L’AU-DELÀ EN ÉGYPTE ANCIENNE ET DANS LE CHRISTIANISME

L’homme face à la mort

   Sans doute la théologie de la fin de l’existence terrestre est au centre de la religion égypto-chrétienne. Mais, c’est sûrement le pays des pharaons qui a légué une vaste collection de textes funéraires se montrant le plus spectaculaire. En effet, si l’on prend en compte la quantité des tombes, leurs somptueuses décorations, les magnifiques incantations obituaires, le souci de sépulture hantant le peuple, la parfaite technique de momification, la richesse de l’équipement funéraire, il semble patent « que les Égyptiens ont consacré aux problèmes d’outre-tombe plus d’effort et plus d’attention qu’aucun autre peuple de l’antiquité. »201 Le Judaïsme a été imprécis et n’a fourni qu’une réponse très équivoque. Suivant la croyance égypto-chrétienne l’homme entier créé à l’image et à la ressemblance de Dieu est composé de plusieurs éléments anthropologiques : une matière mortelle et corruptible appelée khet, le « corps » habité de nombreux principes spirituels dont les principaux sont métaphoriquement figurés et désignés par les vocables akh, « esprit transfiguré », ba, « âme », ka « esprit », « essence » (Égypte) et âme (Christianisme). La fin de l’existence terrestre est donc définie comme un divorce parfait entre la chair putrescible et les principes spirituels, immatériels c’est-à-dire une cessation d’interférence, de fonctionnement de l’ensemble des éléments vitaux constituants l’être entier.204 C’est la destruction inévitable et certaine de l’homme, un événement biologiquement naturel, le passage obligatoire que partagent tous les êtres vivants. Le sage Qohélet l’avait déjà professé dans ce passage où il dit « le sort de l’homme et de la bête sont un sort identique… [Tous] retournent à la poussière ».205 Mourir est donc une loi naturelle : « des générations viennent et d’autres les remplacent », chante le poète Égyptien, Antef. C’est en ce sens que Heidegger définit l’homme comme « l’être-pour-la-mort ». Une vie toute nouvelle dans la sphère paradisiaque ne sera possible qu’à la réunion de tous les éléments vitaux de la personne humaine. Se pose alors la question capitale de savoir comment la mort est-elle entrée dans le monde ? La réponse fabuleuse et hypothétique donnée par la Sainte Écriture paraît vraisemblablement historique même si elle n’est qu’une vérité de foi. Bien qu’il possédât une nature mortelle, le premier couple humain n’était pas destiné au préalable à mourir, théologise le Magistère de l’Église. Yahvé, l’Éternel avait insufflé dans l’homme un principe divin et immortel tout en lui interdisant de manger des fruits du mystérieux arbre de la reconnaissance du bien et du mal, l’arbre de la mort et précise : « le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Genèse 2, 17). L’homme et/ou sa femme aveuglé(s) par le diable, la voix séductrice, l’instigateur au mal, transgresse(nt) l’ordre du divin créateur, ainsi la sentence fut proclamée : « tu es glaise et tu retourneras à la glaise » (Genèse 3, 19). Subséquemment, l’homme fut soumis à l’harnachement du trépas. La mort est ainsi donc appréhendée comme une sanction atavique à la désobéissance d’Adam. Cependant qu’en est-il de l’Égypte ? Là, il n’y a pas de notion de péché originel nous apprend l’érudit Cheikh Anta Diop, car, s’explique-t-il, « le mal est introduit par les hommes et non par les femmes ». Et André Lama plus consistant spécifie que « nulle part, on ne trouve le dogme d’une malédiction ancestrale ou d’un châtiment éternel pour une faute transmise par l’hérédité. C’est aux seuls Juifs qu’il faut attribuer l’idée que la mort serait la sanction héréditaire de la faute d’un hypothétique premier couple. » Toutefois, les données chimériques rapportées par Plutarque permettent d’élucider la théologie égyptienne de l’inéluctable en la comparant au mythe d’Adam. Il appert étrangement de la mythologie osirienne que la transgression à la loi de Maât du premier couple égyptien serait aussi à l’origine du drame de l’humanité. En effet, la légende rapporte qu’Osiris, à