L’assimilation des données satellitaires dans les modèles de PNT de Météo France
La prévision numérique du temps remonte à 1890 avec le célebre Météorologue américain Cleveland Abbe qui décrivit dans son papier « The physical basis of longrange weather forecasting » la météorologie comme une application des lois hydroet thermodynamiques à l’atmosphère [Willis and Hooke, 2006]. En 1904, Vilhelm Bjerknes suggéra pour la première fois de considérer la prévision du comportement de l’atmosphère comme un problème physique-mathématique avec des hypothèses de départ [Bjerknes, 1904]. Bjerknes se concentra sur sept variables de base (pression, température, densité, humidité et composantes de la vitesse) et développa sept équations indépendantes : les trois équations hydrodynamiques de mouvement, l’équation de continuité, l’équation d’état et les équations exprimant les première et deuxième lois de la thermodynamique. Ces équations s’avérèrent non solvables et Bjerknes ne réussit pas à trouver une solution numérique ou analytique pour résoudre le problème. C’est en 1922, que le britannique Lewis Fry Richardson (mathématicien, météorologue et psychologue) eut l’idée de prévoir le temps en partant des équations primitives de l’atmosphère et des lois de la mécanique des fluides [van den Dungen and Ashford, 1986]. Cependant, il a fallu attendre encore 28 ans pour que la vision de Richardson se concrétise avec le développement de l’informatique et l’apparition des premières tentatives de prévision numérique du temps par ordinateur.
Depuis, les modèles de PNT se sont développés visant toujours une représentation simple et réaliste de l’atmosphère à travers des équations dynamiques (système d’équations de Navier-Stokes : équation du vent horizontal, équation d’équilibre hydrostatique, équation de continuité, équations de la thermodynamique, équation de la vapeur d’eau, équation d’état) et des hypothèses et approximations. On appelle assimilation de données le processus par lequel on obtient une représentation aussi fidèle que possible de l’état de l’atmosphère en s’appuyant sur toutes les sources d’information disponibles. Ces sources d’information sont :
– Les observations : stations terrestres et maritimes, avions, satellites, radars, radiosondages ;
– Une ébauche (dite Background ou First Guess en anglais) : donne une représentation initiale de l’atmosphère en se basant sur une représentation antérieure du modèle à courte échéance (6h dans le modèle global et 1h dans le modèle à fine échelle) et sur une climatologie ;
L’assimilation des données a commencé par l’interpolation des observations [Richardson, 1922] suivie de l’analyse de Cressman dans les années 50 [Cressman, 1959] et de Nudging ou relaxation newtonienne dans les années 70 [Lakshmivarahan and Lewis, 2013] jusqu’à l’interpolation optimale [Phillips, 1982] et les méthodes variationnelles 3D-Var (prise en compte de la distribution spatiale des observations) [Courtier et al., 1998, Rabier et al., 1998] dans les années 80, 90 puis 4D-Var (introduction de la dimention temporelle qui s’ajoute à la distribution spatiale des observations) dans les années 2000 [Rabier et al., 2000]). Il y a aussi toutes les méthodes ensemblistes comme EnVar (les ensembles variationnels) par exemple. Le meilleur état initial possible pour un modèle de prévision est appelé analyse. Cette dernière fournit aussi une référence de l’atmosphère pour la vérification de la qualité des prévisions et même celle des observations.
Prévision numérique du temps : de la formulation à la pratique
Notations et hypothèses
Notations
L’équipe de [Ide et al., 1997] a défini une notation uniforme en assimilation de données qui sera utilisée tout au long du manuscrit. En considérant un espace du modèle de dimension n et un espace des observations de dimension p, on peut donc définir les paramètres suivants :
x : vecteur d’état. C’est un vecteur colonne représentant l’état de l’atmosphère que l’on cherche à estimer. Bien que plusieurs vecteurs d’état peuvent être définis, ils ne représentent qu’une approximation de la réalité ;
xt : vecteur d’état du modèle vrai de dimension n ;
xb : vecteur de l’ébauche de dimension n (information le plus souvent issue du modèle, d’une prévision antérieure, d’une climatologie, etc), où xb = xt + εb (où εb est l’erreur de l’ébauche) ;
xa : vecteur de l’état analysé de dimension n (que l’on cherche) ;
yo : vecteur d’observation de dimension p pour l’ensemble des observations disponibles. Il est souvent de taille inférieure à celui du vecteur d’état. yo peut s’écrire : yo = H(xt) + ε0 (où H est appelé opérateur d’observation et ε0 représente l’erreur d’observation). Le passage de l’espace d’état vers l’espace des observations est assuré par l’opérateur d’observation ;
H : opérateur d’observation passant de la dimension n à p. Il permet d’établir une relation entre les observations (variables mesurées) et les paramètres du modèle (variables à estimer) tel que : H(x) = y. Si H est linéaire, alors il existe une matrice H de dimension p*n telle que Hx=H(x). La matrice H comprend au moins (1) un passage de l’espace spectral à l’espace physique, (2) une interpolation des points de grille encadrant l’observation, (3) une interpolation suivant la verticale jusqu’au niveau de l’observation et (4) le calcul de l’équivalent modèle de l’observation.
