GENERALITES SUR LA SCHIZOPHRENIE
Définition
Selon Thibaut et Baylé, le terme de « schizophrénie », introduit par Bleuler en 1911, désigne un ensemble, probablement hétérogène, d’affections aboutissant à une désorganisation profonde de la personnalité (Thibaut, Bayle 2004). La schizophrénie est une psychose, dont le début survient généralement chez les sujets jeunes entre 15 et 35 ans. Elle se caractérise par la présence d’une dissociation (intellectuelle, affective et comportementale), d’hallucinations et de délire. Il en résulte des troubles du comportement importants (bizarrerie et inadaptation du sujet atteint), à l’origine d’un dysfonctionnement social (Pontonnier, Jalenques 2008). Son évolution chronique se fait souvent de façon inéluctable vers une dissociation progressive de la personnalité des sujets atteints, entraînant ainsi un retentissement social et professionnel péjoratif.
Historique
Eugène Bleuler fut le premier à introduire le terme de schizophrénie en 1911. Celui-ci venait remplacer la « démence précoce » de Kraepelin [1856-1914] qui désignait auparavant cette pathologie. Pour rappel, la « démence précoce » se rapportait plus à la survenue d’un tableau clinique rapidement évolutif vers la démence, qui survenait chez le sujet jeune. Le terme schizophrénie provient de deux racines grecques : schizo (séparé) et phrên (esprit) dont le caractère essentiel est une dissociation progressive de la personnalité, avec comme corolaire une rupture du contact avec l’ambiance, une inadaptation progressive au milieu (Postel 1993).
Kurt Schneider [1887-1967], a apporté une innovation majeure dans l’histoire de la schizophrénie. Pour ce dernier, la marque clinique des schizophrénies résidait dans une forme particulière de symptômes psychotiques dits « symptômes de premier rang » (Horassius-Jarrier 2008). Selon Schneider, les symptômes de premier ordre sont des hallucinations auditives ou des expériences d’influence (De Clercq, Peuskens 2000).
Etiopathogénie
L’étiopathogénie de la schizophrénie est multifactorielle.
Les facteurs génétiques et environnementaux
La génétique a connu ces dernières années des avancées notables dans la recherche précise des causes de la schizophrénie. Certaines suggéraient que, l’hypothèse la plus probable est que des individus, porteurs d’une vulnérabilité génétique, développent une schizophrénie en fonction de l’effet délétère de l’environnement (Guillou, D’Anjou 2006). Certaines études suggèrent également, qu’un âge plus avancé du père au moment de la conception pourrait être impliqué dans la survenue de novo de schizophrénie. L’hypothèse d’hérédité dans la schizophrénie a également été mise en exergue ; le risque pour un enfant de développer une schizophrénie, serait de 46 % si les deux parents sont schizophrènes [Demily, Thibaut 2008 ; Vilain et al 2013]. D’autres études par contre, établissent clairement le risque entre consommation de cannabis et le développement ultérieur du risque de contracter la schizophrénie. Le cannabis représente la drogue la plus utilisée dans le monde, en augmentation significative en Europe ces 20 dernières années, avec un taux de 40 % de personnes jeunes ayant consommé au moins une fois du cannabis (Vilain et al 2013).
Les facteurs psychosociaux
Les facteurs psychosociaux à savoir l’industrialisation massive, l’acculturation et le changement rapide de nos sociétés sont pointées du doigt (Rafrari et al 2009). Selon certains auteurs, la schizophrénie est corrélée à un milieu social défavorisé. Il est ressorti de certains travaux que, des sujets résidant en zone urbaine et présentant une histoire familiale de schizophrénie, auraient un risque important (20 fois plus qu’en population générale) de développer la maladie (Rafrari et al 2009). Plusieurs théories familiales ont également vu le jour. Dans un article publié en 1948, Fromm Reichmann (Fromm-Reichmann 1948) avance, timidement, le concept de «mère schizophrénogène » pour qualifier les mères de patients atteints de schizophrénie. La «mère schizophrénogène» est décrite comme dominatrice, rigide, froide, sadique, hostile et agressive. Elle n’aimerait pas ses enfants et leur transmettrait l’angoisse. Le père, quant à lui, serait doux, indifférent, passif voire absent. Nous pouvons noter également que, la théorie d’« émotions exprimés » (EE) avait été mise en exergue. Ce concept psychologique, renvoie à la nature et à l’intensité des interactions, entre un patient et les membres de sa famille. On parle de fortes EE si l’environnement présente, de façon verbale ou non verbale, une exagération des tendances à la critique, à l’hostilité et à la surimplication. Cette dernière impliquant : une attitude d’hyper protection, un sacrifice personnel d’un des membres de la famille, une identification au patient, à l’intrusion et au rejet de l’expression d’autrui (Pirson et al 2012).
