Selon le rapport de la commission chargée d’étudier la dette de la France (2005), présidée par Monsieur Michel PEBEREAU (ancien haut fonctionnaire et dirigeant de sociétés), « l’augmentation de la dette ne résulte pas d’un effort spécifique pour la croissance mais, pour l’essentiel, d’une gestion peu rigoureuse » . Ce discours nous renvoie à la question de l’origine de la dette publique. Elle est définie comme l’ensemble des sommes que doivent rembourser les administrations publiques au titre des emprunts émis ou garantis pour couvrir leurs besoins de financement. On distingue la dette publique brute de la dette publique nette. Dans le premier cas, il s’agit de la somme de toutes les dettes ; dans le second cas, les créances de l’Etat et des organismes dont il assure la tutelle financière sont défalqués. La question de l’endettement public est actuellement devenu un phénomène universel rappelant aux Etats la nécessité de trouver des mesures tant juridiques qu’économiques afin de gérer la dette publique. En effet, la bonne gestion est devenue une clef essentielle pour maîtriser ladite dette.
D’après Thomas PIKETTY « meilleur jeune économiste français » (2002), la question de la dette répond aux besoins de financement de l’Etat. Il existe deux façons principales de financer les dépenses d’un Etat : l’impôt ou la dette. D’une manière générale, l’impôt est une solution infiniment préférable, à la fois en termes de justice et d’efficacité. Le problème de la dette est qu’elle doit le plus souvent être repayée, si bien qu’elle bénéficie surtout à ceux qui ont eu les moyens de prêter à l’Etat. Il existe cependant de multiples raisons comme la sécurité nationale et économique ou l’investissement pour lesquels les gouvernements se trouvent parfois dans l’obligation de recourir à l’emprunt et d’accumuler des dettes, ou bien héritent de la dette importante des gouvernements précédents .
La dette publique a pris une place importante dans nos finances publiques depuis longtemps. Le sujet a encore gagné en intensité avec la crise qui sévit actuellement dans plusieurs pays. En effet, la plupart des Etats développés et en voie de développement se sont massivement endettés. La dette des Etats-Unis a ainsi dépassé le plafond fixé par la loi, ce qui a incité le Président OBAMA à demander l’autorisation du Congrès pour repousser le plafond de l’endettement. Ainsi, le phénomène dit « Falaise fiscale » (Fiscal Cliff) ou « Mur fiscal» désigne la situation économique des Etats-Unis vers la fin de l’année 2013. A l’époque du Président George W. Bush, durant les années 2001 à 2003, de nouvelles mesures pour stimuler l’économie américaine comme (1) la mesure concernant la réduction d’impôt sur le revenu pour les couples, (2) celle liée à l’annulation de l’impôt sur le patrimoine, (3) et celle sur les allègements fiscaux en faveur de 2% des revenus salariaux ont été mises en place. L’année d’expiration de ces mesures se situait fin 2010. A cause de la crise des « supprimes », la validité des mesures pris pour stimuler l’économie américaine a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2012. Et dès le 1er janvier 2013, une nouvelle mesure sur la réduction du budget de l’Etat, la « Séquestration », est entrée en vigueur afin de baisser le budget de 86 milliards de dollars (environ 63 milliards d’euros). La Séquestration constitue une mesure à long terme pour réduire les dépenses fiscales de 100 milliards de dollars (environ 74 milliards d’euros) sur 10 ans. C’est le budget concernant la défense qui a été diminué de moitié. En outre, l’Etat a adopté une mesure relative à la limitation de l’assistance sociale pour les chômeurs, mesure par laquelle le gouvernement américain a pu restreindre ses dépenses de 43 milliards de dollars (environ 32 milliards d’euros). Une question se pose : Comment se portera l’économie des Etats Unis, après la fin de validité desdites mesures, la réduction de leur budget, l’augmentation des charges, l’amoindrissement de l’assistance sociale ? Les analystes, dans les marchés, prévoient que, si les Etats-Unis ne prolongent pas la validité de leurs mesures, la consommation du secteur privé sera faible, la population ayant à acquitter davantage d’impôts. En outre, la mauvaise circulation de l’argent à l’intérieur du pays ainsi que la fuite des obligations et des actifs vers les pays étrangers entameront doublement la crédibilité du gouvernement américain. Pour résoudre un tel problème, le Congrès a dû accepter le projet de loi pour contrer la falaise fiscale, projet qui a été adopté en 2013 avec la majorité absolue des votes. Ses principales prévisions ont pour but de maintenir la taxation pour la majorité de la population, de l’élever pour les riches et de prolonger de deux mois la réduction des dépenses du gouvernement.
L’histoire de la dette publique en Thaïlande
Le régime d’emprunt public à l’époque du Roi Rama V (1868-1910)
Appelé « le Grand Roi », le Roi Rama V est renommé pour sa vision intelligente du développement dans différents domaines, par exemple : l’abolition de l’esclavage, la réforme de l’administration des affaires et des finances publiques, la réalisation d’infrastructures, la création des voies de chemin de fer, des services de l’eau et de l’électricité qui constituent les facteurs fondamentaux du développement économique et social du pays. A cet égard, des étrangers compétents ont été embauchés aux affaires publiques pour assister les Thaïlandais. Parmi ceux-ci, il y eut « un conseiller financier » anglais, Michel INNES que l’Egypte envoya en mission, en Thaïlande, pour trois ans. Le budget de la Thaïlande, en ce moment-là, était déficitaire parce que les impôts étaient à taux faible. L’argent perçu était totalement utilisé, mais le développement du pays avançait moins vite que celui des pays voisins.
