Au sein de leur classe, les enseignants pratiquent une autorité. Celle-ci diffère en fonction de chacun. Depuis la création de l’École de la République, en 1881, l’autorité évolue. Robbes (2017) met en évidence qu’à cette époque, le statut du maître suffisait à lui donner une autorité auprès des élèves. Nous parlons ici de “maître” car les hommes représentaient la figure enseignante. L’autorité était donc instaurée implicitement grâce à une posture naturelle de l’enseignant. Au cours des années, le système éducatif a fait évoluer les prescriptions en termes d’autorité. La posture des enseignants est de plus en plus interrogée en matière d’autorité. Les professeurs ont dû changer leurs pratiques au sein de la classe. Ils placent davantage l’enfant au centre des apprentissages. Ils prennent garde aux bienêtre des élèves, à leur motivation. Le but de l’enseignant est de faire acquérir des savoirs fondamentaux, tant dans les apprentissages qu’au niveau du savoir-être des élèves. Il serait intéressant d’étudier l’autorité des enseignants lors d’une séance d’apprentissage afin de constater les pratiques que mettent en place les enseignants.
Les différentes formes d’autorité
Avant de commencer, il nous semble important de présenter Bruno Robbes qui figurera à plusieurs reprises dans notre travail de recherche. Robbes est professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Cergy-Pontoise et la majorité de ses travaux de recherche portent sur les questions d’autorité. En 2017, il a rédigé et soutenu son HDR intitulée “De l’autorité éducative à la recherche de pédagogie. Itinéraire d’un chercheur pédagogue”. Tout d’abord, il est important de distinguer autorité, discipline scolaire ou encore pouvoir. La discipline scolaire se réfère aux règles permettant le bon déroulé de la classe. Elle prend en compte les punitions et les sanctions que l’enseignant met en place pour veiller à ce bon déroulé. On peut donc dire que la discipline scolaire est un aspect de l’autorité, mais elle n’est pas synonyme de l’autorité. De plus, autorité et pouvoir n’ont pas la même signification non plus. En effet, le pouvoir reflète une notion de contrainte. Nous allons par la suite comprendre que l’autorité s’exerce autour de l’obéissance et du consentement mais pas autour de la contrainte, comme le dit Prairat (2012) “Faire autorité, c’est obtenir l’adhésion sans le recours à la menace ou à la contrainte” (Prairat, 2012). Selon Robbes (2020), l’autorité est “la capacité de se faire obéir, avec le consentement de celui qui obéit”. Pour commencer, nous allons nous appuyer sur les définitions que donnent les philosophes quant au concept d’autorité. Nous verrons ensuite les différentes caractéristiques que fait Robbes sur l’autorité.
Points de vue des philosophes et pédagogues
Selon les philosophes, l’autorité est une relation d’influence. Différents types d’influence sont à distinguer. On retrouve une influence nécessaire qui permet à l’élève de grandir, d’exister, de faire des erreurs, d’être reconnu et respecté en tant qu’être humain, cela débute le processus d’autonomie. L’influence stimulante est également abordée. En effet, l’autorité permet de lancer l’enfant en activité, elle permet l’engagement de l’enfant. Aussi, l’autorité a une fin, le professeur enseigne ses savoirs aux élèves mais dans un temps déterminé, limité. On parle d’influence temporaire. Enfin, cette influence est reconnue. Celui qui obéit, ici l’élève, porte une certaine reconnaissance pour son professeur. Ainsi, on ne parle pas de soumission lorsque l’on parle d’autorité. Les philosophes du XXème siècle ont mis en avant ce qu’est et ce que n’est pas l’autorité. Comme l’écrit Robbes en citant Dottrens (2020), l’autorité peut être une qualité innée ou une acquisition. Il montre une distinction entre autorité et contrainte ; comme le confirmera plus tard Eirick Prairat. Contraindre et avoir un comportement très sévère, ne consistent pas à faire preuve d’autorité. Dans l’autorité, se trouve une démarche éducative et on ne peut retrouver cette dernière en dictant, en donnant des ordres. Dans la même perspective, Hannah Arendt (1972) définit l’autorité comme l’opposition de la persuasion et de la contrainte. De fait, un adulte qui négocie avec un enfant a perdu son autorité. Faire autorité n’est pas contraindre un enfant par la force. L’usage de la force montre l’échec de l’autorité.
Différentes caractéristiques de l’autorité
Selon Robbes (2020), il existe différents types d’autorité :
• Autorité autoritariste : C’est lorsque que le détenteur de l’autorité (ici l’enseignant) exerce une domination sur l’autre (ici l’élève) afin d’obtenir de lui une obéissance complète, sous la forme d’une soumission. C’est une volonté de détenir le pouvoir, on retrouve une forme de toute-puissance. Il n’y a pas de discussion, pas d’explication, pas de consentement. C’est un abus de pouvoir. Bien que mentionné comme un style d’autorité, celui-ci tend davantage vers le pouvoir que l’autorité.
