Outils d’évaluation de la douleur
La douleur est subjective et des outils d’évaluation ont été mis en place afin de la quantifier. Il existe deux sortes d’outils : les unidimensionnels mesurant l’intensité de la douleur et les pluridimensionnels ajoutant les dimensions sensorielles et émotionnelles de la douleur. L’outil le plus communément utilisé est l’échelle visuelle analogique (EVA, ou VAS en anglais). La patiente cote sa douleur de l’instant présent sur une réglette comprenant une échelle de zéro à dix, zéro signifiant « pas de douleur » et dix « douleur maximale imaginable ». La plupart du temps présentée avec des chiffres, cette échelle a cependant des variantes avec une réglette à deux faces : sur la première, elle peut être représentée par des visages mimant graduellement la douleur, ou simplement par un trait où la gauche correspond au « zéro » et la droite au « dix » (Figure 1). Sur l’autre face, l’échelle zéro à dix est indiquée, ce qui permet au soignant de tout de même avoir une idée quantitative de la douleur du patient (Metzger, Muller, Schwetta & Walter, 2004, p.157). Cette échelle peut également être utilisée pour mesurer l’anxiété, la Visual Analog Scale of Anxiety (VASA), qui se distingue de la Visual Analog Scale of Pain (VASP) par la variable mesurée.
Il existe également deux autres échelles unidimensionnelles : l’échelle verbale simple qui consiste à classer la douleur selon 5 catégories croissantes (pas de douleur, douleur faible, modérée, intense, extrême). Cette dernière est moins précise que l’EVA. Et enfin l’échelle numérique où la patiente cote sa douleur de zéro à cent (Metzger, Muller, Schwetta & Walter, 2004). La plupart des échelles pluridimensionnelles sont sous forme de questionnaires (Mac Gill pain questionary, questionnaire de douleur Saint-Antoine…). Le questionnaire de McGill apporte un aspect qualitatif à la douleur en mesurant la sensibilité de la douleur. Un nombre de points total est ainsi calculé : 0 signifie pas de douleur et 78 une douleur sévère (cf. Annexe X). Il existe également des questionnaires basés sur le comportement du sujet ayant mal (échelle de Beck, état d’anxiété, échelle de STA…), mais comparés aux outils cités précédemment, ce sont les soignants qui cotent la douleur du patient (Metzger, Muller, Schwetta & Walter, 2004, chap.5).
La douleur de l’accouchement
Contrairement aux définitions vues précédemment, la douleur de l’accouchement prend une signification particulière. Celle-ci a un but, un aboutissement : la naissance d’un enfant. « C’est la joie suppliante » décrit Georges Bataille dans L’Expérience intérieure (1943). En effet, cette douleur n’est pas liée à une maladie ou un accident, mais elle est inscrite dans le processus naturel de la mise au monde. David Le Breton (2010) décrit la douleur de l’accouchement comme ambiguë, vécue avec un ressenti contrasté, car l’accouchement est un moment très douloureux en même temps qu’il peut devenir le plus beau jour de la vie d’une femme, d’un couple. Selon la théorie du cerveau triunique fondée par Paul Mac Lean en 1969, le cerveau humain est composé de 3 parties en lien avec l’évolution : le cerveau reptilien, responsable de l’instinct et des processus involontaires de l’être humain, le système limbique, siège des émotions et de la mémoire et le cortex ou néocortex, assurant entre autre l’intelligence et la logique (Figure 2).
Le cerveau est souvent décrit comme ancien ou nouveau ; l’ancien, dit « cerveau archaïque », comprend le cerveau reptilien et le système limbique et le nouveau implique le néocortex (Purves & al., 2008). D’après plusieurs auteurs comme Odent (2011, p.68) ou encore Trélaün (2008), c’est le cerveau archaïque qui est activé lors de l’accouchement, processus involontaire. C’est l’activation même de cet ancien cerveau qui permet la mise en place de la réponse hormonale décrite plus bas.
L’évolution de la douleur selon les différentes phases du travail Le travail se divise en plusieurs phases : le pré-travail (la maturation et l’effacement du col), la phase de latence (de 0 à 4cm de dilatation), la phase active (de 4cm jusqu’à la dilatation complète), l’expulsion (de la dilatation complète à la naissance de l’enfant) puis la délivrance (expulsion du placenta et des membranes foetale (Marieb & Hoehn, 2010, pp.1265-1266). La douleur des contractions évolue avec ces différentes phases du travail. Lors du pré-travail et de la phase de latence, les contractions sont en principe irrégulières en fréquence, en intensité et en durée (Marieb & Hoehn, 2010, p.1265).
L’ocytocine est d’abord produite en petite quantité engendrant un stress chez la mère, ce qui augmente son taux de cortisol. Le cortisol disparaît lorsque la femme est rassurée et se sent en sécurité et cela permet l’augmentation de la sécrétion de l’ocytocine (Trélaün, 2008). Par la suite, les contractions se régularisent et s’intensifient ; c’est la phase active du travail. L’ocytocine est présente en plus grande quantité et s’accompagne de la sécrétion d’endorphine qui diminue la sensation de douleur. La femme est comme dans une « bulle » avec un rythme alternant contraction et détente, ce qui permet le « lâcher prise ». À ce moment, la communication verbale est restreinte et peut même faire sortir la parturiente de sa « bulle » (Trélaün, 2008).
Plus le travail avance, plus la tête du foetus descend et s’engage dans le bassin. À la douleur des contractions s’ajoute la douleur de la pression du mobile foetal sur les os du bassin. Ce changement radical de sensations annonce la dernière étape, l’expulsion, et peut créer un stress chez la future mère qui provoque la sécrétion de l’adrénaline. Cette hormone sort la femme de sa « bulle » et lui permet de participer activement à la naissance de son enfant (Trélaün, 2008).
