L’autorité et son besoin de justification

Faire autorité c’est « autoriser »

L’autorité

« L’autorité ne peut se définir simplement comme une « caractéristique » possible de l’éducation, elle en est une composante essentielle. » (Foray & Reichenbach, 2009, p. 24). Si l’autorité est une composante essentielle de l’éducation, il est important de la développer dans son ensemble, malgré ses quelques ambiguïtés. En effet, nous allons voir ci-dessous que le terme « autorité » n’est pas toujours utilisé de la même manière en fonction des personnes, des valeurs mais aussi des époques. Le terme et ses représentations évoluent constamment. Cette évolution vient des changements apportés à notre société au cours des dernières années et qui ne cesse de modifier son système social. D’ailleurs, le système d’éducation et la vision de l’autorité en place il y a cinquante ans étaient bien différents de ceux de la « nouvelle génération », celle que nous vivons aujourd’hui. Afin de saisir les différentes représentations de l’autorité, il faut observer l’historicité de la pratique éducative. En effet, la vision de l’autorité en place il y a cinquante ans et celle que l’on observe à l’heure actuelle s’opposent l’une à l’autre. « L’autorité consensuelle des anciens s’opposerait à celle des modernes […] » (Foray & Reichenbach, 2009, p. 26). Néanmoins, la définition n’est pas figée. Le terme « autorité », nous allons le voir, n’est pas univoque et évident à définir.

Sa définition et son « application » évoluent et dépendent des références et des valeurs de chacun·e. Il est fort possible que la vision de l’autorité, que je qualifie de moderne aujourd’hui, ne le sera plus dans quelques années. Les éducateurs et éducatrices risquent également, dans leurs pratiques professionnelles, d’être confronté·e·s à différents points de vue et/ou manières de faire face à l’autorité. Par manque de temps, dans ce travail je ne vais pas approfondir les différences entre la vision éducative d’autrefois et celle qui est la nôtre aujourd’hui. Toutefois, pour définir ce qu’est l’autorité aujourd’hui, il est important d’être conscient de ses évolutions et de ses changements de paradigme. Par ailleurs, Husser (2013) nous précise que la relation d’autorité entre un éducateur ou une éducatrice et un·e bénéficiaires ne se résume pas en un affrontement entre deux personnes comme pourrait l’imaginer la conscience collective.

« Le champ éducatif offre sans doute à cet égard une illustration particulièrement vive de la difficulté à penser l’autorité en dehors du cadre d’un affrontement binaire entre prétendus adversaires de la liberté et partisans supposés de l’anarchie […] » (Husser, 2013, p. 15). Quand l’auteure parle des prétendus adversaires de la liberté, elle fait allusion à celles et ceux qui incarnent l’autorité (parents, éducateurs et éducatrices, etc.) et les partisans supposés de l’anarchie seraient les enfants, les jeunes qui résistent à l’autorité des parents et/ou des éducateurs et éducatrices. Il est important d’observer l’aspect constructif ou positif lié à notion d’autorité, sans quoi, le travail de l’éducateur ou l’éducatrice n’est pas justifiable. Pourtant les termes caricaturaux utilisés par Husser montrent bien la représentation que nous nous faisons de l’enfant (partisans supposés de l’anarchie) et de la figure d’autorité (prétendus adversaires de la liberté).

Faire autorité c’est « autoriser »

Tout d’abord, Rousseau, cité par Prairat, explique que l’autorité « regarde plus à l’avantage de celui qui obéit qu’à l’utilité de celui qui commande » (Rousseau, cité par Prairat, 2012, p. 11). Celui ou celle qui commande a moins à gagner de cette relation que celui ou celle qui obéit car elle ou il peut apprendre des choses, connaître ses limites et se construire grace à cette relation. Les jeunes sont donc les premiers bénéficiaires de cette autorité. Le terme de « bénéficiaires » pourrait ainsi être compris différemment. Habituellement utilisé pour parler de personnes bénéficiant d’une aide sociale, son sens est modifié. Ici, il s’agit de parler des jeunes bénéficiaires de l’autorité que les éducateurs ou éducatrices leurs apportent, vu comme un avantage pour les adolescent·e·s. Cette autorité, elles ou ils en bénéficient. Elle va leur ouvrir des portes et leur donner la possibilité de tenter de nouvelles expériences. Etymologiquement, « autorité » vient du latin auctor qui veut dire l’auteur et qui est lui-même dérivé du verbe augere qui veut dire augmenter.

