Lasers de classe B soumis à une rétroinjection optique

La rétroinjection optique est un terme générique désignant l’effet de perturbation que subit une source laser lorsqu’une partie du faisceau lumineux émis se trouve rétrodiffusée sur une cible puis renvoyée vers la cavité résonante. En physique des lasers, ce comportement est souvent considéré comme un effet parasite qu’il convient de supprimer en utilisant des systèmes d’isolateurs optiques placés en sortie de cavité. De même, dans les technologies de télécommunication par fibre optique, les sources lasers à semi-conducteur doivent être systématiquement isolées optiquement pour s’affranchir des perturbations que peuvent provoquer les réflexions de Fresnel parasites sur les extrémités des fibres (connectiques…). Bien que cet effet de perturbation par retour optique soit le plus souvent jugé néfaste, il peut aussi être recherché volontairement pour contrôler le fonctionnement du laser. L’utilisation d’un filtre optique très sélectif entre la sortie du laser et le retour optique (réseau de diffraction, réseau de Bragg externe…) permet par exemple d’affiner spectralement une source laser. Les lasers à semi-conducteurs à cavité Fabry Pérot peuvent être ainsi affinés spectralement en ajoutant une cavité externe. De même, un effet non linéaire contrôlé entre la sortie du laser et le signal rétroinjecté peut modifier le régime de fonctionnement dynamique du laser (blocage de mode par modulation de phase par exemple).

Lasers de classe B soumis à une rétroinjection optique

Principe de la rétroinjection optique laser

Présentation générale de la rétroinjection optique

La rétroinjection optique -ou self-mixing- est une technique de mesure interférométrique par rétrodiffusion de lumière cohérente vers le laser source permettant de réaliser des mesures de grandeurs physiques variées telle que distance, vitesse, déplacement ou bien encore vibration. Cette technique émergente dans le domaine des capteurs optiques présente de nombreux avantages par rapport aux techniques plus traditionnelles : auto-alignement, filtrage spatial et spectral… . Elle n’a pas encore donné lieu à des produits commerciaux mais pourrait déboucher sur la réalisation de capteurs intéressant le monde industriel grâce aux performances améliorées par rapport aux techniques existantes. Le principe de la rétroinjection optique consiste à éclairer une cible sur laquelle on veut effectuer une mesure avec le faisceau d’une source laser monofréquence. Notons ν0 la fréquence de l’onde émise par le laser. Par rétrodiffusion sur la cible, une faible quantité de lumière est réinjectée dans le mode d’oscillation du laser. Cette faible rétroinjection est suffisante pour perturber le fonctionnement du laser et permet de remonter à la grandeur physique recherchée.

Le régime de fonctionnement d’un laser est caractérisée par trois grandeurs que sont le champ électrique E, l’inversion de population N et la polarisation du milieu amplificateur P. Les taux de relaxation définis précédemment déterminent le temps d’approche vers un régime d’équilibre du laser considéré [Dangoisse 2004] :

• Les lasers de classe A (laser à gaz) sont caractérisés par γ⊥, γr >> γc . Les variables P et N varient rapidement par rapport à E. Il en résulte que le temps de réponse du laser à la commutation du gain ou des pertes dans la cavité est extrêmement rapide.

• Dans le cas des lasers de classe B (lasers à solide, lasers à semi-conducteurs); on a γ⊥>>γc>>γr . La variation rapide de la polarisation du milieu permet d’écrire dP/dt=0 et d’éliminer l’équation différentielle relative à cette grandeur. La dynamique du laser est alors entièrement décrite par un système d’équations couplant le champ électrique E et l’inversion de population N. Dans ces conditions, l’intensité du laser présente au démarrage un phénomène d’oscillations faiblement amorties à la fréquence Fr (fréquence des oscillations de relaxation). Cette fréquence propre joue alors un rôle important dans la dynamique du laser puisqu’il s’agit d’une fréquence de résonance du système, absente dans les lasers de classe A. Ce type de laser est alors très sensible à la moindre perturbation extérieure capable de réexciter ce phénomène d’oscillations amorties. On comprend alors que l’effet de rétroinjection soit d’autant plus sensible qu’il provoque, dans la cavité, un phénomène de battement à une fréquence voisine de Fr . Comme nous le verrons dans la suite, il est possible de comparer cet effet d’oscillation dans un laser à celui d’un oscillateur mécanique ou électrique faiblement amorti. Un tel oscillateur présentera une réponse à une excitation extérieure fortement amplifiée si celle-ci est réalisée à une fréquence proche de la fréquence de résonance propre du système.

• Dans le cas des lasers de classe C, γ⊥ apparaît moins grand devant les deux autres taux de relaxation et les simplifications précédentes ne sont plus possibles. La dynamique du laser peut alors devenir complexe et présenter par exemple un comportement chaotique. Ce type de laser n’est pas exploité en rétroinjection optique vraisemblablement en raison de la complexité qu’une modélisation des effets observés entraînerait.

