contrats d’auteur prescrit des règles impératives concernant les « cessions » de droit d’auteur. La distinction est cependant faite aujourd’hui entre les contrats de cession, emportant un transfert des droits patrimoniaux de l’auteur, et les contrats de licence, emportant simple autorisation d’exploitation. Le contrat de cession pourrait être identifié à un contrat de vente lorsque le contrat de licence emprunterait les traits d’un contrat de louage. Le Code de la propriété intellectuelle ne faisant mention que de cession, nous emploierons ce terme au sens large, incluant l’ensemble des contrats conclus par l’auteur et ayant pour l’objet d’exploitation de ses droits. Les acteurs du contrat d’auteur. La conception du contrat d’auteur adoptée limite dès lors les frontières de notre étude à la phase préparatoire des contrats d’exploitation auquel l’auteur est partie. Nous ne ferons donc qu’aborder, de manière accessoire et à titre d’illustration, la négociation et les avant-contrats conclus par le cessionnaire ou futur cessionnaire des droits de l’auteur. Les avant-contrats qu’ils peuvent conclure sont nombreux, et permettent de faciliter la gestion des droits d’exploitation dans le temps. Nous pouvons à titre d’exemple citer le contrat output deal, qui est, pour reprendre les termes de Monsieur Gautier, un « avant-contrat portant sur des films non encore tournés, conclu entre une chaîne et un producteur, par laquelle la première s’assure les livraisons à venir du catalogue du second ». Nous pensons également aux nombreux pactes de préférence conclus entre co-producteurs afin de s’assurer une priorité de rachat des droits sur l’œuvre audiovisuelle au cas où l’un déciderait de les céder. Il faut également citer les contrats d’option, nombreux dans le domaine audiovisuel, que nous n’étudierons que dans l’hypothèse où l’auteur y est partie. Nous n’étudierons pas, dès lors, le contrat général de représentation, qui est « le contrat par lequel un organisme professionnel d’auteurs confère à un entrepreneur de spectacles la faculté de représenter, pendant la durée du contrat, les œuvres actuelles ou futures constituant le répertoire dudit organisme aux conditions déterminées par l’auteur ou ses ayants-droit » . Le contrat le précédant, par lequel l’auteur cède à la société de gestion collective les droits de représentation sur ses œuvres actuelles et futures échappe également à notre étude. Il s’agit là déjà du contrat définitif. De manière générale, nous nous attacherons à la gestion individuelle des droits d’auteur, la négociation collective des droits posant moins de difficultés dans la mesure où le rapport de force et la position d’infériorité de l’auteur pouvant biaiser la saine négociation du contrat d’auteur ne s’y retrouvent pas.
Une liberté précontractuelle consacrée en droit commun
La liberté précontractuelle, corollaire de la liberté contractuelle. Liberté contractuelle et liberté précontractuelle sont intimement liées. Si le concept d’autonomie de la volonté, dont on sait que l’influence sur notre Code civil a été largement exagérée par la doctrine, n’est plus considéré aujourd’hui comme le fondement du contrat, la volonté a conservé un rôle central dans notre droit des contrats. La liberté contractuelle, expression du pouvoir que le droit accorde à la volonté, demeure, malgré les restrictions qui lui ont été portées ces derniers siècles, le principe. De manière classique, la liberté contractuelle s’exprime à travers la faculté de contracter ou de ne pas contracter, ainsi que celle de choisir librement son cocontractant. Elle implique enfin de pouvoir déterminer librement le contenu du contrat. La liberté précontractuelle apparaît alors comme l’empreinte du principe de liberté contractuelle dans la période précontractuelle. Définition du principe de liberté précontractuelle. Le concept de liberté précontractuelle peut être défini à travers les prérogatives que celui-ci implique que l’on reconnaisse aux parties lors de la période de formation du contrat. La liberté précontractuelle constitue ainsi la faculté, pour tout agent économique, d’entamer ou non des négociations sans formalisme particulier, de mener de front des négociations parallèles et de mettre fin à ces négociations par la conclusion du contrat ou par l’abandon du projet de contrat. Affirmation du principe de la liberté précontractuelle. Bien que non consacrée expressément en droit français et quelque peu atténuée, la liberté précontractuelle est aujourd’hui encore préservée. Son principe est même proclamé expressément au niveau international et communautaire comme modèle. Les principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international précisent par exemple dans leur article 1.1 que « les parties sont libres de conclure le contrat et d’en discuter le contenu », et que « les parties sont libres de négocier et ne peuvent être tenues pour responsables si elles ne parviennent pas à un accord », (article 2.1.15). Au niveau communautaire, les « Principes Européens du Droit des Contrats », élaborés par la commission Lando, prévoient quant à eux, à l’article 2. 