L’autorité fait grandir, elle augmente les chances. (Prairat, 2012). Si l’autorité veut dire augmenter, cela confirme les dires de Rousseau et voudrait dire que les enfants ou les jeunes qui ont la chance de profiter d’une certaine autorité, auraient un avenir plus prometteur et positif que ceux ou celles qui en auraient été privé·e·s. L’autorité a pour fonction première d’autoriser : « Autoriser à exister, à grandir, à apprendre, à se tromper, à être reconnu et respecté dans sa dignité humaine, à créer, à aimer » (Guillot, 2006, p. 15). Guillot montre bien, à travers cette citation, l’importance de l’autorité dans la construction de la personnalité des enfants ou des jeunes. Il cite tous les aspects indispensables pour grandir et parvenir à devenir un·e adulte sain·e de corps et d’esprit. Le travail de l’éducateur et de l’éducatrice est d’éduquer, et éduquer oblige à être parfois autoritaire pour autoriser (au sens de Guillot), c’est-à-dire donner la possibilité d’aller un peu plus loin dans son existence, dans la découverte de soi. Cette notion est un élément important de l’autorité.

Pouvoir ou autorité ?, un terme commun pour deux sens distincts Prairat permet de faire une première distinction entre potestas (pouvoir) et auctoritas (autorité) : « La potestas est le pouvoir fondé sur la fonction, le grade ou le statut. C’est le pouvoir légal, accordé par les instances supérieures de la société (militaire, judiciaire, scolaire, …) à certains acteurs. […] Le professeur est investi d’une potestas, c’est-à-dire d’un pouvoir légalement reconnu pour exercer sa tâche d’enseignement ; il a notamment le droit de sanctionner un élève si le besoin s’en fait sentir. L’auctoritas n’est pas l’objet d’une attribution officielle. On n’investit pas quelqu’un d’une auctoritas car elle est de l’ordre de l’influence, de l’ascendant, du crédit. Elle n’est pas fondée sur la puissance légale de contraindre mais sur l’attestation d’une forme de supériorité. L’autorité, au sens d’auctoritas, est l’art d’obtenir l’adhésion sans le recours à la menace ou à la contrainte. » (Prairat, 2012, p. 14).

Cette citation met bien en évidence la base de la différence entre le pouvoir (potestas) et la figure d’autorité (auctoritas). Prairat relève que faire figure d’autorité ne peut pas être une attribution officielle, donnée par une instance. En effet, quand on parle de figure d’autorité, on parle d’influence, d’ascendant et de crédit. Nous ne pouvons pas la donner à quelqu’un, elle ou il doit la construire, en relation avec les personnes avec qui elle ou il travaille. Prairat nous dit que c’est l’art d’obtenir l’adhésion sans le recours à la menace ou à la contrainte. Les jeunes veulent vous suivre et vous écouter parce que vous leur avez donné cette envie. Faire figure d’autorité n’est donc pas posséder un statut qui nous permet de punir, c’est réussir à représenter cette autorité et obtenir l’adhésion des personnes concernées.

Selon Guy (2012), le terme d’autorité est pourtant confondu avec celui de pouvoir et par conséquent, il a souvent les relents négatifs du pouvoir. Le pouvoir sert à diriger tandis que l’autorité (auctoritas) sert à être un·e référent·e. Le but des éducateurs et éducatrices ne sera pas de jouir des bénéfices qu’elles ou ils obtiennent par le fait même d’avoir l’autorité sur quelqu’un, mais de donner la possibilité aux jeunes de devenir autonomes. Afin d’atteindre ce but, il faut que ces dernières et ces derniers intègrent les règles et puissent y trouver un sens. Parallèlement, Guy nous dit, au sujet de l’autorité des parents « […] qu’ils s’en servent en étant assez créatifs pour ne pas en faire n’importe quoi au nom de cette autorité [sic] […] » (Guy, 2012, p. 86). Ici, nous comprenons que les parents s’aident de l’autorité « légitime » (autrement dit, la potestas accordée par leur statut) qu’elles et ils ont, sans tomber dans l’utilisation abusive de pouvoirs justifiés par leur statut et leur possession de l’autorité. Ceci est parfaitement applicable aux éducateurs et éducatrices. Du reste, l’autonomie chez les enfants vivant chez leurs parents sera possible dès lors où les enfants auront intégré et donné un sens aux règles. L’inverse amène le besoin de s’opposer aux injonctions insensées de ceux qui possèdent l’autorité.

