En septembre dernier, les élèves de TPS/PS de ma classe ont vécu leur première rentrée scolaire. Tout fut alors découverte. Un des premiers moments qui m’a semblé difficile, en tant que jeune professeure des écoles, fut le regroupement « au coin regroupement ». Pourtant ce moment permet de construire le groupe classe autour d’activités le plus souvent ritualisées. De même, une de mes premières représentations de la classe maternelle était cet espace. Comment « faire classe ensemble » dans les premières années de maternelle ? Comment permettre aux plus petits de comprendre le sens que portent les activités scolaires ? Comment leur permettre d’être autonome au sein du groupe classe ?
L’autonomie et l’école
Selon le dictionnaire en ligne Larousse, l’autonomie se définit comme la «capacité de quelqu’un à être autonome, à ne pas être dépendant d’autrui.» Dans ce cas, autonomie et indépendance seraient étroitement liées ? Être autonome est-ce, alors, faire sans les autres ? Étymologiquement, l’autonomie vient du grec « autos » signifiant « soi-même » et de « nomos » « la règle, la loi ». Autrement dit, l’autonomie est le pouvoir de celui qui est autonome, c’est-à-dire « celui qui détermine lui-même la loi à laquelle il obéit ». Ici encore cette définition nous interroge sur le concept d’autonomie. Comment faire classe, si chacun décide de sa propre loi ? A priori, la relation « autonomie » (s’apparentant à une indépendance, une liberté totale) et « école » (par le cadre qu’elle incarne) semble alors paradoxale. Qu’en est-il de la relation « école-autonomie »?
L’autonomie dans les textes officiels
Les programmes
La place de l’autonomie a évolué ces dernières années dans les textes officiels. Dans les programmes de 2002, l’autonomie fait partie des compétences transversales, mais sans vraiment de précision à ce sujet. Dans ceux de 2008, « L’école maternelle a pour finalité d’aider chaque enfant, selon des démarches adaptées, à devenir autonome et à s’approprier des connaissances et des compétences afin de réussir au cours préparatoire les apprentissages fondamentaux ». L’autonomie, clairement citée dans la finalité de l’école maternelle, intègre alors un des six axes d’apprentissage de ces programmes. Elle se retrouve dans l’axe « devenir élève », qui englobe par ailleurs le vivre ensemble, la compréhension de ce qu’est l’école et la coopération.
« Coopérer et devenir autonome
En participant aux jeux, aux rondes, aux groupes formés pour dire des comptines ou écouter des histoires, à la réalisation de projets communs, etc., les enfants acquièrent le goût des activités collectives et apprennent à coopérer. Ils s’intéressent aux autres et collaborent avec eux. Ils prennent des responsabilités dans la classe et font preuve d’initiative. Ils s’engagent dans un projet ou une activité, en faisant appel à leurs propres ressources ; ils font ainsi l’expérience de l’autonomie, de l’effort et de la persévérance. ».
Cette description donne des critères plus ou moins observables pour appréhender l’autonomie en classe.
Dans les programmes de 2015 , l’autonomie est très peu citée. Elle semble être rattachée aux compétences transversales que doit développer l’école et ce via ses différents rôles :
– une école qui s’adapte aux jeunes enfants,
– une école qui organise des modalités spécifiques d’apprentissage,
– une école où les élèves vont apprendre ensemble et vivre ensemble.
Par exemple, les Programmes de mars 2015 précisent, dans le paragraphe 3.1, que « l’enseignant rend lisibles les exigences de la situation scolaire par des mises en situations et des explications qui permettent aux enfants – et à leurs parents – de les identifier et de se les approprier. Il incite à coopérer, à s’engager dans l’effort, à persévérer grâce à ses encouragements et à l’aide des pairs. Il encourage à développer des essais personnels, prendre des initiatives, apprendre progressivement à faire des choix. » L’autonomie n’est pas ici citée, mais semble pourtant « palpable ». Elle semble implicite.
Le Socle commun
« L’autonomie et l’initiative » sont un des six Piliers du Socle commun des connaissances et des compétences de 2006. L’autonomie de la personne humaine est ici entendue comme « le complément indispensable des droits de l’homme : le socle commun établit la possibilité d’échanger, d’agir et de choisir en connaissance de cause, en développant la capacité de juger par soi-même. L’autonomie est aussi une condition de la réussite scolaire, d’une bonne orientation et de l’adaptation aux évolutions de sa vie personnelle, professionnelle et sociale. Il est également essentiel que l’école développe la capacité des élèves à apprendre tout au long de la vie.» L’autonomie est amplement décrite aussi bien du point de vue des connaissances, que des capacités ou encore des attitudes.