301, que « les parties sont libres de négocier et ne peuvent encourir de responsabilité pour ne pas être parvenues à un accord ». Sur le plan national, les divers projets de réforme ont tenté d’en introduire le principe dans le Code civil. Dans le projet Catala par exemple, la liberté précontractuelle est affirmée à l’article 1104 du projet : « L’initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers sont libres, mais ils doivent satisfaire au principe de bonne foi ». L’avant-projet de réforme de la Chancellerie, quant à lui, prévoit que « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres », (article 20). Application du principe de liberté précontractuelle. Si la loi française n’a pas expressément intégré ce principe dans ses textes, il constitue un fil directeur guidant l’appréhension par le droit du cheminement des volontés vers le contrat. Les juges y font parfois référence, justifiant ainsi les errements des volontés individuelles avant que celles-ci ne se rencontrent pour former l’engagement définitif. Pour reprendre les termes de Monsieur Mazeaud, « dans tous les corps de règles comparés, le régime de l’initiative, du déroulement et de la rupture de la négociation précontractuelle repose sur un principe de liberté précontractuelle » Le temps de la négociation précontractuelle, qui « s’étend de la simple manifestation de l’intérêt de contracter jusqu’aux avantcontrats les plus proches du contrat projeté » a même longtemps semblé ne pas intéresser le droit. Nous pouvons lire, sous la plume de Carbonnier : « Le principe est que cette période antérieure à la formation du contrat se situe en dehors du droit » Le Code civil de 1804 n’y fait aucune référence, car « les codificateurs de 1804, imprégnés du mythe de la liberté et de l’égalité contractuelles, avaient laissé aux volontés libres et joyeuses toute latitude pour procéder à l’échange des consentements et à la gestation du contrat, et abandonné à la sagesse des juges le soin de canaliser la liberté précontractuelle ». Atténuations du principe de liberté précontractuelle. Force est pourtant de constater que le droit, de plus en plus, saisit cette période précontractuelle. Si la liberté demeure le principe en droit commun des contrats, qui n’a pas pour vocation de prendre en compte les inégalités existant entre les cocontractants, dans certains droits spéciaux, les interventions législatives se sont multipliées, tendant à atténuer les effets néfastes que peuvent entrainer les déséquilibres existant entre les partenaires à la négociation. Consommateurs versus professionnels, préteur versus emprunteur, assureur versus assuré, le droit tend aujourd’hui à rétablir un certain équilibre dans les rapports de force pouvant biaiser la négociation libre du contrat. Délai de réflexion imposé, obligation d’information affirmée, certains droits spéciaux se sont dotés ces dernières années de tout un « arsenal légal » qui, s’il ne peut rétablir le déséquilibre économique nécessairement existant entre certaines catégories de cocontractants, conduit à préserver un certain équilibre juridique. Gage d’un consentement libre et surtout éclairé, cette limitation de la liberté précontractuelle a justement pour objet de restaurer une pleine liberté contractuelle, en agissant de manière préventive et collective, plutôt que d’attendre, vainement parfois, un contrôle a posteriori de la validité du contrat. Liberté contractuelle et liberté précontractuelle étant intimement liées, on peut a priori gager que la liberté, tant surveillée en droit d’auteur, donne lieu à une liberté précontractuelle particulièrement encadrée.
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Table des matières
PARTIE 1 LA REGULATION DE L’AVANT-CONTRAT PAR LE DROIT COMMUN
TITRE 1 LES PRINCIPES REGULANT LA NEGOCIATION DES CONTRATS D’AUTEUR
Chapitre 1 Le principe de liberté précontractuelle
Chapitre 2 Le principe de bonne foi précontractuelle
TITRE 2 LES DEVOIRS REGULANT LA NEGOCIATION DES CONTRATS D’AUTEUR
Chapitre 1 Les devoirs tenant aux informations délivrées lors des négociations
Chapitre 2 Les devoirs tenant au comportement des parties à la négociation
PARTIE 2 L’ENCADREMENT DES AVANT-CONTRATS PAR LE DROIT D’AUTEUR
TITRE 1 LE CADRE NORMATIF DES AVANT-CONTRATS D’AUTEUR
Chapitre 1 Les conditions ajoutées au droit commun par le droit d’auteur
Chapitre 2 Les possibilités soustraites au droit commun par le droit d’auteur
TITRE 2 LE CADRE FONCTIONNEL DES AVANT-CONTRATS D’AUTEUR
Chapitre 1 Les avant-contrats outils de gestion de la relation contractuelle dans le temps
Chapitre 2 Les avant-contrats outils de gestion du temps dans la relation contractuelle
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