l’absence de son frère Seth, aurait entrepris une relation amoureuse avec Nephtys l’épouse de ce dernier, sa jumelle qu’il convoitait en secret. De cette union volage naquit Anubis, le dieu chacal. Ainsi, l’auteur va sans dire que le couple primordial jumeau commettait par-delà le premier péché, l’adultère, l’abomination des dieux, l’une des causes de la mort d’Osiris. En conséquence, Seth qui était jaloux de son aîné, découvrit sa mauvaise action et l’abattit. La mort entra alors dans l’histoire pharaonique en raison de l’infidélité d’Osiris. Certains commentateurs ont raison de voir dans le péché originel d’Adam un péché sexuel comme celui d’Osiris. Aussi, même si nous nous limitons à la version égyptienne des Textes des sarcophages, nous verrons que l’égoïsme de Seth semble être la cause de la ruine incessante de l’humanité. Cependant, nous ne saurions affirmer si le couple primordial pharaonique a été créé immortel à l’exemple d’Adam et Ève comme le prétend l’autorité doctrinale de l’Église. Pourtant, un verset du Chapitre 175 du Livre des morts le laisse supposer. En effet, dans ce paragraphe, il est notifié que le dieu créateur Atoum, devant l’infamie des humains ne sachant plus comment les contrôler, consulta le dieu sagesse Thot, lui demandant la sentence qu’il devrait infliger aux enfants de Nout, qui se sont rebellés, car « ils ont fomenté la guerre, suscité des querelles, causé du désordre,… [et] massacré… tout ce que [le démiurge] a crée » ; ainsi ce dernier lui conseilla ‟ d’écourter leurs années, de retrancher leurs mois ”, c’est-à-dire d’abréger leur existence par l’introduction du principe de mort. D’après ce texte, l’Égyptien n’était pas dès lors, comme le Chrétien, prédestiné à mourir. Aussi, dans les Textes des pyramides, il y est formellement affirmé que la mort est une œuvre de la divinité comme toute autre réalité terrestre. Elle n’est alors ni préexistante, ni concomitante à la vie ; il y a une période où elle n’existait pas et une époque où elle fut créée. C’est ce qui ressort de cette formulation au demeurant exceptionnelle : « … alors que le ciel n’existait pas encore, ni la terre, ni les hommes, alors que les dieux n’avaient pas été mis au monde et que la mort n’était pas encore survenue ». Jusqu’alors les hommes n’avaient pas encore connu la mort. Ainsi, son entrée dans le monde pharaonique ne devrait donc pas se réaliser sans raison. À présent, réexaminons concisément l’apologue osirienne, peut être à tort, à la lumière biblique. Sur interprète fantaisiste ou spéculative de la cosmogonie pharaonique, Osiris et Isis seraient l’archétype d’Adam et Ève des religions révélées. D’eux descendrait l’humanité nilotique toute entière. En conséquence, tout Égyptien né serait fils d’Osiris étant donné que le second couple (Seth et Nephtys) était stérile. Partant de là, il est normal, mais sans preuves convaincantes, que tout ce qui arriva au seigneur d’Abydos se perpétue sur sa descendance : le malheur se rependit dès lors sur l’Égypte. La destinée du père Osiris devrait alors être identique à celle de ses fils ; c’est pourquoi même après la résurrection, l’Égyptien continue d’être un Osiris tel pour vivre dans l’au-delà. Voilà une toute nouvelle lecture toute stimulante qui mériterait une attention particulière. Car, nous constatons qu’en Égyptologie, les ouvrages sur la mort sont innombrables, mais rares, s’il en existe même, sont ceux qui se soucient de l’origine de ce malheur. Nous avons donc jugé nécessaire d’en fournir une audacieuse hypothèse. Il est important de signaler que cet homicide de Seth sus-relaté s’apparente aussi au fratricide commis par Caïn (premier meurtre judéo-chrétien) qui, lui aussi, avait assassiné son frère Abel à cause d’une émulation (Genèse 4, 1-15). Ainsi, il apparaît clairement des deux mythologies religieuses que la mort est la conséquence du péché : l’adultère, la jalousie (Égypte), l’envie et le désir de s’égaler à Dieu (Christianisme). En ce sens Saint Paul explicite que c’est « ‟par un seul homme [que] le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort…” (Romain 