Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Évaluation et autoévaluation
On considère qu’il y a trois types d’évaluation qui se différencient par leur fonction particulière. L’évaluation est sommative lorsqu’elle se situe à la fin d’une année d’apprentissage ou d’un cycle d’apprentissage. Elle a alors pour objectif le contrôle du savoir acquis au cours de la formation et se traduit en notes. L’évaluation est formative lorsque son but est de recueillir des informations sur les points forts et les points faibles de l’apprenant pour permettre à l’enseignant d’ajuster et de réorganiser son cours en fonction des besoins spécifiques de l’apprenant. Le troisième type d’évaluation, ajouté par des chercheurs suisses (Allal, Cardinet & Perrenoud, 1979), est l’évaluation pronostique qui se situe au début de la formation et est un diagnostic qui permet de déterminer le niveau de l’apprenant, de construire son parcours et de définir les méthodes appropriées. Pour ce qui nous concerne, la fonction de l’évaluation dans laquelle s’inscrit l’autoévaluation et qui attire donc notre attention est la formative.
L’évaluation formative et la pédagogie de la maîtrise
L’évaluation formative relève de la régulation des conditions d’apprentissage (Campanale, 1997) et vise une régulation externe de l’apprentissage, ainsi est-elle définie dans les années 70 par les adeptes du Béhaviorisme comme théorie de l’apprentissage (Bloom, 1971). Son objectif est de s’assurer que les moyens de formation proposés par le système sont adaptés aux besoins particuliers de l’apprenant. Selon Allal (1979), l’évaluation assume une fonction formative car son but est de fournir des informations permettant une adaptation de l’enseignement aux différences individuelles dans l’apprentissage. Les pionniers de la pédagogie de la maîtrise dont Bloom (1968), soucieux d’optimiser leur enseignement, procédaient de manière systématique à des évaluations très fines. Ces évaluations méthodiques leur permettaient par la suite de définir les remédiations indispensables. Ils ont cependant découvert les limites de cette démarche, en effet, elle risquait d’alourdir gravement le travail de l’enseignant tout en exerçant sur les élèves une pression excessive. Cette forme d’évaluation n’en était pas moins très importante, il fallait donc la conserver en trouvant toutefois une solution pour l’alléger.
L’évaluation formatrice
L’évaluation formatrice, selon Perrenoud (2001), apparaît alors comme une évolution de l’évaluation formative dans laquelle les élèves se chargeraient eux-mêmes d’une partie. L’évaluation formatrice semble apparaître dans les travaux des chercheurs qui, suivant les théories socio-constructivistes de l’apprentissage, visent une régulation interne de l’apprentissage. Pour eux, l’élève est l’acteur principal de son apprentissage mais aussi de l’évaluation de celui-ci, ce qui donne à l’évaluation une dimension formatrice ou autoévaluative. Cette évaluation formatrice peut prendre la forme de grilles d’autoévaluation ou encore celle plus spontanée de la comparaison que fait l’apprenant entre son résultat ou l’état de sa progression à un modèle achevé. Ainsi, l’élève se construit une référence qui lui permet de saisir quelle est la performance à réaliser et comment y parvenir. À travers des évaluations intermédiaires, l’enseignant peut ainsi identifier les réussites et les erreurs des élèves pour mettre en place des régulations interactives, rétroactives et proactives (Allal, 1988) tandis que l’élève comprend mieux les appréciations et questions de l’enseignant et régule son action selon l’évolution de cette référence. Cette évaluation est un repère pour l’élève dans l’acquisition de ses connaissances et lui permet de s’améliorer en sachant où il en est tout en étant un indicateur pour le professeur. La distinction entre évaluation formative et évaluation formatrice témoigne de la complexité de l’approche de l’évaluation.
L’évaluation formative et le Cadre
L’évaluation formative telle qu’elle est conçue actuellement se rapproche finalement beaucoup à l’évaluation formatrice. Le CECR, dans sa présentation de treize pratiques d’évaluation, définit l’évaluation formative comme un processus continu qui permet de recueillir des informations sur les points forts et les points faibles (p. 141). Elle permet une remédiation et ainsi une amélioration de l’apprentissage à condition que l’apprenant soit en position d’apprécier l’information rétroactive qui lui est donnée. On reconnaît ici la notion de référence partagée entre l’apprenant et l’enseignant développée par Bonniol (1986) et Allal (1988). Finalement, l’évaluation formative rassemble des stratégies qui font interagir la boucle de régulation du dispositif pédagogique gérée par l’enseignant et la boucle de régulation de l’apprentissage gérée par l’élève. Il s’agirait d’une évaluation partagée qui vise l’interaction des autoévaluations des acteurs (Campanale, 1997).
Définitions de l’autoévaluation
Tout un courant de la recherche s’intéresse de près à la question de l’autoévaluation, au développement des capacités d’autoévaluation des apprenants et aux stratégies pour mettre en place des dispositifs d’autoévaluation de la part des apprenants comme des enseignants. Ce qui nous intéresse ici est d’établir une définition de la notion et de déterminer à quel public elle s’adresse.
L’autoévaluation, une activité métacognitive
L’autoévaluation, qui prend ses sources dans les travaux de Piaget sur la prise de conscience et dans ceux de l’école Vygotskienne sur le rôle du langage dans le contrôle cognitif, a été dans un premier temps définie comme un dialogue de soi à soi du sujet (Nunziati, 1990). Pour Allal (1988), il s’agit d’une réflexion métacognitive qui enclenche des autorégulations de type « qu’est-ce que je sais ?, qu’est-ce que je sais faire ?, comment je m’y prends et qu’est-ce que je peux modifier ? ». Mais elle élargit sa définition en faisant intervenir l’évaluation des pairs et la comparaison avec l’enseignant. Elle distingue en effet trois types de modalités d’organisation de situations d’autoévaluation, l’autoévaluation au sens strict où l’apprenant contrôle sa production à l’aide d’une grille, les évaluations mutuelles qui concernent les interactions, les évaluations faites par les élèves sur la production de l’un d’entre eux, et les co-évaluations qui se réfèrent aux évaluations conjointes de l’élève et de l’enseignant, permettent la mise en place d’un dialogue et d’une pédagogie individualisée. Cette définition élargie présente l’intérêt de donner une importance particulière aux interactions qui sont une composante incontournable dans le processus d’apprentissage de l’apprenant. Notons que cette définition va largement influencer l’analyse de notre expérimentation.
Selon Campanale (1997), l’autoévaluation serait un processus d’altération du référentiel d’action d’un sujet, qui l’amène à interroger, réguler, transformer son action et par là agir sur lui. Cette définition va dans le sens de celle de Allal (1988) dans la mesure où elle exprime la nécessaire intervention d’autrui pour que l’apprenant puisse aller plus loin dans son analyse et aille au-delà du simple constat d’écart entre le résultat de son action et ce qu’il attendait.
North (2001) enfin rappelle la position du CECR dont il est l’un des auteurs en décrivant l’autoévaluation comme un moyen d’encourager les apprenants à réfléchir à leurs besoins et à leurs résultats en termes d’activités communicatives et en termes d’aspects qualitatifs de leur performance.
Pillonel et Roullier (2013, p. 1) nous signalent qu’« il s’avère essentiel que les étudiants apprennent à distinguer leurs forces et leurs faiblesses. En ce sens, seul le développement de processus auto-évaluatifs visant l’autonomie permettra aux apprenants de gérer leurs façons de faire au travers du pouvoir qu’elle leur confère ».
L’autoévaluation, à quel âge ?
Le terme autoévaluation désigne selon l’ un ensemble de démarches entreprises par une personne en formation, visant à estimer, pour différentes phases de l’apprentissage, sa propre progression par rapport aux objectifs éducatifs initiaux. Ce processus d’analyse concerne essentiellement l’andragogie, les adultes étant en mesure d’y recourir de manière autonome. Cette définition qui se veut synthétique avance l’idée selon laquelle l’autoévaluation serait plus adaptée à un public adulte, les adultes étant plus à même de recourir à cette démarche d’analyse. De plus, selon Ross (2006, p. 2) : « Young children may over-estimate because they lack the cognitive skills to integrate information about their abilities and are more vulnerable to wishful thinking ».
Par contre, Scalian (1997) définit l’autoévaluation comme une habileté « authentique » à développer, c’est-à-dire une habileté à considérer au même titre qu’un objectif de formation, une compétence à acquérir ou à construire. Cette définition s’appuie sur le principe que l’être humain est capable, dès sa petite enfance, de se représenter, au moins partiellement, ses propres mécanismes de pensée. L’autoévaluation est dans ce cas perçue comme une compétence qui se travaille, se construit au fur et à mesure du processus d’apprentissage, et est donc à la portée de tous et ce, dès le plus jeune âge. Wegmuller (2002) considère l’autoévaluation comme une démarche qui consiste à dire quelque chose de son travail en vue d’une remédiation. Selon elle, le mécanisme d’autoévaluation comporte les trois phases de tout processus d’évaluation, soit l’étape de prise d’information, le moment de l’interprétation puis celui de la décision. Elle précise enfin qu’il s’agit d’un mécanisme qui s’apprend et qu’il est donc recommandable de commencer à familiariser les enfants des petits degrés avec la démarche auto-évaluative.
