Seule une infime fraction du spectre électromagnétique (EM), le domaine « visible» entre ∼400 nm et ∼800 nm, est naturellement accessible à l’homme . Le reste du spectre électromagnétique, à l’exception d’une partie de l’infrarouge (IR) et du domaine radio entre 50 µm et 10 m, est absorbé par l’atmosphère. Dans sa globalité, le spectre électromagnétique s’étend sur une vingtaine d’ordres de grandeur . L’astrophysique des hautes énergies est née avec la radioastronomie au lendemain de la deuxième guerre mondiale puis s’est rapidement développée à partir des années 1960 avec les premières fusées, puis les satellites X et γ. Elle est aujourd’hui considérée comme un domaine de recherche à part entière.
L’astronomie γ de haute énergie commence aux alentours de la trentaine de MeV, et au-delà de la centaine de GeV débute le domaine de l’astronomie γ de très haute énergie. L’absorption des rayons γ dans l’atmosphère a nécessité le développement de techniques de détection des photons de haute énergie dans l’espace. Aux très hautes énergies, au-delà de la dizaine de GeV, le développement de gerbes atmosphériques induites par les γ incidents et composées de particules ultra-relativistes, permettent via la détection du rayonnement Tcherenkov de ces dernières la caractérisation des γ incidents. L’astronomie γ depuis le sol repose sur la récolte de cette lumière émise dans le visible et dans l’ultraviolet (UV). À ce titre, l’atmosphère fait partie intégrante du dispositif de détection.
De manière générale, une grande partie des photons optiques ou IR sont émis via des processus thermiques (un objet chauffé émet de la lumière), par exemple par les étoiles. Un photon possédant une énergie de 1 TeV contient environ mille milliards de fois l’énergie d’un photon optique et dans les cas extrêmes, les processus thermiques peuvent produire des photons de l’ordre de ∼1 keV. On associe donc aux photons de haute et de très haute énergie des mécanismes de production nonthermiques auxquels on ne peut pas associer de température effective. Il faut alors faire appel à l’accélération de particules chargées relativistes et à des processus de production de photons par des interactions électromagnétiques ou nucléaires.
La production de particules aussi énergétiques est associée aux phénomènes les plus violents de l’Univers lors desquels la matière et le rayonnement sont dans des conditions extrêmes de champ gravitationnel et/ou électromagnétique, lesquelles sont aujourd’hui impossibles à reproduire sur Terre. Par exemple, les pressions colossales s’exerçant au sein d’une étoile à neutrons dont une cuillère à soupe du cœur possèderait une masse de ∼10¹⁵ g ! On constate que les photons très énergétiques ont un spectre différentiel décroissant qui généralement suit localement un comportement en loi de puissance. Ceci signifie que, contrairement aux photons optiques, les évènements de haute énergie sont rares, ce qui implique à son tour que le nombre de sources émettant à haute énergie est bien plus faible en proportion que le nombre de sources émettant en optiques ou en IR.
Les rayons cosmiques
Le rayonnement cosmique est constitué de particules chargées (protons, électrons, etc) ainsi que de particules neutres telles que les photons ou les neutrinos. Dans ce manuscrit, nous désignons par rayons cosmiques les particules chargées (composées à 99 % de hadrons). Après une brève présentation des moyens mis en œuvre afin de détecter les rayons cosmiques, nous discutons rapidement des moyens permettant d’accélérer les particules chargées de très haute énergie. On pourra trouver une discussion très générale sur les rayons cosmiques dans par exemple [Blümer et al., 2009].
La détection des rayons cosmiques
Historiquement, Victor Franz Hess est le premier à avoir déterminé en 1912 de manière indirecte l’existence de particules chargées extra-terrestres. Il fait cette découverte à l’aide de ballons allant jusqu’à une altitude de 5 km en mesurant le taux d’ionisation de l’atmosphère en fonction de l’altitude. On doit au physicien Robert Andrews Millikan en 1927 la dénomination de ces particules par rayons cosmiques. C’est le physicien français Pierre Auger qui en 1938 démontra l’existence de particules « primaires » pouvant posséder des énergies de l’ordre de 10¹⁵ eV, à travers la détection des grandes gerbes atmosphériques EM et hadroniques (composées de particules dites « secondaire », responsables de l’ionisation de l’atmosphère) issues de l’interaction avec les noyaux des molécules de l’atmosphère.
