L’autonomie dans les apprentissages

L’autonomie dans les apprentissages 

Eclairage pluridisciplinaire de la notion d’autonomie 

L’autonomisation des apprentissages est une démarche didactique qui fonde ses principes sur la notion d’autonomie dont la portée est étendue si l’on en juge par les articles qui lui sont consacrés dans le Grand Robert de la Langue Française (GRL) et le Trésor de la Langue Française (TLF). Selon le GRL, « autonomie » est apparu en 1596 et vient du grec « autonomia » de « autonomos » (construits à partir du grec « autos », « soi-même » et de « nomos », « loi ».) et signifie « qui se régit par ses propres lois ». A l’époque de la Grèce antique, l’autonomie désignait un droit octroyé par Rome à certaines provinces de ce pays. Ce droit leur permettait notamment de s’administrer elles-mêmes mais ne les libérer cependant pas de sa tutelle. Elles bénéficiaient d’une autonomie territoriale. Par ailleurs, le suffixe « ie » désigne à la fois le processus et son résultat faisant ainsi de l’autonomie le résultat d’une dynamique ; cette dernière est désignée par « autonomisation ».

L’étymologie indique que « autonomie » désigne un processus relevant de la capacité ou de la possibilité d’un individu ou d’un territoire à produire des lois afin de se gouverner mais non sans le contrôle d’une autorité supérieure. Selon le TLF, « autonomie » est utilisé dans diverses disciplines, notamment en pédagogie, philosophie, sociologie, politique, psychologie, anatomie et technologie. Connaître ses représentations dans l’ensemble de ces domaines ne semble pas utile dans le cadre de cette recherche. En effet, puisque comprendre les représentations de l’activité évaluative et de l’autonomisation des apprentissages dans un cadre social donné est l’objectif retenu, nos investigations se limiteront aux domaines de la philosophie, de la sociologie et de la pédagogie.

Les apports de l’approche philosophique dans la représentation de la notion d’autonomie 

Si la notion d’autonomie n’est pas réductible à un seul domaine, elle n’est pas aussi réductible à la conception d’un penseur unique. Il ne s’agira donc pas de limiter notre description du sens de cette notion pour en connaître les constituants à un philosophe en particulier sous peine de ne s’intéresser qu’à un moment unique de son évolution et donc de sa signification. C’est la raison pour laquelle afin de rendre compte de la plus grande partie des éléments qui composent la notion d’autonomie, nous nous intéresserons à trois époques: l’Antiquité, les Lumières et l’époque moderne.

Pour ces trois époques, nous avons fait le choix des auteurs suivants : Socrate (470 av. J.-C. 399 av. J.-C.), Descartes (1596-1650), Jean-Jacques Rousseau (1712 1778), Emmanuel Kant (1724-1804), Cornelius Castoriadis (1922-1977) et Edgard Morin (1921) car leur point commun est d’avoir placé au centre de leur réflexion les rapports entre l’homme et le savoir, en présupposant que l’accès au second ne pourrait aller sans une libération du premier. Dans le processus d’autonomie, l’individu est l’auteur des règles qui le régissent. Sans pour autant faire directement référence à cette notion que nous voulons définir, on trouve aussi chez Socrate une affirmation selon laquelle c’est en lui que l’individu trouve son savoir ;

D’autre part, ceux qui me fréquentent donnent, pour commencer, l’impression d’être ignorants, quelques-uns de l’être même absolument ; mais chez tous avec les progrès de cette fréquentation et la permission éventuelle du Dieu, c’est merveille tous ce qu’ils gagnent, à leurs propres yeux comme aux yeux d’autrui ; ce qui en outre est clair comme le jour, c’est que de moi ils n’ont jamais rien appris, mais que c’est de leur propre fonds, qu’ils ont personnellement, fait nombre de belles découvertes, par eux-mêmes enfantées. (Platon (T2), Théétète, p.95) .

C’est pourquoi Socrate précise qu’il n’y a rien à attendre de lui en termes d’acquisition et de transmission des savoirs: « Quelle bonne affaire ce serait, Agathon, dit Socrate en s’asseyant, si la sagesse était chose de telle sorte que, de celui de nous qui est plus plein, elle coulât dans celui qui est plus vide.» (Platon (T1), le banquet, p.697) Pourtant, cette autoproduction des savoirs, que Socrate n’appelle certes pas « autonomie », ne peut se faire que par l’assistance d’une autre personne dont le rôle est de faire « accoucher » de l’individu des connaissances qu’il ne soupçonnait pas détenir et qui lui permettent de mettre en cause (questionner) celles qu’il pensait acquises et ce au moyen de la maïeutique.

