L’autonomie et le cadre institutionnel
Le rôle de l’école
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse définit le rôle de l’école. Ainsi, pour le ministère « L’école maternelle est une étape essentielle du parcours des élèves pour garantir leur réussite scolaire. Sa mission principale est de donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité. C’est une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble. Ils y développent leur langage oral et commencent à découvrir les écrits, les nombres et d’autres domaines d’apprentissage. Ils apprennent en jouant, en réfléchissant et en résolvant des problèmes, en s’exerçant, en se remémorant et en mémorisant. ». Au sein de cette définition, aucune référence directe n’est faite à l’autonomie, néanmoins, elle fait référence indirectement aux différents aspects de l’autonomie (cf I.3.). Ainsi, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse fait référence au développement de l’autonomie intellectuelle (« découvrir les écrits, les nombres et d’autres domaines d’apprentissage » ; « en réfléchissant et en résolvant des problèmes ») et à celui de l’autonomie sociale (« vivre ensemble»; « affirmer et épanouir leur personnalité ») .
Les apprentissages de l’école maternelle
Le nouveau cadre institutionnel français reste flou quant à l’autonomie au cycle 1. En effet, le terme « autonomie » apparait une seule fois dans l’ensemble du Bulletin Officiel (Programme officiel de l’école maternelle publié au journal officiel le 12 mars 2015) dans la section « Une école qui organise des modalités spécifiques d’apprentissage ; apprendre en jouant » : « Le jeu favorise la richesse des expériences vécues par les enfants dans l’ensemble des classes de l’école maternelle et alimente tous les domaines d’apprentissage. Il permet aux enfants d’exercer leur autonomie, d‘agir sur le réel, de construire des fictions et de développer leur imaginaire, d’exercer des conduites motrices, d’expérimenter des règles et des rôles sociaux variés. ». Le législateur explique dans ce paragraphe que les élèves vont pouvoir développer leur autonomie en jouant. En effet, le jeu va leur permettre d’enrichir leurs expériences et de nourrir leurs apprentissages et favoriser leur autonomie.
Les apprentissages à l’école maternelle sont organisés en cinq grands domaines :
– Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions
– Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique
– Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques
– Construire les premiers outils pour structurer sa pensée
– Explorer le monde .
Ces apprentissages, encore une fois, ne font pas directement référence à l’autonomie, néanmoins indirectement ils vont permettre aux enseignants de pouvoir développer l’autonomie. En effet, ils représentent la ligne conductrice des enseignements et permettent aux professeurs de connaître les attendus.
Ainsi, des références sont faites à l’autonomie, notamment dans le paragraphe concernant l’évaluation positive, il y est dit que l’enseignant évalue chaque élève par rapport à ses progrès ; l’enseignant « est attentif à ce que l’enfant peut faire seul, avec son soutien (ce que l’enfant réalise alors anticipe souvent sur ce qu’il fera seul dans un avenir proche) ou avec celui des autres enfants. ». Ici, l’éducation nationale demande indirectement au professeur d’accompagner ses élèves dans le développement de leur autonomie en repérant ce que chaque élève sait déjà faire seul (autonomie déjà acquise) ou ce qu’il fait avec son aide et pour laquelle il construit son autonomie. D’après les textes officiels, l’enseignant a donc un rôle à jouer auprès de ses élèves en les encourageant et en les accompagnant à faire seuls les tâches demandées, et en leur permettant de mettre en pratique seuls leurs apprentissages.
D’une manière générale, toutes les compétences que l’élève doit avoir acquises à la fin du cycle correspondent au développement de l’autonomie. Par exemple l’attendu « Choisir, utiliser et savoir désigner des outils et des matériaux adaptés à une situation, à des actions techniques spécifiques (plier, couper, coller, assembler, actionner…). » demande une certaine autonomie à l’enfant puisqu’il doit être capable seul de mobiliser ses souvenirs et ses connaissances afin de choisir l’outil adéquat à l’action demandée : il sait que lorsqu’il a besoin de découper puis coller une image il devra prendre les ciseaux dans un premier temps puis utiliser de la colle. L’ensemble de ces compétences attendues en fin de cycle 1 sont importantes car elles font passer l’enfant en début de cycle à un état de dépendance totale vis-à-vis de l’adulte à un état d’autonomie dans un certain nombre de situation donnée.
Le socle commun de connaissance, de compétence et de culture
Le socle commun de connaissance, de compétence et de culture présente l’ensemble des savoirs que l’élève doit maitriser à la fin de sa scolarité obligatoire. Il rassemble ainsi toutes les connaissances, compétences et les valeurs qu’il doit acquérir dans cinq grands domaines :
– Les langages pour penser et communiquer,
– Les méthodes et outils pour apprendre,
– La formation de la personne et du citoyen,
– Les systèmes naturels et les systèmes techniques,
– Les représentations du monde et l’activité humaine.
Le socle commun fait référence à l’autonomie (décret du 31/03/2015 publié le 2/04/2015 au JO) et lui donne une place importante. En effet, « Le socle commun doit être équilibré dans ses contenus et ses démarches afin qu’il donne aux élèves les moyens de […] conquérir leur autonomie et d’exercer ainsi progressivement leur liberté et leur statut de citoyen responsable. ». Le socle commun place donc l’autonomie au cœur des objectifs de l’éducation, et a comme volonté de préparer les élèves à leur futur rôle de citoyen. Il montre l’importance de l’apprentissage de l’autonomie au sein de l’école dans les cinq grands domaines cités précédemment. Même si le socle commun ne s’applique qu’à partir de l’école élémentaire, il est essentiel pour un enseignant de maternelle de connaître les attendus auxquels l’élève sera confronté dans la suite de sa scolarité afin de le préparer au mieux et de l’accompagner dans sa démarche de « devenir élève ».