Le nouveau Socle commun « de connaissances, de compétences et de culture », en vigueur dès la rentrée 2016, comporte désormais cinq domaines. L’autonomie n’est plus l’objet d’un domaine comme celui de 2006, mais semble plutôt intégrer les compétences transversales que les élèves doivent acquérir.
En somme, l’autonomie intègre les textes officiels. Elle tend, en fonction des programmes et des socles communs, à être plus ou moins explicite. De fait, au vu de ces différents textes, l’autonomie semble non pas s’opposer à l’école mais plutôt l’intégrer. Qu’en est-il du lien entre l’autonomie et la pédagogie ?
L’autonomie et la pédagogie
D’après l’ouvrage de Marie-Agnès HOFFMANS-GOSSET deux courants ont valorisé l’autonomie dans la pédagogie : les Écoles Nouvelles et l’Enseignement individualisé. « L’idée d’autonomie prend source dès le début du siècle dans les mouvements des Écoles Nouvelles. Cousinet, Freinet en sont les instigateurs, mais aussi O.Decroly, A.Frerrière et M.Montessouri. Le courant de l’enseignement individualisé l’imprègne également. » Ce dernier a notamment développé des outils comme les fichiers auto-correctifs et les plans de travail. On peut noter, que ce courant, rencontrant un succès dans les pays anglo-saxons, a été toutefois critiqué car l’individuel prenait le pas sur le social.
En France, selon cette auteure, le travail indépendant fut développé à partir des années soixante-dix et ce avec l’idée de « permettre une meilleure sociabilisation ».
Par conséquent, des courants pédagogiques ont développé la réflexion autour du développement de l’autonomie chez les enfants en défendant, notamment en France, le rôle social de l’autonomie. D’ailleurs, si l’on se réfère à Piaget, les enfants sont « sociaux » dès le premier jour. Ils ont une socialité intérieure – il recherche le contact avec autrui – et extérieure – la culture les influence. Pour Piaget, la construction cognitive est étroitement liée au social.
De fait, l’autonomie est bien présente dans certains courants pédagogiques. Elle a été développée principalement sous l’influence de deux courants : les Écoles Nouvelles et l’Enseignement individualisé. On peut également retenir que le développement de l’autonomie chez l’enfant semble, non pas s’opposer à la socialisation, mais au contraire y être imbriqué. L’autonomie et l’école, aussi bien par les textes que par les courants pédagogiques, ne semblent donc pas s’opposer. Que sous-entend alors l’autonomie ?
Définitions de l’autonomie
La définition d’autonomie peut varier en fonction de la science étudiée. Ainsi, pour les sociologues, l’autonomie est fonction de la « norme sociale». « L’autonomie de type social serait l’état « normal » d’un adulte, état lié à son âge chronologique, à sa majorité, à sa santé, à son activité professionnelle et à sa responsabilité civile. ». Pour les psychologues, l’autonomie psychologique ne dépend pas du fait social ou encore du fait juridique qui en découle (comme la majorité), mais elle serait plus liée à la construction de l’enfant. C’est lui qui va « s’auto-réguler à l’aide des interactions infiniment complexes qu’il noue avec tous les milieux. ».
En regardant du côté des spécialistes des sciences de l’éducation, le concept tend à se rapprocher de l’autonomie psychologique. Ces derniers apportent plus de précisions pour mieux l’appréhender. Selon M-A. HOFFMANS-GOSSET, docteure en sciences de l’éducation, l’autonomie ne veut pas dire faire seul. Au contraire, selon l’auteure, il n’y a pas «d’autonomie sans présence, reconnaissance et communion avec les autres» . Dans son ouvrage, elle évoque les tensions entre «l’indépendance et la dépendance » ou encore entre « la liberté et la loi » qui caractérisent ce concept. Selon elle, la liberté s’exerce dans un certain rapport avec la loi et notamment lorsque l’individu essaie de la comprendre ou encore de la construire. De même, elle met en avant le fait que l’autonomie rend également plus responsable car elle implique plus de conscience, de réflexivité de la part de l’individu. M-A. HOFFMANS-GOSSET retient la définition de R. LAFON. Celle-ci constitue sa référence pour mieux saisir ce concept.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : L’autonomie et l’école
1.1 L’autonomie dans les textes officiels
1.2 L’autonomie et la pédagogie
1.3 Définitions de l’autonomie
PARTIE 2 : L’autonomie et rôle de l’enseignant
2.1 La relation enseignant/enseigné
2.2 La posture de l’enseignant
2.3 Activités ritualisées tutorées : moments privilégiés pour les premiers pas vers l’autonomie
PARTIE 3 : Les activités ritualisées tutorées
3.1 Méthodologie
3.2 Analyse des activités
3.3 Synthèse de l’analyse
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE