L’exergue que j’ai choisi pour ouvrir cet écrit est une citation de Benjamin Franklin « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends.» qui montre à quel point il est essentiel de rendre l’individu acteur de ses apprentissages. Cette année de stage m’a permis de constater que le fait d’inclure activement les élèves dans leurs apprentissages est désormais inévitable pour leur réussite. En effet, durant cette année, j’avais en responsabilité une classe à double niveaux de CM1-CM2. Au fil des semaines, en apprenant à connaitre mes élèves, l’hétérogénéité des niveaux s’est révélée au sein de la classe ; et cela s’exprimait de multiples manières : une hétérogénéité révélée quant à la rapidité, à la compréhension des exercices mais également et surtout pendant le processus d’apprentissage qui inclut les corrections.
J’avais, dans un premier temps, envisagé les corrections de manière assez classique. En effet, après la phase soit de recherche soit d’exercice, je ramassais les productions des élèves et faisais un retour. Soit je corrigeais les productions des élèves sur leur cahier soit nous corrigions tous en groupe classe ; Ce procédé a été rapidement questionné par ma PEMF dans le but de m’amener à comprendre que ce système n’aidait en rien, ou dans une moindre mesure, les élèves en difficulté. Les élèves qui avaient réussi l’exercice en question ne montraient évidemment aucune difficulté à comprendre les explications quand, à l’inverse, ceux qui avaient des erreurs subissaient la correction ou bien ne cherchaient même pas à comprendre leurs erreurs. Après quelques semaines de tâtonnements et d’observations, j’ai bien compris que les corrections telles que je les envisageais et que je menais ne servaient qu’à un nombre restreint d’élèves et demeuraient peu impliquantes pour les élèves qui en avaient pourtant le plus besoin.
L’évolution de l’évaluation
Les instructions officielles
L’évaluation est depuis longtemps et reste un sujet de débat au sein de notre société et plus particulièrement concernant l’école. D’après Marc Tabory (2006), «cette mesure est trop souvent vécue comme une sanction par nos élèves ». Lors du colloque international « « Evaluation en mathématiques : dispositifs, validités & pratiques » de 2016, il a été souligné que l’évaluation permet également de réguler les apprentissages et d’engager le dialogue avec les autres acteurs (professeurs, parents, élèves). Aussi, en plus d’être une compétence inscrite au référentiel de compétences des professeurs du premier et second degré, la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013 recommande de “faire évoluer les modalités d’évaluation et de notation des élèves” en privilégiant “une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible pour les familles”.
Ce travail s’inscrit dans la perspective d’une école bienveillante qui respecte les élèves et valorise leurs progrès. L’école d’aujourd’hui doit permettre la réussite de chaque élève en cherchant à adapter les apprentissages pour favoriser l’accès aux connaissances, aux compétences et à la culture. Le recteur de l’académie de Nantes, dans le document « Evaluer pour faire réussir les élèves « souligne que l’évaluation est l’instrument qui doit tracer, pour chacun d’eux, ces voies.
Les prémices d’une évaluation impliquant l’élève
Dès 1980, De Ketele propose une définition complète de l’évaluation. Selon lui, il s’agit « de recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables et examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route, en vue de prendre une décision. » .
Le schéma proposé en annexe 1 par l’auteur montre le lien entre le processus de prise d’informations et d’évaluation. Son processus est très intéressant pour notre travail car il montre que la prise d’information et l’observation sont indissociables de l’évaluation. Mais il est précisé que l’observation peut se faire, certes par l’enseignant, mais également par l’élève. De Ketele et al (1997) évoquent déjà, dans leurs recherches, la notion d’autoévaluation notamment pour impliquer directement l’élève dans son évaluation et « pouvoir développer des démarches qui permettent à l’élève à la fois de mieux comprendre ses mécanismes de fonctionnement et de s’investir personnellement dans son apprentissage ».
Ces précédentes idées avancées par De Ketele (1980) et De Ketele et al (1997) font résonances aux théories socioconstructivistes dans lesquelles s’ancre notre travail. Dans l’approche pédagogique socioconstructiviste, les partenaires éducatifs sont « en situation de guidance ». L’enseignant « n’est plus à l’avant-scène » : sa fonction est de planifier, d’accompagner, de suggérer, de soutenir l’élève » (Dévé, Gagnayre et d’Ivernois, 2009). L’élève est acteur dans l’acquisition des apprentissages scolaires (Pillonel et Rouiller, 2001).