Au final, les différentes instructions officielles expriment de manière indirecte que l’autonomie est une compétence essentielle que chaque enseignant doit développer chez ses élèves. C’est également une compétence transversale, cela signifie qu’elle doit être construite dans les différents champs disciplinaires de l’école, tout au long de la scolarité des élèves.
L’autonomie et l’école maternelle
L’autonomie d’un point de vue général
D’un point de vue étymologique, le mot autonomie vient du grec « autos » qui signifie soimême et « nomos », loi. Ainsi, l’autonomie est la faculté de se gouverner par ses propres lois, c’est à dire soi-même, et par extension, reconnaître ce droit aux autres. Aujourd’hui, le mot autonomie s’apparente à des qualités et des formes variées comme l’indépendance, la liberté, l’esprit d’initiative, le contrôle de soi, la débrouillardise, la capacité à s’organiser, l’autosuffisance… L’autonomie est donc à la fois reliée à la construction de la personnalité, mais aussi à la socialisation et à la citoyenneté puisque chaque individu se doit de connaître la liberté des autres, d’avoir conscience des autres, pour définir sa propre autonomie.
L’autonomie dans le domaine de la morale
Foessel analyse dans Etudes la position de Kant (philosophe allemand, 1724-1804) sur le principe de l’autonomie. Ainsi, il définit l’autonomie comme étant la capacité de « dépasser par ses seuls moyens les obstacles que l’existence a placés sur la route de chacun ». L’autonomie semble donc être pour lui le fait d’être capable d’utiliser toutes les ressources nécessaires dont on dispose pour réussir à surmonter les épreuves que l’on peut rencontrer. Un individu est autonome s’il a la possibilité de choisir en toute liberté et volontairement quel comportement adopter. Il choisira ainsi le comportement qui lui semblera le plus approprié à la situation. Si ce choix est soumis à une contrainte, quelle qu’elle soit, il se comportera alors de façon « hétéronome ». « L’hétéronomie » regroupe donc les choix faits par un individu qui n’obéit pas à sa propre volonté mais à quelque chose d’extérieur à lui même. Suivre ses désirs est un exemple de choix hétéronomes. L’autonomie est la possibilité pour un individu de faire ses propres choix par la raison et non en suivant simplement ses désirs ou ses pulsions. L’autonomie apparait ainsi comme la capacité pour un individu de se donner sa propre loi à suivre. Kant précise néanmoins que l’autonomie n’est pas pour autant une indépendance totale ou une liberté absolue. En effet, il explique qu’un individu peut accéder à l’autonomie à condition qu’il respecte la loi et la liberté des autres. C’est à travers sa relation avec autrui que l’individu va se construire, il doit accepter la liberté des autres pour construire sa propre liberté. De plus, l’individu deviendra autonome lorsqu’il aura intégré les lois qui l’entourent comme étant ses propres lois. Au final, Kant définit l’autonomie comme étant la possibilité pour un individu de faire ses propres choix en toute connaissance de cause mais en respectant la loi et liberté des personnes qui l’entourent.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. L’AUTONOMIE ET LE CADRE INSTITUTIONNEL
1. Le rôle de l’école
2. Les apprentissages de l’école maternelle
3. Le socle commun de connaissance, de compétence et de culture
II. L’AUTONOMIE ET L’ECOLE MATERNELLE
1. L’autonomie d’un point de vue général
a. L’autonomie dans le domaine de la morale
b. L’autonomie dans le domaine des sciences de l’éducation
c. L’autonomie d’un point de vue pédagogique
2. Théorie sur le développement de l’autonomie
a. Les grandes découvertes de Maria Montessori
b. Les mécanismes d’apprentissage
c. Les principes d’une classe Montessori
3. Les différents types d’autonomie
a. L’autonomie physique et matérielle
b. L’autonomie affective
c. L’autonomie intellectuelle
d. L’autonomie sociale
e. L’autonomie morale
4. Les enjeux de l’autonomie à l’école
a. Le rôle de l’école dans l’autonomie
b. Un outil pour développer l’autonomie : les ateliers autonomes
III. CONCEPTION DE LA METHODOLOGIE
1. Observation au sein d’une classe
a. Contexte de la classe
b. Elèves observés
c. Les outils pour observer
2. Réalisation d’un questionnaire diffusé auprès de professeurs en maternelle
a. Construction d’un questionnaire
b. Diffusion du questionnaire
IV. ANALYSE ET DISCUSSION
1. Pourquoi les enseignants mettent-ils en place des ateliers autonomes individuels?
a. Les raisons avancées pour ne pas mettre en place d’ateliers autonomes individuels
b. Les raisons qui poussent les enseignants à mettre en place des ateliers autonomes individuels
2. Organisation et mise en place des ateliers autonomes individuels
a. Le choix des ateliers autonomes individuels
b. Temps d’apprentissage et ateliers autonomes individuels
3. La mise en œuvre des ateliers autonomes individuels
a. Utilisation des ateliers autonomes individuels par les élèves
b. Résultats de l’utilisation des ateliers autonomes individuels
4. Discussion
a. L’organisation des temps d’apprentissage
b. Le choix des ateliers
c. Instauration d’un cadre
b. Suivi et évaluation des ateliers
CONCLUSION