Abus sexuel dans l’enfance
MÉTHODES
Le premier temps du travail s’est inspiré de la méthode PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic reviews and Meta-Analyses) pour la création d’un outil d’aide au dépistage de l’ASenfance. À partir des données recensées de la littérature, une grille de signes cliniques non spécifiques a été créée (11). Les articles devaient concerner des enfants et adolescents (0-18 ans), abusés sexuellement sans durée de suivi et quel que soit leur pays d’origine. Ont été considérés les articles en langue française ou anglaise, publiés entre 1999 et 2014, période choisie arbitrairement pour couvrir quinze années de la littérature.
Les bases de données ont été la source principale d’information avec un arrêt des recherches le 15/07/2014. Huit combinaisons de mots clés ont été systématiquement recherchées dans CISMEF, SUDOC et CAIRN : symptôm* abus sexuel* enfant*, signe* abus sexuel* enfant*, clinique abus sexuel* enfant*, dépistage abus sexuel* enfant*, repér* abus sexuel* enfant*, maltraitance sexuel* enfant*, child abuse, agress* sexuel* enfant*. Une recherche plus spécifique a été menée dans PUBMED à partir de mots clés MESH articulés de la manière suivante : « child abuse, sexual/diagnosis »[MH] OR ((« child abuse, sexual »[TW] OR « child sexual abuse »[TW] OR « sexual child molestation » [TW] OR « child molestation, sexual » [TW] OR « sexual abuse, child » [TW] OR « abuse, child sexual » [TW] OR « sexual abuse of child [TW] OR « sexual child abuse » [TW] OR « molestation, sexual child » [TW] OR « molestation, sexual, child » [TW]) AND (« diagnosis » [TW] OR « findings » [TW] OR « symptoms » [TW] OR « differential diagnosis » [TW] OR « signs » [TW] or « screening »[TW]))). Tous les signes non spécifiques d’abus sexuel chez l’enfant ont été retenus. En cas de doublon, d’idées proches ou de synonymes, les deux termes ont été retenus et mis ensemble. Les lésions recherchées lors de l’examen médico-légal n’ont pas été prises en compte.
Le deuxième temps du travail a permis la sélection de dossiers d’enfants reconnus victimes d’abus sexuels au sein d’un réseau de pédophilie en Maine et Loire. Avant le procès aux assises en 2005, les enfants présumés victimes ont été confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) par mesure de protection. Parmi eux, certains ont été placés au Village Saint Exupéry (VSE), foyer départemental d’accueil d’urgence en Maine et Loire. Les enfants ont vécu de deux jours à plusieurs mois au VSE, en unités de vie. Ils ont été accompagnés et observés par des éducateurs, des maîtres de maison, des psychologues, des médecins généralistes, un pédiatre, deux pédopsychiatres. Leurs observations écrites ont été consignées dans des dossiers, un par enfant. Nous avons sélectionné les enfants selon une liste remise par un Administrateur Ad Hoc, afin d’assurer la reconnaissance judiciaire de l’abus sexuel.
Ensuite, la grille de signes non spécifiques d’ASenfance précédemment élaborée a été appliquée à chaque dossier d’enfant reconnu victime. Chaque signe était analysé comme étant présent ou absent du dossier. Un recueil libre d’un ensemble de symptômes hors-grille présentés par l’enfant a également été réalisé. La population a été décrite selon les critères d’âge et de sexe. Le poids et la taille ont été relevés afin de calculer l’IMC (Indice de Masse Corporelle). Des moyennes ont été élaborées à partir des données recueillies. La création de la grille, la sélection des dossiers et leur analyse ont été réalisées par le même investigateur entre mars et juillet 2014. L’accord du Comité d’Ethique du CHU d’Angers pour l’étude des dossiers et le travail de thèse a été obtenu.
