Les troubles du spectre autistique (TSA) ou troubles envahissants du développement (TED) sont des troubles neuro-développementaux qui se caractérisent cliniquement par des altérations qualitatives de la communication et des interactions sociales et par des comportements ainsi que des intérêts restreints et répétitifs.
Le diagnostic précoce de TED/TSA est à la fois un enjeu de santé publique en réponse à une exigence des enfants et de leurs familles, mais aussi un défi complexe pour les professionnels de santé concernés. Pour les familles, le diagnostic précoce permet d’identifier le trouble et éventuellement des comorbidités, de comprendre les différences de leur enfant, et dans la continuité d’engager une intervention précoce adaptée à la spécificité des troubles. Cependant, le jeune âge des enfants, les signes qui peuvent être impliqués dans des tableaux cliniques différents et la complexité dans la pratique des outils diagnostiques recommandés sont souvent évoqués par les professionnels de santé comme des limites.
Sémiologie et critères diagnostiques
Evolution et description des différentes classifications
La première description clinique de l’autisme date de 1943 où, dans son article princeps, Léo Kanner (2) regroupe les cas cliniques de onze enfants présentant : un isolement et des difficultés à développer des liens affectifs, le besoin d’immuabilité, un retard ou une absence de langage, un langage lorsqu’il est présent non fonctionnel et non communicatif, une manière stéréotypée et répétitive de jouer, un potentiel cognitif avec des compétences mnésiques et spatiales.
Le terme « d’autisme » emprunté à Bleuler qui l’avait utilisé dans la schizophrénie pour désigner un repli sur soi-même, fut d’abord repris par Léo Kanner dans l’article intitulé « Autistic Disturbance of Affective Contact »(2), puis par le système de classification américain des maladies mentales en 1968 (Diagnostic and statistical manual for mental disorders, DSM II). En 2017, les critères sémiologiques déterminés par Léo Kanner restent d’actualité. Les différents travaux menés depuis ont élargi nos connaissances, reconnaissant l’autisme comme un trouble complexe, aux formes multiples avec des degrés de sévérité variables pouvant donner lieu à des tableaux cliniques différents.
Actuellement en France, les diagnostics de Troubles Envahissants du Développement (TED) et/ou de Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA) sont régulièrement utilisés. Ces terminologies diagnostiques renvoient à deux systèmes de classification différents :
– La Classification Internationale des Maladies (CIM).
– Le Manuel Diagnostic des Troubles Mentaux ou Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders (DSM).
Ces classifications donnent une définition des TED/TSA, en décrivant les comportements observables, et en proposant des critères diagnostiques bien définis: présence d’un nombre de symptômes supérieur à un certain seuil et ce, dans plusieurs domaines distincts.
En France, les professionnels de santé doivent se référer à la CIM 10.
La Classification Internationale des Maladies (CIM 10), publiée par l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) en 1993 utilise la terminologie de « Troubles Envahissants de Développement ». Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1980 dans la troisième édition du DSM, puis repris par le DSM 4 et la CIM 10 (Tableau 1). Cette terminologie est venue remplacer celle de « psychose spécifique de l’enfance », avec la volonté de caractériser l’autisme en le différenciant des psychoses. Elle se réfère à l’idée que les troubles comportementaux « envahissent » tous les champs de la vie des enfants atteints. De plus, elle fait référence à la manifestation précoce des signes cliniques qui révèlent des perturbations des fonctions en cours de développement, et ceci dans plusieurs domaines. La CIM 10 utilise un système catégoriel, et différencie six catégories différentes de TED .
Le DSM dans sa cinquième version (2013) (Cf. annexe 2) a abandonné la terminologie de TED du DSM IV, pour celle de « Troubles du Spectre de l’Autisme ». La classification américaine propose désormais un système dimensionnel dans lequel un même trouble peut avoir plusieurs profils développementaux et des manifestations plus ou moins sévères, intégrant ainsi la notion de continuum. La description clinique a été modifiée, regroupant trouble des interactions sociales réciproques et trouble de la communication.