5, 12) ‟tous meurent [donc] en Adam [ou en Osiris]” (1Corinthiens 15, 21-22) ». Saint Jean Chrysostome répète quand il écrit que « la corruption et la mort ont été introduites dans le monde par le péché. » En somme, les sources primaires égyptiennes et chrétiennes ont approximativement tenté d’expliquer de la même façon le fléau de l’humanité. Suivant ce raisonnement, la mort apparaît comme le destin universel, la fin normale de la vie terrestre. Fort heureusement celle-ci n’est pas une fatalité, elle est synonyme de survie transformée par Osiris et Jésus qui ont permis aux fidèles de se procurer l’éternité et de bénéficier des avantages post mortem (infra, chapitre IV). Toutefois, malgré cette croyance rassurante, la fin de l’existence terrestre reste une question angoissante qui tourmente naturellement la conscience humaine, accentue l’instinctif effroi d’outre-tombe et provoque évidemment lamentations, pleurs, tristesse traduisant la peur devant la mort. Les « cœurs s’effraient, car ils la [mort] craignent », lisons-nous dans la stèle de Taïmhotep. Cette plainte funèbre trouve ici aussi toute sa pertinence : « la mort, c’est un événement pénible, une source de larmes et de chagrins ; c’est arracher [sic] l’homme à son foyer, pour le jeter sur un tertre du désert… Tu ne remonteras plus sur terre, pour voir les soleils… ». Dans les Textes des sarcophages, l’Égyptien chagriné récrimine amèrement que la mort est ce qu’il abomine… Cette expression funéraire « disparais, ô celle [la mort] qui viens dans les ténèbres, qui entres furtivement… » est aussi révélatrice. Ce refus de la mort, ce trouble spontané devant la suprême énigme n’a évidemment pas épargné le Fils de Dieu. Au soir de sa condamnation, rapporte l’Écriture, le Christ affecté, solitaire et pris d’angoisse par la douloureuse épreuve s’écria humainement : « ‟ Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! ” Entré en agonie, il priait de façon plus insistante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre » (Luc 22, 42-44 ; Marc 14, 34). Le roi Ézéchias de l’Ancien Testament, de même, malgré sa grande foi, pleura amèrement sur sa mort annoncée.223 La peur de l’inéluctable est donc un phénomène involontaire, existentiel. L’Égyptien tout comme le Chrétien d’ailleurs se défend lamentablement contre cette catastrophe parce qu’elle est reconnue mystérieuse et contraire à notre fougue de vie. Force est donc de constater que ces deux religions ne rejettent pas l’angoisse de la mort. Cependant, pour vaincre et/ou surmonter la peur de la mort qui pénètre si profondément le cœur de tout être humain, certaines œuvres littéraires, les chants du harpiste et les messages bibliques, avides d’une vie terrestre sans fin, exhortent tragiquement les vivants à oublier le souci et à suivre les jours heureux. Ce chant du roi Antef retrouvé dans la tombe amarnienne de Pa-Atonemheb et sur un papyrus ramesside exprime cette idée quand il encourage : « […] Sois heureux et n’y [à la mort] pense pas ! Il est bon pour toi de suivre ton cœur tant que tu existes. Mets de la myrrhe sur ta tête, Vets-toi de lin fin, Oins-toi d’huile véritable de culte divin, ajoute à ta beauté, ne laisse pas languir ton cœur ! Suis ton cœur en même temps que ta félicité, fais ce que tu as à faire sur terre, ne tourmente pas ton cœur, jusqu’à ce que vienne à toi ce jour de la plainte funèbre. Celui au cœur las (i. e. Osiris) n’entend pas leurs cris, et les plaintes ne font revenir personne du tombeau. Refrain : Passe un bon jour ! Ne t’en lasse pas ! Songes-y : nul n’emporte avec lui les biens qu’il a acquis, nul ne revient, qui s’en est allé. »224 La même image se trouve dans un autre texte de la Basse Époque inscrit sur la stèle de l’épouse d’un grand-prêtre de Ptah où on lit : « Ô père, mari, parent, prêtre, ne cesse pas de boire, de manger, de vider la coupe du plaisir et de l’amour, et de célébrer des fêtes joyeuses […], Car l’occident est une terre de sommeil et d’obscurité… »  L’écho de ces chants n’est autre que les strophes du livre de l’Ecclésiaste (9, 7-10) et de la Sagesse (2,1-9) psalmodiées à la fête des Tentes pendant laquelle on s’enivrait. Ces deux œuvres bibliques sont pleines d’emprunts égyptiens. « Courte et triste est notre vie ; il n’y a pas de remède lors de la fin de l’homme et on ne connaît personne qui soit revenu de l’Hadès. Nous sommes nés du hasard, après quoi nous serons comme si nous n’avions pas existé. C’est une fumée que le souffle de nos narines, et la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre cœur ; qu’elle s’éteigne, le corps s’en ira en cendre et l’esprit se dispersera comme l’air inconsistant… Venez donc et jouissons des biens présents, usons des créatures avec l’ardeur de la jeunesse. Enivrons-nous donc de vins de prix et de parfums, ne laissons point passer la fleur du printemps. Couronnons-nous de boutons de roses avant qu’ils ne se fanent » (Sagesse 2, 1-9). Et l’Ecclésiaste reste aussi formel lorsqu’il incite : « Va, mange avec joie ton pain et bois de bon cœur ton vin,… En tout temps porte des habits blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. Prends la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de la vie de vanité que Dieu te donne sous le soleil… Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le tant que tu en as la force, Car il n’y a ni œuvre, ni réflexion, ni savoir, ni sagesse dans le Shéol où tu t’en vas » (L’Ecclésiaste 9, 7-10).Ce sont là des gémissements éperdument amers, pessimistes et incitatifs aux plaisirs mondains entonnés au cours des banquets qui recommandent de savourer le temps présent et de profiter des jouissances terrestres. Il faut comprendre que les fêtes, l’ivresse, les femmes, les chants bref les appétences de la chair permettent de se débarrasser ne serait-ce qu’un temps du chagrin métaphysique de l’inéluctable. En ce sens Pascal écrit que « l’homme n’ayant pu supprimer… la mort, s’est avisé que le mieux pour être heureux était de n’y point songer. » Mais, l’apologétique chrétienne met en garde puis contredit qu’on ne peut jamais oublier ni se libérer de la hantise de la mort. En somme, ces intonations « ne font que reconfirmer le mystère impénétrable» de la grande énigme, recadre Eliade Mircea. Ce qui est important ce ne sont pas les possessions passagères. Hélas, l’homme de notre temps est constamment obnubilé par la richesse, le plaisir, la science, le pouvoir… qui ne sont qu’illusoires et temporaires. Heureux ceux qui pratiquent Maât et recherchent le Royaume de Dieu ! Toutefois il serait utile de rappeler que pour l’Ecclésiaste et ses contemporains, il n’y a pas un prolongement de cette vie dans un au-delà. La mort était séparation et interruption de toute continuité de vie dans une autre sphère. Le seul moyen de réconfort était donc le recours aux joies modestes, aux dons de Dieu. Insatisfait, Qohélet constate la fugacité du bonheur tout en soutenant la vanité des choses mondaines. Pour lui, les plaisirs terrestres sont vanités parce qu’ils sont éphémères et absurdes. Cela, le harpiste égyptien l’avait bien compris quand il fulminait que « la durée des actions sur terre est celle d’un rêve ». Un autre chant du harpiste s’indigne contre cette philosophie, cette manière de vivre et de penser, car, rétorque-t-il, le pays d’éternité est une contrée de paix splendide, agréable et enviable « il est vraiment sans frayeur. Il déteste les querelles. Il n’y a personne qui a peur de son compagnon, (dans) ce pays qui n’a pas de rebelle… et (déjà) on dit ‟ bienvenue, salut et santé” à celui qui atteint l’occident ». L’apôtre Paul ne souhaite pas autant que le Chrétien manifeste sa tristesse comme celui qui n’a pas d’espérance (1Thessaloniciens 4-13). Jean quant à lui apaise le mourant de sa vision d’une Jérusalem céleste, la cité des élus dans laquelle la mort et la peine ne seront plus (Apocalypse 21, 1-4), elles seront remplacées par la félicité et l’éternité. Voilà une lueur d’espoir convaincante qui offre une certitude : le Seigneur « fait mourir et fait revivre » (Deutéronome 32, 39). En effet, la mort n’est pas un terme ultime ; elle est en vérité une projection à une nouvelle vie très agréable.