RÉSULTATS
L’étude de la littérature a permis la sélection de 11 articles en texte intégral (Figure I) pour la création de l’outil d’aide au dépistage d’ASenfance. Les articles étaient exclus lorsqu’ils concernaient une autre catégorie de population, l’examen médico-légal ou les autres types de maltraitances. A partir de ces 11 articles, 80 signes non spécifiques d’ASenfance ont été retenus (Annexe). Ils ont été regroupés en 7 catégories selon les données de la littérature : signes généraux, signes comportementaux généraux / syndrome psycho traumatique, signes comportementaux sphère sexuelle, signes comportementaux sphère relationnelle, signes comportementaux sphère scolaire, troubles des conduites, signes sphère génito anale. Parmi les 45 enfants victimes d’ASenfance au sein du réseau de pédophilie, 17 dossiers complets ont été étudiés. Ces 17 enfants constituent notre population d’étude. Au moment de leur arrivée au foyer de l’enfance, les enfants avaient entre 5 mois et 10 ans, avec un âge moyen de 5 ans et 8 mois. Il y avait 14 filles et 3 garçons.
Les Indices de Masse Corporelle (IMC) ont pu être calculés chez 14 enfants au moment de leur arrivée au foyer de l’enfance (Figure II). 6 enfants (36%) avaient un IMC inférieur au 10ème percentile. Dans la population générale, il y a 6% des enfants en insuffisance pondérale (<3ème percentile soit – 2DS) ou en obésité (>97ème percentile soit +2DS) contre 21% dans notre population. La grille de 80 signes a été appliquée au fur et à mesure de la lecture de chaque dossier. Chaque signe a été répertorié comme étant présent ou absent. Ensuite, des moyennes ont été réalisées pour chaque signe (Figure III). 40% des signes n’ont pas été retrouvés dans les dossiers des enfants victimes d’ASenfance malgré leur description dans la littérature (Tableau I).
Forces et faiblesses de l’étude
Ce travail propose un outil original, qui pourrait être utilisé par chaque professionnel de l’enfance quelle que soit sa formation initiale. Sa simplicité de mise en oeuvre pourrait faciliter sa diffusion. L’application de cette grille à des dossiers d’enfants reconnus victimes d’ASenfance par la justice est un travail novateur. En effet, aucune étude n’a jusqu’à maintenant proposé d’outil confronté à sa mise en pratique. Choisir les dossiers d’enfants reconnus victimes judiciairement et observés par des professionnels dans un même contexte de vie a permis de limiter les biais de sélection et de recueil. Malgré tout, cette étude a présenté plusieurs limites. Les enfants inclus étaient confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Les signes qu’ils présentaient étaient au croisement de plusieurs sémiologies : celle du traumatisme, celle du secret, celle du temps judiciaire, celle de l’inceste, celle du placement avec le stress et la séparation avec la famille. Le sexe ratio de 3 garçons pour 14 filles n’est pas représentatif de celui de l’ASenfance qui serait plus proche de 1 pour 2 (20).
L’ASenfance touche toutes les catégories socio-professionnelles (12) ce qui n’était pas le cas de notre population dont les familles étaient carencées. Ils ont tous été victimes du même réseau de pédophilie. La fréquence, le lien de l’enfant avec l’agresseur et le type d’abus sexuel (avec ou sans contact) n’ont pas été pris en compte dans l’étude, comme dans la littérature. L’ASenfance peut concerner des viols répétés pendant des années par un membre de la famille comme un attouchement unique par un inconnu. Il y a peu de données sur l’importance des séquelles en fonction de la répétition et du lien avec l’agresseur mais tout abus sexuel entraîne un traumatisme c’est pourquoi nous n’avons pas sélectionné les enfants selon le type d’abus. L’âge des enfants était de 5 ans et 8 mois en moyenne. Parmi les 32 signes de la littérature non décrits dans les dossiers, 4 d’entre eux ne pouvaient pas être retrouvés en raison du jeune âge des enfants concernés : grossesse précoce, déni de grossesse, IVG et crainte d’une grossesse. Contrairement à ce qui était attendu, la sphère sexuelle était la catégorie la moins représentée (signes comportementaux de la sphère sexuelle et sphère génito-anale).
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Table des matières
INTRODUCTION
MÉTHODES
RÉSULTATS
DISCUSSION
Résultats principaux
Confrontation à la littérature
Forces et faiblesses de l’étude
Implications futures
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
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