À ce jour, l’étude des rayons cosmiques dans le domaine du GeV est réalisé par l’expérience Alpha Magnetic Spectrometer (AMS) [Aguilar et al., 2013], véritable détecteur de particules embarqué à bord de la station spatiale internationale (ISS) opérationnel depuis 2011. Il sera chargé de mesurer pendant une vingtaine d’années avec une précision jamais égalée les contributions des différentes espèces de particules chargées du spectre des rayons cosmiques. Il a aussi pour mission de sonder l’existence de la matière noire à travers la recherche de signatures dans le spectre des rayons cosmiques, par exemple celles des positrons.
Aux énergie supérieures, de l’ordre de ∼10¹⁵ eV, les rayons cosmiques sont étudiés depuis le sol en utilisant l’atmosphère comme un calorimètre. Les produits secondaires détectés au sol permettent de reconstruire la direction et l’énergie de la particule incidente. La rareté des événements (on s’attend à compter une particule de 10²⁰ eV par siècle et par km2) implique l’utilisation de larges surfaces de collection.
Par exemple, l’observatoire Auger installé dans la Pampa argentine utilise 1600 détecteurs espacés de 1,5 km couvrant une surface totale de 3000 km2 . Ces détecteurs permettent d’échantillonner les particules arrivant au sol et de reconstruire les caractéristiques (énergie, direction et nature) des particules primaires. Une deuxième technique basée sur la détection dans l’UV de l’émission des molécules de l’air excitées par le passage de la gerbe est aussi utilisée. Les expériences Haverah Park experiment, AGASA, HiRes et Auger et MILAGRO ont permis de mettre en évidence un certain degré d’anisotropie dans la direction d’arrivée des rayons cosmiques à grande échelle et d’apporter des éléments de réponse quant à leur composition. On pourra obtenir les informations associées à ces deux thématiques respectivement dans [Abdo et al., 2009b] et [Kampert et Unger, 2012]. Notons qu’une nouvelle technique d’observation depuis l’espace des gerbes initiées par les rayons cosmiques d’ultra haute énergie est actuellement en cours de développement avec l’expérience Japanese Experiment Module – Extreme Universe Space Observatory (JEM-EUSO) [Ebisuzaki et al., 2008], qui est prévu pour embarquement à bord de l’ISS.
Accélération et confinement des particules chargées
L’accélération de particules chargées peut être liée à la présence d’un champ électrique suivant les lignes de champ magnétique intense (par exemple à la proximité d’une étoile à neutrons), ou à un milieu magnétisé dans lequel se déplace une onde de choc. Historiquement, le physicien Fermi [Fermi, 1949] présenta le premier mécanisme faisant intervenir la déflexion de particules chargées sur des nuages magnétisés en mouvement dans le milieu interstellaire. Le faible gain d’énergie (dû au fait qu’il s’agissait d’un processus du second ordre) amena le physicien Bell [Bell, 1978] (entre autres) à adapter ce principe à des milieux choqués permettant à la fois de produire une distribution des particules suivant une loi de puissance universelle (rendant ainsi compte du spectre des rayons cosmiques mesuré ) et d’obtenir un mécanisme d’accélération efficace (du premier ordre cette fois).