La mort d’Osiris et la crucifixion du Christ

    La légende de la mort d’Osiris qui a évidemment permis d’expliquer rationnellement et de rendre intelligible les énigmes de l’au-delà et la foi relative à la vie post mortem des bordiers du Nil, paraît vraisemblablement historique au vu de l’intensité de son expansion et l’élargissement de sa doctrine au cœur de l’opinion générale. Le récit le plus circonstancié et détaillé des faits du mythe nous est rapporté par Plutarque. Cependant, la plus ancienne variante de sa geste, qui remonterait à l’époque prédynastique, se trouve disséminer dès le troisième millénaire dans les Textes des Pyramides. Voici en effet comment a été reconstruit le mythe : Fils de Geb (dieu-terre) et de Nout (déesse-ciel), Osiris est l’aîné de ses frères et sœurs, Isis, Seth, Nephtys. En effet, le seigneur de Busiris n’est qu’un ancien roi ayant reçu le privilège d’être élevé au rang de divinité tout juste après sa mort. Son histoire pourrait dès lors remonter quelques décennies après la naissance du monde mythique pharaonique, à une époque incalculable, jalousement gardée par les prêtres et les initiés pour ne pas être contée dans les maisons et assemblées. En ce temps-là, la mort n’était pas encore survenue et les hommes vivaient dans une sauvagerie timide sans aucune formation ni invention. Le héros divinisé, doté d’une capacité civilisatrice extrême, peut-être héritée de ses parents, aidé par Isis, Anubis et Thot, entreprit d’enseigner aux humains barbares les techniques de l’agriculture, de la viticulture, de l’artisanat, la maîtrise des eaux du Nil et inculqua la justice et l’équité, le respect des dieux et des lois bref la religion. Il devient alors le vénéré roi d’Égypte, l’aimé des hommes. Malheureusement, son mauvais frère Seth, évincé du trône et jaloux à cause du rayonnement et de la notoriété du bienfaisant Maître, aidé par soixantedouze conjurés, ourdit une intrigue contre son frère pour l’assassiner. Pour ce faire, il organisa par ruse un grand festin, invita traîtreusement Osiris et les autres complices d’où l’on dégusta et trinqua à satiété. Au cours des festivités, Seth présenta en cadeau un magnifique coffret fait intentionnellement à la stature d’Osiris et jura de l’offrir au convive qui le remplirait parfaitement .Chacun essaya, en vain. Osiris s’y place à son tour et aussitôt les factieux rabattirent le sarcophage et l’immergea dans le Nil. Osiris trahi et abandonné meurt étouffé et/ou noyé. Isis, la dévote sœur-épouse d’Osiris et Nephtys, informées, partirent tout d’un temps à la recherche du cadavre qu’elles retrouvèrent échouer à la rive de Byblos, en Phénicie et le ramenèrent en Égypte. Par malheur, le haineux Seth s’empara de nouveau du corps, le dépeça en quatorze morceaux qu’il dispersa dans tout le pays. Derechef, l’infatigable épouse, la dévouée Isis, tout en pleurs, entreprit sans relâche une nouvelle quête et réussit finalement grâce à sa magie à rassembler les différents lambeaux pour reconstituer le corps déchiqueté et le faire revenir à la vie. Avec l’intervention, le concours de tous les dieux alliés, le corps mutilé fut rapiécé et le processus de résurrection entamé. Geb et Nout réadaptèrent le disséqué ; Anubis embauma le cadavre qui constitue la première momie connue ; Thot récita les incantations ; Isis et Nephtys en forme d’oiselles au-dessus du corps inanimé d’Osiris donnèrent le souffle vital ; Horus le réanima et Rê l’appela à la vie. Le bon maître s’éveilla, il est ressuscité ! Ses compères entonnèrent le cantique qui suit : « Osiris ! Tu es parti, mais tu es revenu ; tu t’endormis, mais tu as été réveillé : tu mourus, mais tu vis de nouveau ». Cependant, comme auparavant souverain terrestre, Osiris devient roi du monde souterrain, juge suprême assis en gloire sur le trône de Rê présidant au tribunal divin. Et… Jésus ? Le récit de la crucifixion ou plus exactement de la passion du Christ se trouve relater dans les évangiles, rédigés entre 65 et 90, qui se sont basés « sur une tradition orale longtemps véhiculée et […] sur la collecte de sentences ou de récits aujourd’hui perdus »279. Ce n’est pas là une reconstruction de faits historiques comme si l’on croyait à obéir aux règles de l’historien moderne c’est-à-dire parvenir à la rationalisation des faits, à l’exactitude des événements ; ce poserait alors la valeur historique, la cohérence logique et la fiabilité rationnelle des récits évangéliques. Mais, comme le précise Jean-Yves Lacoste, ce sont là d’authentiques témoignages, des sagas religieuses [évidemment à crédit historique] relatées par les disciples de Jésus et destinées uniquement à la prédication, à la méditation, à