Tableau clinique de l’autisme
Les TSA ou TED, se caractérisent par des anomalies qualitatives de la communication et des interactions sociales réciproques associées à des intérêts et des comportements restreints et/ou stéréotypés. Ces anomalies représentent une triade clinique dans la CIM10. Toutefois, les recherches actuelles tendent à regrouper les anomalies des interactions sociales réciproques et de la communication en un même facteur, et le DSM V aborde les troubles du spectre autistique comme une dyade clinique. La CIM 11 devrait être éditée dans peu temps, et prendre en compte ces nouvelles données scientifiques.
Troubles des interactions sociales réciproques et de la communication
Concernant la communication, les anomalies qualitatives touchent à la fois la communication verbale et non verbale, sur leurs versants expressif et réceptif. Un retard ou absence de développement du langage parlé est fréquemment retrouvé. Lorsque le langage est présent, celui-ci peut présenter des atypies : prosodie particulière, inversion pronominale, stéréotypies, utilisation idiosyncrasique. La communication non verbale est aussi perturbée avec des difficultés pour exprimer et comprendre les émotions et les affects, comme l’absence ou la rareté des sourires réponses, l’absence ou la pauvreté de l’attention conjointe, l’absence, la pauvreté ou l’exagération des mimiques faciales, l’absence ou la pauvreté des gestes conventionnels. Le contact oculaire est lui aussi de qualité variable. Dès le plus jeune âge, il peut exister une absence ou pauvreté de l’utilisation du pointage distal ou proximal, en particulier du pointage proto-déclaratif . Il existe aussi des anomalies qualitatives de jeu : le jeu fonctionnel, puis le jeu symbolique peuvent être absents, ou peu présents. Du fait d’un manque de réciprocité sociale, le jeu collectif avec les pairs peut être absent, les offres spontanées de réconfort ou de partage sont rares. On retrouve aussi des difficultés de compréhension des conventions sociales, aboutissant à une maladresse sociale et à un isolement relationnel.
Caractère restreint et répétitif des comportements
Les enfants présentant un TED/TSA peuvent avoir des stéréotypies verbales et des stéréotypies motrices comme des flappings, des mouvements complexes du corps, des maniérismes des mains et des doigts ou des balancements. Ces enfants peuvent utiliser les objets de manière répétitive, de même les activités et les jeux sont souvent répétés à l’identique. L’écholalie immédiate ou différée c’est-à-dire la reproduction de mots ou phrases entendus est souvent observée, cela allant de la répétition d’un mot simple reproduit immédiatement à la production de phrases entendues dans un dessin animé par exemple. L’adhésion inflexible à des routines et une intolérance au changement peuvent aussi faire partie du tableau. Certains enfants ne pourront déroger à un emploi du temps ou à un trajet. Des rituels peuvent être présents tant sur le plan des routines que sur le plan verbal. Dans ce contexte les changements sont difficiles, les enfants TED/TSA recherchent la prévisibilité et donc la répétition. Les intérêts sont restreints et fixes, ils diffèrent soit dans leur intensité, soit dans leur but : on peut noter un attachement ou une fixation à des objets ou parties d’objets comme les roues des voitures. Les enfants présentant un TED/TSA et en l’absence de retard de langage auront tendance à évoquer de manière envahissante leur sujet de prédilection. 351 On repère aussi des particularités sensorielles tels que l’hypo ou hyper réactivité à certaines stimulations sensorielles. Une hypo-réactivité pourra entraîner une difficulté à ressentir la douleur ou à être réceptif à certains bruits, à l’inverse une hypersensibilité pourra rendre ces personnes très sensibles au bruit même très faible ou au toucher corporel. D’autre part, une même personne peut être à la fois hypo ou l’hyper réactive, ceci en fonction des stimuli et des sens sollicités. Enfin, il y a un intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l’environnement, comme une attirance pour les lumières vives, pour les reflets, pour des types de textures ou encore le mouvement rotatoire.