Erreurs
Le processus d’assimilation de données nécessite la description d’un certain nombre d’erreurs qu’il faut préalablement définir. Trois types d’erreurs sont à citer :
– erreur d’ébauche : écart entre l’ébauche et l’état réel du système εb = xb – xt . Si cette erreur est nulle, alors l’analyse est dite triviale. En d’autres termes, l’ébauche est conservée sans tenir compte des observations.
– erreurs d’observation : écart entre les observations et l’état correspondant dans l’espace des observations à la réalité. Dans ce cas, εo = y – H(xt). Si les erreurs d’observation sont nulles, cela revient à dire que les observations sont fidèles à la réalité.
– erreur d’analyse : écart entre l’analyse et l’état réel du système εa = xa – xt . Une bonne assimilation se traduit par une erreur d’analyse plus petite que l’erreur d’ébauche.
De ce fait, on définit les matrices suivantes :
B : matrice de covariance d’erreur d’ébauche (xb − xt) de dimension n*n ;
R : matrice de covariance d’erreur d’observation (y − H(xt) de dimension p*p ;
A : matrice de covariance d’erreur d’analyse (xa − xt) de dimension n*n.
Formulation variationnelle quadri-dimensionnelle : 4D-Var
Le 4D-Var a été développé afin de trouver une solution du modèle qui ne soit pas trop éloignée d’une ébauche x b disponible à t0 et qui passe le plus proche possible des observations durant une période d’assimilation [t0,tn] [Klinker et al., 2000, Rabier et al., 2000, Mahfouf and Rabier, 2000]. Cette période d’assimilation (appelée aussi fenêtre temporelle d’observation) est de 6h dans le modèle global ARPEGE de Météo-France et 12h dans le modèle gobal IFS (Integrated Forecasting System) du Centre Européen de Prévision Météorologique à Moyen Terme (CEPMMT). La trajectoire du modèle est forcée de façon à être proche des observations en ajustant les conditions initiales .
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Table des matières
1 Introduction
2 Assimilation des radiances satellitaires
2.1 Les observations satellitaires
2.1.1 Introduction
2.1.2 Le transfert radiatif
2.1.3 Les radiances IASI
2.2 L’assimilation des données satellitaires dans les modèles de PNT de Météo-France
2.2.1 Prévision numérique du temps : de la formulation à la pratique
2.2.2 Description des modèles de PNT de Météo-France
2.3 Conclusion
3 Estimation de la Ts depuis l’espace
3.1 Introduction
3.2 Méthodes de restitution de la Ts à partir des radiances satellitaires
3.2.1 Restitution de la Ts avec une émissivité connue
3.2.2 Restitution de la Ts avec une émissivité inconnue
3.3 Vers une meilleure estimation des Ts restituées
3.4 Conclusion
4 Restitution et évaluation des Ts à partir des radiances IASI dans le modèle à aire limitée AROME
4.1 Introduction
4.2 Restitution des Ts à partir des observations IASI
4.2.1 Sélection des canaux IASI sensibles à la surface
4.2.2 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI Metop A & B
4.2.3 Comparaison des Ts de l’ébauche et des Ts restituées à partir des radiances IASI, SEVIRI et AVHRR
4.2.4 Extension des comparaisons vers le modèle global ARPEGE
4.3 Sélection du canal IASI le plus approprié à la restitution de la Ts
4.3.1 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI et SEVIRI
4.3.2 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI et AVHRR
4.4 Étude comparative des Ts restituées à partir de IASI et SEVIRI : cas d’étude sur la Sardaigne
4.5 Conclusion
5 Conclusion