propager et à nourrir la foi des fidèles.280 Néanmoins, ils nous permettent de restituer vraisemblablement l’histoire de celui qui s’est attribué l’épithète de Fils de Dieu. Né à Bethléem de Judée, selon la tradition apostolique, au temps du roi Hérode, d’une jeune fille nommée Marie, Jésus, dit être l’incarnation du Père, est un juif appartenant à la classe des pauvres (Matthieu 2-1. Luc 2-1,20). Dès son enfance, juste après sa naissance, sous la persécution du roi Hérode qui voulait le faire périr, le nouveau-né avec ses parents, se réfugie en Égypte, terre d’Osiris, son vrai modèle, et y resta jusqu’à la mort du souverain (Matthieu 2, 13-15). À son retour à Israël où il grandit en âge et en sagesse (Luc 2, 52), il entama dans toute la Palestine sa mission de prédication de la Bonne Nouvelle. Il séduit le peuple et reçoit en retour de l’affection grâce aux miracles spectaculaires et aux nouvelles théories enseignées (Matthieu 21, 1-11). Cependant, les Pharisiens, les Saducéens, les scribes et les prêtres ces observateurs stricts de la Loi juive qu’il condamnait parfois à cause de leur différend dans l’interprétation des Écritures et des lourds fardeaux qu’ils imposaient au peuple (Matthieu 23,13-32), s’opposèrent à lui. Ils l’accusèrent de blasphème, d’insoumission à la loi (violation du sabbat (Marc 3, 1-6), et de faux prophétisme (Jean 7, 12, 52), fautes religieuses que la Loi juive punissait « par la peine de mort sous forme de lapidation ».281 Il fut alors condamné à mourir. Le terme passion désignant « l’ensemble des souffrances [subies par le Christ] commence depuis son agonie à Gethsémani et prend fin à sa mort sur la croix et son ensevelissement ».282 L’image tragique de la scène nous est rapportée par chacun des évangélistes et constitue l’élément fondamental de la prédication. Considérant le récit tel qu’il nous est rapporté par la tradition apostolique, Jésus est arrêté par ruse au soir du premier jour de l’immolation de l’agneau pascal, un rite sacré des Juifs (Marc 14 ; Luc 22, 7). Aussitôt après avoir fini de manger et chanter des psaumes, il partit, comme de coutume, accompagné de ses disciples au mont des Oliviers (Marc 14, 26), où il agonisa et pria intensément au Père de le délivrer d’une mort certaine (Matthieu 26, 39, Luc 22, 39-44). À peine finie sa prière, arrivèrent le traître Juda, l’un de ses disciples qui avait conspiré avec les grands prêtres et les chefs de gardes, et une escorte de bourreaux qui le saisirent ; les disciples tentent de résister, Simon-Pierre trancha l’oreille droite du serviteur Malchus (Matthieu, 26, 47-56 ; Jean 18, 1-11) ; mais, Jésus ordonna à l’apôtre de remettre son épée dans son fourreau (Matthieu 26, 52-53) ; à l’instant les disciples s’enfuirent et abandonnèrent le maître. Puis, il fut lié et conduit sitôt chez le grand prêtre ; face au sanhédrin, il est confronté aux témoins qui l’accusent de blasphème ; outragé au cours de la nuit, il est condamné à mourir (Matthieu 26, 57-67). Au matin, il fut livré au procurateur Pilate, l’autorité romaine, qui l’interrogea et ne trouva aucun motif de condamnation en lui (Jean 18, 28-38). Mais, face à la demande et à la pression de la foule qui vociférait « à mort ! À mort ! Crucifie-le ! » (Jean 19,15), Pilate condamna Jésus et gracia l’émeutier Barabbas (Jean 18, 40). Ainsi, le Christ fut alors ligoté, flagellé, outragé, craché et couronné d’épines par les soldats romains (Matthieu 27, 27-31 ; Jean 19, 1-3) ; puis il est conduit au mont Golgotha où il fut crucifié sur croix au milieu de deux bandits (Matthieu 27, 32-38). À la neuvième heure, il poussa un grand crie : « Père, en tes mains je remets mon esprit», puis inclina la tête il expira (Marc 15, 34 ; Luc 23, 46). Un notable juif, Joseph d’Arimathie, et un certain Nicodème prirent le corps, l’enveloppèrent de linceul et le déposèrent dans une sépulture neuve (Matthieu 27, 57-61 ; Jean 19, 38-42). Toute cette scène se passait aux yeux de nombreuses femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée (Matthieu 27, 55). Après trois jour dans le tombeau, le crucifié ressuscita et apparut à ses disciples (Matthieu 28 ; Jean 20) ; Marie Magdala cria victoire : « j’ai vu le Seigneur, Il est ressuscité d’entre les morts, et voilà qu’il vous précède en Galilée » (Matthieu 28, 5-7 ; Jean 20,18). Puis, après quarante jours de manifestation (Actes 1, 3), il s’enleva au ciel et siégea à la droite du Dieu le Père (Marc 16, 19) pour juger le monde à la fin des temps. Maintenant, examinons ces deux récits, le drame osirien et le crucifiement du Christ tout en précisant leurs similitudes et leurs dissemblances théologiques et superficielles.