Méthodologie de la recherche
Contexte
L’expérimentation s’est déroulée sur mon lieu de travail, à savoir le Collège Émile Beaussire à Luçon que je présenterai ci-après, auprès des élèves de cinquième dont j’ai la charge en tant que professeur d’espagnol.
Lieux
Le collège Émile Beaussire est un établissement de taille moyenne, situé au centre-ville de Luçon, une commune de 10 000 habitants. Le collège abrite 16 classes ainsi qu’une classe ULIS collège, l’effectif total est d’environ 420 élèves.
Les groupes observés
Afin d’obtenir le plus grand degré d’objectivité possible, j’ai choisi de réaliser une étude comparative entre deux groupes. Le premier, correspondant aux élèves de la classe de 5B sera exposé à l’autoévaluation tandis que le deuxième, constitué des élèves de 5D sera privé d’elle. A mon sens, cette façon de procéder m’offrira une certitude plus grande au niveau des résultats car j’aurai des éléments fiables à analyser.
La 5B est une classe de 25 élèves, 17 filles et 8 garçons et la 5D est une classe de 25 élèves aussi, 16 filles et 9 garçons. Les deux classes ont un bon niveau d’espagnol, avec quelques élèves en difficulté et une tête de classe excellente qui tire le reste vers le haut dans une bonne ambiance de travail.
Objectifs
Je ne compte pas m’intéresser à la qualité des productions des apprenants qui seront le prétexte à l’autoévaluation mais à la nature de l’autoévaluation elle-même. Je souhaite observer les représentations et les attitudes des élèves ainsi que les interactions entre eux.
Quant aux représentations des élèves je souhaite pouvoir observer quelles sont les estimations des élèves de leur propres performances en espagnol et celles de leurs camarades.
Quant à l’attitude des élèves, il s’agit ici d’être attentif au degré de difficulté que représente l’exercice de l’autoévaluation et si celui-ci représente ou non une source de motivation. On observera aussi si les élèves s’investissent ou non dans l’écoute active et la co-évaluation des productions de leurs camarades.
En m’intéressant aux interactions entre les élèves, je souhaite analyser la capacité des élèves
à évaluer leurs pairs et découvrir s’ils ont tendance à protéger ou bien au contraire à attaquer les faces des autres. J’espère démontrer que les élèves tendent à être plutôt diplomatiques dans leur jugement des productions d’autrui.
Méthode
L’expérimentation va se passer en trois temps, chacun correspondant à trois séances distinctes. Durant chacune des trois séances, les apprenants seront amenés à s’autoévaluer au moyen d’une grille d’évaluation la première et la deuxième fois, tandis que la troisième fois, nous procéderons à une évaluation par les pairs.
L’autoévaluation avec une grille
Pour la première et la deuxième partie de l’expérience, j’ai fait le choix d’utiliser une grille d’évaluation afin de guider l’apprenant dans ce qui va être, pour beaucoup, la première véritable autoévaluation de leur apprentissage de la langue espagnole.
L’évaluation par les pairs
Le choix de l’évaluation par les pairs pour la troisième partie de l’expérience se justifie par l’idée selon laquelle s’entraîner à analyser les productions des autres permettrait aux élèves de pouvoir, par la suite, réaliser une auto-analyse plus conséquente de leur propre production.
Les grilles qui serviront de support à l’autoévaluation et à l’évaluation par les pairs seront élaborées par moi-même à l’aide de celles qui sont proposées dans les manuels d’espagnol.
Expérimentation
Mise en œuvre
La première et la deuxième séance vont se dérouler sur le même schéma. Tout d’abord, on commencera par une phase d’explication de la tâche à réaliser, tâche visant la production écrite. Suivra alors un moment de préparation en petits groupes durant laquelle je me tiendrai à la disposition des apprenants pour répondre aux éventuelles questions, donner des conseils. Quand le travail sera fini, s’en suivra une autoévaluation.
La troisième séance va se dérouler sur le même schéma, mais à la fin, chaque petit groupe présentera le travail effectué sous la forme d’un exposé que sera enregistré. Au moment du passage de chaque groupe, le reste de la classe évaluera le travail effectué. Chaque groupe aura ensuite l’occasion d’écouter l’enregistrement qui aura été fait de son exposé pour pouvoir procéder à une auto-évaluation.
