L’autoévaluation en géométrie

L’année de préparation au CRPE et ma formation à l’ESPE m’ont permis de comprendre que l’enseignement magistral et transmissif ne permettait pas aux élèves d’être véritablement acteurs de leurs apprentissages. Pour que cela soit le cas, il peut être intéressant de proposer des situations de recherche afin que les élèves construisent progressivement leurs savoirs sous la responsabilité de l’enseignant.

A cet effet, j’ai commencé à mettre en place des situations de recherche dès le début d’année dans ma classe de CE2. Puis, lorsque mes élèves m’ont rendu leurs premiers travaux, la question de la correction s’est vite posée, et ce, quel que soit l’enseignement. A ce moment-là, mon fonctionnement était le suivant : je récupérais les cahiers des élèves, les corrigeais et les leur rendais. Certains élèves lisaient la correction, d’autres non. Parmi ceux qui la lisaient, seuls quelques-uns essayaient vraiment de la comprendre et, éventuellement, me questionnaient. Certes, l’analyse des erreurs et réussites me permettait d’adapter la suite de mes séquences, mais j’avais l’impression de priver mes élèves d’une partie du travail de construction des apprentissages. Pourquoi mettre en place des situations de recherche si, à la fin, c’est l’enseignant qui donne la réponse sous la forme d’un jugement sans appel ? J’ai donc souhaité faire évoluer ma pratique et impliquer mes élèves dans la phase de conclusion également.

Cadre théorique 

La partie théorique de cet écrit s’appuie sur l’ouvrage de Claire Margolinas intitulé De l’importance du vrai et du faux dans la classe de mathématiques et paru en 1993 aux éditions La pensée sauvage. Cet ouvrage présente de façon globale et argumentée le cadre théorique des recherches françaises en didactique des mathématiques.

La phase de conclusion

La relation didactique définit la position par rapport au savoir. Dans une classe, l’un possède le savoir (enseignant) et l’autre doit l’acquérir (élève). De plus, l’erreur est autorisée, sinon cela signifierait que l’élève sait déjà tout ce qu’il doit apprendre. Lors de la phase de conclusion, l’élève accède alors à une information sur la validité de son travail. Cette phase est sous le contrôle de l’enseignant qui peut jouer différents rôles. En effet, il est responsable du Vrai dans la classe et cela implique un droit de regard sur la phase de conclusion, mais pas nécessairement une action ou un regard direct. Pour exercer cette responsabilité, l’enseignant peut choisir entre deux types de phase de conclusion :

1) La phase d’évaluation : la validité du travail de l’élève est évaluée par l’enseignant sous la forme d’un jugement sans appel. Il n’y a pas de réflexion de la part de l’élève au sujet de la validité de sa procédure et il sait tout de suite si elle a abouti ou non.

2) La phase de validation : l’élève décide lui-même de la validité de son travail, sous la responsabilité de l’enseignant. Pour cela, il faut que la situation le permette. L’enseignant n’est pas juge mais plutôt responsable de la situation.

Ces deux modalités de phase de conclusion sont les plus importantes et elles ne s’excluent pas totalement. Parfois, le maître intervient directement sans pour autant évaluer directement (ex : lorsque le maître soumet un contre-exemple à l’élève qui doit alors se rendre à l’évidence).

La phase d’évaluation

Dans le sens usuel, le mot évaluation signifie la délivrance d’un jugement vrai/faux et la mesure de la qualité du travail. En mathématiques, l’évaluation renvoie donc à deux sortes d’évaluation : celle du type de résolution et celle du résultat mathématique. Ainsi, un élève peut avoir une « bonne note » même s’il produit un résultat faux (si la faute est considérée comme mineure et que le raisonnement est juste), et il peut avoir une « mauvaise note » s’il produit un résultat juste à l’aide d’un raisonnement lourd et maladroit.

Lors d’une phase d’évaluation, l’élève doit analyser sa propre résolution après l’évaluation de l’enseignant. Celui-ci attend de l’élève qui échoue un travail réflexif sur cet échec, mais tous ne réagissent pas de la même façon. Le « bon élève » qui n’a pas trouvé le résultat juste n’aura de cesse de comprendre pourquoi il s’est trompé, tandis que l’élève « en échec », lui, ne voit pas l’intérêt de ce travail long et difficile. Il préfère se projeter dans l’avenir d’une prochaine résolution, synonyme de nouvelle chance. Chercher ce qui a été producteur d’erreur reste donc à la charge de l’élève. La décision de faire ce travail dépendra alors de sa personnalité ou de son milieu socio-culturel (parents, professeur particulier…) et relève donc de la sphère privée. Le travail complet sur la conclusion n’est donc pas sous le contrôle de l’enseignant et sa responsabilité n’est pas engagée. Il peut ainsi reprocher à l’élève son « manque de travail à la maison », ou conseiller aux parents d’aider l’enfant. Avec la phase d’évaluation, le travail de l’enseignant se termine et celui de l’élève commence. Ainsi, l’attitude demandée implicitement à l’élève est fort complexe :

1. Dans la résolution du problème, il doit raisonner en pur mathématicien.
2. Pendant la phase d’évaluation, il doit s’intéresser en priorité à ce qui relève du savoir mathématique dans le discours de l’enseignant.
3. Plus tard, il doit poser un regard critique sur sa résolution.