Résurrection

   L’idée d’une survie au-delà de la mort fut très tôt révélée à l’ancienne Égypte qui s’est crue autoriser dès le Néolithique à enterrer soigneusement ses cadavres d’où la nécessité de les ravitailler de provisions et de mobilier funéraire ; et, dès l’aube de l’histoire, le double pays a inventé une vaste collection d’incantations funéraires, mieux, il a établi habilement et spirituellement d’ailleurs des rites et des usages obituaires. Par contre, dans le Judaïsme cette croyance est tacitement abordée ; il faudra alors attendre la naissance du Christianisme pour voir l’idée se concrétiser plus finement. Cependant, il importe bonnement de comprendre cette doctrine d’immortalité, de l’immuabilité de la personne. La question se pose alors tout naturellement et curieusement d’ailleurs : comment les morts ressuscitent-ils ? Qu’arrive-t-il à la fin de cette vie ici-bas ? La personnalité humaine de son vivant, comme nous l’avons déjà noté, dans son individualité est un tout complexe, un ensemble cohérent d’éléments anthropologiques congruents lui permettant de jouir de toutes ses fonctions utiles pour vivre. Justement, c’est cette image là que l’Égyptien fait de l’homme qui, pour lui, comprend connectés du corps, plusieurs principes spirituels : le nom, le ba, le ka, l’akh, le cœur et l’ombre.315 De ce point de vue, tout comme le Christianisme, la vie est donc définie comme une animation par le souffle vital de l’individualité, de ce qu’on entend par être actif, par organisme animé. Jadis, lorsque le démiurge Rê créa par voie de crachat les premiers êtres, « il plaça ses bras derrière eux, et souffla ainsi son Ka sur eux et ils vécurent ».  En ce sens, dans un spicilège égyptien destiné à magnifier la divinité, nous lisons l’allégation « c’est toi [AmonRê] qui as donné les souffles à tout nez pour vivifier ce qui fut créé de tes deux bras » ; il en est de même dans l’antienne biblique où est explicité « [c’est toi] Yahvé [qui] forma l’homme de la poussière du sol, et souffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Genèse 2, 7). Ce souffle qu’octroie le divin à la naissance, disparaît subitement de la personne, de même que les éléments spirituels, quand surgit l’inéluctable. Alors comment réussir à resurgir dans l’au-delà ? Pour qu’une nouvelle vie soit indubitablement possible il faudra ainsi pouvoir revenir à soi, conserver son intégrité c’est-à-dire parvenir à réintroduire à nouveau dans le corps les principes divins constituant la personne entière.318 En Égypte pharaonique, pour obtenir ce résultat, tout un ensemble de rites fut mis en place dont les plus importants furent la momification rendant incorruptible le corps et certainement l’ouverture de la bouche concédant au mort la faculté de se mouvoir, d’entendre, de parler et de voir, bref de récupérer l’usage des sens ; le cœur, lui, est aussi rendu par Nout qui dira au corps inanimé du défunt ces vocables « je te rends ton cœur de ta mère, je le mets à sa place dans ton corps, en sorte que tu es remis à neuf et rajeuni ».319 La préservation du corps entre autres ou du moins la conservation des morts à la maison pour mieux les honorer, cette coutume de la vieille Égypte fut observée par certaines communautés chrétiennes des premiers siècles, avant d’être condamnée par la Règle de Basile de Césarée dans laquelle il reconnaît que ces baptisés ont repris cette tradition des habitants du pays des pharaons. De ce fait, après la préservation du corps et l’ouverture de la bouche, il ne reste que la réanimation du corps, apte au réveil, qui pourra désormais vivre son éternité. C’est là que le divin réintervient pour procurer le souffle vivificateur, source de toute vie au cadavre. Pour ce faire, Rê descend dans la tombe, le monde souterrain et délivre le défunt de sa raideur cadavéreuse, de son sommeil-mort en lui rendant l’exhalaison de l’immortalité. Parce que « les morts vivent […] ‟du souffle de ses mots” », comme il est souvent précisé dans les documents pharaoniques. Concurremment, l’hymne du réveil est entonné sur le défunt, il est invité à retrouver sa conscience par l’invocation « que se réveille le dormeur, que se réveille Osiris khentimenty que voici avec son ka, lui qui dort sur son flanc gauche, le dormeur. »322 Aussitôt, le mort s’éveille, il