Vers l’auto-évaluation comme processus d’apprentissage
Black et William (1998) avancent l’idée que pour que l’évaluation formative soit efficace, l’école devrait former les élèves à l’autoévaluation. Cela leur permettrait de comprendre les principaux objectifs de leur apprentissage et, par conséquent, ce qu’ils doivent faire pour y parvenir.
Un renouveau de la relation didactique
Margolinas (1993) pointe un aspect de la relation didactique important pour ce travail. En effet, l’auteur souligne que cette relation est caractérisée par « la position dûe à la position au savoir ». Cela veut dire que dans une relation didactique, quelqu’un possède le savoir (l’enseignant) et quelqu’un doit l’acquérir (l’élève). L’auteur précise aussi que l’élève est en situation d’apprentissage et donc peut faire des erreurs. Ces erreurs peuvent être identifiées lors de la phase de conclusion. C’est le moment où l’élève « accède à une information sur la validité de son travail ». La phase de conclusion peut être amenée en classe de manière totalement différente. Margolinas (1993) propose deux situations didactiques différentes que l‘enseignant peut mettre en place pour exercer sa responsabilité lors de la phase de conclusion. Il faut rappeler que l’enseignant « est responsable du Vrai » dans sa classe. En effet, quel que soit la phase de conclusion choisie, ce dernier a nécessairement un droit de regard sur le travail de l’élève, mais cela n’implique pas forcément une action directe.
◈ La phase de conclusion peut être une phase d’évaluation. C’est un jugement sans appel de l’enseignant et l’élève n’est pas sollicité pour avoir une quelconque réflexion sur la validité de son travail. C’est la situation la plus classique d’après l’auteur.
◈ La phase de conclusion peut être une phase de validation. L’élève décide luimême de la validité de son travail. L’auteur précise toutefois que la situation doit avoir été pensée plus en amont pour laisser une latitude plus grande aux élèves dans leur réflexion et la validation de leur propre travail. Il faut que l’enseignant cesse d’être le juge tout en étant toujours responsable. L’élève est alors totalement responsable de la totalité de ses actions. On parle de dévolution grâce à la mise en place d’une situation a-didactique .
Brousseau avance l’idée que dans certaines situations réfléchies et pensées par l’enseignant, les modalités peuvent permettre à l’élève d’être véritablement acteur de ses apprentissages. Ces différentes situations peuvent être notre support théorique pour mettre en place notre processus d’auto évaluation. Nous cherchons à nous placer dans la phase de validation évoquée par Margolinas (1993). La finalité de cette pratique est d’améliorer les apprentissages par l’auto évaluation. Le Ministère de l’éducation de l’Ontario (2007) souligne que « l’une des formes d’évaluation qui a fait la preuve de son efficacité pour améliorer le rendement des élèves de façon significative est l’autoévaluation des élèves ».
L’auto-évaluation
Les formes d’évaluation
Pillonel et Rouiller (2001) notent que l’enseignant doit accorder une part suffisante de liberté aux élèves afin qu’ils puissent développer un regard critique sur eux-mêmes. Bélair (1999) souligne que les pratiques permettant à l’élève d’être davantage impliqué et de manière active mènent à une diminution progressive « des formes classiques d’hétéro-évaluation assurées par l’enseignant au profit de modalités d’auto-évaluation assumées par l’apprenant. » .
Régnier (2000) a mis en évidence trois formes d’évaluation impliquant soimême et les autres. Les trois formes sont complémentaires car elles ne peuvent en rien être dissociables. Nous retrouvons l’idée d’hétéro-évaluation mais avec un sens plus large que celui évoqué par Belair (1999). En effet, il y a une dimension de réflexion et de retour sur soi, une conscientisation critique.
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Table des matières
Introduction
Partie 1. Revue de littérature
1. L’évolution de l’évaluation
1.1. Les instructions officielles
1.2. Les prémices d’une évaluation impliquant l’élève
2. Vers l’auto-évaluation comme processus d’apprentissage
2.1- Un renouveau de la relation didactique
2.2- L’auto-évaluation
Partie 2 – Expérimentations en classe
1- L’évaluation formative
1.1 – Vérification avec papier calque
1.2- La co-évaluation
1.3 Vers une auto-évaluation nécessitant une conscientisation des apprentissages
1.4- L’auto évaluation instrumentale sur le cercle
2- L’évaluation sommative
3- Vers l’utilisation du portfolio comme pratique auto-évaluative
3.1- Définition
3.2- Conception du portfolio et analyse des outils
3.3- Vers une conscientisation des apprentissages
Conclusion
Bibliographie
Annexes