La phase de validation

L’organisation de phases de validation permet de mettre en place le processus de dévolution dans la classe. Ce processus résulte d’un travail de l’enseignant et fait entrer l’élève dans une situation a-didactique . Celle-ci est relative à l’engagement de l’élève mais ne correspond pas à un désengagement de l’enseignant. Dans la situation a-didactique, la finalité des actions de l’élève est de réussir dans la tâche qu’il a prise en charge. Il faut donc qu’il puisse anticiper comment faire pour réussir, sans que cela lui soit livré par l’enseignant. Chez Ratsimba-Rajohn (1981), on trouve une allusion à « l’auto vérification » et chez Brousseau (1986), c’est le mot « auto-contrôlable » qui apparaît.

Dans les phases de conclusion, l’élève doit avoir l’occasion de reconnaître la vérité ou la fausseté de son résultat et ne doit pas pouvoir se tromper et rester dans l’erreur. Si la situation d’apprentissage est organisée de façon à permettre la validation, alors la conclusion provient de l’interaction des élèves avec le milieu qui est organisé par l’enseignant. Celui-ci se retrouve alors face à des incertitudes qui se manifestent globalement : « Quel cours faire ? Quelles connaissances les élèves ont-ils acquises ? Quelles situations contrôlent-ils avec les connaissances acquises ? ». Elles se manifestent aussi localement, en particulier dans les phases de conclusion : « Est-ce que les élèves vont savoir conclure de façon satisfaisante ? Comment vais-je contrôler la conclusion ? ». Pour prendre en compte ces incertitudes, l’enseignant ne doit pas se dire qu’il ne faut pas intervenir, et doit plutôt être capable de dire sur quoi peut porter son intervention et sur quoi elle ne peut pas porter. Enfin, c’est lors des phases d’institutionnalisation qu’il pourra reprendre ouvertement sa position par rapport au savoir mathématique. De son côté, l’élève doit accepter de résoudre des problèmes et donc de tolérer l’incertitude quant à la réussite. S’il était sûr de ce qu’il faut faire, alors il n’y aurait pas d’apprentissage. L’incertitude est donc au cœur du contrat d’apprentissage pour l’élève. Le processus de dévolution repose ainsi sur la possibilité qu’a l’élève de se sentir responsable, et ce même dans la phase de conclusion.

Expérimentations réalisées en classe 

La lecture de l’ouvrage de Claire Margolinas m’a fait prendre conscience que les phases de conclusion réalisées en période 1 et début de période 2 correspondaient à des phases d’évaluation. Or, cette lecture m’a aussi fait comprendre que les élèves sont plus impliqués lorsque la phase de conclusion est une phase de validation et non d’évaluation. Ayant donc un début de réponse à ma problématique, j’ai tenté de construire des séquences de géométrie contenant, cette fois-ci, des phases de validation. Le terme employé dans la suite de cet écrit réflexif sera celui d’autoévaluation.

Présentation des situations d’apprentissage 

Les expérimentations ont été réalisées au cours des périodes 2 et 3 dans ma classe de CE2. Trois thèmes ont été abordés lors de ces périodes : le milieu d’un segment, les angles droits, les polygones.

Milieu d’un segment 

L’objectif général de cette séquence était que les élèves tracent le milieu d’un segment à l’aide d’une règle graduée, donc en mesurant. Pour cela, j’ai construit des séances axées d’abord sur la manipulation (pliage en deux d’une bande de papier de même longueur que le segment), puis sur la mesure (calcul de la moitié de la longueur du segment). Précisons que cette séquence intervenait à la suite d’une séquence sur la mesure d’un segment en centimètres et en millimètres. Je n’avais pas encore achevé la lecture du livre de Claire Margolinas lorsque j’ai commencé cette séquence. J’ai donc proposé une situation permettant l’autoévaluation lors de la dernière séance seulement. Les élèves travaillaient en binôme, ils devaient tracer le milieu d’un segment à l’aide de la règle graduée et s’autoévaluer à l’aide d’une bande de papier.

Angles droits

La séquence sur les angles droits précédait celle sur les polygones. L’objectif général était que les élèves puissent repérer et construire un angle droit à l’aide de l’équerre.