Un changement de point de vue
Pour certains, l’anesthésie péridurale lors de l’accouchement n’est pas la réponse à la question de la douleur et ne respecte ni la femme ni l’enfant lors du processus de la naissance (Cesbron & Knibiehler, 2004). D’autres méthodes se développent alors. Premièrement, il y a l’émergence de l’Accouchement Sans Douleur (ASD), méthode de gestion de la douleur dite douce qui prend place dans les années 1930 (Morel, 2002). D’après Grantley Dick Read (1890-1959), obstétricien britannique précurseur de l’ASD, la douleur n’est pas une fatalité, mais est causée par la peur et l’environnement. Pour lui, « il faut expliquer les différentes phases de l’accouchement et entraîner physiquement les femmes » grâce à des techniques de respiration et de relaxation (Morel, 2002).
Cela semble être les prémisses des cours de préparation à la naissance. Amenée en France par Fernand Lamaze, neurologue et obstétricien français, cette méthode fait d’abord l’unanimité, puis est de moins en moins appréciée ; la majorité des femmes souffre toujours lors de l’accouchement et les acquis de l’ASD sont remis en question (Bettoli, 2003 ; Morel, 2002). Au cours des années 1970, Michel Odent, chirurgien et obstétricien français, introduit dans les maternités le concept de salles d’accouchement « comme à la maison » et de baignoires, ou piscines pour la naissance. Il considère que la grossesse n’est pas une maladie et que la prise en charge de la femme et de son bébé doit s’adapter à leur rythme sans limite de temps ou intervention inutile (Passerelle Eco, 2014 ; The Lancet, 1999). En 1974, Frédérick Leboyer, gynéco-obstétricien français, propose dans sa méthode de mieux préparer l’accueil du nouveau-né en créant une atmosphère calme et rassurante autour de la parturiente. Leboyer considère que porter plus d’attention au nouveau-né lors du processus d’accouchement permet à la mère d’être plus sereine et d’augmenter son seuil de tolérance à la douleur (Tournaire & Theau-Yonneau, 2007).
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Table des matières
DECLARATION SUR L’HONNEUR
RESUME
REMERCIEMENTS
GLOSSAIRE
I. QUESTIONNEMENT PROFESSIONNEL
II. CADRE DE REFERENCES THEORIQUES
1. LA DOULEUR
1.1 Définition
1.2 Les mécanismes de la douleur
1.3 La douleur de l’accouchement
1.4 L’aspect sociétal de la douleur de l’accouchement
2. LES MOYENS DE GESTION DE LA DOULEUR DE L’ACCOUCHEMENT
2.1 La médicalisation de l’accouchement
2.2 Les moyens médicamenteux
2.3 Les interventions non médicamenteuses
3. LA MUSIQUE
3.1 Définition
3.2 Les composantes de la musique
3.3 L’action de la musique sur le cerveau
3.4 La musique comme bien-être : bref historique
3.5 La musicothérapie
3.6 L’application de la musicothérapie
4. PROBLEMATIQUE
5. DIMENSION ETHIQUE
III. METHODOLOGIE DE RECHERCHE DE LITTERATURE
IV. RESUMES DES ETUDES EN TABLEAUX
V. PRESENTATION DESCRIPTIVE DES ETUDES
ETUDE 1
ETUDE 2
ETUDE 3
ETUDE 4
ETUDE 5
ETUDE 6
ASPECT ÉTHIQUE DES ÉTUDES
VI. ANALYSE CRITIQUE
OUTILS DE MESURE DE LA DOULEUR
INFLUENCE DU TEMPS D’EXPOSITION A LA MUSIQUE SUR LA DOULEUR
EFFICACITE DE LA MUSIQUE SELON LE STADE DU TRAVAIL
TYPES DE MUSIQUES EMPLOYEES
ASSOCIATION D’INTERVENTIONS POUR LA GESTION DE LA DOULEUR
CORRELATION DOULEUR ET ANXIETE
VII. DISCUSSION
EFFICACITE DE LA MUSIQUE SELON LE STADE DU TRAVAIL ET LE TYPE DE MUSIQUE
INFLUENCE DU TEMPS D’EXPOSITION A LA MUSIQUE SUR LA DOULEUR
CORRELATION DOULEUR ET ANXIETE
CULTURE, MUSIQUE ET DOULEUR
ASSOCIATION DE LA MUSIQUE AVEC D’AUTRES INTERVENTIONS
VIII. RETOUR DANS LA PRATIQUE ET PERSPECTIVES
PROFESSIONNELLES
PREPARATION PRENATALE
PENDANT L’ACCOUCHEMENT
ACCES ET APPLICATION DE LA MUSIQUE SUR LE LIEU DE NAISSANCE
INFORMATIONS POUR LES PROFESSIONNELS
IX. FORCES ET LIMITES DE LA REVUE DE LA LITTERATURE
X. CONCLUSION ET PERSPECTIVES FUTURES
XI. BIBLIOGRAPHIE
XII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
XII. ANNEXES
Annexe I : Etude 1
Annexe II : Etude 2
Annexe III : Etude 3
Annexe IV : Etude 4
Annexe V: Etude 5
Annexe VI : Etude 6
Annexe VII : Pain Behaviour Intensity
Annexe VIII : Birth Worry Scale ou Cambridge Worry Scale
Annexe IX : Labour Agentry Scale
Annexe X : McGill Questionnaire
Annexe XI : « Birthing playlist » de Dr Moritz
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