• Autorité charismatique : C’est également un abus de pouvoir. Elle repose sur la domination de l’autre. Elle utilise la séduction, une domination affective (et non pas la force). Elle repose sur les croyances de qualités exceptionnelles du détenteur, donc ici de l’enseignant. Parfois appelée “autorité naturelle”, la personne fait autorité grâce à des dons innés, des qualités naturelles. “L’autorité charismatique vise à susciter la séduction chez l’autre » (Robbes, 2017).
• Autorité évacuée : C’est la tendance à refuser l’idée même de l’autorité et donc de son exercice selon Robbes (2020). L’autorité est confondue avec l’exercice d’une force physique ou psychique. Elle est considérée comme « anti-éducative». Ici, l’enseignant considère par exemple que l’autorité n’est pas sa mission, il se concentre alors exclusivement sur la transmission de ses savoirs. Il s’agit d’un « déficit d’exercice de l’autorité » selon Robbes (2020). Dans ce type d’autorité, l’enseignant peut avoir des difficultés à fixer des limites, celui-ci voulant éviter les conflits.
• Autorité éducative : C’est une relation asymétrique dans laquelle l’enseignant, disposant du savoir, manifeste la volonté d’exercer une influence sur l’élève. Il exerce son autorité en prenant en compte les intérêts des élèves, sans recourir à la violence. Selon Robbes (2020), l’autorité éducative associe une responsabilité statutaire (Être l’autorité), une autorisation personnelle (Avoir de l’autorité) et des capacités (Faire l’autorité).
De ce fait, Robbes (2020) explique donc que selon lui, on peut distinguer trois «pôles », trois significations de l’autorité, être, avoir et faire l’autorité. « Être » l’autorité fait référence à l’autorité autoritariste. « Je suis l’enseignant, transmetteur de savoirs ». C’est une condition nécessaire mais non suffisante à l’exercice de l’autorité. On le distingue du « avoir » de l’autorité qui lui se réfère à l’autorité du détenteur (ici de l’enseignant), “il faut avoir confiance en soi pour s’autoriser soi et autoriser les autres” (Robbes, 2020). Enfin, “faire” l’autorité correspond à l’ensemble des capacités et des connaissances que le détenteur de l’autorité mobilise en action. Ces savoirs lui permettent d’exercer l’autorité dans une relation spécifique. Pour que l’autorité s’établisse, il faut que les trois significations s’organisent ensemble.
Autorité éducative
Afin d’évoquer l’autorité éducative, nous définirons dans un premier temps ce type d’autorité. Puis, nous essayerons de déterminer comment celle-ci se met en place par l’enseignant .
Définitions, caractéristiques
Tout d’abord, précisons que l’autorité est un phénomène psychique. C’est une responsabilité qui ne se confie pas. Si une personne transmet son autorité, alors elle la perd : “personne ne fait autorité à la place d’un autre” (Robbes, 2013). De plus, on peut aussi dire que c’est un phénomène relationnel. Une personne exerce son autorité lorsqu’elle est en contact, en relation avec d’autres. Seule, une personne n’exerce pas d’autorité.
Selon Robbes (2013), l’autorité éducative a trois caractéristiques.
1- C’est une relation à la fois asymétrique et symétrique. Dans une autorité éducative, l’enseignant se situe dans une relation asymétrique. L’asymétrie est nécessaire pour assurer l’autorité. En effet, il est indispensable de définir des places et des fonctions pour chacun. Mais, elle contient aussi des éléments symétriques, comme le respect, la confiance ou encore la reconnaissance. L’enseignant et l’élève se reconnaissent et se respectent. Nous pouvons faire un parallèle avec les travaux de Catherine Kerbrat-Orecchioni (1995), abordés en introduction, lorsqu’elle évoque les relations entre les élèves et l’enseignant. Nous pouvons alors rapprocher la relation asymétrique de Robbes à la relation verticale définie par Kerbrat-Orecchioni. La relation symétrique correspond davantage à celle horizontale.
2- Ensuite, selon Robbes (2013), la relation d’autorité est une relation d’influence. De ce fait, dans l’optique d’une autorité éducative, une personne peut exercer son autorité avec des personnes qui décident de se laisser influencer, qui sont libres de l’accepter ou de la refuser. Comme précisé auparavant, il est important d’expliquer que l’influence de l’enseignant s’exerce principalement autour de l’obéissance et du consentement, et non pas autour de la contrainte, comme on pourrait le voir dans l’autorité autoritariste par exemple. L’élève est reconnaissant envers son enseignant. Il reconnaît la justesse de l’autorité, plus ou moins consciemment.