Dans l’Allégorie de la caverne, ce procédé d’éducation est imagé mais demeure le même : « L’homme éduqué est celui que quelqu’un libère et traîne à l’extérieur pour le forcer à regarder le Soleil. » (Gendron, 1985, p.332). Ainsi, la finalité de la réflexion socratique est de rendre maître l’homme en le détournant de la croyance (doxa), source d’aveuglement pour le conduire vers le savoir (épistémè), source de liberté. Quel point commun entre l’autonomie telle que nous avons commencé à la concevoir et la maïeutique ? La première notion nous indique que l’individu peut être capable de produire des règles dans le but de se gouverner ; la seconde que ce même individu est capable de produire des savoirs dans le but d’accéder à la liberté. Les deux font de l’individu, un individu-source dont les règles qui le régissent ou les connaissances qui servent à le faire évoluer ne lui sont pas obligatoirement transmises. Pourtant, elles diffèrent sur un point important : l’autonomie est un processus qui se construit grâce à une autorité sans pour autant avoir l’objectif de s’y soustraire ; la maïeutique, si elle nécessite un guide, est avant tout un vecteur de liberté.

Chez Descartes, il s’agit d’une liberté intellectuelle à laquelle on accède au moyen de la recherche en soi-même d’une vérité à partir de laquelle se construiront toutes les autres. C’est cette recherche qu’il entreprend dans le Discours de la méthode : « C’est pourquoy sitost que l’aage me permit de sortir de la sujétion de mes Precepteurs, je quittay entirement l’estude des lettre. Et le resolvant de ne chercher plus d’autre science que celle qui se pourroit trouver en moymesme […]» (Descartes, 1637, p. 13-14). Afin que celle-ci soit logique et structurée, elle nécessite une méthode. Descartes se tourne alors vers les mathématiques dans le but de produire des règles irréfutables et claires construites sur les mêmes principes épistémologique. Pourtant, l’esprit est manipulable et peut être victime de l’illusion ce qui pourrait rendre incertaines les règles qu’il produit. Une seule solution à cette incertitude, le doute : « Descartes dit simplement qu’en doutant, la seule chose qu’il ne puisse pas mettre en doute, c’est lui-même doutant, c’est-à-dire lui-même en train de penser et d’agir. » (Maesschalck, 1990, p.35). Ainsi le doute ne saurait se dissiper que dans la reconnaissance de soi agissant. Aussi « A la racine de l’autonomie rationnelle il y a Moi, seulement Moi. » (Maesschalck, 1990, p.35). Descartes nous montre donc que pour qu’un individu construise seul ses savoirs dans le but de s’émanciper, il a d’abord besoin d’une méthode de recherche dont il pourra s’inspirer puis d’adopter le doute comme principe de découvertes. L’autoproduction des savoirs dans le but d’accéder à une liberté intellectuelle a donc besoin d’un guide ou d’un modèle épistémologique mais aussi de se donner des principes. Ces principes que se donne l’individu qui cherche à savoir sont, pour nous, une manifestation de l’« autonomie », selon le sens que lui donne l’étymon grec. La notion d’autonomie enrichie par les réflexions de Socrate et Descartes est désormais à comprendre comme un processus par lequel l’individu se donne des règles dans le but de s’auto-diriger et/ou d’accéder à des savoirs. Ce processus est permis ou rendu possible par une autorité, un guide ou une méthode et peut avoir comme objectif la liberté de celui qui s’y engage.

L’analyse de la notion d’autonomie à travers la réflexion de ces penseurs a permis de découvrir plusieurs de ses composantes. Celles-ci font de l’autonomie :

1. Un processus d’apprentissage :
• Il fait de l’individu la source de ses savoirs par une méthode ou des principes.
2. Un processus de production :
• Il fait de l’individu l’auteur des règles morales et politiques qui le gouvernent.
3. Un processus auto-productif :
• Les règles produites par ce processus ont pour finalité de le générer.
• Il permet l’autoproduction des lois de la morale (Kant).
4. Un processus de libération :
• C’est un accès à la liberté intellectuelle.
• Il permet de se soustraire à l’hétéronomie.
5. Un processus de contrôle de soi :
• Il favorise la connaissance des raisons de son action.
• Il favorise la conception et appropriation des finalités de son action.
1. Un processus d’apprentissage :
• L’individu se donne une méthode personnelle pour accéder au savoir.
2. Un processus paradoxal
• Il implique un compromis entre autonomie individuelle et collective et oblige l’individu à accepter les contraintes.
3. Un processus de mise en relation :
• Il nécessite une aide extérieure (guide, enseignant, institutions, etc.).
• Il est rendu possible par une dépendance.
• Il est déclenché par la rétroaction régulatrice et l’auto-éco-organisation
• Il diffère de l’autarcie dans la mesure où on ne saurait être autonome seul.
• Les décisions qui concernent l’individu sont prises de manière collégiale.
• Ces décisions doivent être acceptables par le plus grand nombre.

Les apports de l’approche sociologique dans la représentation de l’autonomie 

Les représentations de la notion d’autonomie sont différentes au sein d’une même société et entre les nations. Le Japon, par exemple, où les comportements sont très collectifs (Sourisseau, 2003), n’a pas adhéré, nous l’avons vu, aux mesures de libéralisme dans l’éducation menées par les Américains après la défaite de 1945. C’est ce que précise Chirkov, professeur de psychologie sociale, en analysant la transposition du concept d’autonomie dans les sociétés non occidentales : « The main argument of the psychologists who deny the universal beneficial role of autonomy in people’s functioning is that the construct of autonomy or self- determination, together with such cultural values as individualism, liberalism, independence, self-reliance and many others, are constructions of Western civilisation that are not (or are only partially) applicable to the rest of the world, which is depicted as less individualistic and more collectivistic or group-oriented », (Chirkov, 2009, p.254) Ce fut aussi le cas pour la France et plus particulièrement dans le domaine du travail. La notion d’autonomie dans les activités professionnelles émerge par le biais des revendications d’indépendance et de libération du travailleur durant la période des trente glorieuses. Puis, dans les années 1960 à 1980 qui connaissent une forte contestation de la hiérarchie et un fort désir d’émancipation de l’individu comme du travailleur, les bases idéologiques de ce mouvement furent, entre autres, nourries par les réflexions de Cornélius Castoriadis, héraut de l’autonomie des salariés. L’idée d’autonomie s’installe ainsi dans la société et les entreprises françaises et peu à peu évolue au contact des apports anglo-saxons du « self made man », véhiculant les valeurs de choix, d’opportunisme et de volonté. Il est intéressant de constater à ce stade de la réflexion, comment l’autonomie a pu être synonyme de contestation dans le domaine géopolitique et comment elle est devenue une qualité attendue dans le monde du travail puis un dispositif d’apprentissage sous l’influence de l’éducation nouvelle.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : l’émergence d’une problématique
Chapitre 1 : l’éducation japonaise
Chapitre 2 : l’apprentissage des langues
DEUXIÈME PARTIE : les relations entre l’autonomisation des apprentissages et l’activité évaluative
Chapitre 1 : l’autonomie dans les apprentissages
Chapitre 2 : l’évaluation
Chapitre 3 : hypothèses sur les relations entre l’acte d’évaluation et l’autonomisation dans le domaine de l’apprentissage et exposé de la problématique de recherche
TROISIEME PARTIE : Description du dispositif de terrain de la recherche
Chapitre 1 : méthodologie de la recherche et recueil de données
Chapitre 2 : présentation des terrains de récoltes des données
QUATRIÈME PARTIE : analyse des données des entrevues
Chapitre 1 : présentations des enseignants à partir des données récoltées dans les entretiens
Chapitre 2 : analyse des données sur l’autonomisation
Chapitre 3 : analyse des données sur l’évaluation
Chapitre 4 : analyse des données sur l’enseignement du français au Japon
Chapitre 5 : analyse des données sur l’auto-évaluation
Chapitre 6 : analyse des données sur les relations entre (auto)-évaluation et autonomisation
Chapitre 7 : conclusion générale sur l’analyse des données des questionnaires
CINQUIÈME PARTIE : analyse des données des observations de classe
Chapitre 1 : analyse des données des observations de classe en contextes indifférents
Chapitre 2 : analyse des données recueillies dans les observations de classe en contextes favorables
3. Conclusion sur les observations de classe
SIXIÈME PARTIE : conclusion sur les analyses des données issues des entretiens et des observations de classe
Chapitre 1 : synthèse sur le fonctionnement du MARCAA par le croisement des données issues des entretiens et des observations de classe
CONCLUSION
Bilan
Perspectives
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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