Entre 1889 et 1904, M. Walter WILLIAMSON, également conseiller financier, donna son avis sur la politique de développement du pays lancée par le roi en ces termes : « Avant d’imaginer le grand projet du barrage-réservoir, on doit rendre compte du capital déjà versé à la construction des voies de chemin de fer qui est indispensable, d’un point de vue stratégique, pour gouverner des régions éloignées. Le capital de l’emprunt ne doit pas être utilisé pour une telle construction. Donc, moi, je ne veux pas que l’emprunt soit versé à la construction du barrage-réservoir et du chemin de fer. » .
Par conséquent, face à « la situation financière pénible » , l’emprunt extérieur fut envisagé. Le premier emprunt, contracté en 1904, a été versé à la construction des voies de chemin de fer reliant la province de Lopburi à la province d’Uttaradit pour la somme d’un million de livres sterling. Cet emprunt fut contracté anglaises pour plusieurs raisons:
1) la voie de chemin de fer, pour la destination du Nord, était indispensable au gouvernement local ;
2) un démarrage rapide de la construction en baissant, chaque année, les intérêts de l’emprunt ;
3) le capital interne n’étant pas suffisant, l’emprunt devait être cumulé dans plusieurs pays étrangers ;
4) de meilleures clauses contractuelles pour la Thaïlande devaient être fournies par l’emprunt ;
5) le prêteur devait être celui à qui le gouvernement pouvait confier la réalisation concertée du projet ;
6) il ne fallait plus penser à la perte d’argent mais plutôt à l’intérêt direct concernant cet emprunt au profit de l’intérêt national.
Le second emprunt extérieur avec l’Angleterre, de 3 millions de livres sterling, fut contracté en vue de poursuivre la construction de la voie de chemin de fer, mais une partie fut versée à la gestion de l’eau de Bangkok. De plus, les billets du Trésor (pour la construction de la voie de chemin de fer) furent divisés et gardés comme capital de réserve d’un montant de 900.000 livres, destiné à l’échange des monnaies conformément à la loi étalon or R.S.41 127.42 .
A part ces deux types d’emprunt, cette fois pour raison politique, la Thaïlande contracta un troisième emprunt de 4,63 millions de livres sterling, auprès du gouvernement de la « Fédération de Malaya » (sous la domination de l’Angleterre), pour la construction d’un chemin de fer dans la direction du Sud. Il y avait deux arguments en faveur de ce prêteur : d’une part, le gouvernement de la « Fédération de Malaya » avait une relation rivilégiée avec le gouvernement thaïlandais en tant que pays voisin ; d’autre part, la Thaïlande consentait à l’Angleterre l’occupation de 4 régions du Sud à savoir : Saiburi, Kelantan, Trengganu et Perlis, ceci afin d’obtenir l’annulation du traité de « l’Extraterritorialité juridictionnelle» de l’Angleterre, effective depuis 60 ans. A ce sujet, M. Edward H. STROBELL, conseiller a pensé que c’était vraiment une perte de dignité pour une Nation, mais si ces 4 régions avaient continué d’appartenir à la Thaïlande, celle-ci aurait eu une grande difficulté à les gouverner, à cause de la diversité des langues, religions et croyances . En fait, STROBELL souhaitait l’octroi de ces régions à l’Angleterre -sans aucun échange.
Ajoutons que ces emprunts n’étaient pas essentiellement politiques. A l’origine, ils étaient sans garantie, puis les emprunts ultérieurs furent accompagnés de valeurs comme gage, allant jusqu’à couvrir les emprunts antérieurs. Cette stratégie a empêché les étrangers d’intervenir dans la gestion des affaires du pays. Par exemple, lorsque la Chine a contracté un emprunt avec l’Angleterre, le revenu des impôts a été versé comme garantie pour l’acquittement du capital et des intérêts. C’est pourquoi, la somme versée à la Direction du revenu a été mise en réserve pour l’acquittement des dettes et le reste a été dépensé à l’intérieur du pays. Signalons que plusieurs chefs et fonctionnaires supérieurs de cette Direction étaient de nationalité anglaise.
En considérant l’aspect de la gestion des affaires et l’administration stratégique du gouvernement, il en ressort que le développement économique, à l’époque du roi Rama V, avait principalement pour but de centraliser les pouvoirs, mais sûrement pas d’améliorer le niveau de vie des Thaïlandais. Donc, l’emprunt extérieur a été détourné pour atteindre le but espéré par le Roi.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie L’aspect historique de la dette publique thaïlandaise et les différentes conceptions relatives à sa gestion
Titre I : L’histoire de la dette publique en Thaïlande
Chapitre I : Les perspectives d’évolution de la dette publique
Chapitre II : Les perspectives de gestion de la dette publique
Titre II : Les caractéristiques essentielles de la dette publique en Thaïlande
Chapitre I : L’universalité de la dette publique
Chapitre II : La spécificité de la dette publique en Thaïlande
Deuxième Partie Le régime juridique relatif à la gestion de la dette publique en Thaïlande
Titre I : Le cadre juridique et budgétaire relatif à la gestion de la dette publique en Thaïlande
Chapitre I : Le contexte budgétaire de la dette publique
Chapitre II : L’application de la loi relative à la gestion de la dette publique
Titre II : Les mesures permettant la gestion de la dette publique en Thaïlande
Chapitre I : Les outils juridiques et financiers introduits par la loi de 2005 relative à la gestion de la dette publique
Chapitre II : La nécessité d’instaurer une gestion consolidée des dettes de l’Etat
CONCLUSION