A ce jour, les lasers les plus utilisés dans les expériences de rétroinjection sont les lasers de classe B et en particulier les lasers à semi-conducteurs en raison de leur facilité de mise en œuvre et leur faible coût. Toutefois, les systèmes lasers à solide utilisant comme milieu amplificateur une matrice diélectrique cristalline ou amorphe dopée avec des ions terres rares présentent des avantages intrinsèques qui n’ont jusqu’à présent été démontrés et étudiés que sur certains systèmes lasers spécifiques [Otsuka 1994] [Kawai 1999] [Lacot 2001] [Okamoto 1995] . Dans ce travail de thèse, nous montrerons les principaux avantages que présentent les lasers à solides par rapport aux diodes lasers. Nous ferons également apparaître l’influence du milieu amplificateur choisi et de la configuration de cavité utilisée. Plusieurs équipes travaillent actuellement sur la mise en œuvre de capteurs optiques utilisant le principe de la rétroinjection. En France, deux groupes se sont particulièrement distingués. Le groupe de E. Lacot à Grenoble s’est spécialisé dans la mise en œuvre de la rétroinjection laser pour l’imagerie [Day 2000] [Lacot (2) 2001] en utilisant des microlasers solides dopés Nd3+ . L’équipe de T. Bosch à Toulouse se concentre sur les systèmes rétroinjectés utilisant principalement des diodes lasers [Bosch 2001] [Plantier 2005]. Cette équipe collabore en particulier avec l’équipe de S. Donati spécialiste lui aussi en Italie de la rétroinjection optique avec des lasers à semi-conducteurs [Donati 1995]. Signalons enfin l’équipe de K. Otsuka qui, depuis plus de 20 ans, travaille sur l’étude de la rétroinjection optique sur des lasers à solide de type LiNdP4O12 (LNP) pompé par diode [Otsuka 1979] [Otsuka 1994].

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Lasers de classe B soumis à une rétroinjection optique
1. Principe de la rétroinjection optique laser
1.1. Présentation générale de la rétroinjection optique
1.2. Paramètres caractéristiques de la rétroinjection optique
2. Modélisation d’un laser solide de classe B soumis à une rétroinjection
2.1. Modèle pour un laser à trois niveaux
2.2. Modèle pour un laser à quatre niveaux
2.3. Comparaison des modèles en fonction de la nature des milieux à gain
3. Caractéristiques des lasers verre phosphate codopé Yb3+:Er3+ et LNA dopé Nd3+
3.1. Laser à solide verre phosphate codopé Yb3+:Er3+
3.1.1. Cavités monolithiques
3.1.2. Cavité laser à éléments séparés
3.2. Laser à fibre dopée Yb3+:Er3+
3.3. Laser à solide LNA : Nd3+
4. Etude de l’influence des paramètres lasers sur la sensibilité à la rétroinjection
4.1. Introduction
4.2. Caractérisation du signal de rétroinjection par une technique de modulation d’amplitude
4.2.1. Influence du milieu à gain
4.2.2. Influence des paramètres géométriques de la cavité
4.3. Conclusion
5. Conclusion
6. Bibliographie
Chapitre II : Applications d’un laser monomode longitudinal à fréquence fixe pour la mesure en rétroinjection optique
1. Mesures en vélocimétrie
1.1. Introduction : technique de vélocimétrie en optique cohérente
1.2. Mesure simultanée des composantes transversale et longitudinale du vecteur vitesse
1.2.1. Principe d’une mesure à deux faisceaux
1.2.2. Mise en œuvre d’un montage à deux faisceaux
1.2.3. Résultats expérimentaux
1.2.4. Conclusion
1.3. Utilisation des composants d’optique fibrée pour la mesure de vélocimétrie par rétroinjection optique
1.3.1. Intérêt d’une solution en optique fibrée
1.3.2. Montage fibré à deux faisceaux
1.3.3. Laser à fibre dopée Er3+
1.4. Conclusion
2. Intérêt d’une détection hétérodyne pour la rétroinjection optique
2.1. Introduction : technique de vélocimétrie en optique cohérente
2.2. Techniques de décalage de la fréquence d’une porteuse optique
2.2.1. Modulateur acousto-optique
2.2.2. Modulation de phase serrodyne
2.2.3. Laser à deux modes
3. Applications en vélocimétrie
4. Application en vibrométrie
4.1. Introduction
4.2. Principe de la mesure de vibration en détection hétérodyne
4.3. Dispositif expérimental
4.4. Résultats expérimentaux : réponse en fréquence et caractérisation de l’amplitude de déplacement
4.5. Restitution du son
5. Conclusion
6. Bibliographie
Chapitre III : Laser monomode avec balayage en fréquence pour la détection par rétroinjection optique
1. Introduction
2. Sources lasers monomodes agiles en fréquence
3. Application à la mesure de distance absolue
3.1. Principe de la mesure
3.2. Dispositif expérimental pour la détection par balayage de fréquence d’un laser verre phosphate dopé Yb:Er en détection self-hétérodyne
3.3. Résultats expérimentaux
3.3.1 Analyse des spectres RF
3.3.2 Mesure de distance absolue
4. Conclusion et perspectives
5. Bibliographie
Chapitre IV : Laser bi-fréquence verre phosphate dopé Yb:Er utilisé en rétroinjection optique
Conclusion générale

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