est ressuscité, lui-même crie d’allégresse en exaltant « ‟on m’a donné les souffles rajeunissants, avec lesquels on ouvre la bouche d’Osiris, et mes deux yeux voient”323; ‟je vis [dans l’Occident] du souffle de vie […] je vis après la mort chaque jour ; je suis puissant […] je vis, certes, après la mort, comme Rê chaque jour”324 ». Dorénavant l’état de mort n’est plus, il est anéanti, le défunt est revenu à la vie éternellement et à jamais. On lui dit « bienvenu en paix à l’Occident ! Ô toi, doté […] ! Prends place sur le trône d’Osiris, ton sceptre-âba dans la main pour commander les vivants ! »325 Similairement, la foi chrétienne professe la résurrection de l’homme tout entier (réunion âme et corps) qui sera éveillé par l’esprit divin dans sa propre chair qu’il possède icibas au dernier jour. En effet, à la mort, l’enveloppe matérielle du chrétien, le corps, tombe dans la putréfaction, alors que l’âme s’envole au ciel, vers son créateur et continue à vivre indépendamment du corps attendant la résurrection de celui-ci. Partant de là, la doctrine chrétienne a théologisé que la résurrection de la chair déjà anéantie par la mort et redevenue poussière s’obtiendra par la puissance divine, car « l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts […] donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Romains 8, 11). Mieux, elle nous donne un exemple du comment de la résurrection finale, non sur assise de l’Écriture Sainte, mais à partir de la Tradition, idée majeure édictée récemment en 1950 par le Pape Pie XII, tentant d’expliciter la résurrection corporelle. C’est le dogme catholique de l’Assomption de Marie dans le ciel promulguant que « de même que Marie a été exemptée du tombeau par son immaculée conception, elle a été exemptée du tombeau par son assomption ».327 Autrement dit, la Vierge, après sa dormition, a été enlevée corps et âme au ciel par la grâce divine, et que sa chair qui n’a pas connu la corruption est déjà ressuscitée anticipant la résurrection générale à l’instar de son fils. Cependant, en toute vérité, c’est à l’imitation de la résurrection de Jésus qu’aura lieu la vraie résurrection de tout homme. D’après Saint Paul, qui a aussi fourni une réponse profondément théologique sur cette question qui dépasse l’imagination et la compréhension, qu’ « on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire […] on ressuscite corps spirituel. » (1corinthiens 15, 42-44). En d’autres mots, la chair de l’homme est à la mort comme une graine semée en terre et qui se renouvelle à la résurrection dans un organisme incorruptible. Or, pour le Christianisme et contrairement à l’Égypte, cette résurrection de l’homme dans la plénitude de sa nature (corps réunit à l’âme) n’aura lieu qu’à la fin des temps. Pourtant, l’idée égyptienne de résurrection de la chair immédiatement après la mort s’est développée et a prévalu dans certaines communautés à tel point que le Catéchisme hollandais l’a admise, quand il proclamait que « la vie après la mort est donc déjà comme la résurrection du nouveau corps. »328 De ce fait, dit-on, ce qui est valable pour Marie l’est aussi pour tout fidèle. Ainsi, la scène de la transfiguration semble même confirmer cette résurrection immédiate : on y voit apparaître Moïse et Eli, des morts, qui surgissent dans leurs corps transfigurés (Matthieu 17, 1-8). Également, la croyance égyptienne et chrétienne se recoupent et s’accordent parfaitement sur la question de la fin imminente du monde.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Problématique
2. Méthode
3. Plan
PREMIÈRE PARTIE : DOCUMENTATION
CHAPITRE I : REVUE CRITIQUE DES SOURCES ET DES DOCUMENTS EXISTANTS 
CHAPITRE II : ETAT DE LA QUESTION
DEUXIÈME PARTIE : LA MORT, DESTIN FINAL DE L’HOMME
CHAPITRE III : LE SENS DE LA MORT
1. L’homme face à la mort
2. La mort comme délivrance
CHAPITRE IV : LA MORT DU DIEU
1. La mort d’Osiris et la crucifixion du Christ
2. Le mythe osirien modèle de la passion du Christ
TROISIÈME PARTIE : FIN DERNIÈRE ET IMAGE DE L’AU-DELÀ
CHAPITRE V : RESURRECTION ET JUGEMENT FINAL
1. Résurrection
2. Jugement final
CHAPITRE VI : L’IMAGE DE L’AU-DELA
1. Le paradis
2. L’enfer
3. Relation entre morts et vivants
CONCLUSION GENERALE
ILLUSTRATIONS
BIBLIOGRAPHIE

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