Le charisme et le cadre : conditions pour faire figure d’autorité Que faut-il pour exercer une autorité au sens d’auctoritas ? D’après Prairat, l’éducateur ou l’éducatrice n’est pas un modèle, mais un « ouvrage de référence, […] dans lequel nous puisons des idées et des orientations ». (Prairat, 2012, p. 19). Elle ou il doit être influent·e, sans argumenter. Elle ou il ne ressemble pas à un leader ou un·e arbitre car elle ou il est intéressé·e par les progrès des jeunes et n’a aucune emprise sur les personnes. D’après Rivolier (2009), le charisme serait un des éléments important que les professionnel·le·s peuvent privilégier pour avoir cette influence et devenir une référence. Le charisme, selon elle, suppose un système de croyances en la légitimité de l’autorité de l’éducateur ou éducatrice. « Le charisme est la qualité d’une personne qui a le don de plaire, de s’imposer. » (Petit Robert, 2017). Nous avons vu plus haut que l’auctoritas était définie par Prairat comme étant un art d’obtenir l’adhésion – donc d’une certaine manière, l’art de plaire – sans avoir besoin de menacer ou d’avoir recours à la contrainte. Le charisme permet de travailler cet art et il aide à obtenir l’adhésion.

D’ailleurs, Weber (repris par Rivolier, 2009) affirme que dans l’exercice de l’autorité, même au sens d’auctoritas, il y a toujours une forme d’obéissance et de commandement accepté par les individus. « Tout système d’autorité se comprend donc comme une relation de commandement / obéissance entre individus dans laquelle l’individu sur lequel s’exerce l’autorité reconnaît à l’autre le droit de lui dicter sa conduite » (Rivolier, 2009, p. 16). Il faut comprendre que l’éducateur ou éducatrice est suffisamment influent·e et charismatique pour que la ou le jeune considère ses demandes comme valides et légitimes. Le charisme est donc une « force d’apparence » (Rivolier, 2009). La puissance de l’image dégagée par les professionnel·le·s est essentielle et permet d’avoir ce pouvoir légitime dont parlait Prairat (2012). Rivolier (2009) ajoute que le charisme comprend un large éventail d’aptitudes sociales que l’individu ne va pas obtenir d’un seul coup (contrairement à des pouvoirs liés à une fonction), mais qu’il va devoir construire. Elle ou il va devoir légitimer son autorité pour être accepté·e par les bénéficiaires. Nous ne pouvons donc pas représenter l’autorité d’un seul coup sans cheminement. C’est une construction, avec le contexte et surtout avec les différents acteurs et actrices afin qu’elles et ils « valident » ou acceptent l’autorité du professionnel·le. Autrement dit, la figure d’autorité se construit en fonction du contexte dans lequel l’éducateur ou l’éducatrice et les jeunes évoluent.

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Table des matières

1. Introduction
2. Problématique, questions de recherche et objectifs
2.1. Problématique
2.2. Question de recherche
2.3. Objectifs
2.3.1. Objectifs de recherche
2.3.2. Objectifs professionnels
2.3.3. Objectifs personnels
2.4. Hypothèses
3. Cadre théorique
3.1. L’autorité
3.1.1. Faire autorité c’est « autoriser »
3.1.2. Pouvoir ou autorité ?, un terme commun pour deux sens distincts
3.1.3. La figure d’autorité
3.1.4. Le charisme et le cadre : conditions pour faire figure d’autorité
3.1.5. Et l’autoritarisme ?
3.1.6. L’expérience de Milgram
3.1.7. L’autorité et son besoin de justification
3.1.8. Les parents face à l’autorité : Influence sur le Travail Social
3.2. La résistance, d’où vient-elle ?
3.2.1. Le rejet de la société amène à la résistance
3.2.2. L’individualisation : une pression sur la jeunesse
3.3. L’autorité est-elle genrée ?
4. La méthodologie
4.1. Méthode de recherche
4.2. Population
4.3. L’institution et ses différents secteurs d’activités
4.4. Echantillon
5. Analyse de données
5.1. Contexte institutionnel
5.2. La figure d’autorité
5.2.1. Niveau relationnel
5.2.2. Niveau institutionnel
5.2.3. Cadre et sanction
5.2.4. Pratique différentes
5.2.5. Les valeurs, pierre angulaire de la figure d’autorité
5.3. Résistance
5.3.1. Causes
5.3.2. Types de résistance
5.3.3. Faire figure d’autorité face à la résistance
6. Synthèse
6.1. Interprétation de recherche
6.1.1. Vérification de l’hypothèse I
6.1.2. Vérification de l’hypothèse II
6.1.3. Vérification de l’hypothèse III
6.2. Question de recherche
6.3. Pistes d’actions
7. Conclusion
7.1. Bilan de recherche
7.1.1. Limites et biais de la recherche
7.1.2. Ce que j’effectuerais autrement
7.1.3. Perspectives
7.2. Bilan personnel et professionnel
7.2.1. Ce que j’ai appris
7.2.2. Comment utiliser ce travail
8. Bibliographie
9. Annexe

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