Les troubles associés
Associés à la dyade clinique, on retrouve fréquemment des troubles somatiques et psychiatriques, marquant encore plus la diversité des tableaux cliniques. De manière non exhaustive, sur le plan somatique, on peut citer : les troubles du sommeil, les troubles alimentaires et digestifs, les troubles moteurs, l’épilepsie, des encéphalites, ou bien encore des syndromes génétiques comme l’X fragile ou la sclérose tubéreuse de Bourneville. Sur le plan psychiatrique, la déficience intellectuelle est une des comorbidités fréquente avec une prévalence de 40 à 70 %(3). C’est à la fois une comorbidité et un diagnostic différentiel. On peut aussi observer des troubles anxieux généralisés, des troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité…
Le dépistage des troubles autistiques en France
Sur le plan international, chaque pays mène une politique de santé qui lui est propre. Aux Etats-Unis, le dépistage des troubles autistiques est systématique pour l’ensemble des enfants. En effet, dans des recommandations publiées en 2007, l’American Academie of Pediatrics préconise un dépistage lors des visites de routine du 18ème mois et du 24ème ou 30ème mois, en interrogeant les parents, et en utilisant la M-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers). En France, le troisième plan autisme (2013-2017) met l’accent sur l’importance de développer le diagnostic et l’intervention précoce sur notre territoire national. Le plan autisme propose le déploiement d’un réseau de repérage et de diagnostic sur trois niveaux. Le premier niveau est le réseau d’alerte avec le repérage des troubles par les professionnels de la petite enfance, les médecins libéraux, les membres de la communauté éducative notamment l’éducation nationale, les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et les services de Protection Maternelle et Infantile (PMI).
Le deuxième niveau est un réseau de diagnostic « simple », constitué d’équipes hospitalières pluridisciplinaires de première ligne : services de pédiatrie, pédopsychiatrie, CAMSP, centres médico-psychologiques (CMP). Le troisième niveau est un réseau de diagnostic « complexe » par région s’appuyant sur les Centres de Ressources Autisme et les équipes hospitalières expertes en CHU. Le dépistage français n’est pas organisé de manière systématique : le dépistage est engagé uniquement si un risque est identifié, ou si une inquiétude est soulevée par la famille ou les professionnels de santé. Ce dépistage, considéré d’avantage comme un repérage de signes d’alerte devant mener à un avis spécialisé rapide, est réalisé par les professionnels dits de première ligne à savoir les pédiatres, les médecins généralistes et les professionnels de la petite enfance. Il peut se faire lors des consultations obligatoires du 9ème et 24ème mois, en utilisant le carnet de santé, qui présente, pour chacune d’entre elles, un canevas précis d’examen du développement (pointage, réponse à l’appel du prénom, déplacement, production de mots …). Cet outil français permet de centraliser les informations médicales nécessaires au suivi de l’enfant de sa naissance à ses dix-huit ans. A l’heure actuelle, aucun outil n’est validé en France pour le dépistage systématique des troubles du spectre autistique. Néanmoins, les recommandations de la HAS de 2005 préconisent l’utilisation de la M-CHAT et du CHAT. Des études régionales sur le dépistage systématique et l’utilisation de la M-CHAT sont en cours.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 L’autisme chez le jeune enfant : dépistage et diagnostic précoce
1. Sémiologie et critères diagnostiques
2. Le dépistage des troubles autistiques en France
3. Le diagnostic précoce
Chapitre 2 Les interventions précoces, intensives et globales auprès des jeunes enfants autistes
1. Les différentes interventions précoces, intensives et globales
2. Les données de la littérature concernant les interventions intensives, précoces et globales
3. Les recommandations officielles françaises
Chapitre 3 Revue de la littérature : Impact d’une intervention ESDM auprès des jeunes enfants présentant un trouble du spectre autistique
1. Objectif
2. Matériel et méthode
3. Résultats
4. Discussion
Chapitre 4 Etude de la prise en charge précoce selon « Early Start Denver Model » au CRA PACA : discussion autour de cas cliniques
1. Maud
2. Antoine
Conclusion
Bibliographie
Annexes