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Table des matières
INTRODUCTION
I Introduction
1 L’astronomie γ de haute et de très haute énergie
1.1 Introduction
1.2 Les rayons cosmiques
1.2.1 La détection des rayons cosmiques
1.2.2 Accélération et confinement des particules chargées
1.3 Processus physique de production de γ
1.3.1 Processus électromagnétiques
1.3.2 Processus hadronique
1.4 Les expériences d’astronomie γ de haute énergie
1.4.1 Un bref historique
1.4.2 Le satellite Fermi-LAT
1.5 Les expériences d’astronomie γ de très haute énergie
1.5.1 Un bref historique
1.5.2 La génération actuelle d’imageurs Tcherenkov
1.5.3 La relève
Bibliographie
2 Noyaux actifs de galaxies
2.1 Introduction
2.2 Différentes classes d’AGN
2.3 Schéma d’unification des AGN
2.4 Distribution spectrale des blazars
2.5 Séquence des blazars
2.6 AGN observés dans le domaine γ
2.6.1 AGN observés à haute énergie par Fermi-LAT
2.6.2 AGN observés à très haute énergie avec les imageurs Tcherenkov au sol
Bibliographie
3 Analyses multivariées
3.1 Introduction
3.2 Exemple introductif
3.3 Phases de développement d’une classification binaire
3.4 Arbres de décision « boostés »
3.4.1 Arbres de décision
3.4.2 « Boosting »
3.5 Réseaux de neurones
3.5.1 Neurone artificiel
3.5.2 Du simple neurone au réseau MLP
Bibliographie
II L’expérience H.E.S.S., analyses et performances en mode hybride
4 L’expérience H.E.S.S
4.1 Imagerie atmosphérique Tcherenkov
4.1.1 Développement des gerbes EM et hadroniques
4.1.2 L’effet Tcherenkov
4.1.3 Détection des gerbes
4.2 Le réseau H.E.S.S
4.2.1 Le site
4.2.2 Télescopes de type HESS-I
4.2.3 Le grand télescope pour la phase HESS-II
4.3 Calibration des données
4.3.1 Principe
4.3.2 Estimation des piédestaux P HG et P LG
4.3.3 Estimation de γ ADCe et du rapport HG/LG
4.3.4 Estimation du coefficient F F
4.3.5 Efficacité optique
4.4 Prises de données
4.5 Qualité des données
Bibliographie
5 Méthodes d’analyse dans H.E.S.S
5.1 Analyses de bas niveau dans la collaboration H.E.S.S
5.1.1 La méthode de Hillas
5.1.2 Modèle 3D
5.1.3 Modèle ++
5.1.4 Xeff
5.1.5 ImPACT
5.2 L’analyse Paris-MVA
5.2.1 Les reconstructions utilisées
5.2.2 Reconstruction de l’énergie
5.2.3 Paramètres de discrimination γ/fond
5.2.4 Discrimination γ/fond
5.2.5 Performances
5.3 Extraction du signal et estimation du fond
5.3.1 Extraction du signal
5.3.2 Méthode des régions OFF multiples
5.3.3 Méthode de la région en anneau
5.4 Reconstruction spectrale et courbes de lumière
5.4.1 Fonctions de réponse de l’instrument
5.4.2 Reconstruction spectrale par « forward-folding »
5.4.3 Courbes de lumière
5.5 START
5.5.1 Gestion des données
5.5.2 Gestion des IRF
5.5.3 Détermination de l’énergie seuil
5.5.4 Représentation d’un spectre
5.5.5 Quelques exemples d’applications
Bibliographie
6 Préparation de l’analyse en mode hybride à base de simulations
6.1 Introduction
6.2 Simulations
6.3 Reconstruction des évènements γ avec CT5
6.3.1 Les évènements γ vus par le réseau
6.4 Modifications/Améliorations dans APC-MVA
6.4.1 Pré-sélection des images mesurées
6.4.2 Pré-sélection des images projetées
6.4.3 Modification du calcul des paramètres discriminants
6.4.4 Amélioration de la PSF avec la sélection sin θij
6.5 Construction des analyses préliminaires
6.5.1 Préparation de l’analyse
6.5.2 Pondération entre les électrons et les protons
6.5.3 L’espace des phases de l’analyse
6.5.4 Les variables discriminantes
6.5.5 Réglages de la méthode BDT et phases d’entraînement
6.5.6 Point de fonctionnement
6.6 Estimation des performances préliminaires
6.6.1 Le calcul de la sensibilité
6.6.2 Résultats
Bibliographie
7 Analyse APC-MVA en mode hybride
7.1 Introduction
7.2 Simulations
7.3 Fond réel
7.4 Construction des analyses
7.4.1 Développement et caractéristiques des analyses
7.4.2 Optimisation des coupures de discrimination γ/fond
7.4.3 Lissage des efficacités γ
7.5 Configurations d’analyse et performances
7.6 Détection des premières sources
7.6.1 Nébuleuse du Crabe
7.6.2 PKS 2155-304
7.6.3 PG 1553+113
7.6.4 Mkn 501
7.7 Spectres
7.7.1 Nébuleuse du Crabe
7.7.2 PKS 2155-304
7.7.3 PG 1553+113
7.7.4 Mkn 501
Bibliographie
8 Résumé
III Recherche de candidats blazars parmi les sources non-identifiées du Fermi-LAT du catalogue 2FGL
CONCLUSION