3- Enfin, la relation d’autorité est basée sur la reconnaissance de la légitimité. Dans l’autorité éducative, l’enseignant n’occupe pas toute la place, il accepte de se remettre en question et laisse chaque élève s’exprimer. L’autorité de l’enseignant est considérée comme légitime, comme crédible. Il considère ses élèves comme des êtres capables d’apprendre, ainsi, grâce à son autorité, il peut les faire progresser. L’autorité légitime prend aussi en compte l’intérêt général du groupe. L’enseignant essaie donc d’être équitable, d’être juste et de respecter les droits de chaque élève.
De plus, Robbes (2020) définit également quatre aspects, liés avec les précédentes caractéristiques, qui définissent l’autorité éducative. Il distingue donc l’autorité de statut, de compétence, relationnelle et intérieure. Quand il parle d’autorité de statut, il explique que l’enseignant a le droit et même le devoir de fixer un cadre. En effet, il doit faire respecter des règles, il doit établir des limites. De plus, en cas de transgressions ou d’incidents, il se doit de sanctionner de manière appropriée. L’autorité éducative est une autorité de compétence. C’est la maîtrise que possède l’enseignant dans les apprentissages. Comme expliqué auparavant, il reflète un sentiment de légitimité. C’est grâce à sa conviction, qu’il suscite chez les élèves le respect ou encore la reconnaissance. L’enseignant doit montrer aux élèves son plaisir de transmettre. Ensuite, on retrouve l’autorité relationnelle. Cela signifie que l’enseignant doit avoir une capacité à communiquer, à entrer en relation avec les élèves de manière individualisée. En effet, chaque élève est différent, il est donc important de rentrer en communication avec chacun pour être le plus compréhensif possible. Pour l’élève, savoir qu’il peut parler, se confier à son enseignant, est rassurant. L’enseignant va créer une relation de confiance avec eux, en les considérant positivement.
Enfin, Robbes (2020) explique que l’autorité est une autorité intérieure. Pour l’exercer, il faut que l’enseignant ait une maîtrise de lui-même. En effet, il faut qu’il se connaisse parfaitement. Il doit également pouvoir contrôler certaines pensées, certaines émotions qu’il éprouve à un instant-t (colère, énervement, peur, culpabilité…).
Comme le mentionne Robbes (2020), l’enjeu de l’autorité éducative est de maintenir, quoi qu’il arrive, la relation d’éducation et d’enseignement. L’enseignant a un double rôle : celui d’éducateur et celui de transmetteur de connaissances. Ces deux rôles ne peuvent se construire l’un sans l’autre. L’enseignant permet aux élèves de construire leurs apprentissages tout en leur proposant un cadre et des situations de travail adaptés. Dans ce type d’autorité, l’élève est placé au centre. L’enseignant se soucie de son bien-être, de sa compréhension, de son ressenti, etc. Pour répondre aux enjeux de l’autorité éducative, il est donc primordial et indispensable de prendre en compte l’élève dans toutes ses dimensions, de lui donner une place centrale.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 – Cadre théorique
I- Les différentes formes d’autorité
A) Points de vue des philosophes et pédagogues
B) Différentes caractéristiques de l’autorité
II- Autorité éducative
A) Définitions, caractéristiques
B) Exercer l’autorité éducative
III- Motivation
A) Définition
B) Différents types de motivation
C) Les perceptions à établir dans une dynamique motivationnelle
D) Une motivation influencée par différents facteurs
IV- Questionnement
A) Le public visé
B) Problématique et hypothèses
PARTIE 2 – Cadre méthodologique
I- Méthodologie de recueil de données
A) Présentation et justification de la méthodologie au regard de la problématique
1- Choix de la méthodologie retenue
2- Déroulement et explicitation du recueil de données
B) Présentation du dispositif d’enquête
1- Description du terrain d’enquête
2- Description du dispositif d’enquête
II- Méthodologie d’analyse des données recueillies
A) Rassembler nos données en vue de débuter l’analyse
B) Mise en graphique des données et analyse
PARTIE 3 – Présentation des résultats
I- Eléments généraux des données recueillies
A) Règles
B) Climat
II- Croisement des données recueillies
A) Règles et
1- … climat de classe
2- … voix
3- … gestes et regards
B) Sentiment et
1- … climat de classe
2- … temps
C) Volonté de maintenir la motivation de ses élèves à travers un climat de classe et le rappel des règles
1- Les perceptions que l’enseignante a de ses élèves
2- Volonté d’avoir une bonne compréhension des élèves
3- Rebondir sur les propositions des élèves
III- Réponse à nos hypothèses
PARTIE 4 – Discussion des résultats
I- Intérêts et limites de la recherche
A) Les intérêts
B) Les limites
II- Une autorité permettant la motivation
A) L’autorité éducative de l’enseignante au cœur de sa pratique
B) Une autorité pouvant influencer la motivation
III- Maintenir une gestion de classe tout en conservant un climat de classe satisfaisant, un fondamental pour exercer une autorité éducative tout en suscitant la motivation des élèves
Conclusion
Bibliographie