De même, la théorie du double lien (ou double contrainte) (Bateson, Watzlawick, Weakland) met l’accent sur les perturbations du système de communication à l’intérieur de la famille, ou le sujet est pris dans une série d’injonctions contradictoires qui le bloquent dans une situation intenable, sans lui laisser d’autre échappatoire que des réponses ambigües ou absurdes. La notion de schizophrénie « maladie » s’estompe alors au profit de la notion de symptômes pathologiques, modes d’expression et de réponse du sujet pris dans un système de communication paradoxale, dont la mère serait le principal inducteur. (Menguene 2011) .
Les facteurs anatomiques
De nombreuses études ont contribué à l’éclairage des hypothèses relatives à des altérations neurologiques favorisant la schizophrénie. Des altérations structurales du cerveau touchant les lobes frontaux et la diminution du nombre de neurones a été retrouvée (Erb, Franck 2009). Les anomalies structurales les plus régulièrement observées sont un élargissement des ventricules cérébraux et une réduction du volume cérébral total (entre 2 et 3 %). Des diminutions du volume de l’hippocampe, du thalamus et des lobes frontaux sont assez constamment signalées dans la schizophrénie également (Hirayasu and al 1999). Des études, tendant à démontrer la survenue de la schizophrénie chez des sujets aux antécédents de complications obstétricales ont aussi été tentées. Néanmoins, elles se heurtent aux mécanismes complexes survenant lors de l’accouchement. Parmi ces mécanismes, les plus fréquemment supposés sont l’hypoxie (commune à plusieurs des complications citées) et les réactions immunitaires. La voie finale serait, dans tous les cas, une altération du développement cérébral pouvant être à l’origine d’une augmentation de la vulnérabilité à la schizophrénie (Vilain et al 2013).
Les facteurs infectieux
Les hypothèses mettant en cause un processus infectieux à la schizophrénie ont aussi été citées. En effet, des études ont montré de fortes présomptions associant, l’exposition durant la grossesse au virus influenza à la survenue de la schizophrénie (Rouillon 2008). D’autres études par contre, auraient émis l’idée que la toxoplasmose serait une cause probable de la schizophrénie. Quelques études récentes suggèrent que deux types de cytokines (marqueurs de la réaction inflammatoire), IL-8 et TNF-, dans le sérum maternel, en deuxième partie de grossesse augmentent le risque de survenue ultérieure de schizophrénie chez les enfants (Fond et al 2013).
EPIDEMIOLOGIE
L’incidence mondiale de la schizophrénie serait estimée à environ 1% de la population (Horassius-Jarrie 2008). En effet, 1% des adultes sont touchées par cette maladie. Les taux d’incidence varient entre 0,10 et 0,70 pour mille avec une valeur médiane pour l’Europe de 0,20 pour mille en population générale. Elle débute chez l’adulte jeune, de sexe masculin entre 15 et 25 ans. En France, la schizophrénie touche environ trois cent mille (300 000) personnes chaque année (Rouillon 2008). Le continent africain n’est pas en reste. Une étude faite au Burkina Faso sur la schizophrénie en 2003, avait trouvé un âge de début entre 20 et 29 ans chez les adultes jeunes, de sexe masculin avec une moyenne d’âge de 32,007 ans (Karfo 2003). Au Sénégal, l’âge de survenue était compris entre 25 et 29 ans, avec une prédominance masculine (Diémé 2006).