L’évaluation diagnostique m’a permis de remarquer que l’utilisation de l’équerre n’était pas maîtrisée pour une grande partie des élèves, et que cet instrument ne constituait donc pas un outil d’autoévaluation. Lors de la séance suivante, j’ai donc cherché à mettre en place une situation permettant aux élèves de s’autoévaluer à la fois sur la recherche d’angles droits mais aussi sur l’utilisation de l’équerre.

Polygones

L’objectif final de la séquence sur les polygones était que les élèves soient capables de reconnaître, nommer, décrire et construire des polygones. Cette fois-ci, j’ai essayé de proposer deux situations permettant aux élèves de s’autoévaluer: la première en tout début de séquence lors de l’évaluation diagnostique, et la seconde en fin de séquence lors d’une phase d’entraînement. Lors de l’évaluation diagnostique, les élèves devaient trier des polygones et des non polygones en classe entière, au tableau. Pour la séance d’entraînement, les élèves devaient construire un polygone en suivant un bon de commande contenant un système d’autoévaluation.

Analyse des observations

Milieu d’un segment

Lors des phases de recherche de la séquence sur le milieu d’un segment, les élèves ont utilisé les deux méthodes suivantes :
1) Découpage d’une bande de papier de même longueur que le segment, puis, pliage de la bande en deux parties égales (le pli correspondant au milieu).
2) Mesure de la longueur du segment à l’aide de la règle graduée, puis, calcul de la moitié.

Après une première phase d’application, des exercices d’entraînement ont été proposés aux élèves. Ils n’avaient alors aucun moyen d’autoévaluation à leur disposition. En effet, les exercices consistaient à tracer le milieu d’un segment en utilisant l’une des deux méthodes. Une fois les exercices terminés, les élèves me rendaient leur cahier et je les corrigeais.

Les exercices consistant à utiliser la bande de papier ont été réussis par la grande majorité des élèves. Les quelques erreurs observées étaient dues à l’oubli du découpage de la bande pour rapporter sa longueur à celle du segment. Concernant les exercices mettant en œuvre la deuxième méthode, j’ai pu noter deux principales sources d’erreur : la mesure du segment d’une part, et le calcul de la moitié d’autre part. Lorsque je rendais les exercices corrigés aux élèves, un rappel général était fait sur les méthodes permettant de trouver le milieu d’un segment. Puis, de nouveaux exercices d’entraînement étaient distribués, plus ou moins difficiles en fonction de la progression des élèves. Certes, cela me permettait de mettre en place de la différenciation au sein de la classe, mais je restais toujours dans le fonctionnement classique d’une phase d’évaluation où l’enseignante délivre le jugement vrai/faux à la fin. Je pensais que les élèves chercheraient à comprendre leurs éventuelles erreurs après ma correction, mais ce n’était pas le cas pour la grande majorité. La plupart d’entre eux se lançaient directement dans la réalisation des nouveaux exercices, synonymes de « nouvelle chance », comme le décrit Claire Margolinas dans son ouvrage. Les élèves n’avaient donc pas l’occasion de poser un regard critique sur leur travail puisqu’une fois les exercices terminés, ils s’en remettaient à mon jugement. Le plus déstabilisant, en tant qu’enseignante, était de voir certains élèves rentrer dans une démarche consistant à « faire vite pour terminer vite » et passer à une activité « libre » disponible dans la classe (lecture, pixel art, mots fléchés…). Cela donnait l’impression qu’ils avaient fait leur travail et que le mien commençait, comme si cette phase de conclusion, ce moment où l’on détermine le vrai du faux, ne les concernait pas, ou bien que les cartes n’étaient plus entre leurs mains.

La lecture du livre de Claire Margolinas m’a beaucoup éclairée et inspirée. J’ai donc cherché à proposer aux élèves une situation leur permettant de s’autoévaluer, une situation qui ne dépendrait pas de mon jugement d’enseignante. Etant donné que les élèves maîtrisaient bien la première méthode (avec la bande de papier), j’ai pensé que cela pouvait représenter un moyen d’autoévaluation de la seconde méthode (mesure de la longueur du segment et calcul de la moitié). Mais, les élèves n’étant vraiment pas habitués à se relire ou à s’autocorriger de façon générale, j’ai anticipé le fait que certains ne joueraient pas le jeu en proposant un travail en binôme.

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Table des matières

Introduction
Cadre théorique
I. La phase de conclusion
II. La phase d’évaluation
III. La phase de validation
Expérimentations réalisées en classe
I. Présentation des situations d’apprentissage
A. Milieu d’un segment
B. Angles droits
C. Polygones
II. Analyse des observations
A. Milieu d’un segment
B. Angles droits
C. Polygones
1. Evaluation diagnostique
2. Phase d’entraînement
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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