Détails des séances
Les séances cibles s’intègrent dans la séquence « Antes y ahora » (Avant et aujourd’hui) dans laquelle le principal objectif linguistique est l’imparfait de l’indicatif et les objectifs culturels sont l’école et les jeux d’autrefois. La première séance est une compréhension écrite composée d’un texte et de trois questions avec une rubrique d’aide pour le lexique. La deuxième séance est une tâche en binôme dans laquelle on travaille l’expression orale, la compréhension orale et l’expression écrite. Les élèves doivent s’interroger sur ce qu’ils aimaient lire, manger… et écrire les réponses de leur camarade à la troisième personne. Pour ces séances, la grille d’autoévaluation sera proposée avec l’activité et expliquée en même temps que l’exercice. La troisième séance consistera en la création d’un dialogue (par binôme) dans lequel ils s’interrogeront sur les différentes activités qu’ils faisaient quand ils étaient petits puis une restitution qui sera l’objet de l’évaluation par les pairs.
Analyse des données
L’analyse des autoévaluations obtenues s’articule autour des quatre lignes directrices que sont l’objet de l’autoévaluation elle-même, la pertinence d’utiliser une grille d’évaluation, l’évaluation des pairs et le rôle de l’enseignant.
L’analyse des données des deux premières activités se fera sur le travail de 12 élèves qui représentent l’ensemble de la classe et l’analyse de l’évaluation par les pairs se fera sur le travail de 10 élèves qui constituent un bon éventail de la classe.
L’objet de l’autoévaluation
Ce premier niveau d’analyse recouvre plusieurs aspects car à l’heure de s’autoévaluer, les apprenants abordent aussi bien les stratégies mises en place lors de la préparation ou de la réalisation de leur production que les points à améliorer.
On remarque que les élèves, pour la plupart, se sont confrontés à l’exercice de l’autoévaluation avec une certaine aisance due, peut être, à une expérience préalable dans d’autres matières.
Il faut observer que la majorité des apprenants a réalisé une autoévaluation un peu sévère quant à ses propres compétences, c’est notamment le cas d’Océane, Lauryne et Lou, ce qui peut indiquer une basse estime de soi.
Il faut aussi observer que quelques uns ont surévalué leur travail, on observe ce phénomène chez Mathilde dans la première activité et chez Naël dans les deux activités. Ils n’ont pas su identifier leurs erreurs mais en même temps, cette sécurité, cette confiance en leurs capacités, leur permettent de participer davantage en cours et de progresser ainsi. Le cas de Tymoté, élève en difficulté, me laisse penser qu’il entreprend un exercice d’auto-motivation en évaluant trop positivement son travail.
On repère aussi que d’autres apprenants ont su identifier leurs difficultés très finement comme le fait Lounés dans la deuxième activité, en indiquant ses difficultés à l’heure de conjuguer le verbe « gustar » et aussi à l’oral.
En ce qui concerne la remédiation chez l’apprenant entre la première et la deuxième activité, on constate que Rebecca, Louis, Lounés et Océane ont tiré profit de la première autoévaluation, en constatant qu’ils n’étaient pas encore suffisamment autonomes, ils ont ainsi repéré quels avaient été leurs besoins et les ont mieux anticipés lors de la deuxième activité. Suite à cette deuxième activité, ils ont constaté qu’ils avaient gagné en autonomie. Cela montre qu’il y a eu une véritable réflexion de la part de ces apprenants qui les a amenés à mieux identifier ce que j’attendais d’eux et les outils qu’il leur fallait réutiliser pour réaliser la tâche.
Par ailleurs, on s’aperçoit que l’apprenant se sent plus en difficulté au moment de la production écrite et surtout à l’heure d’utiliser les éléments linguistiques qu’à l’oral. La trace écrite les met plus mal à l’aise, peut être en raison de sa pérennité.
On remarque aussi la difficulté des apprenants à effectuer une bonne analyse de leur production au niveau des éléments linguistiques. La plupart ont mésestimé leurs compétences.
|
Table des matières
Introduction
1- Du côté des recherches antérieures sur l’autoévaluation
1.1 L’autoévaluation depuis son apparition jusqu’à nos jours
1.2 Évaluation et autoévaluation
1.3 Définitions de l’autoévaluation
2- Méthodologie de la recherche
2.1 Contexte
2.2 Objectifs
2.3 Méthode
2.4 Expérimentation
3- Analyse des données
3.1 L’objet de l’autoévaluation
3.2 La pertinence d’utiliser une grille d’évaluation
3.3 L’évaluation des pairs
3.4 Le rôle de l’enseignant
3.5 Premières conclusions
Conclusion
Bibliographie
Table des matières
Annexes
Télécharger le rapport complet