La prévalence masculine est constatée pratiquement partout. La schizophrénie est aussi associée à une grande morbimortalité. En effet, l’école de Santé publique d’Harvard, la Banque mondiale et l’OMS l’ont classé parmi les cinq sur une liste de dix pathologies qui entrainent la plus forte morbimortalite chez les 15–44 ans []…. Ce sont: la dépression, l’alcoolisme, les troubles autoagressifs dont le suicide, la schizophrénie et les troubles bipolaires [OMS 2001 ; Franck 2009]. La mortalité est surtout corrélée, à la consommation de substances toxiques telles que le cannabis et l’alcool. Selon Rouillon, le trouble schizophrénique est une cause de mortalité prématurée, principalement par le fait des comorbidités addictives (alcool, tabac et drogues) qui concernent respectivement 50, 80 et 30 % des schizophrènes. (Rouillon 2008) Selon l’étude sur la charge mondiale de morbidité, la schizophrénie est responsable de 1,1 % du nombre total d’AVCI et de 2,8 % des AVI. Son coût économique pour la société est, lui aussi, important. Aux Etats-Unis d’Amérique, le coût direct de la schizophrénie a été estimé pour l’année 1991 à 19 milliards de $ US et la perte de productivité à 46 milliards de $ US (Charrier et al 2013).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I- Généralités sur la schizophrénie
I-1-Définition
I-2-Historique
I-3-Etiopathogénie
I-3-1-Les facteurs génétiques et environnementaux
I-3-2-Les facteurs psychosociaux
I-3-3-Les facteurs anatomiques
I-3-4-Les facteurs infectieux
II-EPIDEMIOLOGIE
III-CLINIQUE
III-1-Type de description : Schizophrénie paranoïde su sujet jeune
III-1-1-Le syndrome dissociatif
III-1-2-Le délire paranoïde
III-1-3-L’autisme schizophrénique
III-2-Les formes cliniques
III-2-1-Formes de début
III-2-1-1-Formes à début insidieux
III-2-1-2-Formes à début brutal
III-2-1-3-Les formes symptomatiques
III-3-Le diagnostic positif
III-3-1-Les classifications internationales
III-4-Diagnostic différentiel
III-4-1-Des formes de début
III-4-2-Les autres affections psychiatriques
III-4-3-Les pathologies organiques
IV-LA PRISE EN CHARGE
IV-1-Les buts
IV-2-Les moyens et les indications
IV-2-1-L’hospitalisation
IV-2-2-Le traitement pharmacologique
IV-2-3-Le traitement non pharmacologique
IV-3-Evolution-Pronostic
DEUXIEME PARTIE
I-METHODOLOGIE
I-1-Le cadre de l’étude
I-1-1-Localisation
I-1-2-Historique, présentation et description des lieux
I-1-3-Le personnel
I-1-4-Le fonctionnement du CPEBZ
I-2-Le type et la période de l’étude
I-3-La population d’étude
I-3-1-Critères d’inclusion
I-3-2-Critères d’exclusion
I-4-Collecte des données
I-4-1-Instruments de collecte des données
I-4-2-Déroulement de la collecte
I-5-Analyse des données
I-6-Les difficultés et les limites d’étude
I-6-1-Difficultés rencontrées
I-6-2-Limites de l’étude
II-RESULTATS
II-1-RESULTATS GLOBAUX
II-2-LES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES SCHIZOPHRENES
II-2-1-Répartition des schizophrènes selon l’âge (tranche d’âge de 5 ans)
II-2-2-Fréquence de la schizophrénie
II-2-3-Répartition des schizophrènes selon le sexe
II-2-4-Répartition des schizophrènes selon le niveau d’études
II-2-5-Répartition des schizophrènes selon la profession
II-2-6-Répartition des schizophrènes selon la résidence
II-2-7-Répartition des schizophrènes selon le statut matrimonial
II-2-8-Antécédents familiaux de troubles psychiatriques
II-3-LES ASPECTS CLINIQUES
II-3-1-Les motifs de consultation
II-3-2-Durée moyenne d’évolution des troubles avant la première consultation
II-3-3-Les formes de schizophrénie
II-3-4-Forme de schizophrénie en fonction du sexe
II-3-5-Notion de consommation de substances psychoactives
II-4-LES ASPECTS THERAPEUTIQUES
II-4-1-L’itinéraire thérapeutique
II-4-2-Les molécules utilisées
II-4-3-Mode de prescription des neuroleptiques
II-4-4-Observance du traitement
DISCUSSION
III-1-LES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES SCHIZOPHRENES
III-1-1-L’âge et le sexe
III-1-2-La fréquence hospitalière
III-1-3-Le niveau d’études et la profession
III-1-4-Le statut matrimonial des patients
III-1-5-La résidence des patients
III-1-6-Antécédents familiaux de troubles psychiatriques
III-2-LES CARACTRISTIQUES CLINIQUES
III-2-1-Les motifs de consultation et la durée moyenne d’évolution des troubles
III-2-2-Les formes cliniques de schizophrénie et le sexe
III-2-3-Notion de prise de substances psychoactives
III-3-LES CARACTERISTIQUES THERAPEUTIQUES
III-3-1-Itinéraire thérapeutique
III-3-2-Les molécules utilisées et le mode de prescription
III-3-3-Observance du traitement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES